République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 août 2002 à 14h
55e législature - 1re année - 10e session - 55e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 14 h, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, Robert Cramer et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Gilles Desplanches, Erica Deuber Ziegler, Antoine Droin, Jacques Follonier, Renaud Gautier, Philippe Glatz, Mireille Gossauer-Zurcher, Michel Halpérin, André Hediger, Sami Kanaan, René Koechlin, Blaise Matthey, Souhail Mouhanna, Pierre Schifferli, Patrick Schmied, Louis Serex et Ivan Slatkine, députés.
Communication de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous n'êtes pas au complet, je prie les présents de faire passer le message à leurs collègues: théoriquement, les travaux d'aujourd'hui prendront fin vers 19 h-19 h 30. Il ne devrait pas y avoir - mais c'est vous qui, au final, le déciderez - de séance à 20 h 30. J'espère pouvoir y arriver.
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Je ferai tout d'abord une remarque de forme. J'ai été contraint de déposer un amendement, parce que j'avais omis de traiter les oppositions... Cet amendement vous a été distribué: il s'agit d'un article 4 nouveau. Et cela est dû au fait que la commission s'est décidée en deux phases.
La deuxième remarque est une remarque de fond. Je ne veux pas refaire le débat, mais j'aimerais quand même vous dire que ce projet de loi est exemplaire dans la mesure où l'écrasante majorité de la commission a suivi très fidèlement les desiderata de la commune s'agissant du déclassement en zone 4A. Et on a même été jusqu'à inscrire dans la loi - ce qui n'est pas courant - le taux d'utilisation à 0,6. Donc, pour faire suite au débat de ce matin, c'est tout de même l'illustration que nous faisons preuve d'équilibre et de raison lorsque nous sommes confrontés à la réalité. (Exclamations.)
Je propose donc au Grand Conseil d'accepter ce projet de déclassement.
M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve que ce projet continue tout à fait bien les débats houleux de ce matin parce que, comme M. Barrillier l'a souligné, ce consensus s'est construit - il faut bien le garder à l'esprit - d'une manière bien précise.
Ce consensus est parti de la commune de Carouge - oui, Monsieur Barrillier, et personne ne me contredira ! - et puis, il y a eu quelques allers et retours avec le Conseil d'Etat qui n'a pas imposé un taux d'utilisation de 1,2 comme il aurait pu le faire sans problème. Le Conseil d'Etat a souscrit au préavis de la commune, parce que ce secteur va effectivement être fortement urbanisé et qu'il n'était pas question de refaire les mêmes erreurs que celles qui ont été faites dans d'autres secteurs de la ville. Un compromis a par conséquent pu être trouvé. Jusqu'à maintenant - je touche du bois - ce compromis a tenu la route, c'est-à-dire qu'il n'a pas fait l'objet d'oppositions, si ce n'est de la part de quelques propriétaires de villas mais qui se trouvent beaucoup plus loin que le terrain en question.
Un consensus général ayant été trouvé sur cet objet, je trouve une fois de plus - peut-être est-ce parce que j'ai mal digéré le repas de midi... - assez désagréable que l'on vienne nous faire la leçon ce matin, en disant qu'il n'est pas important de se préoccuper du taux d'utilisation du sol au niveau communal, dès la mise en route des plans d'aménagement. Vous avez la preuve ici qu'il était nécessaire de passer par cette voie et que c'est une procédure adéquate.
Je le précise à l'intention des personnes qui sont nouvelles sur les bancs d'en face, notamment l'UDC: étudiez ce dossier et vous verrez que ce processus n'aurait pas pu être suivi si le Conseil d'Etat avait eu toutes les prérogatives que vous voulez lui donner !
M. Alain Etienne (S). Ce projet de loi fait partie du premier train de déclassements de la zone villas engagé par le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, afin de résoudre la crise du logement.
Certes, il était proposé une zone de développement 3, mais, suite au préavis négatif de la commune, qui a été écoutée, c'est une zone 4A avec un taux d'utilisation du sol limité à 0,6 qui a été décidée. Nous saluons cette concertation qui a abouti à un résultat positif. Le plan directeur prévoit d'ailleurs ce genre de négociation, un développement différencié qui tient compte des caractéristiques du site. Par ailleurs, les conditions du legs nous semblent également respectées.
Les socialistes soutiennent cette démarche et nous voterons ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission. Cependant, nous sommes très surpris de la position du parti libéral - à cette heure-là, les libéraux ne sont pas très nombreux... - qui soutient absolument le taux d'utilisation du sol de 1,2. Demander ici une telle densité fait peser le risque de nombreux recours et oppositions par la suite. Vous qui contestez souvent les blocages, votre position est incohérente dans ce cas.
Carouge a déjà beaucoup donné en matière de densification et il est paradoxal de voir des communes plus favorisées s'opposer aux projets de déclassement du DAEL. Je pense en particulier à Cologny et à Chêne-Bougeries. L'aménagement du territoire doit être équilibré sur l'ensemble du canton.
Mme Michèle Künzler (Ve). Après la discussion de ce matin, ça fait du bien d'avoir aussi des projets qui ont fait l'objet d'une bonne concertation et qui ont été bien conçus ! Comme M. Barrillier a dit que, lorsqu'il était confronté à la réalité, il faisait preuve de raison, j'aimerais bien qu'il soit souvent confronté à la réalité... Ça fait vraiment du bien !
Le président. Ne vous énervez pas, Madame !
Mme Michèle Künzler. Je ne m'énerve pas du tout ! En l'occurrence, il s'agit d'une parcelle de qualité. Je pense que la densification proposée préserve la parcelle et l'arborisation bien mieux que des villas, qui auraient beaucoup plus abîmé ce paysage. Puisque la commune est d'accord et que la plupart des gens aussi, il faut aller de l'avant !
Ce déclassement est tout à fait favorable, même si certains sont toujours un peu hésitants et souhaitent à la fois densifier un maximum et protéger les propriétaires de villas. Il faudra qu'ils réfléchissent à ces incohérences !
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je prends la parole brièvement, pour deux raisons.
Premièrement, j'aimerais vous exprimer ma gratitude, Monsieur Pagani, car, à la faveur de cet exemple, vous venez d'expliquer beaucoup mieux que je n'ai pu le faire ce matin comment je conçois les relations entre l'Etat et les communes. Ce que vous avez expliqué à la lumière de ce cas précis, c'est exactement ce qui va se passer au niveau des plans directeurs communaux, mais ce sera étendu à l'ensemble du territoire. Je vous remercie encore, Monsieur Pagani.
Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que vous avez bien entendu et que vous y repenserez dans les discussions que nous ne manquerons pas d'avoir en commission de l'aménagement.
Deuxième raison, le groupe démocrate-chrétien estime que ce projet est tout à fait intéressant, judicieux, et il va donc le soutenir sans tarder.
M. John Dupraz (R). Le groupe radical soutient ce projet de loi qui est issu d'une concertation intense entre le Conseil d'Etat et la commune.
Quant à moi, je regrette quand même le faible taux de densification - 0,6 - car il me semble que nous aurions pu aller un peu plus haut. Nous sommes toujours confrontés au même problème: lorsque nous discutons du taux de densité d'un terrain, les communes désirent qu'il soit plus bas. Or, le territoire est exigu et je crois que nous devons veiller à une meilleure utilisation du sol. Mais c'est déjà un progrès par rapport à une zone villas. Monsieur Etienne, ce n'est pas la première fois que le Conseil d'Etat propose un déclassement de zone villas en zone immeubles. C'est la pratique usuelle depuis de nombreuses années dans ce canton !
Pour terminer, je m'étonne aussi de la position de certains libéraux qui se sont opposés à ce projet ou se sont abstenus en commission, alors que le parti libéral dit être favorable à la construction de logements - ce qui est heureux. Alors, il faut accorder les actes aux discours ! En effet, chaque cas particulier donne lieu à de bonnes explications pour ne pas suivre les propositions du Conseil d'Etat.
En ce qui nous concerne, nous nous réjouissons de voter ce projet en espérant qu'il sera suivi de beaucoup d'autres de ce type.
M. Mark Muller (L). Je suis heureux de pouvoir intervenir après vous, Monsieur Dupraz, sur ce sujet, pour vous rappeler un certain nombre de choses, suite à votre intervention intempestive de ce matin sur les suites que nous avons données à la loi Giromini.
Vous constaterez, Monsieur le député, que le groupe libéral n'est pas forcément pour le développement à tous crins et qu'il sait aussi se préoccuper des droits des propriétaires... (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)C'est ce que nous faisons dans ce dossier !
Je vais être très clair ! Puisque vous voulez des explications, je vais vous les donner: on a tout le temps !
Monsieur Dupraz, ce matin vous nous critiquiez, disant que nous ne nous préoccupions pas des droits des propriétaires, parce que nous étions favorables à l'expropriation des servitudes inscrites par ces petits propriétaires et que, ce faisant, nous étions à la botte des promoteurs... (Exclamations.)C'était la teneur de votre discours !
Ce matin, nous avons pu vous expliquer - M. Barro l'a très bien fait - que nous faisions une pesée des intérêts entre les droits et les obligations des petits propriétaires en zone de développement, qui, puisqu'ils sont en zone de développement, doivent s'attendre à ce qu'on développe et qui ne peuvent donc pas indéfiniment s'arc-bouter sur leur parcelle pour empêcher le développement de certains périmètres et la construction de logements sociaux... Nous avons procédé à cette pesée des intérêts et nous avons considéré que nous pouvions voter le projet de loi 8388 soumis ce matin.
Ici, la situation est totalement différente, puisqu'il s'agit d'une parcelle en zone villas, avec un certain nombre de propriétaires privés qui s'opposent au déclassement, sans oublier d'autres éléments que je vais vous exposer.
Premièrement, cette parcelle a fait l'objet d'un legs - à l'Etat, sauf erreur - et notre première réaction a été de dire que le déclassement de ce périmètre, actuellement en zone villas, en zone de développement n'était pas la meilleure façon de valoriser ce legs, puisque, paradoxalement, ce déclassement diminue la valeur du terrain.
Deuxièmement, quelqu'un tout à l'heure - M. Etienne, je crois - disait qu'il s'étonnait de notre position parce qu'elle favorisait les oppositions et les blocages... Mais pas du tout ! Que fait-on ici ? On se trouve en zone villas où on peut faire du 0,4, vous le savez. C'est une possibilité qui est offerte lorsque la commune est d'accord. Et on va déclasser en zone de développement, avec, par conséquent, l'obligation d'adopter des plans localisés de quartier, qui, eux, offrent de multiples possibilités d'oppositions - jusqu'au référendum municipal, vous le savez très bien ! En restant en zone ordinaire - en zone villas - cette possibilité n'existe pas. Avec la zone villas, on donne moins de prise aux oppositions et aux blocages. C'est le déclassement en zone de développement qui permet des blocages. De plus, non content d'opter pour le déclassement en zone de développement, on revient en arrière et on fixe le taux d'utilisation du sol à 0,6 ! Ce faisant, on ne va pas jusqu'au bout du raisonnement !
