République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1455
Proposition de motion de Mmes et MM. Pierre-Louis Portier, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Claude Blanc, Hubert Dethurens, Pascal Pétroz, Stéphanie Ruegsegger, Patrick Schmied, Gabriel Barrillier, Thomas Büchi, René Koechlin, Mark Muller, Jean-Claude Egger, Guy Mettan relative à l'exploitation des surfaces/volumes disponibles au-dessus des axes routiers ou des voies ferrées

Débat

M. Pierre-Louis Portier (PDC). L'exiguïté de notre territoire n'aidant pas à résoudre les épineux problèmes que nous devrons affronter, tels que la pénurie de logements, le peu de surfaces encore disponibles pour l'installation de nouvelles entreprises, institutions ou équipements publics, ou encore le manque d'espaces verts dans certains quartiers, nous oblige à devoir rechercher d'autres solutions que celles que souvent nous évoquons dans cette enceinte, c'est-à-dire la densification de la zone villas, le déclassement de la zone agricole, la surélévation des immeubles, l'aménagement de combles, etc., etc.

De plus, nous devons faire face à des procédures souvent compliquées et permettant des oppositions aussi nombreuses que déterminées.

Ce problème posé, il convient donc de formuler des propositions concrètes et tel est le but des présents motionnaires, lesquels sont persuadés qu'il existe à Genève un gisement prometteur mais certainement encore trop peu exploité, à savoir les surfaces et les volumes situés au-dessus de certains axes routiers ou ferroviaires.

Exploiter ces surfaces, c'est mettre en avant des priorités; économiser le sol - ce bien à consommer avec modération dans un petit canton comme le nôtre - améliorer la qualité de la vie en général; trouver des solutions dans la perspective d'un développement durable; lutter contre la pénurie de logements et d'autres types de locaux; conserver en milieu urbain des espaces verts non construits, là où on serait tenté, au contraire, de densifier. Enfin, mieux valoriser les petites parcelles situées de part et d'autre des axes pressentis.

Même s'ils sont encore trop rares, d'excellents exemples existent à Genève, qui ne font que renforcer notre certitude que ces aménagements sont non seulement possibles mais nécessaires et qu'ils offrent d'excellentes solutions à toutes sortes d'aménagements.

Celui qui vient immédiatement à l'esprit est la couverture des voies ferrées dans le quartier de Saint-Jean. De sa genèse à son achèvement, ce chantier a soulevé bien des passions, mais il est aujourd'hui unanimement salué comme une réussite à bien des égards. Les habitants ont retrouvé le sommeil et toute une grande surface est désormais disponible pour le développement du quartier.

La halle 6 qui se termine au-dessus de l'autoroute est l'autre exemple spectaculaire qui permet de mettre en avant l'immense surface disponible pour Palexpo, sans avoir consommé ni terrains agricoles ni zones constructibles.

Il y a enfin un autre exemple, celui de l'immeuble administratif et commercial où je me rends quotidiennement pour mon travail et qui m'a inspiré cette motion, enjambant l'avenue Cardinal-Mermillod à Carouge. Construit il y a plus de trente ans, son affectation a changé. De dépôt, il est devenu bâtiment commercial, mais, depuis le début, cet immeuble est bien intégré dans son environnement et abrite désormais plus de 600 personnes qui le fréquentent quotidiennement pour leur travail, cela sans compter la nombreuse clientèle fréquentant les différents magasins et bureaux. C'est, dans ce cas, l'exemple d'une très importante activité économique concentrée sur une faible surface et peu gourmande en terrain constructible.

S'agissant du coût de telles constructions, certes il est relativement important en raison de la nécessité de construire des dalles enjambant les routes et voies ferrées, mais je dis bien «relativement», car si vous déduisez l'économie réalisée sur le faible coût ou la non-acquisition du terrain, ces opérations sont tout à fait soutenables sur le plan économique. D'autre part, en termes de réponse aux nuisances phoniques, des constructions de ce type permettent dans beaucoup de cas des économies en matière de protection contre le bruit.

Beaucoup de villes réfléchissent à la mise en oeuvre de ces solutions. La ville de Zurich a un projet déjà fort avancé visant à la couverture de sa gare. La gauche plurielle et, en particulier, les Verts ont fait de ces solutions un argument de campagne électorale lors des dernières élections municipales à Paris. Ils souhaitent la couverture de certains tronçons du périphérique, non seulement pour retrouver des surfaces où construire, mais surtout pour permettre des passages entre les quartiers ou vers les communes environnantes, ce qui n'est, en l'occurrence, pas le moindre de leurs arguments. Car chez nous également, les quartiers actuellement gênés par la présence d'un axe à fort trafic pourraient, grâce à ces ponts, retrouver une autre vie sociale ou un autre mode de fonctionnement.

En conclusion, il ne s'agit pas de densifier encore plus certains lieux de notre agglomération mais, au contraire, de les aménager différemment. Cette motion s'inscrit dans les lignes du plan directeur communal qui vise le développement durable par la non-dispersion du bâti et l'équilibre entre constructions et espaces verts.

