République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 septembre 2002 à 20h40
55e législature - 1re année - 11e session - 58e séance
PL 8754 et objet(s) lié(s)
Préconsultation
M. Pierre Kunz (R). Les scandales qui ont frappé récemment de très grandes entreprises multinationales - en Europe et dans le monde - ne doivent pas nous laisser croire que les collectivités publiques helvétiques, par contraste, constituent des modèles de clarté, d'intégralité et de sincérité comptable, ni qu'elles sont des exemples en matière de gestion. S'il est vrai qu'à Genève la situation s'est considérablement améliorée depuis l'arrivée de Mme Calmy-Rey au département des finances, la manière dont sont traitées - au plan financier et comptable - les relations triangulaires entre l'Etat, la BCGe et la Fondation de valorisation reste sujette à caution. La loi du 19 mai 2000 - on s'en aperçoit maintenant - nécessite une réévaluation. C'est ce qu'ambitionnent de faire les projets de lois 8754 et 8796.
Je m'intéresserai plus particulièrement au projet 8754, projet de loi avec lequel les radicaux entendent soumettre au Grand Conseil un problème qui concerne directement les relations entre l'Etat, la BCGe et la fondation, mais qu'on retrouve aussi dans d'autres sphères de l'Etat: il s'agit de l'habitude prise par l'Etat de faire emprunter - par des établissements autonomes ou des fondations accomplissant, pour le compte de cet Etat, les missions qui lui sont confiées par le parlement ou le peuple - l'argent dont il a besoin pour fonctionner.
Cette manière de fonctionner, Mesdames et Messieurs les députés, présente un double inconvénient. Premièrement, l'Etat fait ainsi figurer hors bilan une partie de sa dette - contrairement aux règles de la transparence comptable, aux règles IAS en particulier.
Deuxièmement, ce qu'il faut bien appeler des sociétés écrans de l'Etat - comme chez Enron - en arrivent à emprunter sur le marché des capitaux à un taux d'intérêt supérieur à celui que l'Etat pourrait obtenir en intervenant lui-même plutôt qu'en donnant sa caution - ceci évidemment aux frais du contribuable, appelé en dernière analyse à régler la facture.
Par contre, cette façon de procéder n'offre aucun avantage pour l'Etat si ce n'est de réduire «optiquement» - et avantageusement pour certains - l'ampleur réelle de son endettement. Une ampleur qui n'échappe pas, bien sûr, aux sociétés de cotation qui notent Genève sur les marchés financiers. On comprend ainsi que la notation sur les marchés ne baissera pas lorsque les principes de transparence et d'intégralité de la dette publiée seront respectés: bien au contraire !
Mesdames et Messieurs, s'agissant du cas précis de l'article 9 de la loi fondant la Fondation de valorisation, les radicaux vous proposent d'enlever à la fondation la prérogative - au demeurant fictive: Mme Calmy-Rey décide déjà maintenant de tout - d'emprunter directement sur le marché. Les Genevois y verront plus clair et la facture BCGe sera un petit peu moins salée. Merci de votre attention.