C'est une demi-mesure qui ne nous satisfait absolument pas et c'est pour cette raison que nous nous sommes prononcés avec une extrême réticence. Vous verrez dans le rapport que nos positions n'ont pas été unanimes, mais, en tout cas, aucun libéral n'a approuvé ce projet. Personnellement, je m'y suis opposé. Un de mes collègues s'est abstenu. Quoi qu'il en soit, le groupe libéral n'approuvera pas ce projet de loi aujourd'hui.
M. Rémy Pagani (AdG). Pour une fois, nous sommes d'accord, M. Portier et moi... Pour une fois, j'exagère: nous sommes parfois d'accord !
Toutefois, je me permets de reprendre la parole, car vos prises de position, Monsieur Dupraz, m'y poussent.
En effet, l'aménagement qui nous est proposé ne porte pas seulement sur cette parcelle, mais sur toutes les parcelles qui sont autour, Monsieur Dupraz. Et, si vous aviez étudié le dossier, vous sauriez, par exemple, que la parcelle Battelle va être densifiée. Une autre parcelle qui se trouve en face de ce périmètre aussi. Et c'est effectivement dans un aménagement concerté de l'ensemble du périmètre qu'il est possible aujourd'hui de spécifier qu'il faut appliquer un taux de 0,6 plutôt qu'un autre sur cette parcelle.
Monsieur Muller, une fois de plus, vous démontrez - comme vous avez tenté de le faire ce matin - que ce qui vous intéresse à l'évidence n'est pas de faire de l'aménagement concerté, donc de l'aménagement pérenne - avec toutes les possibilités d'oppositions, il y a de fortes chances que ces aménagements capotent s'ils ne sont pas concertés - mais de vous soustraire aux droits démocratiques de la population, de vous soustraire à la procédure de validation de la municipalité, puisque, effectivement, si on laisse ce terrain en zone villas la municipalité ne peut pas donner son avis.
Le préavis de la municipalité est à mon sens essentiel dans ce type d'aménagement. Ce n'est pas seulement une affaire de droits démocratiques: il va aussi y avoir une circulation très importante et ce déclassement va engendrer un déséquilibre à Carouge à ce niveau, c'est certain. Il faudra que les autorités municipales concernées prennent en charge l'ensemble de cette problématique et se donnent les moyens de réaliser ce projet et de faire en sorte qu'il soit viable. Dès le moment où vous retirez à une municipalité - et à ses citoyens - le droit de se prononcer, elle conclura que c'est l'Etat qui impose sa décision et qu'elle n'a qu'à laisser aller les choses ! Du point de vue démocratique comme du point de vue de l'aménagement du territoire - de la prise en charge de cet aménagement par les communes et les gens directement concernés - nous estimons que la procédure utilisée est tout à fait satisfaisante, y compris le fait d'imposer la densification dans un projet de loi.
M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, tout à l'heure, j'avais surestimé vos capacités et je me suis trouvé en avance sur le sujet à traiter. Cette fois, c'est bien de ce sujet dont il s'agit... (Exclamations.)...sur lequel j'apporterai quelques précisions.
Je ne veux pas revenir sur le fond - nous avons eu un débat suffisamment animé tout à l'heure sur la densification du territoire - mais j'aimerais relever le principal problème qui s'est posé à nous, membres de la commission appartenant au parti libéral, c'est-à-dire le taux d'utilisation qui a été fixé en concertation avec l'Etat, la commune et la commission.
Après avoir pris langue avec les conseils de la famille Lancoux, il est clair qu'à leurs yeux les souhaits de l'auteur du legs ne sont pas respectés. En effet, le prix qui pourrait être obtenu en réalisant ces terrains en zone villas serait largement supérieur. C'est ce que l'auteur du legs voulait: obtenir de cette vente un montant maximum pour servir à la réalisation du Musée d'ethnographie. C'est l'unique raison pour laquelle nous nous sommes opposés à ce projet de loi ou abstenus.
Sur le fond, je crois que nous sommes tous d'accord. Nous pouvons en effet relever qu'il y a eu concertation avec la commune - je tiens à le souligner en présence du président du département - et cette concertation a porté ses fruits. C'est un exemple typique que la concertation peut déboucher sur la réalisation rapide de logements sociaux. Si c'était toujours le cas - certains commissaires l'ont déjà dit - on pourrait construire beaucoup plus de logements aujourd'hui, des logements sociaux, mais aussi des logements de toutes catégories.
Le président. Je vous remercie, Monsieur Vaucher, d'avoir surestimé mes capacités... Je passe la parole à M. Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Vous aurez noté en lisant le rapport que le Conseil municipal de la commune de Carouge a pris sa décision par vingt-trois voix contre deux abstentions. C'est donc la manifestation d'une forte volonté politique et la majorité de la commission y a été très sensible. Comme d'ailleurs est sensible cette zone. Il faut donc tout de même raison garder.
Deuxième précision à l'intention de M. Vaucher. Il le sait très bien: la commission a soigneusement vérifié les conditions de la donation. Nous n'avons trouvé aucune trace dans le testament d'une exigence de valoriser au maximum ce terrain pour permettre de mieux doter le Musée d'ethnographie: nous avons pris à ce niveau toutes les précautions voulues. Et je dirai que les conditions de ce déclassement «en douceur» sont de nature aussi à rassurer les propriétaires des villas voisines.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Si l'avis de la commune a été suivi et m'a amené effectivement à modifier considérablement la densité que je prévoyais initialement, ce n'est pas seulement parce qu'il venait de la commune, ce n'est pas seulement pour le principe même de la concertation, c'est essentiellement parce que la commune avait d'excellents arguments bien motivés.
Je le dis clairement pour ne pas laisser croire que concertation égale alignement du canton sur la position communale. Non, ce n'est pas cela: le canton tient compte de l'avis de la commune si les arguments sont bons - comme c'était le cas. S'il s'agit d'une opposition de principe non motivée, vous imaginez que l'influence d'un tel préavis n'est pas très forte.
Ma deuxième remarque concerne le respect des conditions du legs. La défunte a voulu que la valorisation de ce terrain revienne au Musée d'ethnographie. Ce sera bien entendu le cas. La différence de valeur entre la zone villas et la zone 4B dépend un peu de la conjoncture, certes, mais on ne peut pas considérer que ce bien serait dévalorisé en raison de ce déclassement. Et, malgré tout le respect que je porte aux volontés des défunts, je trouve que l'aménagement est déjà une chose fort compliquée entre vivants. Alors, s'il faut en plus donner aux morts la possibilité de s'exprimer en la matière, nous n'arriverons pas à grand-chose !
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, 2 et 3.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement qui consiste en un article 4 nouveau, présenté par M. Barrillier. L'article 4 qui figure dans le projet devenant l'article 5. Je vous rappelle la teneur de l'amendement:
«Les oppositions à la modification du régime des zones formées par: M. Raffaele Angelone, Mme Raffaele Angelone, M. Alec Renaud Martin-Achard, Mme Isabelle Martin-Achard Mollet, M. Dirk Eelbode, Mme Sandrine Eelbode-Warland, M. Christian Sciarini, Mme Catherine Sciarini-Zambelli, Mme Huguette Bauloz, M. Jean-Pierre Bauloz, M. Jean-François Sauthier, Mme Tea Sauthier, M. Renaud de Haller, Mme Renaud de Haller, Mme Jacqueline Evrard, M. Roland Weil, Mme Catherine Biner Bradley, M. Björn Krienke, Mme Mary Krienke, M. Pierre Schmid, Mme Caroline Schmid, M. Michel Nickles, Mme Christine Nickles et l'hoirie de M. Pierre Guinand, tous représentés par Me Pierre Banna, l'Association des intérêts de Pinchat, M. Jean-Jacques Mégevand, M. Heinz Widmer et Mme Ursula Widmer, tous deux représentés par leur avocat Me Pierre Daudin, sont rejetées dans la mesure où elles sont recevables, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 5 (ancien article 4) est adopté.
Troisième débat
La loi 8665 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble.
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Rhino est un feuilleton à rebondissements. Je laisse de côté le feuilleton, pour faire quelques considérations d'ordre général.
En effet, il est indispensable que Rhino soit l'occasion d'ouvrir le débat, au-delà même de ce squat.
A l'heure actuelle, on ne peut envisager de rénovations sans intégrer un objectif social. Les squatters doivent bénéficier, comme tout un chacun, de l'article 10A de la constitution qui assure le droit au logement. Il est impératif de reloger les squatters. Il faut les reloger !
Autre aspect du problème soulevé par Rhino: la reconnaissance d'une diversité des modes de vie. C'est pourquoi la politique de l'Etat, en matière d'aménagement et en matière de logement, doit en tenir compte. C'est pourquoi aussi la politique de la construction dans l'agglomération doit permettre cette diversité. Aujourd'hui, si des quartiers comme l'«Ilôt 13» sont une expérience réussie par l'Etat et la Ville, on ne peut se satisfaire de quelques exemples ou acquis. Il faut intégrer cette demande de mode de vie différent dans les nouveaux quartiers ou dans les quartiers à rénover.
M. Christian Bavarel (Ve). Par rapport à Rhino, nous sommes face à un enjeu symbolique et très emblématique à Genève. Et, en politique, les problèmes symboliques ont autant d'importance que certains problèmes extrêmement concrets.
Ce qui se passe à cet endroit, c'est une expérience en train de se faire et qui nous permet de trouver des solutions originales, des solutions nouvelles pour la suite. Jean-Luc Godard disait: «La marge, c'est ce qui tient les pages du livre»... Il faut donc être très attentif à cette marge, à la manière dont elle fonctionne et à ce qu'elle peut nous apporter.
Nous nous trouvons face à une situation éminemment politique: cet immeuble a fait l'objet de spéculation au moment où l'immeuble était déjà squatté et où le débat était déjà politisé. C'est donc bel et bien aux politiques d'aider à trouver une solution pour que des endroits comme Rhino puissent retrouver la légalité. Nous avons affaire à des gens, des jeunes, des artistes, qui sont extrêmement dynamiques... (Rires et exclamations.)Ils sont créatifs, ils arrivent à nous faire voir les choses d'une nouvelle manière et à imaginer de nouvelles solutions face au problème récurrent de la crise du logement.
Je dois reconnaître que la mixité d'un lieu d'habitat central, d'un lieu culturel - la renommée de la Cave 12 est internationale en termes de musique expérimentale - d'un lieu dynamique et créatif, qui n'a pas forcément recours aux subventions ou à l'intervention de l'Etat, est quelque chose d'assez réjouissant. Je trouve en effet réjouissant de voir que certaines personnes sont capables de prendre leur vie en main, de créer, sans que cela demande des structures lourdes. Il faut donc faire bien attention de ne pas étouffer cette dynamique.