C'est dire, Mesdames et Messieurs les députés, que, sans tarder, nous demandons le renvoi de cette motion en commission de l'aménagement et que, d'ores et déjà, nous souhaitons une étroite collaboration avec le Conseil d'Etat pour que s'engage une réflexion complète à ce sujet.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). J'ai bien écouté vos propos, Monsieur Portier, et je dois dire qu'il est tout à fait louable de se soucier de l'aménagement de ces nouvelles surfaces à disposition ou surfaces à créer au-dessus de lieux déjà occupés.

Dans votre exposé des motifs et dans votre intervention, Monsieur Portier, vous parlez beaucoup de développement durable, de qualité de la vie, d'espaces verts, mais, malheureusement, ces termes ne sont pas repris dans les invites de votre motion, et ce sont les invites qui sont votées. Pour notre part, nous voulons que, sur des surfaces qui sont actuellement des pénétrantes vertes, comme, par exemple, le futur tracé de la voie ferrée Annemasse/Eaux-Vives, on respecte le caractère de verdure. Et lorsqu'il y aura la future ligne CEVA enterrée, qu'on y aménage aussi des zones de détente, de verdure, des pistes cyclables, ce qui est très important pour la qualité de vie que doit respecter le développement durable.

Je n'ai pas proposé d'amendement, parce que nous en avons discuté ensemble, mais j'espère qu'en commission vous tiendrez vraiment compte de cet aspect dans la deuxième invite, pour éviter qu'il n'y ait que du bétonnage. Cela me paraît très important.

M. Christian Grobet (AdG). Nous ne sommes pas du tout convaincus par cette motion qui, qu'on le veuille ou non et contrairement à ce qu'a dit M. Portier, s'inscrit dans une perspective de densification à outrance du territoire.

Nous n'excluons pas les possibilités de couvrir ponctuellement tel ou tel secteur ferroviaire ou tel ou tel secteur routier lorsqu'il y a un besoin qui peut le justifier.

L'exemple de la couverture des voies CFF à Saint-Jean a été évoqué: cela a été une opération particulièrement coûteuse - 60 millions - mais il faut reconnaître que le passage et surtout l'augmentation du trafic ferroviaire sur une ligne de chemin de fer située en plein milieu d'un quartier d'habitation pouvait évidemment justifier un ouvrage de ce type. D'autant plus si cette couverture permet de dégager des espaces supplémentaires dans des quartiers surdensifiés, ou la réalisation de certains petits équipements publics de quartier qui ne trouvent pas de terrains disponibles.

On peut évidemment aussi imaginer que de telles couvertures de l'autoroute de contournement pourraient se justifier, si on venait construire à proximité de celle-ci, contrairement aux options qui avaient été prises en son temps, à savoir de ne pas créer de nouvelles zones à bâtir en bordure de ce grand axe routier.

J'aimerais toutefois rappeler que, de manière générale, les couvertures routières accroissent sensiblement le danger pour la circulation routière. On a parlé tout à l'heure du tunnel du Mont-Blanc. Dans notre propre pays, en Suisse romande, il y a eu des accidents, et à Genève également dans le tunnel de Vernier qui, entre parenthèses, est hypersécurisé pour réagir en cas d'incendie. Mais, dans la réalité, lorsqu'un incendie se déclare sur une route où il y a un tunnel ou une tranchée couverte, ou qui est recouverte par des constructions, les automobilistes sont presque pris comme des rats dans ce type d'ouvrages. Nous pensons donc que ces réalisations ne doivent être envisagées qu'à titre tout à fait exceptionnel.

Cette solution a été retenue - à notre avis à mauvais escient, on y reviendra tout à l'heure - en ce qui concerne Palexpo. On aurait pu envisager la solution qui a été retenue s'il avait fallu agrandir le Palais des expositions et qu'il n'y avait plus eu de possibilité de construire sur les terrains jouxtant celui-ci. Mais, de manière générale, nous pensons que ce mode de construction n'est pas approprié.

Du reste, il y a eu un ou deux exemples d'immeubles qui ont été construits par-dessus des voies de circulation, heureusement fort rares dans notre ville. Ce sont des solutions qui ont été conçues pour des densifications, mais, au niveau de la qualité de l'environnement et de la qualité de l'habitat, elles ne sont pas souhaitables.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. J'accueille favorablement aussi bien la motion que les réserves de Mme Leuenberger et de M. Grobet. En effet, il y a effectivement un certain nombre d'endroits qui pourraient aisément être couverts, et nous serions gagnants s'ils l'étaient, pour autant que l'exploitation de la plate-forme soit raisonnable et cohérente. Il ne s'agit effectivement pas de créer des densités artificiellement trop élevées ou d'oublier que nous avons aussi besoin de verdure. La difficulté - c'est la raison pour laquelle vraisemblablement ce type d'ouvrages restera rare - c'est le coût. Pour la construction d'un seul immeuble, la plate-forme peut être rentabilisée, mais l'opération est peu rentable pour un plus vaste périmètre, étant donné que ce dernier doit pouvoir respirer et qu'il faut de la verdure.

Vous avez parlé de renvoyer cette motion en commission: je ne suis pas très sûr que cela soit indispensable. Je veux bien faire l'inventaire qui est demandé: cela permettra de voir les périmètres sur lesquels une telle démarche pourrait être envisagée.

Vous me permettrez juste de penser qu'il n'y a pas d'urgence et que vous laisserez au département le temps nécessaire pour faire cet inventaire.

Le président. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission: je la mets aux voix.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.