M. Albert Rodrik (S). Je parlerai dans l'ordre des deux projets.
Le projet de M. Kunz, tout d'abord, m'apparaît péremptoire et simpliste. A l'évidence, M. Kunz connaît tous les mécanismes des marchés financiers. Mesdames et Messieurs, permettez-moi de rappeler quelques notions élémentaires: les taux que l'on peut obtenir sur un marché des capitaux sont fonction d'un certain nombre de facteurs. Notamment, les taux dépendent du moment où l'on intervient sur le marché et de la sollicitation du marché à ce moment-là - c'est-à-dire de l'abondance ou de la rareté des capitaux. Ensuite - M. Kunz en a parlé - la qualité de l'emprunteur, c'est-à-dire celle du débiteur futur, entre en jeu. Sur ce point, il est vrai que, depuis quelques années et grâce à la gestion de qui vous savez, l'Etat de Genève est un bon emprunteur, bien coté. Mais la médaille a un revers: on peut estimer qu'un bon emprunteur bien coté occupe une position lourde, alourdie par ses emprunts... Durant des décennies et contrairement à d'autres cantons, on a eu tendance à faire de l'Etat de Genève une espèce d'emprunteur public unique, au détriment des taux d'intérêt obtenus pour la collectivité genevoise. On a depuis allégé quelque peu cela, parce qu'il faut une délicate balance, Monsieur Kunz, entre le fait d'être sur le marché en tant qu'Etat bien coté et le fait de ne pas trop alourdir l'ardoise de l'Etat emprunteur. Il s'agit d'un équilibre fin et délicat, pour lequel on ne peut pas administrer les remèdes de cheval que vous préconisez, mais qui requiert de la confiance. On trouve, plus rarement, d'autres emprunteurs publics sur le marché et pour des sommes moindres, mais il n'y a aucun intérêt pour le contribuable genevois à ligoter de cette manière la capacité d'emprunt de la collectivité genevoise.
En ce qui concerne votre deuxième projet, je voulais vous dire encore, Monsieur, qu'en inventant - avec d'autres - une espèce de corset à baleines comme ceux qu'affectionnaient nos compagnes à la fin du XIXe siècle, vous voulez que la fondation n'achète rien, qu'elle vende au meilleur prix et rapidement, mais vous alourdissez en même temps l'article 80A de la constitution. De quoi parlez-vous donc, Monsieur ? Je vais vous le dire: un troisième projet n'est pas discuté aujourd'hui, qui consiste à «refiler» 2,7 milliards à la Banque cantonale pour qu'elle soit absoute de toute responsabilité dans cette affaire. Quel beau cadeau ! Ce projet n'est pas parvenu jusqu'ici, heureusement, mais on y avait consacré du temps en commission.
En réalité, Mesdames et Messieurs, derrière ces deux projets se cache la volonté d'instruire à terme le procès d'une mauvaise gestion des finances, d'une augmentation de la dette et d'un remboursement insuffisant, alors même que cette conseillère d'Etat est la première de l'histoire de Genève à avoir parlé de remboursement, à avoir remboursé la dette et à avoir apporté cette moralité dans notre vie publique, qui consiste à dire que les collectivités publiques - comme les particuliers et les entreprises - doivent rembourser - comme elles peuvent - ce qu'elles empruntent. Et face à cette gestion, vous préparez un procès d'intention en vue des élections 2005 ! C'est bien de cela qu'il s'agit... (Protestations.)...Je ne vois pas d'autre justification à ces projets de lois, qui ne font que ligoter l'Etat, la BCGe et la fondation. Vous voulez pouvoir dire que ces affaires sont mal gérées, parce que sinon vous ne voyez pas comment vous en prendre à une gestion de qualité. Mesdames et Messieurs, à moins qu'on nous apporte des éléments chiffrés et expliqués, nous ne tolérerons aucune modification de la loi du 19 mai 2000, qui a fait ses preuves... (L'orateur est interpellé.)On verra bien, et si c'est cette majorité qui abuse, nous saurons le dire publiquement !
Le président. Monsieur Rodrik, ne vous laissez pas interpeller comme cela !
Mme Michèle Künzler (Ve). Nous nous en tiendrons à quelques principes.