Le message politique à faire passer doit être que d'autres manières de faire peuvent exister et que des libertés peuvent se gagner. En même temps, nous devons nous soucier de l'ordre public et si nous devions décider de condamner ces personnes, car elles ne peuvent plus rejoindre la légalité - la pauvreté conduit en effet à la marginalité et à l'illégalité - nous devons nous soucier de la manière dont les gens pourraient réagir. Le rôle de l'Etat doit être modérateur: il doit permettre le retour à une situation normale en trouvant une solution négociée pour cet immeuble.
M. John Dupraz (R). J'ai écouté avec attention les deux préopinants... Les bras m'en tombent ! L'Etat devrait avoir un rôle modérateur et trouver des solutions. La motion date de 1997, et nous sommes en 2002 !
Je crois que l'Etat a eu bien trop de patience à l'égard de gens qui se moquent éperdument du droit de propriété, qui se moquent éperdument des règles qui régissent notre société, qui ouvrent des bistrots sans payer de TVA - bistrots qui, par ailleurs, ne répondent pas aux normes d'hygiène - des gens qui ne payent pas d'impôts, qui organisent des spectacles sans reverser le droit des pauvres - qui n'existe plus... (Rires et exclamations.)
Je constate que non seulement c'est une atteinte intolérable au droit de propriété, mais c'est une situation provocante et inacceptable pour les personnes modestes qui se serrent la ceinture chaque mois pour payer leur loyer, l'électricité, les impôts, etc. S'il n'y avait que des gens comme eux, la société n'existerait plus !
Je veux bien concevoir que certaines personnes cherchent un autre mode de vie, qu'ils veuillent se distinguer, que certains jeunes fassent des contrats de confiance avec la Ville de Genève. Je veux bien admettre que certaines personnes, pendant un certain temps, puissent vivre dans un immeuble contre une modeste redevance et qu'elles s'en aillent gentiment dans un autre immeuble lorsqu'une autorisation de construire est délivrée.
Mais Rhino, ce n'est pas cela ! Rhino, c'est un combat politique contre notre société, contre la politique de l'urbanisation, contre le conseiller d'Etat socialiste qui est en place: ce n'est rien d'autre que cela ! Comment peut-on tolérer que cette situation illégale perdure et discuter avec ces gens pendant quatre ans, alors qu'il y a des autorisations de construire pour des logements sociaux, que vous réclamez par ailleurs ? Il faudrait savoir ce qu'on se veut dans cette République ! Je suis sûr que la plupart de ces personnes ont les moyens de se loger ailleurs. Ce sont des hypocrites !
Le Conseil d'Etat est-il du côté des squatters qui vivent dans l'illégalité ou du côté du droit, et le fait-il appliquer ? Je me pose la question !
Monsieur Moutinot, ne prenez pas mes propos comme une attaque personnelle, car le problème n'est pas nouveau ! Je trouve qu'on est bien trop patient vis-à-vis de ces personnes par rapport à l'ensemble des citoyens qui se conforment aux règles légales. Essayez de transformer une maison en zone 4B, comme je suis en train de le faire pour ma fille... (Exclamations.)Deux ans de procédure pour avoir une autorisation !
Les squatters, eux, peuvent impunément mettre des enseignes, faire des travaux illégalement, au péril des gens qui vivent dans ces immeubles, et personne ne dit rien ! On laisse faire ! C'est l'anarchie: eh bien, cela ne peut plus continuer !
Je prie donc le Conseil d'Etat de mettre de l'ordre dans cette affaire: les gens qui ont des droits de propriété et qui sont au bénéfice d'une autorisation de construire doivent pouvoir les utiliser et les squatters doivent disparaître de cet immeuble. Excusez-moi, mais ces bâtiments doivent pouvoir être rénovés pour du logement social, pour d'autres activités, comme cela a été légalement autorisé !
Cette situation qui dure depuis trop longtemps est totalement inacceptable: c'est décourager tous ceux qui veulent faire du logement dans ce canton ! (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG). On n'est pourtant pas vendredi soir... Ce n'est que le début de l'après-midi et une fois de plus, les outrances de M. Dupraz... (Vives exclamations.)
M. John Dupraz. Jeune voyou ! J'exige des excuses, c'est inacceptable !
Le président. Monsieur Pagani, s'il vous plaît, restez raisonnable ! En matière d'outrances...
M. Rémy Pagani. Tout à fait ! Je reste raisonnable...
Le président. ...je crois que vous êtes un spécialiste ! Laissez-moi finir mes phrases ! Si vous deviez récidiver, je serais obligé de vous donner un avertissement ! Vous avez la parole !
M. Rémy Pagani. J'estime qu'il y a des manières de faire et des manières de dire qui sont de l'impolitesse pure, et je trouve que M. John Dupraz dépasse un peu les bornes... (Exclamations.)D'une part, il ne se souvient pas que le droit des pauvres n'existe plus; d'autre part, il cache tout un pan... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)...de la saga Rhino que je vais rappeler maintenant.
C'est bien beau de venir nous dire aujourd'hui qu'il faut respecter les droits des propriétaires. Mais je vous rappelle, Monsieur John Dupraz, au cas où vous ne le sauriez pas, que cet immeuble fait l'objet de spéculations depuis vingt-cinq ans et que c'est le fait de gens de vos milieux ! Et si, pour vous, faire de la politique, c'est défendre les intérêts de votre fille, qui, au demeurant est, je l'imagine, fort sympathique, comme l'est le beau-frère de M. Barrillier... (Rires.)...ce n'est pas ma conception de la politique !
Faire de la politique, c'est pour le moins prendre en considération l'ensemble du processus et trouver des solutions qui projettent la société vers l'avenir!
En l'occurrence, cet immeuble a fait l'objet d'une spéculation effrénée pendant les années 80, au point qu'il a coûté 35 millions, Mesdames et Messieurs les députés. A cet égard, je vous rappelle que, pas plus tard que ce matin, nous avons voté une quarantaine de millions pour éponger les conséquences de la spéculation qui a eu lieu au cours de ces années-là... (L'orateur est interpellé par M. Dupraz.)Non, il n'est pas à la «Fondation des casseroles», mais il a fait partie de l'ensemble de la spéculation ! C'est un immeuble qui a valu, à la fin des années 80, 35 millions et je vous mets au défi de me prouver le contraire ! Et, de ce point de vue, je trouve inadmissible de dire que les occupants de cet immeuble y habitent comme des voleurs... (Exclamations.)...alors qu'ils ont fait ce que tout citoyen a le droit de faire - c'est une disposition qui figure dans notre constitution, les citoyens l'ont votée - c'est-à-dire de réquisitionner les appartements en cas de spéculation abusive et effrénée ! (Exclamations.)Je suis désolé, mais la constitution garantit à nos concitoyens et à l'Etat de Genève de pouvoir réquisitionner des logements dans ces catégories d'immeubles ! En l'occurrence, l'immeuble Rhino a fait partie de ces spéculations et aurait dû, si la loi avait été appliquée, être réquisitionné par l'Etat de Genève pour en faire des logements véritablement sociaux !
Alors, je trouve qu'il est un peu facile de venir aujourd'hui nous faire la leçon en «effaçant» ainsi vingt ans de spéculation ! On voulait en faire un home pour personnes âgées tellement c'était rentable ! Un des plus grands spéculateurs était sur le projet: je crois me souvenir qu'il s'agit d'un spéculateur qui est maintenant en prison en France, parce que la loi y est plus contraignante en cas de banqueroute déloyale... Ce n'est malheureusement pas le cas en Suisse !
Toujours est-il que c'est cela la réalité, et je trouve un peu malvenu de dire que les squatters s'installent dans des propriétés privées et que l'Etat laisse faire alors que les gens qui sont dans la légalité ont toutes les peines du monde à obtenir une autorisation ! Les squatters défendent légitimement une chose: le droit au logement pour tous, qui, je vous le rappelle, est également inscrit dans la constitution, pour satisfaire aux besoins prépondérants de la population !
Cela étant, je trouve que nous devons renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat parce que la situation a passablement évolué depuis trois mois. En fait, juridiquement - là encore, Monsieur Dupraz, vous feriez mieux d'étudier correctement vos dossiers - l'autorisation de construire n'est plus en force, puisque les propriétaires ont oublié de la renouveler.
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir quelle est la position du Conseil d'Etat. Une autorisation de construire a-t-elle été déposée ? Où en est ce dossier ? A mon avis, en ce sens la motion est tout à fait d'actualité, si les propriétaires, les occupants et le Conseil d'Etat ne trouvent pas une solution, on est reparti pour cinq ans, voire plus, dans ce dossier, puisque - on l'évoquait ce matin - sans consensus les oppositions ne vont pas manquer de surgir. Et on va repartir comme en 40 ! (Exclamations.)
Qu'entend faire le Conseil d'Etat ? La question subsidiaire est la suivante: qu'a fait le procureur général - je vous rappelle que les propriétaires ont été trouver une éminente fonctionnaire pour lui demander de «traficoter» les procédures - pour sanctionner la manoeuvre des propriétaires qui voulaient faire antidater leur autorisation ? C'est la deuxième question annexe.
Il y a là véritablement des choses illégales et graves, beaucoup plus graves que d'occuper les logements d'un immeuble qui a fait l'objet de spéculations dans les années 80.
Troisième question. J'ai lu une missive de notre ex-collègue, M. Fontanet, qui a écrit d'autorité au Conseil d'Etat et aux occupants, les sommant d'enlever leur corne et les panneaux. J'aimerais bien savoir également ce qu'ont fait les occupants, ce qu'a fait le Conseil d'Etat, ce qu'a fait la police, ce qu'a fait le propriétaire, suite à cette sommation qui date du mois de juin.
A mon avis, ce rapport doit être renvoyé au Conseil d'Etat pour que nous ayons une discussion sérieuse sur cet objet et pour trouver une issue consensuelle, sinon ce dossier ne sera jamais clos. Cela permettra aussi de mettre enfin à disposition des logements sociaux au centre-ville et non pas des pseudo-logements sociaux, comme le veulent les propriétaires actuels.
M. Mark Muller (L). Je voudrais remercier tout d'abord M. Dupraz pour son intervention, qui m'épargne un certain nombre de déclarations que je voulais faire: je le rejoins entièrement aussi bien sur le fond que sur la forme... (Commentaires et rires.)
Les occupants de cet immeuble violent la loi de façon éhontée depuis plus de dix ans maintenant, et il convient effectivement d'y mettre un terme. Espérons que cela sera le cas bientôt.
Il est vrai que cet immeuble a fait l'objet de spéculations dans les grandes années - la fin des années 80 - personne ne le nie, mais cette époque est aujourd'hui révolue. La situation est assainie et, aujourd'hui, les propriétaires de cet immeuble sont tout à fait corrects et respectables, et n'ont jamais pratiqué la spéculation foncière.
Le rapport qui nous est soumis par le Conseil d'Etat contient à ce sujet un certain nombre d'indications tout à fait intéressantes, notamment sur les conclusions du médiateur nommé il y a quelque temps, M. David Lachat. M. David Lachat, qui siégeait sur ces bancs il n'y a pas si longtemps, dans les rangs socialistes, a lui-même constaté, à l'issue de ses efforts de médiation, qu'il n'était pas possible de discuter avec les gens de Rhino, qu'ils n'acceptaient aucune des propositions tout à fait honnêtes de mise à disposition de l'immeuble en échange d'un loyer raisonnable et que, dans ces conditions, il ne souhaitait plus s'occuper de ce dossier.
Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui il n'est plus possible de défendre les occupants de Rhino qui ne font que nous provoquer en violant toute une série de lois de façon inacceptable !
Monsieur Pagani, vous dites que ces appartements auraient pu être réquisitionnés en application de la LDTR... Non, Monsieur Pagani ! Lorsqu'un immeuble est squatté, on ne peut précisément pas réquisitionner les appartements ! Vous savez très bien que lorsque cette procédure est appliquée, il faut d'abord donner un délai aux propriétaires pour les relouer ! Et vous savez très bien que ce sont les habitants de Rhino qui ont empêché les propriétaires de relouer ces logements !
De nombreux projets ont été transmis au département. Certains d'entre eux subventionnés. Malheureusement, une ultime prolongation de l'autorisation de construire n'a pas été déposée dans le délai et les autorisations sont devenues caduques. Quel est le résultat de cela? C'est que le propriétaire va déposer à nouveau un projet non subventionné et qu'on va se retrouver avec des loyers libres et non pas des loyers subventionnés comme cela aurait été le cas si on avait pu discuter avec les occupants de Rhino.
C'est un magnifique autogoal, Mesdames et Messieurs les députés, et j'espère que vous en êtes conscients !
Les habitants de Rhino font de l'obstruction systématique à toute tentative d'arrangement et cela - il est particulièrement intéressant de le relever - avec l'appui de l'Asloca ! Eh oui, l'Asloca, Association des locataires - donc en principe l'association de ceux qui payent des loyers - défend ceux qui n'en payent pas ! Je trouve cela particulièrement choquant.
Dernier point. Vous dites, Monsieur Bavarel, que les collectivités publiques devraient résoudre le problème. Avez-vous demandé - peut-être M. Ferrazino pourra nous en parler - pourquoi la majorité de l'Alternative de la Ville de Genève n'a pas acheté cet immeuble ? Pourrait-on le savoir ? Ce serait intéressant ! Cela aurait pourtant été un moyen de régler le problème, mais il est vrai que c'est une proposition difficile à faire et difficile à soumettre, le cas échéant, en votation populaire. Vous savez très bien que le peuple accepterait difficilement de voler au secours d'une bande de profiteurs avec les deniers publics. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, à mon sens, nous sommes en présence de profiteurs qui ont bien souvent des revenus confortables qui leur permettraient de payer un loyer comme tout le monde, mais qui s'accrochent à leurs privilèges, ni plus ni moins ! (Applaudissements.)
M. John Dupraz (R). J'aimerais tout de même revenir sur l'intervention de M. Pagani, qui prétend qu'après les repas je m'exprime avec outrance. Je vous ferai simplement remarquer - et j'ai quatre témoins qui ont déjeuné à ma table - que je n'ai pas bu un seul verre d'alcool !
Une voix. Bravo !
M. John Dupraz. Alors, vous êtes un sinistre imbécile, Monsieur le député, et je ne tolérerai plus, Monsieur le président, qu'à chaque fois que je m'exprime on m'accuse d'avoir consommé de l'alcool ! Je n'accepterai plus ces insultes de jeunes voyous de gauche qui ne font qu'empoisonner la République ! (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais dire ceci par rapport au droit au logement. Il est vrai que le droit au logement est inscrit dans la constitution, mais cela ne signifie pas que l'Etat ou les collectivités publiques doivent mettre à disposition un logement à tout un chacun. C'est un droit social, mais c'est un droit qui n'implique aucune obligation légale supplémentaire pour les autorités.
En ce qui concerne l'autorisation de construire, elle est malheureusement caduque, puisque le renouvellement n'a pas été demandé, mais je n'y suis pour rien.
Je combats aussi la spéculation: j'en ai horreur. J'exerce un métier dans un domaine où on travaille sur la «distance», sur les générations, sur les saisons, et on n'achète pas aujourd'hui pour devenir riche demain. Je combats la spéculation autant que vous, et si vous voulez que nous la combattions ensemble, Monsieur Pagani, je suis prêt à vous aider !
Pour le bien immobilier en question dans cette motion, il a peut-être fait l'objet de spéculation, mais je constate qu'il ne fait pas partie des cas difficiles de la BCG dont s'occupe la Fondation de valorisation. D'autre part, dans son rapport, le Conseil d'Etat dit que ce projet permettra la mise sur le marché de logements rénovés répondant aux exigences de la LDTR, soit 97,5 pièces dont le loyer sera de 3225 F par an et 14 pièces dont le loyer s'élèvera à 6000 F par an.
Même si l'autorisation est caduque, je ne vois pas pour autant l'utilité de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. La messe est dite ! Il faut prendre acte de ce rapport et il faut que les squatters s'en aillent le plus rapidement possible pour qu'on puisse faire quelque chose de cet immeuble.
M. Alberto Velasco (S). Je voudrais intervenir suite aux propos de M. Muller et de M. Dupraz.
Tout d'abord, Messieurs, vous le savez, la nature a horreur du vide... Il y avait à l'époque un réel besoin de logements sociaux et cet immeuble était vide. Alors, effectivement, des gens l'ont occupé... (L'orateur est interpellé.)Mais c'est comme ça, Madame, c'est comme ça ! Comme l'a dit M. Pagani, en période de pénurie, la loi permet à l'Etat de réquisitionner de tels logements. Maintenant, quant à savoir qui vole et qui profite, je tiens à dire que les habitants de Rhino payent leur loyer et leur électricité... (Exclamations.)Ils payent, donc ils ne volent pas ! Par contre, la différence entre les 35 millions de la spéculation et les 15 que vaudrait aujourd'hui cet immeuble doit bien se trouver quelque part ! Ces 20 millions ont été payés. La banque a dû se faire payer par les intérêts hypothécaires, intérêts que la banque nationale a dû relever, Mesdames et Messieurs - vous le savez très bien - et c'est pour cela que nous supportons des intérêts élevés en Suisse.
Tout compte fait, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont les citoyens qui font les frais de ce différentiel. A ce titre, je trouve que les habitants de Rhino méritent au moins qu'on les écoute et qu'on trouve une solution. De toute façon, il faudra bien les reloger ! A mon avis, ils sont très bien là-bas et une solution peut certainement être trouvée.
Cela dit, en ce qui concerne la façade, j'ai entendu dire que l'office du tourisme faisait visiter cet immeuble aux touristes de passage à Genève, le montrant comme un exemple de cohabitation, ce qui est intéressant, vous l'avouerez... Et vous voudriez supprimer quelque chose de typique dans ce canton ! Surtout, laissez cela, Messieurs, laissez cela ! On devrait subventionner Rhino... (Rires.)...justement parce que ces gens ont du génie !
Non seulement je suis d'avis qu'il faut laisser ces gens où ils sont mais, en outre, je suggère de classer Rhino comme un objet social et touristique intéressant ! (Exclamations.)
M. Christian Ferrazino (AdG). J'ai été interpellé par M. Muller s'agissant du rôle éventuel que la Ville aurait pu jouer dans cette affaire.
Alors, je ne vais pas m'immiscer dans le débat sur la corne dont il est question. Je vais simplement lui rappeler que la Ville de Genève s'est effectivement portée médiateur dans le cadre de ce litige, parce que nous souhaitions, mes collègues du Conseil administratif et moi, essayer de trouver une issue qui permette à la fois de respecter l'ordre public et de rendre possible une expérience de logement associatif - on peut penser ce qu'on veut de cette expérience, mais elle a un mérite, c'est d'exister. C'est vrai qu'en matière de logement, il y a peut-être des modes majoritaires de logement, mais nous essayons, dans la mesure de nos possibilités, de répondre le plus largement possible à différentes expériences de logement, le logement associatif en étant une. Il faut bien avouer que, jusqu'à maintenant, ce dernier n'a pas été très largement soutenu par les pouvoirs publics.
Alors, le cas se présentant, je suis personnellement intervenu auprès du propriétaire et de son avocat. Je les ai réunis autour d'une table et nous avons discuté pour savoir à quel prix, le cas échéant, le propriétaire était prêt à aliéner son immeuble.
Nous avons fait quant à nous une proposition - il n'y a absolument rien d'officieux, donc je peux vous la donner. Nous étions prêts à saisir le Conseil municipal d'un crédit d'acquisition de 3 millions pour cet immeuble.
Pourquoi ce chiffre ? Tout simplement parce que j'ai été examiner le plan financier à l'office du logement social et j'ai vu que sur les documents qui avaient été transmis par le propriétaire lui-même et son avocat - nous n'allions pas mettre en doute, bien évidemment, la véracité de ses propos - le montant de l'acquisition de cet immeuble avait été mentionné à 2,5 millions ou 2,6 millions - je ne me rappelle plus du chiffre exact, mais M. Moutinot nous le rappellera tout à l'heure, il a certainement des éléments plus précis que moi à ce sujet. Bien évidemment, le propriétaire ayant pris un avocat, il fallait ajouter ses frais: on a donc compté large...
Une voix. C'est cher, les avocats !
M. Christian Ferrazino. Et il coûte cher ! Certains avocats coûtent très cher !
Et, comme il avait également pris un architecte dont les honoraires sont importants, nous avons tenu compte de ces éléments et nous avons arrondi la somme à 3 millions. Nous n'avons pas eu l'impression de chipoter: au contraire ! Le calcul nous semblait plutôt généreux. La réponse qui nous a été faite, c'est que ça n'intéressait pas du tout le propriétaire de vendre son immeuble à ce prix-là.
Inutile de vous dire que nous n'avons pas eu de contre-proposition à un autre montant. La discussion s'est arrêtée à ce niveau, comme elle s'est arrêtée également avec les occupants eux-mêmes qui, je le rappelle, avaient essayé de trouver une solution directement avec le propriétaire. Je crois que les efforts du département de l'aménagement n'ont pas été couronnés de davantage de succès.
Dans ce dossier, on ne peut pas dire que c'est par manque ou faute d'interventions des uns et des autres qu'il n'y a pas eu d'accord. Les occupants sont intervenus pour trouver un arrangement , le Conseil d'Etat a nommé un médiateur - cela a été évoqué tout à l'heure - la Ville de Genève, par l'entremise de celui qui vous parle, est intervenue auprès du propriétaire pour tenter de trouver un accord: jusqu'à ce jour, toutes ces propositions ont été rejetées par le propriétaire lui-même. Ceci pour répondre à votre question, Monsieur Muller.
Cela étant, je prends note, Monsieur Muller, que dans des cas comme celui-ci vous trouvez judicieux que la Ville puisse intervenir comme médiateur, le cas échéant se porter acquéreur de ces immeubles. C'est une indication que je retiens pour l'avenir... Ce n'est pas par manque de courage que nous ne l'avons pas fait: je viens d'expliquer pendant votre absence les raisons pour lesquelles il n'y a pas pu y avoir d'accord, sachant que pour se mettre d'accord il faut être deux.
