République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8714-A
Rapport de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner la parcelle 1362, plan 44 de la commune de Vernier, pour 2'500'00F

Premier débat

Le président. Madame Künzler, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. Evidemment, puisqu'il s'agit d'un rapport oral !

Il s'agit, pour cette série de projets, de rapports non écrits... Et je ne tiens pas vraiment à m'en excuser ici ! En effet, nous les avons votés hier soir pendant la pause, et je trouve ce mode de faire assez regrettable ! Je crois que la présidente de la commission a pris maintenant des mesures pour que le rythme de ces projets de lois soit adapté à celui de ce parlement... Il n'est en effet pas possible d'avoir sans arrêt des rapports à voter le soir même de la plénière, alors que les députés n'ont pas les documents en main ! Je trouve cela tout à fait anormal !

J'en arrive au projet de loi 8714. Il s'agit d'un petit immeuble des années 50, situé à Vernier, qui subit le bruit des avions. La fondation l'a acquis le 20 octobre 2001 à 2,2 millions en passant déjà une perte de 3 040 000 F. Cette perte est diminuée de 215 000 F par la vente soumise à votre approbation: la perte effective sera donc de 2 825 000 F.

Cette vente a suscité une discussion autour du potentiel de valorisation, une commissaire estimant choquant qu'on intègre le potentiel de valorisation dans le prix de l'immeuble, c'est-à-dire qu'on anticipe les hausses potentielles de loyer comme étant des choses normales et inévitables. D'autres estiment au contraire qu'il est normal d'intégrer ce potentiel pour ne pas laisser le seul bénéfice de cette hausse à l'acquéreur.

Cela a été accepté par six voix contre une. Par conséquent, la majorité de la commission vous demande d'accepter le projet de loi amendé, le prix de vente passant à 2 415 000 F.

Mme Alexandra Gobet Winiger (S). J'aimerais corriger légèrement les propos de la rapporteuse sur la raison qui nous conduit à nous opposer à ce projet de loi.

Dans cette circonstance, les socialistes se sont trouvés face à deux intérêts publics qui méritent tous deux notre attention: l'intérêt de la Fondation de valorisation, bien entendu, à encaisser des montants qui viennent amortir ses dettes - c'est un intérêt public, cela ne fait aucun doute - mais aussi un autre intérêt public que les socialistes défendent depuis longtemps: la sauvegarde du parc des logements bon marché. En l'occurrence, nous sommes dans une situation où les loyers correspondent aux besoins prépondérants de la population. Nous étions donc confrontés au choix suivant: soit l'intérêt financier de réduire une perte de 200 000 F, soit essayer de sauvegarder les loyers de cet immeuble à leur niveau. Et nous trouvions particulièrement cynique que la valorisation consiste, en fait, à porter ces loyers au plafond autorisé par la LDTR.

C'est la raison pour laquelle nous avons refusé ce projet de loi.

M. Carlo Sommaruga (S). Dans le prolongement de ce que vient de dire ma collègue, j'insiste pour relever que ce projet de loi pose problème.

En examinant plus attentivement le dossier, on constate tout d'abord que le taux de rendement de l'immeuble est supérieur à celui qui est autorisé par le Code des obligations pour les objets de type locatif.

La manière dont on est arrivé à fixer le prix de vente laisse songeur... Une expertise extérieure a été effectuée, mais comme elle a été jugée insatisfaisante, c'est un membre du conseil de fondation qui a établi une deuxième expertise. On ne sait pas sur quelle base naturellement... Il est un peu surprenant de constater que ce sont les membres mêmes du conseil de fondation qui établissent l'expertise lorsque, finalement, ce conseil considère que celle demandée à l'extérieur n'est pas adéquate par rapport à l'objectif de vente !

Cela dit, la question de l'application de la LDTR nous préoccupe. Nous ne pouvons pas, parce que la fondation a un objectif général de valorisation et de vente au meilleur prix des immeubles, faire fi d'autres objectifs et d'autres règles légales de ce canton. Il y a notamment la défense du logement bon marché accessible à l'ensemble de la population. C'est justement la LDTR qui la garantit. Il n'est dès lors pas question de permettre à une fondation quelle qu'elle soit, notamment une fondation d'utilité publique, de bénéficier d'un traitement qui n'est pas celui qui est réservé à l'ensemble des intervenants sur le marché.

Dans le dossier en question, il est choquant de constater que l'on envisage, finalement, d'inclure dans le prix une augmentation future des loyers (réserve locative) sans qu'il y ait à la clé un projet de rénovation qui soit déjà autorisé par le DAEL. En fait, on parle d'une réserve locative possible et d'une augmentation possible des loyers, mais, au fond, rien ne garantit que des travaux de rénovation seront entrepris. Il y a donc là quelque chose de préoccupant, et le groupe socialiste estime que cette manière de faire ne peut pas être avalisée sans autre.

La fondation dispose de moyens pour agir: elle peut elle-même demander la valorisation de l'immeuble par l'obtention d'une autorisation de construire et de rénovation et vendre ses immeubles avec l'autorisation. Cela permet de garantir que ces loyers seront augmentés en fonction d'une plus-value réelle des immeubles. Elle ne peut pas se contenter d'une simple déclaration d'une possible augmentation, qui sera mise en application par le nouvel acquéreur après un simple barbouillage des pièces au changement de locataire.

Dans ces conditions, le groupe socialiste s'opposera à ce projet de loi et à la vente de cet objet.

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. Je suis attachée au logement social, mais en l'occurrence vous avez dit deux ou trois inexactitudes, et je vous renvoie à ce sujet au projet de loi. Les socialistes auraient en effet dû regarder un peu plus attentivement qui avait effectué les expertises. Et celles-ci sont extrêmement élevées - plus élevées que le prix de vente !

Vos inquiétudes sont donc partiellement infondées puisqu'un mandataire de votre bord expertise cet immeuble à 2,8 millions, un autre l'expertise à 2,6 millions et, finalement, il est vendu à 2,415 millions, donc en dessous du prix extrêmement élevé qui était demandé au départ. C'est vrai, la hausse potentielle des loyers est intégrée, mais comme je l'ai déjà expliqué, pourquoi laisser ce bénéfice à l'acquéreur plutôt qu'à la collectivité ? En l'occurrence, on ne dépasse absolument pas le prix LDTR. Ce qui est prévu, c'est l'augmentation potentielle maximale autorisée: rien d'autre ! On ne pouvait de toute façon pas faire de travaux sur cet immeuble qui est dans un état vraiment lamentable et, par ailleurs, je ne pense pas que l'augmentation sera très élevée vu la situation de cet immeuble qui se trouve sous le passage des avions.

Je ne pense pas qu'il soit opportun de s'opposer à cette vente, qui ne changera rien à la situation malheureuse des locataires.

La loi 8714 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.