C'est vrai, le premier projet est assez simpliste. Selon nous, l'Etat ne doit pas jouer un rôle de banquier auprès des fondations - qu'il s'agisse des fondations immobilières de droit public, de l'Hospice général ou d'autres fondations. Ces fondations sont autonomes, c'est un principe fondamental. Dans l'absolu, on pourrait imaginer que l'emprunt d'une grande masse d'argent soit obtenu à meilleur marché. En réalité, la dette augmenterait tellement que le taux serait finalement défavorable. Ce type de proposition est donc assez inutile. En outre, nous pensons que la BCGe doit participer au rétablissement de sa santé financière. Et il est simplement incorrect de penser que tout remboursement est impossible. Nous ne savons pas comment la banque va évoluer. Le marché immobilier peut très bien évoluer dans un sens d'abord favorable et il y aura peut-être lieu alors de diminuer la provision de 2,7 milliards. N'allons donc pas offrir un cadeau avant de savoir s'il est nécessaire de le faire - à plus forte raison dans la mesure où il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation de remboursement. Quant à nous, nous pensons qu'il normal que la BCGe participe à son propre assainissement. De toute façon, soyons réalistes: replacer une telle somme sur le marché actuel est une utopie. (Brouhaha.)
Concernant le deuxième projet, force est de constater qu'il est beaucoup plus complexe. Mais pour nous, il n'y a aucune raison d'augmenter les frais pour la collectivité. Voyons d'abord comment cela peut évoluer. Pour le reste, le principe de partage des frais a été établi par la loi. Et, je le répète, il est normal que la BCGe participe à son assainissement. Quant au volet immobilier, le projet de loi 8796 nous prédit une étatisation des sols. Franchement, après avoir siégé à la commission de contrôle pendant une année, je ne vois toujours pas où se cache cette étatisation. La Fondation de valorisation veut vendre au mieux, l'Etat veut acheter au mieux, et ces deux volontés ne se rencontrent jamais ou quasiment jamais - ce que personnellement je regrette. Ainsi, les projets proposés visent surtout à mettre les bâtons dans des roues de la fondation. Il est d'ailleurs assez curieux de voir comment ils traitent le problème immobilier. Dire que chaque fois que la fondation achète quelque chose, elle doit vendre quelque chose, pour les tenants du libre marché que vous êtes, correspond quasiment à une soviétisation du marché ! Il est clair que le marché n'est pas si simple: il n'y a pas un acheteur qui s'annonce et un vendeur qui arrive quelques semaines plus tard ! Cette proposition est complètement ridicule ! De toute façon, puisque ces deux projets iront en commission, je reprendrai la conclusion de M. Kunz, mais pour l'appliquer à ces deux projets: arrêtons donc avec ces propositions «coûteuses et malsaines», et je crois que c'est le but que nous poursuivrons en commission !
M. Souhail Mouhanna (AdG). Le projet de loi 8796 apporte un éclairage puissant aux contradictions de leurs auteurs - et notamment du groupe radical - et je vous proposerai ici quelques éléments de démonstration.
Par de tels projets de lois, on tâche de nous faire oublier la catastrophe que représente, pour l'Etat et les contribuables, la gestion calamiteuse et désastreuse de la BCGe. On a demandé à l'Etat de contribuer à l'assainissement de la BCGe et l'Etat a fourni 2,7 milliards de provision, précisément en prévision des pertes. Ces pertes-là, qui sont couvertes par l'Etat, seront en fait couvertes par les contribuables genevois. Dès lors, sachant que la BCGe - rappelons-le - n'est pas l'Etat de Genève - puisque l'Etat n'en est pas l'actionnaire unique - il est tout à fait normal que les autres actionnaires de la BCGe puissent contribuer à l'amortissement de ces pertes.
Je suis donc étonné de lire dans ce deuxième projet de loi - je pars de l'hypothèse que le deuxième projet remplace le premier... (L'orateur est interpellé.)Oui, peut-être, mais il faut mieux formuler, Monsieur Kunz. Vous avez l'habitude des formules à l'emporte-pièce, de telle sorte que personne ne vous comprend plus, et vous ne craignez pas les contradictions. Laissez-moi vous en citer une ou deux. Vous dites par exemple que les pertes qui seront enregistrées par la fondation doivent être couvertes par l'Etat. Mais, en même temps, vous voulez abroger l'article 11 et supprimer la réserve de l'article 12, alinéa 1, selon laquelle «les pertes sur la réalisation des actifs transférés sont prises en charge par l'Etat sous réserve des contributions de la BCGe, en fonction de sa situation financière». Ainsi, vous voulez que l'Etat participe aux pertes, voire à la totalité des pertes, mais, dès qu'une meilleure situation s'offre à la BCGe, que des bénéfices se profilent - même après les dividendes - vous ne voulez pas que la BCGe participe à son tour à l'amortissement des pertes occasionnées par la gestion de qui vous savez.