Je vous rappelle que, dans d'autres circonstances, nous l'avons fait pour la Maison des associations et que vous-même et M. Lescaze, et d'autres de vos amis, avez lancé un référendum qui a connu le succès que vous savez: c'est-à-dire qu'il n'a pas été bien loin! Vous voyez, ce n'est pas cela qui va nous enlever notre enthousiasme pour essayer de régler des dossiers de ce genre.
Autre élément - et j'en terminerai par là, Monsieur le président - que j'aimerais rappeler, puisque vous m'avez donné l'occasion de prendre la parole sur ce dossier. Vous dites, Monsieur Muller, que ce ne seront plus des logements subventionnés mais des logements libres et que, par conséquent, les loyers seront bien plus chers. Je ne sais pas si dans votre tête vous avez déjà supprimé la LDTR - je sais que c'est votre objectif - mais vous allez un peu vite en besogne ! Il ne faut tout de même pas oublier qu'avant de la supprimer il faudra venir dans ce parlement, qu'il faudra voter une loi, qu'un référendum sera soumis à la population, et vous connaissez en général la réaction de notre population à ce genre de choses...
Vous parlez d'une durée de cinq ans. Je prends note que vous trouvez cette durée brève ! Moi aussi, comme vous, je trouve la durée de contrôle des loyers après travaux très brève. On va y réfléchir pour voir comment on peut y remédier. C'est vrai que, dans un dossier comme celui-ci, on devrait pouvoir avoir la garantie que les logements rénovés permettent des loyers après travaux qui correspondent aux besoins prépondérants de la population pendant une durée supérieure à cinq ans. Je suis d'accord avec vous sur ce point. (Applaudissements.)
M. Bernard Lescaze (R). Ce débat est véritablement très intéressant. Je tiens à rappeler en préambule qu'il y a quelques semaines, juste avant la pause estivale, j'ai moi-même interpellé le Conseil d'Etat au sujet des autorisations éventuelles qui avaient été données à l'immeuble Rhino pour la rénovation des façades. Je pense que vous avez encore tous en tête la réponse de M. Moutinot, qui nous a dit clairement qu'il était, bien évidemment, contre ces violations, contre cette situation illicite, mais qu'il ne pouvait strictement rien faire...
C'est donc sur ce point et sur ce seul point que je donnerai raison à M. Pagani: le rapport du Conseil d'Etat est totalement insuffisant à cet égard ! Nous ne savons pas ce qu'entend faire le Conseil d'Etat si ce n'est donner peut-être une nouvelle autorisation.
D'ailleurs, M. David Lachat, médiateur nommé par le Conseil d'Etat, nous dit qu'il pense que les occupants ne payent aucun loyer. Et, aujourd'hui, Monsieur le député Velasco, qui semble mieux informé, nous affirme avec force - je pense donc qu'il est très bien informé - que les occupants paient un loyer, sans doute sur un compte bloqué. Alors, de toute façon, ce rapport - et cela ne m'étonne pas - est totalement incomplet.
Mais j'aimerais surtout répondre au député Ferrazino. Je suis stupéfait de l'entendre dire qu'il était prêt à engager 3 millions de la poche des contribuables de la Ville pour acheter cet immeuble ! Je constate d'abord au passage que la somme proposée, malgré le savant raisonnement financier qu'il nous a fait, était inférieure à celle que les squatters eux-mêmes ont proposée au propriétaire ! Le Conseil administratif de la Ville croyait-il vraiment, en faisant cette proposition, que le propriétaire accepterait, parce qu'elle venait de la Ville, une offre inférieure à celle faite par les squatters ?
Une nouvelle fois, M. Ferrazino nous raconte n'importe quoi ! Si la somme qu'il aurait dû proposer pour un accord avait été celle que voulait le propriétaire - je l'ignore, mais pour acheter et vendre il faut être deux - il est probable que les citoyennes et les citoyens de la Ville qui payent des loyers, qui savent ce que c'est que se loger, auraient eu une réaction tout à fait différente de celle qu'ils ont pu avoir dans l'achat de l'immeuble de la rue des Savoises - là il s'agissait d'offrir des locaux à toutes sortes d'associations, le cas était plus complexe que celui de l'immeuble Rhino.
En réalité, nous sommes devant une situation scandaleuse que les autorités de la Ville tolèrent, voire approuvent. En effet, le collègue de M. Ferrazino qui est en charge du domaine public, le collègue si prompt à poursuivre le moindre boulanger qui veut changer la couleur de sa toile de tente, ce même collègue laisse une corne rouge en façade, depuis des années, ce même collègue laisse des éclairages publics qui peuvent troubler la circulation ! Qu'ont fait les autorités de la Ville à ce sujet ? Rien ! Qu'ont fait les autorités de l'Etat à ce sujet ? Rien ! J'ai encore dans l'oreille les propos de M. Moutinot qui avouait son impuissance.
Alors, aujourd'hui, nous pouvons effectivement renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat, mais il n'en sortira rien de plus. Je pense donc qu'il faut simplement classer cette affaire et attendre que cet immeuble soit rénové. La spéculation n'est plus d'actualité. Comme on l'a dit aujourd'hui, les propriétaires sont nouveaux: il faut surtout pouvoir offrir des logements dans une catégorie qui réponde effectivement aux besoins prépondérants de la population.
C'est ce que la gauche ne cesse de nous demander. Eh bien, pour une fois, nous avons l'occasion de laisser aller les choses et qu'enfin une situation anormale, une situation illégale, qui dure depuis plus de vingt ans, soit en effet tranchée !
Voilà ce qui devait être dit ! Il ne faut pas croire les propos qui sont tenus sur des achats éventuels de collectivités publiques ! En réalité, les chiffres sont là pour le montrer, la Ville n'a fait aucune proposition sérieuse, et maintenant il faut que les autorisations de construire soient délivrées. (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG). Je m'étonne que M. Lescaze, si éminent historien certaines fois, efface lui aussi tout un pan de la réalité de notre canton.
Le quartier des Grottes comptait 750 appartements occupés en 1981. Qu'ont fait les autorités, M. Haegi le premier, et la Ville de Genève? Le quartier a été rénové, des immeubles squattés ont été rachetés à des propriétaires et ont été remis entre les mains des occupants. Au triangle Louis-Favre, il y a plein d'anciens occupants qui n'ont fait que défendre des logements bon marché au centre-ville, dans le quartier des Grottes. Maintenant, vous vous drapez dans une pseudo-morale - évidemment les élections municipales approchent... - et vous dites qu'il est scandaleux que la collectivité doive payer et payer encore...
Pourtant, c'est sur vos bancs que la solution définitive au quartier des Grottes a été trouvée, et tout le monde se plaît aujourd'hui à reconnaître que l'aménagement du quartier des Grottes est satisfaisant. La réhabilitation du quartier des Grottes correspond à un besoin de la population qui ne doit pas forcément loger dans des cités périphériques. Tout le monde encense ce qui fait une des caractéristiques de notre ville: avoir des logements populaires au centre-ville. L'office du tourisme fait même visiter ces lieux, qui font partie du patrimoine de notre ville et puis, maintenant, parce que les élections municipales approchent ou Dieu sait pour quelle autre raison, vous nous faites le grand jeu de la morale en disant que la collectivité n'a pas à payer.
Je le répète, la collectivité a choisi à de multiples reprises de combattre la spéculation foncière et immobilière avec ce type de méthodes. Ma foi, face à la réalité, ces méthodes sont peut-être un peu tangentes, mais elles produisent des résultats, puisque des logements bon marché sont maintenus au centre-ville, et le quartier des Grottes en est un exemple frappant.
Alors, Monsieur Lescaze, à vos bouquins ! Et repotassez un peu cette affaire ! (Rires.)
M. Pierre Kunz (R). Appelons un chat un chat ! Les explications soi-disant raisonnables de M. Ferrazino, celles folkloriques de M. Velasco, celles pseudo-historiques de M. Pagani, ne doivent pas masquer une réalité évidente: la défense des squatters est depuis longtemps un fonds de commerce utilisé par la gauche, un levier à disposition de celle-ci pour tenter de convaincre les locataires genevois qu'ils sont malheureux et exploités d'une manière scandaleuse par les dégoûtants spéculateurs que nous connaissons et que, d'ailleurs, sur ces bancs nous sommes tous...
Le cas Rhino ne constitue qu'un instrument pratique, mais particulièrement intéressant, au service de la gauche pour faire de la politique de la façon dont elle aime la faire: une façon de faire que je me contenterai tout simplement - et je m'arrêterai là - de qualifier de vile et d'indigne !
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le dossier Rhino se prête effectivement à de très beaux affrontements politiques...
Permettez-moi tout de même de remettre les choses dans le cadre de la motion telle qu'elle avait été adoptée par votre Grand Conseil. Premier élément, l'occupation de Rhino dure depuis treize ans. Elle s'est passée à l'origine dans un contexte de pénurie de logements; aujourd'hui, le contexte est diamétralement différent. Pendant cette période, les anciens propriétaires ont fait preuve d'un inaction crasse. Il s'est passé toutes sortes de choses, mais on ne peut pas purement et simplement additionner tout ce qui s'est passé autrefois...
Très concrètement, j'ai reçu à fin 1997 de votre Grand Conseil une motion qui demandait deux choses: un, de négocier une solution, deux, d'éviter l'évacuation immédiate. Ces deux invites ont été respectées, et je vous ai rendu compte dans la réponse du Conseil d'Etat de la manière dont les choses s'étaient passées.
Pourquoi la négociation a-t-elle échoué et pourquoi a-t-elle été si longue ? Il n'est pas facile de remettre dans les normes et dans les règles de droit usuelles une situation qui dure depuis aussi longtemps. On ne peut pas, par un coup de baguette magique, remettre ainsi cet immeuble aux normes.
A cela s'ajoute que, dans la négociation - je rends hommage à la Ville de Genève qui y a effectivement participé activement - j'ai souvent eu l'impression d'un jeu bizarre où, lorsqu'une des parties faisait une proposition, l'autre se faisait un malin plaisir de la refuser. Et, quelques mois plus tard, c'était l'inverse.
Il y a eu pendant toute cette période quelques moments intenses de négociations et quelques moments aussi où il ne s'est rigoureusement rien passé. Monsieur Lescaze, vous demandez aujourd'hui ce que compte faire le Conseil d'Etat. Vous êtes bien gentil, Monsieur Lescaze, mais moi je demande ce que va faire le propriétaire ! Je ne suis pas chargé de la gestion de son bien ! Il se trouve qu'il a malheureusement laissé périmer les autorisations que, non sans peine, le département avait délivrées en prenant les avis de la CMNS, de la commune, de toutes les instances, pour arriver à monter ce dossier. Et, quand enfin il obtient ses autorisations, pour des raisons que j'ignore, il les laisse périmer.
A ce jour, pour répondre à votre question, Monsieur Pagani, aucune nouvelle requête n'a été déposée. Je ne suis donc pas en mesure, évidemment, de prendre la moindre décision à ce sujet.