Votre position est tout de même curieuse ! D'un côté vous voulez que l'Etat prenne en charge les pertes, de l'autre vous voulez priver l'Etat de ressources: on a entendu tout à l'heure des interventions concernant la Halle 6 - les 35 millions en question. Vous voulez donc priver l'Etat des ressources financières qui lui permettent précisément de répondre à ses obligations. Vous avez déposé un projet de loi concernant l'établissement du budget de l'Etat, par exemple, où l'Etat est censé se retrouver coincé dans une espèce de corset en acier à rétrécissement automatique, et en même temps vous continuez à exiger de l'Etat qu'il prenne sur lui la totalité des pertes de la BCGe.
Et puis je vous rappelle tout de même que la fondation est une Fondation de «valorisation des actifs», ce qui signifie qu'elle tâche de vendre au meilleur prix, de façon à ce que les contribuables genevois aient à assumer un minimum de pertes. Du moins, c'est ainsi que je le comprends. Or, vous essayez d'aboutir à un bradage des objets immobiliers ! Parce que, évidemment, les 2,7 milliards de pertes ne sont pas suffisants: il faut perdre davantage, pour encore faire des cadeaux supplémentaires à un certain nombre de milieux immobiliers ! Ceci est totalement inacceptable ! Il faut tout de même mettre les points sur les i: vous voulez brader le patrimoine et les objets aux mains de la fondation, infliger des charges supplémentaires à l'Etat et en même temps priver celui-ci des ressources dont il a besoin. Autrement dit, vous essayez d'arriver à une situation dans laquelle vous allez pouvoir vous attaquer au rôle social de l'Etat. C'est ce que j'appelle le démantèlement de l'Etat social. Comptez sur nous pour nous y opposer. Il n'est pas question d'accepter que les contribuables genevois supportent la totalité des pertes occasionnées par la gestion calamiteuses de personnes qui sont proches de vos milieux. Et ne vous étonnez pas d'un éventuel référendum !
M. Mark Muller (L). Vous pourrez lancer un référendum, Mesdames et Messieurs, contrairement à nous, il y a deux ans, lorsque vous avez voté une clause d'urgence qui nous a empêchés - au mépris de toute règle démocratique - de lancer un référendum contre une loi qui engageait l'Etat pour 5 milliards de francs. Ne venez donc pas nous donner des leçons de démocratie ce soir, s'il vous plaît ! (Brouhaha.)
M. Rodrik nous informe que, pour la première fois dans l'histoire, Mme Calmy-Rey aurait réduit la dette de l'Etat de Genève. Eh bien, Mme Calmy-Rey a augmenté cette dette en «planquant» - permettez-moi l'expression - plus de 2,5 milliards de dettes dans une fondation de droit public - c'est-à-dire en externalisant une dette qui doit, en réalité, faire partie du giron de l'Etat. Les instituts de cotation ne s'y sont d'ailleurs pas trompés: ils évaluent la valeur de l'Etat sur le marché financier en tenant compte de cette dette. Ne venez donc pas nous dire que la dette de l'Etat de Genève a diminué ces dernières années: là encore, c'est une contrevérité.
Quelques mots maintenant sur les deux projets de lois qui nous sont soumis. S'agissant du projet de loi radical, nous l'examinerons avec beaucoup de bienveillance en commission. Il est vrai qu'il y a quelques contradictions entre les deux projets de lois, raison pour laquelle nous avons demandé qu'ils soient joints et renvoyés en même temps en commission, de façon à les examiner en une seule et même fois. Le volet le plus intéressant - car le moins technique - de ces projets de lois concerne l'aspect financier, signé par les groupes libéral, radical et UDC. Il ne s'agit pas ici de brader quoi que ce soit. Au contraire, il s'agit d'éviter deux choses que nous voulions déjà éviter à l'époque de l'adoption de la loi: l'étatisation du sol ainsi que l'utilisation à des fins politiques ou sociales des immeubles transférés à la fondation.
Malheureusement, dans ces premiers mois de législature, nous avons constaté que l'on risque une certaine étatisation du sol à moyen terme. Admettons que la fondation devienne propriétaire de 200 ou 250 immeubles, d'ici un an environ, et que le marché immobilier s'effondre: que va faire la fondation ? Elle n'aura aucun moyen de les revendre à des conditions acceptables, et nous craignons que, puisque ces immeubles et les pertes qui y sont liées ont été financés par le contribuable, lesdits immeubles se voient effectivement étatisés et confiés à l'Etat. C'est exactement ce que nous voulons éviter en proposant qu'à mesure que la fondation achète des immeubles, elle en cède d'autres. Pas le jour même, mais dans un délai d'un à deux ans, évidemment: on ne va pas demander à la fondation de vendre aveuglément des immeubles.
Quant à l'utilisation à des fins politiques de cette fondation, je citerai un exemple tout à fait concret. Le cas de la parcelle du Foyer, à l'avenue Blanc, dans le quartier de Sécheron illustre parfaitement ce que nous craignions déjà à l'époque. L'Etat, la Ville de Genève et la fondation s'entendent comme larrons en foire pour que seule la Ville puisse acheter cet immeuble, à des conditions financières très en dessous de la valeur vénale effective de cette parcelle. Si un PLQ prévoit qu'environ 20% des immeubles qui pourront être construits doivent être affectés à des crèches, à des locaux d'activités sociales diverses et variées, il est évident que seule une collectivité publique s'y intéressera. C'est donc la collectivité publique qui fixe son prix. Et nous, à la commission de contrôle de la fondation, on ne peut qu'accepter ce qui est proposé, dans la mesure où on ne peut pas intervenir. Nous proposons donc un contrôle accru du Grand Conseil sur les opérations qui visent à vendre des immeubles à des collectivités publiques, toujours dans l'optique de poursuivre les buts de cette fondation, qui est une Fondation de valorisation, et rien d'autre.
Enfin, d'un point de vue purement formel, nous demandons que ces deux projets soient renvoyés à la commission de contrôle de la fondation, et non pas à la commission des finances.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Ces deux projets soulèvent certainement des questions pertinentes. Du reste, dans les deux cas, ces questions ont déjà été posées au sein de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation. C'est notamment le cas du projet de loi déposé par M. Kunz. Une explication détaillée nous a été fournie en commission. Apparemment, cette explication n'est pas parvenue aux oreilles de tous les députés et elle n'a en tout cas pas convaincu M. Kunz puisqu'il nous saisit aujourd'hui de ce projet de loi. Sur ce point, je me rallie aux propos de M. Rodrik. Lorsque les auteurs du projet nous disent que cette pratique est inutilement coûteuse pour le contribuable, c'est totalement faux. Ainsi qu'il a été expliqué en commission, si l'Etat devait emprunter, cela dégraderait certainement la cote qu'il a sur le marché, ce qui entraînerait une augmentation des taux d'intérêt proposés à l'Etat. La solution est donc apparemment la bonne, et s'il faut fournir encore une explication devant une autre commission, on le fera. En tout cas, le groupe démocrate-chrétien n'est absolument pas convaincu par la pertinence de ce projet.
Concernant le second projet - projet de loi radical, libéral et UDC - certaines questions pertinentes sont également posées. Notamment, le volet financier de ce projet nous a troublés. Il semble en effet qu'un certain nombre de dossiers ont été transférés à la fondation après coup, sans l'aval de la commission et sans que la commission puisse intervenir. Nous avons effectivement voté devant ce Grand Conseil une limite à 5 milliards, nous avons voté un cadre et nous avons pu avoir l'impression - au vu des transferts qui ont été faits à la fondation - qu'on débordait de ce cadre et que les compétences et droits octroyés par le Grand Conseil étaient outrepassés. Cet élément pourra être étudié attentivement en commission.