Vous avez demandé ce qui allait se passer et ce qu'allait faire le Procureur général. Le Procureur général, à ma connaissance, au cours de sa campagne électorale, a toujours dit que la pratique de ses prédécesseurs était la bonne. Il ne va donc par conséquent rien faire d'autre tant et aussi longtemps qu'un projet raisonnable, dûment autorisé, ne sera pas en mesure d'être mis en chantier.
Non, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas renvoyer cette motion au Conseil d'Etat ! Si vous voulez nous poser d'autres questions sur Rhino, toutes celles que vous voudrez, c'est votre droit le plus strict. Mais les deux choses que vous aviez demandées ont été effectuées. Il vous en est rendu compte. Si vous voulez obtenir d'autres renseignements sur d'autres sujets, déposez une nouvelle motion !
Vous me demandez ce qu'il en est de la procédure intentée par le propriétaire actuel s'agissant de la corne et des décorations: à ma connaissance, il y a eu une audience devant le Tribunal de première instance mardi dernier, mais je ne sais rien de plus.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux que souhaiter que, malgré toutes les pistes qui ont été explorées de manière infructueuse à ce jour, il se dégage néanmoins à l'avenir une solution qui permette d'éviter un affrontement. Le débat que vous menez aujourd'hui montre que Rhino, qui n'est qu'une goutte dans la mer des problèmes du logement à Genève - il faut être clair: ce n'est pas exemplatif - est un objet symbolique sur lequel vous pourriez vouloir vous déchirer, sur lequel d'autres pourraient vouloir se déchirer, et ce ne serait certainement profitable à personne. Ce qui fait que si des solutions de négociation sont encore possibles nous les saisirons. A ce jour, je ne les vois pas. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi ce moment pour vous en informer. J'avais tenu au courant la commission du logement au fur et à mesure par des rapports oraux. Le rapport écrit est venu le jour où j'ai estimé que plus rien n'était possible, mais il est vrai que ce rapport a été déposé avant que les autorisations ne deviennent caduques, ce qui me laisse à penser que ce dossier n'est certainement pas près d'être définitivement clos.
Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat: je la mets aux voix.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer le rapport au Conseil d'Etat est rejetée.
Il est pris acte de ce rapport.
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). C'est la deuxième fois que notre Conseil traite d'une motion communale. Je rappelle pour mémoire que la première fois il s'agissait d'une motion de la commune de Versoix que nous avons renvoyée en commission des transports en juin de cette année.
Votée à une très large majorité par le Conseil municipal de la Ville de Genève en décembre 2001, cette motion a été déposée au Grand Conseil en février 2002. Elle est toujours d'actualité, conformément aux nouvelles dispositions de la LAC en vigueur depuis une année. Nous allons la renvoyer en commission.
Toujours pour mémoire, rappelons qu'une motion initiée par des députés socialistes a été votée par notre Conseil le 4 octobre 2001 à l'unanimité, dans une version amendée.
L'élément nouveau par rapport à octobre 2001 est que le tunnel est rouvert. Cela signifie que les autorités genevoises doivent continuer à s'impliquer dans ce dossier, que la motion de la Ville est plus que jamais d'actualité et que le tunnel est toujours aussi dangereux malgré les pseudo-mesures prises.
Le tunnel du Mont-Blanc a été rouvert par étapes. Actuellement, il est ouvert aussi aux camions en circulation alternée avec, pour seule restriction, une interdiction de passage pour les camions transportant des matières très dangereuses.
Faut-il rappeler que le camion qui a causé l'incendie meurtrier de mars 99 transportait de la margarine et de la farine, qui ne sont pas des matières classées comme dangereuses ? Je rappelle par ailleurs que le drame n'a pas été dû à la collision entre deux camions, mais à l'incendie d'un seul camion dans un tunnel large de 7 mètres.
Selon ses responsables, le tunnel a été rénové et doté d'équipements de sécurité modernes, ainsi que d'un dispositif d'intervention sûr. Faut-il rappeler que l'incendie d'un camion dégage des centaines de fois plus de chaleur et de fumées que celui d'une voiture ?
Pourquoi continuer à s'en préoccuper à Genève alors que certaines autorités françaises n'ont pas apprécié l'intervention des autorités genevoises ? Il y a trois raisons de maintenir une présence active sur ce dossier.
Premièrement, ce tunnel est très proche du territoire genevois. En cas de drame, nous sommes directement concernés, comme en témoigne d'ailleurs la participation des pompiers genevois aux efforts pour éteindre le sinistre. Le fait que des risques majeurs existent toujours malgré les avertissements doit nous interpeller.
Deuxièmement, aussi bien l'Etat de Genève que la Ville de Genève sont actionnaires des sociétés gestionnaires: en Italie SITMB et en France ATMB. Même si ces participations sont minoritaires - environ 5 à 6% - elles nous donnent une responsabilité directe et formelle dans la gestion de ce tunnel.
Troisièmement, nous devons protéger la population genevoise, puisque ce tunnel est fréquemment utilisé par les Genevois. De plus, ce drame a été causé par des négligences graves dans la gestion du tunnel, et les procédures judiciaires visant à établir les responsabilités traînent en longueur et n'inspirent guère confiance quant aux garanties que les sociétés gestionnaires pourraient donner pour le futur.
Aucune expertise indépendante au niveau de la sécurité n'a été effectuée avant la réouverture aux camions. Par ailleurs, une grande opacité a régné sur les travaux effectués et en particulier sur les liens entre les sociétés gestionnaires et les entreprises impliquées.
Nous restons donc très inquiets des dangers que ce tunnel représente. Tous les travaux de rénovation ont été effectués sur la base d'exigences de sécurité revues à la baisse, contrairement aux promesses solennelles faites juste après le drame. Ainsi les sociétés gestionnaires, par souci d'économies et au détriment de la sécurité, ont supprimé la construction d'une véritable galerie autonome d'évacuation. Ce tunnel reste donc fondamentalement très dangereux et sa réouverture aux camions, même en circulation alternée, est irresponsable.
La circulation alternée n'empêche pas une collision ou un incendie et déplace en outre les problèmes vers les rampes d'accès, particulièrement dangereuses sur le versant français du tunnel. Les mesures prises sont misérables en cas d'incendie majeur. Au vu du drame de mars 1999, on peut même estimer qu'il s'agit d'une mise en danger consciente de la vie d'autrui, ce qui est grave.
Les premières expériences faites avec les nouvelles mesures de sécurité, en particulier la distance minimale entre les véhicules, montrent qu'elles ne fonctionnent pas, soit parce qu'elles sont inapplicables, soit parce qu'elles ne sont pas respectées.
Le lobby routier exerce de fortes pressions pour faire abolir la circulation alternée et établir un régime de libre-circulation totale pour les poids lourds dans ce tunnel. Il est également frappant de constater que la concertation promise n'a pas vraiment eu lieu, que toutes les promesses faites en faveur du transfert des poids lourds sur le rail par les autorités françaises après le drame semblent complètement oubliées. Le gouvernement français vient même de remettre en question la nouvelle liaison Lyon-Turin, alors que le trafic des camions va doubler en Europe, si rien n'est entrepris. Pourtant, les capacités du transfert sur rail existent sur plusieurs axes, s'il y a volonté politique...
Nous nous trouvons devant un axe de communication régional important. Il était donc logique et compréhensible de le rouvrir au trafic des voitures ainsi qu'au trafic régional de camions de taille moyenne. Mais le passage des poids lourds de grande taille sur le trafic de longue distance ne peut plus être autorisé à cet endroit.
En Suisse, 137 000 personnes ont signé une pétition demandant un transfert des marchandises sur le rail pour les longues distances. La Ville de Genève a donc raison de soulever à nouveau le problème. Les autorités genevoises doivent rester très attentives sur ce dossier et, vu l'évolution de celui-ci, le Grand Conseil peut donner une suite adéquate à ce texte en le modifiant si nécessaire.
Les autorités genevoises, en tant qu'autorités et en tant qu'actionnaires, doivent utiliser tous les canaux politiques et judiciaires afin de faire respecter le droit et la bonne foi, d'une part, et de faire avancer les projets de transfert de la route au rail du transport des marchandises sur ces axes, d'autre part.
Tout cela a déjà fait l'objet de remarques très pertinentes de notre collègue Sami Kanaan dans l'enceinte du Conseil municipal de la Ville de Genève.
C'est pourquoi le groupe socialiste plaide pour que ce texte reçoive un accueil positif et qu'il soit renvoyé en commission des affaires communales et régionales pour examen.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Si je prends la parole brièvement, ce n'est pas tellement pour m'inscrire en faux par rapport aux affirmations de Mme Françoise Schenk-Gottret. En effet, avec la réouverture du tunnel du Mont-Blanc, toute une série de dangers persistent, et nous étions unanimes dans ce Grand Conseil à reconnaître que les mesures de sécurité qui étaient préconisées ou mises en oeuvre n'étaient pas vraiment adéquates ou, en tout cas, ne donnaient pas toute garantie.
Si je prends la parole, Mesdames et Messieurs les députés, c'est pour m'exprimer quant à l'utilité d'une telle motion.
Je dois dire que je ne regrette absolument pas d'avoir signé, en compagnie de quelques autres membres de l'Entente, un projet de loi qui vise, justement, à supprimer ce droit de motion. En effet, nous avons là exactement ce que nous craignions, à savoir que nous avons eu, au sein de ce parlement et précédemment au sein de la commission des affaires communales, un débat extrêmement complet avec toute une série d'auditions, qui nous a permis d'aborder très sérieusement toute la problématique de la sécurité au tunnel du Mont-Blanc et qui nous a permis également de déboucher - vous l'avez dit, Madame Schenk-Gottret, mais ce n'était pas tout à fait à l'unanimité: quelques voix éparses de l'Alliance de gauche manquaient - de déboucher à la quasi-unanimité sur une série d'invites au Conseil d'Etat, raisonnables sur le long terme.
Je ne vois pas pourquoi, maintenant, parce que la Ville de Genève a un droit de motion nouvellement accordé, nous devrions reprendre l'ensemble de ce débat en commission des affaires communales ! Alors, par déférence et par politesse envers la Ville de Genève, nous n'allons évidemment pas nous opposer au renvoi de cette motion en commission des affaires communales, mais, sincèrement, je n'en vois pas l'utilité; par contre, je vois la limite de ce droit accordé dernièrement aux collectivités publiques.
Mme Morgane Gauthier (Ve). C'est effectivement la deuxième fois qu'une commune nous envoie une motion, et cela en vertu des nouvelles dispositions de la LAC. Cela nous réjouit, car il est extrêmement important que les communes puissent soumettre leur position et demander au Grand Conseil d'agir sur des sujets aussi importants que le tunnel du Mont-Blanc.
Le groupe des Verts est totalement acquis à la cause défendue dans cette motion de la Ville de Genève. Nous nous rallions aux demandes formulées pour que le Conseil d'Etat se positionne très clairement en faveur de la fermeture de ce tunnel meurtrier à la circulation des poids lourds.
L'article 160B de notre constitution dit clairement que l'Etat veille à maintenir la préservation du milieu naturel, assure un environnement sain et une bonne qualité de la vie. Le chiffre 2 précise que l'Etat combat les nuisances et les pollutions affectant l'homme et son environnement.
La vallée de Chamonix est à quelques encablures de notre canton et nous sommes directement concernés en tant qu'habitants de la région. De plus, l'Etat de Genève est un actionnaire, certes petit, de cette infrastructure routière et nous lui demandons également de donner de la voix dans ce cadre.
Je profite de cette motion pour rappeler que notre comportement quotidien en tant qu'individu doit également être responsable. Les biens de première consommation sont la plupart du temps acheminés par camions. La première des choses consiste à consommer tous les produits qui sont issus de l'agriculture locale pour éviter que tous ces produits ne transitent à travers l'Europe, par camions toujours.
Pour les autres denrées moins périssables, nous soutenons toujours le ferroutage qui est un moyen de transport qui doit être exigé à moyen terme.
L'autre moyen qui permettrait la diminution du trafic routier est l'augmentation du prix des carburants. Pour cela, nous souhaitons que la Berne fédérale se penche à nouveau sur cette problématique. La qualité de vie qui passe par une diminution des émissions polluantes et une baisse du niveau sonore est une exigence et pas une utopie: le seul moyen est une baisse drastique du nombre de véhicules en circulation.
En conclusion, je tiens à remercier la Ville de Genève pour cette motion. Le groupe des Verts soutient son renvoi direct au Conseil d'Etat, sans passer par la commission, vu que tout le dossier a déjà été étudié, comme l'a rappelé M. Portier.
Nous demandons donc formellement le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Le président. Pour le moment, Madame la députée, je n'ai pas été saisi d'une demande formelle de renvoi en commission, en conséquence... (Le président est interpellé.)Je ne crois pas que Mme Schenk-Gottret l'ait demandé... Il suffit de me dire oui, Madame !
Mme Françoise Schenk-Gottret. Oui, sauf si on l'envoie au Conseil d'Etat, bien évidemment !
Le président. En l'occurrence, c'est une nouvelle procédure que l'on ne connaît pas bien... Si une motion n'est pas renvoyée en commission, elle est automatiquement renvoyée au Conseil d'Etat ! Là, si la motion était refusée par ce parlement, elle serait directement renvoyée en commission. C'est un peu bizarre comme procédure, mais cela se passera ainsi.
Monsieur John Dupraz, vous avez la parole.
M. John Dupraz (R). Cette motion n'est certainement pas ce que le Conseil municipal de la Ville de Genève a fait de mieux dans ses travaux... Pourquoi ? On peut émettre des intentions, mais je rappelle à toutes fins utiles que le tunnel du Mont-Blanc se trouve sur le territoire français et sur le territoire italien. Je ne vois donc pas comment on pourrait donner des ordres à nos voisins français et italiens ! Accepteriez-vous que le gouvernement vienne vous dire que ce n'est pas judicieux d'avoir déclassé telle parcelle avec une densité de 0,6, qu'il aurait fallu faire davantage ? (Exclamations.)C'est totalement kafkaïen, et je dois dire que cette motion est contreproductive et pour la Ville de Genève et pour l'Etat !
Je demande formellement, Monsieur le président, que cette motion soit renvoyée à la commission des affaires régionales, car la renvoyer telle quelle au Conseil d'Etat signifierait y donner suite, et cela, il n'en est pas question !
Il n'en est pas question pour deux raisons. D'une part, pour des questions de compétences politiques, car, malgré tout le respect et l'estime que j'ai pour nos conseillers d'Etat, leurs compétences s'arrêtent aux limites politiques et géographiques de notre canton.
Par ailleurs, c'est un autogoal pour la Suisse. En effet, il y a quelques points de passage pour le trafic routier à travers les Alpes - le Mont-Cenis, le Mont-Blanc, le Saint-Bernard, le Gothard, le Simplon, le San Bernardino et le Brenner, ce sont les principaux - et si on ferme le Mont-Blanc aux poids lourds, il y aura plus de camions au Gothard ! Demandez aux Uranais et aux Tessinois ce qu'ils en pensent ! C'est totalement stupide et contre-productif ! C'est d'une bêtise affligeante !
Quoi qu'il en soit, renvoyons cette mauvaise motion en commission où nous lui réglerons son compte !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour que les choses soient bien claires, je reformule la procédure car je l'ai inversée. La motion est obligatoirement renvoyée en commission, sauf si le Grand Conseil la vote, auquel cas elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Les choses étant clarifiées, je vous donne la parole, Monsieur Vanek.
M. Pierre Vanek (AdG). Je suis surpris de l'intervention de John Dupraz. Sur d'autres sujets, je pense par exemple à la loi sur le marché de l'électricité qui nous pend au nez et sur laquelle nous allons devoir nous prononcer sous peu, il a, dans cette enceinte et dans d'autres enceintes bien plus augustes que celle-ci, prêché la fatalité de l'application sur notre territoire de normes légales ou de dispositions réglementaires élaborées ailleurs, à Bruxelles ou Dieu sait où, pour justifier le fait que nous serions obligés de soumettre notre approvisionnement en électricité à des recettes néolibérales qui ont fait la preuve de leur faillite partout où elles ont été appliquées. Et, aujourd'hui, quand la Ville de Genève demande de pouvoir intervenir politiquement de l'autre côté de nos frontières - pas à l'échelle des continents, mais à quelques dizaines de kilomètres de chez nous - eh bien, M. Dupraz vient tonner ici en disant que c'est inadmissible, scandaleux, que les autorités françaises doivent rester maîtres chez elles, que l'on ne peut pas mettre le petit doigt dans cet engrenage et émettre un avis quelconque sur une question qui, pourtant, nous concerne et qui fait partie de notre environnement régional ! En vous entendant, Monsieur Dupraz, j'ai des réminesc... des riminesc...
Une voix. Réminiscences !
M. Pierre Vanek. ...réminiscences... Merci de la leçon de français ! ...de la période où nous étions quelques-uns - et le fait n'était pas encore acquis - à insister, pour qu'au nom de dispositions constitutionnelles genevoises, les autorités de la ville et du canton de Genève interviennent aussi sur un objet, certes probablement plus dangereux que le tunnel du Mont-Blanc - mais enfin il y a une dangerosité et des problèmes écologiques dans les deux cas - je veux parler du surgénérateur français de Creys-Malville sis à 70 kilomètres de Genève...
Le président. S'il vous plaît, soyez assez courtois pour rester dans le sujet !
M. Pierre Vanek. Mais je suis précisément dans le sujet !
Le président. Non, on ne parle pas de l'énergie nucléaire !
M. Pierre Vanek. Monsieur Annen, soyez assez gentil pour ne pas m'interrompre ! Tenir un discours, faire de la politique, c'est établir des connexions entre différents sujets, ce que j'essaye de faire...
Le président. Arrêtez la dialectique et restez dans le sujet, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. Je ne vais pas arrêter la dialectique: je vais, avec votre permission, dans les limites des sept minutes qui me sont imparties, continuer à la développer ! Eh bien, à l'époque, un certain nombre de personnes de cette République insistaient sur le fait qu'il fallait, selon elles, avoir une vision étriquée et frileuse de l'intervention des Genevois sur des dossiers d'ordre régionaux. C'est exactement ce à quoi m'a fait penser votre intervention ! A l'époque aussi, la Ville de Genève avait joué un rôle de précurseur avant le canton, en insistant sur le fait qu'il était possible, pour des Genevois, d'intervenir à l'échelle régionale, et cette intervention a effectivement été couronnée de succès sur la question de Creys-Malville. J'arrête là la digression que me reprochait le président.
Je crois que la demande adressée par le Conseil municipal à son Conseil administratif, qui nous est renvoyée pour que nous l'adressions au Conseil d'Etat, est parfaitement recevable. Elle correspond évidemment aux préoccupations de ce Grand Conseil telles qu'elles ont déjà été émises dans cette enceinte au cours de certains débats, et nous pouvons selon moi renvoyer cette motion au Conseil d'Etat en nous économisant un passage en commission.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je partage également les soucis du parti écologiste et du parti socialiste.
Je suis néanmoins dans l'obligation de donner en partie raison au collègue Dupraz, qui a évoqué le transfert de trafic. C'est vrai, une des conséquences de la fermeture du tunnel du Mont-Blanc aux poids lourds - qui n'a d'ailleurs pas été modifiée par la réouverture - a été de quadrupler le trafic des poids lourds sur les axes de Gondo et du tunnel du Grand Saint-Bernard.
J'aimerais quand même vous dire que, depuis le début de l'année, deux poids lourds qui avaient commencé à prendre feu se sont présentés à l'entrée du tunnel du Grand Saint-Bernard. Ils ont pu être interceptés in extremis et l'incendie éteint. Finalement, vouloir interdire la circulation au tunnel du Mont-Blanc, c'est bien, mais si c'est pour engendre des incendies au tunnel du Grand Saint-Bernard, ce n'est peut-être pas si bon que cela...
Je saisis l'occasion pour dire qu'aujourd'hui les risques sont accrus, entre autres parce que la Confédération a assoupli ses mesures en matière de police des transports, notamment en adoptant les normes européennes en matière de largeur de camions, qui est passée de 2,30 m à 2,50 m. Des camions en provenance d'Italie, qui n'ont pas de freins et qui roulent avec des pneus lisses, circulent quotidiennement sur nos routes et les mesures liées à la charge des poids lourds ne peuvent pas être respectées parce que la Suisse n'est pas équipée dans tous ses points de passage pour contrôler le poids de ces poids lourds.
Alors, avant d'inviter l'Etat de Genève à intervenir côté français, il conviendrait de faire le ménage chez nous en Suisse et de demander à la Confédération de regarder ce qui se passe à ses propres frontières.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. La précédente motion que vous avez traitée sur le même sujet avait donné lieu à un examen très approfondi et très sérieux par votre commission des affaires communales, régionales et internationales - M. Portier l'a rappelé tout à l'heure.
Il me semblerait souhaitable que cette motion fasse l'objet d'un même examen dans la mesure où passablement de choses ont changé avec le temps et où le Conseil d'Etat aurait bien de la peine à donner purement et simplement suite à la motion de la Ville, qui demande d'empêcher la réouverture d'un ouvrage aujourd'hui ouvert...
En revanche, il y aurait évidemment lieu de s'interroger sur ce que signifie l'alternat pour savoir s'il sera maintenu, s'il sera amélioré ou, au contraire, supprimé, avec les nombreuses conséquences que cela peut avoir.
En ce qui concerne la sécurité au tunnel du Mont-Blanc, nous devons à la mémoire de ceux qui y sont décédés et à la douleur de leurs proches de faire en sorte qu'elle soit améliorée au maximum.