Quant aux coûts de fonctionnement de la Fondation de valorisation - en théorie assumés par la BCGe - il me semble par contre que le projet entame un mauvais procès. D'une part, ces coûts ne sont assumés qu'en théorie par la BCGe - je vous rappelle que jusqu'ici l'Etat a assumé les coûts, non pas la BCGe. Pour l'heure, la Banque cantonale ne voit donc pas sa compétitivité freinée par ces coûts de fonctionnement. D'autre part, je vous rappelle que nous avons délesté la BCGe d'un certain nombre de dossiers à risques, et qu'il semble qu'on a plutôt contribué à sauver la BCGe... (L'oratrice est interpellée.)Monsieur Barrillier, vous pourrez prendre la parole tout à l'heure - votre groupe l'a déjà fait - mais je vous prie de me laisser parler.
Une certaine incohérence se manifeste dans ce projet de loi - ainsi que l'a relevé M. Mouhanna. Dans un sens, on refuse que la BCGe ait à assumer les coûts de fonctionnement de la fondation - cela freinerait sa compétitivité - mais dans un autre sens il paraît tout à fait normal de bloquer entièrement tout transfert: si l'on découvre certains dossiers à risque, susceptibles de mettre en péril la BCGe, il n'est bien sûr plus question de transférer ces dossiers, et ce genre de cas de figure doit pouvoir être étudié avec l'aval du Grand Conseil.
Quant au volet immobilier, il est bien clair que la vocation de la Fondation de valorisation n'est pas d'être le premier agent immobilier ou propriétaire du canton. Néanmoins, la mission de la fondation est délicate: la loi lui demande d'aliéner au mieux des intérêts de l'Etat. La fondation dispose d'environ 1 400 objets à aliéner et elle ne doit ni les brader ni proposer des prix trop élevés qui l'empêchent de vendre - ce qui lui coûterait trop cher à l'entretien. Or, en un an et demi de fonctionnement, la fondation ne s'en est pas mal tirée. Elle a effectivement acquis en son nom propre un certain nombre d'objets, mais l'histoire a montré qu'elle avait eu plutôt raison de le faire. On ne peut donc lui en faire le reproche. De fait, la solution proposée par le projet de loi 8796 est un corset qui empêchera la fondation de s'adapter à la réalité du marché, et à notre avis cette disposition est dangereuse.
Je conclurai enfin sur les propos de M. Mark Muller, propos qui m'ont un peu interloquée. M. Muller a fait allusion au référendum qui n'a pu être lancé à l'époque contre la loi instituant la Fondation de valorisation: pour ma part, je sens dans les projets proposés actuellement un arrière-goût revanchard qui ne me plaît pas du tout. (Applaudissements.)
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Concernant le volet immobilier, Mme Ruegsegger a résumé très clairement les enjeux pour la Fondation de valorisation. J'ajouterai une chose, Monsieur Muller: à force de tout vouloir contrôler, vous finissez par avoir le nez sur le guidon, ce qui vous empêche de voir l'essentiel de la politique immobilière menée par la Fondation de valorisation.
Concernant maintenant le volet financier, les relations triangulaires sont traitées à travers une convention qui lie l'Etat de Genève, la Fondation de valorisation et la BCGe. Le montage financier a été évalué par l'institut de notation. Celui-ci a estimé que le montage était bien fait et le recommande à d'autres collectivités publiques dans la même situation. Par conséquent, on ne peut accuser notre montage financier d'un manque de transparence ou de lisibilité pour les contribuables.