Mais cette tragédie du tunnel du Mont-Blanc devrait également nous interpeller sur tous les autres points du trafic qui ne sont pas sûrs aujourd'hui. En effet, si vous faites la route de Genève à Turin, vous constaterez que le tunnel du Mont-Blanc n'est pas le plus dangereux. Je suis même catégoriquement convaincu du contraire. Si l'on veut que ces morts tragiques ne restent pas vaines, il convient d'élargir aussi notre réflexion en matière de sécurité routière sur d'autres éléments que le seul tunnel du Mont-Blanc. Il y a, je le répète, des endroits plus dangereux, des tunnels qui n'ont pas tous les équipements qui ont été mis en place au tunnel du Mont-Blanc.
Il convient donc à mon sens d'aborder cette problématique de manière globale, ce qu'il est plus raisonnable de faire en commission qu'en séance plénière.
Le président. Nous sommes saisis d'une proposition de voter cette motion: que celles et ceux qui acceptent cette motion telle qu'elle est, sans modification, et son renvoi au Conseil d'Etat, veuillent bien lever la main...
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
Cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Débat
M. Pierre-Louis Portier (PDC). L'exiguïté de notre territoire n'aidant pas à résoudre les épineux problèmes que nous devrons affronter, tels que la pénurie de logements, le peu de surfaces encore disponibles pour l'installation de nouvelles entreprises, institutions ou équipements publics, ou encore le manque d'espaces verts dans certains quartiers, nous oblige à devoir rechercher d'autres solutions que celles que souvent nous évoquons dans cette enceinte, c'est-à-dire la densification de la zone villas, le déclassement de la zone agricole, la surélévation des immeubles, l'aménagement de combles, etc., etc.
De plus, nous devons faire face à des procédures souvent compliquées et permettant des oppositions aussi nombreuses que déterminées.
Ce problème posé, il convient donc de formuler des propositions concrètes et tel est le but des présents motionnaires, lesquels sont persuadés qu'il existe à Genève un gisement prometteur mais certainement encore trop peu exploité, à savoir les surfaces et les volumes situés au-dessus de certains axes routiers ou ferroviaires.
Exploiter ces surfaces, c'est mettre en avant des priorités; économiser le sol - ce bien à consommer avec modération dans un petit canton comme le nôtre - améliorer la qualité de la vie en général; trouver des solutions dans la perspective d'un développement durable; lutter contre la pénurie de logements et d'autres types de locaux; conserver en milieu urbain des espaces verts non construits, là où on serait tenté, au contraire, de densifier. Enfin, mieux valoriser les petites parcelles situées de part et d'autre des axes pressentis.
Même s'ils sont encore trop rares, d'excellents exemples existent à Genève, qui ne font que renforcer notre certitude que ces aménagements sont non seulement possibles mais nécessaires et qu'ils offrent d'excellentes solutions à toutes sortes d'aménagements.
Celui qui vient immédiatement à l'esprit est la couverture des voies ferrées dans le quartier de Saint-Jean. De sa genèse à son achèvement, ce chantier a soulevé bien des passions, mais il est aujourd'hui unanimement salué comme une réussite à bien des égards. Les habitants ont retrouvé le sommeil et toute une grande surface est désormais disponible pour le développement du quartier.
La halle 6 qui se termine au-dessus de l'autoroute est l'autre exemple spectaculaire qui permet de mettre en avant l'immense surface disponible pour Palexpo, sans avoir consommé ni terrains agricoles ni zones constructibles.
Il y a enfin un autre exemple, celui de l'immeuble administratif et commercial où je me rends quotidiennement pour mon travail et qui m'a inspiré cette motion, enjambant l'avenue Cardinal-Mermillod à Carouge. Construit il y a plus de trente ans, son affectation a changé. De dépôt, il est devenu bâtiment commercial, mais, depuis le début, cet immeuble est bien intégré dans son environnement et abrite désormais plus de 600 personnes qui le fréquentent quotidiennement pour leur travail, cela sans compter la nombreuse clientèle fréquentant les différents magasins et bureaux. C'est, dans ce cas, l'exemple d'une très importante activité économique concentrée sur une faible surface et peu gourmande en terrain constructible.
S'agissant du coût de telles constructions, certes il est relativement important en raison de la nécessité de construire des dalles enjambant les routes et voies ferrées, mais je dis bien «relativement», car si vous déduisez l'économie réalisée sur le faible coût ou la non-acquisition du terrain, ces opérations sont tout à fait soutenables sur le plan économique. D'autre part, en termes de réponse aux nuisances phoniques, des constructions de ce type permettent dans beaucoup de cas des économies en matière de protection contre le bruit.
Beaucoup de villes réfléchissent à la mise en oeuvre de ces solutions. La ville de Zurich a un projet déjà fort avancé visant à la couverture de sa gare. La gauche plurielle et, en particulier, les Verts ont fait de ces solutions un argument de campagne électorale lors des dernières élections municipales à Paris. Ils souhaitent la couverture de certains tronçons du périphérique, non seulement pour retrouver des surfaces où construire, mais surtout pour permettre des passages entre les quartiers ou vers les communes environnantes, ce qui n'est, en l'occurrence, pas le moindre de leurs arguments. Car chez nous également, les quartiers actuellement gênés par la présence d'un axe à fort trafic pourraient, grâce à ces ponts, retrouver une autre vie sociale ou un autre mode de fonctionnement.
En conclusion, il ne s'agit pas de densifier encore plus certains lieux de notre agglomération mais, au contraire, de les aménager différemment. Cette motion s'inscrit dans les lignes du plan directeur communal qui vise le développement durable par la non-dispersion du bâti et l'équilibre entre constructions et espaces verts.
C'est dire, Mesdames et Messieurs les députés, que, sans tarder, nous demandons le renvoi de cette motion en commission de l'aménagement et que, d'ores et déjà, nous souhaitons une étroite collaboration avec le Conseil d'Etat pour que s'engage une réflexion complète à ce sujet.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). J'ai bien écouté vos propos, Monsieur Portier, et je dois dire qu'il est tout à fait louable de se soucier de l'aménagement de ces nouvelles surfaces à disposition ou surfaces à créer au-dessus de lieux déjà occupés.
Dans votre exposé des motifs et dans votre intervention, Monsieur Portier, vous parlez beaucoup de développement durable, de qualité de la vie, d'espaces verts, mais, malheureusement, ces termes ne sont pas repris dans les invites de votre motion, et ce sont les invites qui sont votées. Pour notre part, nous voulons que, sur des surfaces qui sont actuellement des pénétrantes vertes, comme, par exemple, le futur tracé de la voie ferrée Annemasse/Eaux-Vives, on respecte le caractère de verdure. Et lorsqu'il y aura la future ligne CEVA enterrée, qu'on y aménage aussi des zones de détente, de verdure, des pistes cyclables, ce qui est très important pour la qualité de vie que doit respecter le développement durable.
Je n'ai pas proposé d'amendement, parce que nous en avons discuté ensemble, mais j'espère qu'en commission vous tiendrez vraiment compte de cet aspect dans la deuxième invite, pour éviter qu'il n'y ait que du bétonnage. Cela me paraît très important.
M. Christian Grobet (AdG). Nous ne sommes pas du tout convaincus par cette motion qui, qu'on le veuille ou non et contrairement à ce qu'a dit M. Portier, s'inscrit dans une perspective de densification à outrance du territoire.
Nous n'excluons pas les possibilités de couvrir ponctuellement tel ou tel secteur ferroviaire ou tel ou tel secteur routier lorsqu'il y a un besoin qui peut le justifier.
L'exemple de la couverture des voies CFF à Saint-Jean a été évoqué: cela a été une opération particulièrement coûteuse - 60 millions - mais il faut reconnaître que le passage et surtout l'augmentation du trafic ferroviaire sur une ligne de chemin de fer située en plein milieu d'un quartier d'habitation pouvait évidemment justifier un ouvrage de ce type. D'autant plus si cette couverture permet de dégager des espaces supplémentaires dans des quartiers surdensifiés, ou la réalisation de certains petits équipements publics de quartier qui ne trouvent pas de terrains disponibles.
On peut évidemment aussi imaginer que de telles couvertures de l'autoroute de contournement pourraient se justifier, si on venait construire à proximité de celle-ci, contrairement aux options qui avaient été prises en son temps, à savoir de ne pas créer de nouvelles zones à bâtir en bordure de ce grand axe routier.
J'aimerais toutefois rappeler que, de manière générale, les couvertures routières accroissent sensiblement le danger pour la circulation routière. On a parlé tout à l'heure du tunnel du Mont-Blanc. Dans notre propre pays, en Suisse romande, il y a eu des accidents, et à Genève également dans le tunnel de Vernier qui, entre parenthèses, est hypersécurisé pour réagir en cas d'incendie. Mais, dans la réalité, lorsqu'un incendie se déclare sur une route où il y a un tunnel ou une tranchée couverte, ou qui est recouverte par des constructions, les automobilistes sont presque pris comme des rats dans ce type d'ouvrages. Nous pensons donc que ces réalisations ne doivent être envisagées qu'à titre tout à fait exceptionnel.
Cette solution a été retenue - à notre avis à mauvais escient, on y reviendra tout à l'heure - en ce qui concerne Palexpo. On aurait pu envisager la solution qui a été retenue s'il avait fallu agrandir le Palais des expositions et qu'il n'y avait plus eu de possibilité de construire sur les terrains jouxtant celui-ci. Mais, de manière générale, nous pensons que ce mode de construction n'est pas approprié.
Du reste, il y a eu un ou deux exemples d'immeubles qui ont été construits par-dessus des voies de circulation, heureusement fort rares dans notre ville. Ce sont des solutions qui ont été conçues pour des densifications, mais, au niveau de la qualité de l'environnement et de la qualité de l'habitat, elles ne sont pas souhaitables.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. J'accueille favorablement aussi bien la motion que les réserves de Mme Leuenberger et de M. Grobet. En effet, il y a effectivement un certain nombre d'endroits qui pourraient aisément être couverts, et nous serions gagnants s'ils l'étaient, pour autant que l'exploitation de la plate-forme soit raisonnable et cohérente. Il ne s'agit effectivement pas de créer des densités artificiellement trop élevées ou d'oublier que nous avons aussi besoin de verdure. La difficulté - c'est la raison pour laquelle vraisemblablement ce type d'ouvrages restera rare - c'est le coût. Pour la construction d'un seul immeuble, la plate-forme peut être rentabilisée, mais l'opération est peu rentable pour un plus vaste périmètre, étant donné que ce dernier doit pouvoir respirer et qu'il faut de la verdure.
Vous avez parlé de renvoyer cette motion en commission: je ne suis pas très sûr que cela soit indispensable. Je veux bien faire l'inventaire qui est demandé: cela permettra de voir les périmètres sur lesquels une telle démarche pourrait être envisagée.
Vous me permettrez juste de penser qu'il n'y a pas d'urgence et que vous laisserez au département le temps nécessaire pour faire cet inventaire.
Le président. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission: je la mets aux voix.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous stoppons là nos travaux et nous les reprendrons à 16 h.
La séance est levée à 15 h 40.