A ce propos, laissez-moi apporter quelques précisions: les créances douteuses ont été transférées de la BCGe à la Fondation de valorisation et un prêt a été contracté par la BCGe pour financer le transfert de ces créances douteuses. Les dispositions sont les suivantes: les pertes occasionnées par ces créances douteuses sont à la charge de l'Etat de Genève, qui a provisionné - vous le savez - 2,7 milliards dans les comptes 2000 et qui, au fur et à mesure, passe les pertes. En outre, l'Etat de Genève avance les montants nécessaires au fonctionnement de la Fondation de valorisation - y compris le différentiel entre les intérêts passifs et les états locatifs. Cela signifie que ces charges relèvent théoriquement de la BCGe, et non de l'Etat de Genève. Sur ce plan, l'opération est censée être - passez-moi l'expression - «autoportée».
Les projets de lois aujourd'hui déposés entraînent la conséquence suivante: les intérêts passifs et les frais de fonctionnement de la Fondation de valorisation seraient directement supportés par l'Etat de Genève et non plus par la BCGe, c'est-à-dire par le contribuable. Permettez-moi de trouver cela véritablement inacceptable. Ce d'autant que la capacité de la banque n'est pas remise en cause puisque, évidemment, l'Etat de Genève n'a pas pour objectif de tuer la banque qu'il a sauvée. Par conséquent, nous sommes très larges sur les modalités de remboursement de ces avances. A l'heure actuelle, la banque n'a payé que très partiellement les avances que l'Etat de Genève lui a concédées. Or, mettre ces intérêts passifs à la charge du contribuable ferait réapparaître dans le compte de fonctionnement de l'Etat ces charges - qui peuvent être très élevées. Excusez-moi de le dire, mais il me paraît encore une fois inacceptable de faire supporter au contribuable - en plus des pertes - les avances que l'Etat a fournies à la banque.
Enfin, la proposition qui est faite n'accélère en rien le paiement de la dette. Aucune disposition dans les projets de lois ne concerne ce point. L'Etat de Genève, vous le savez, n'emprunte pas pour financer les pertes: il le fait aujourd'hui à partir de ses excédents de liquidités. Et rien, dans le projet, ne dit que l'Etat devrait accélérer le paiement des pertes. De ce point de vue, la situation resterait strictement la même. Nous n'augmenterions pas la dette de l'Etat - en plus ce n'en est pas une, puisque la Fondation de valorisation est bien une fondation distincte de l'Etat. Ceci est clair pour tout le monde.
Mesdames et Messieurs, je voudrais pointer encore un défaut dans le projet de loi de M. Kunz - défaut qui n'apparaît pas, d'ailleurs, dans le second projet. Vous dites, Monsieur Kunz, que le financement de la fondation est assuré par l'Etat de Genève ou par les emprunts de la BCGe, et vous excluez tout financement par une autre institution. Cela signifie que vous nous interdisez tous les efforts faits actuellement pour sortir le financement de la Fondation de valorisation hors de la BCGe - ce qui permet d'alléger les engagements de la BCGe vis-à-vis de la fondation et lui permet de financer des PME dans le canton. Ceci est une très grave erreur ! Vous avez clairement supprimé ce passage-là de l'article 9 et il s'agit là d'un gros défaut.
Mesdames et Messieurs, je crois sincèrement que le montage financier que nous avons mis en place est un bon montage financier. Si vous voulez, Standard & Poors viendra témoigner ici de la construction que nous avons mise en place - puisqu'il la propose en exemple à d'autres collectivités. Je suis également prête à vous en expliquer les détails mais, de grâce, ne faites pas supporter encore au contribuable genevois le poids des avances que nous faisons à la BCGe. Quand celle-ci pourra rembourser, quand elle fera des millions de cash-flow, vous serez tout contents de lui demander de rembourser un peu. Je trouve inacceptable cette prise de position a priori qui charge le contribuable. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons voter sur la proposition de renvoi de ces deux projets à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation.
Mis aux voix, le renvoi des PL 8754 et 8796 à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe est adopté.