République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8706
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Satigny (création d'une zone des bois et forêts et d'une zone de développement industriel et artisanal et abrogation d'un sous-périmètre destiné à un stand de tir) et modifiant le périmètre de protection générale des rives du Rhône, au lieu-dit "Bois-de-Bay"

Préconsultation

M. Rémy Pagani (AdG). Avec ce projet, il s'agirait de déclasser une zone agricole importante, au prétexte que la zone industrielle de Peney serait trop petite et nécessiterait d'être agrandie. Cependant, nous avons soulevé le problème suivant et continuerons à le faire en commission: cette zone industrielle est vouée à l'industrie, or on y trouve - ou on y trouvait en tout cas, je ne sais pas si le département a mis les choses à plat - un certain nombre de vendeurs de voitures qui n'ont rien à faire dans une zone industrielle telle que celle-là. Par ailleurs, et cela est encore plus grave, il y a sur ce terrain, comme vous le savez, une carrière qui, selon nos informations, ne pourrait être comblée, car les propriétaires de cette carrière n'auraient pas les moyens de le faire. Or, depuis passablement d'années, il existe dans notre canton une loi qui impose à tout entrepreneur qui exploite une carrière de remettre en l'état le terrain. Et si ce terrain est remis en l'état, en l'occurrence dans cette zone du Bois-de-Bay, cela offrirait un certain nombre de mètres carrés supplémentaires, nécessaires au développement industriel de notre canton.

Cette carrière appartient à Losinger, et je vous lis simplement un extrait d'un article publié sur les bénéfices de cette entreprise: «(Les constructions Losinger) estiment avoir vécu un excellent exercice en 2001; la filiale bernoise du géant français de la construction Bouygues a vu ses ventes progresser de 25% par rapport à l'année précédente, à savoir 378 millions de francs.» En conséquence, lorsqu'on a affaire à une entreprise qui dégage de pareils bénéfices, on comprend mal qu'elle ne puisse remettre en l'état une carrière, comme le font l'ensemble des entreprises qui exploitent des carrières dans notre canton. Ainsi, tant que ces 200 000 m2 exploités en carrière ne seront pas remis en état, nous nous opposerons, et de manière ferme, ainsi que le WWF l'a fait, au déclassement de la zone agricole proposé dans ce projet de loi, et nous vous invitons à faire de même. L'occasion nous sera donnée en commission de travailler sur ce projet de loi et nous espérons avoir les réponses aux questions que nous avons déjà posées concernant l'utilisation abusive de ce terrain industriel par des vendeurs de voiture et concernant la remise en état de cette carrière, ou plutôt de cette gravière. S'il le faut, nous nous battrons pour empêcher l'extension de cette zone.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, mes propos iront dans le sens de ceux de Rémy Pagani.

Ce projet a deux objectifs. M. Pagani n'a pas parlé du premier, qui serait de remettre de l'ordre dans la zone de bois et forêts, que le plan de 1983 et la loi sur la protection des rives du Rhône voulaient protéger des futurs déclassements. Mais là déjà, Monsieur Moutinot, votre premier objectif a du plomb dans l'aile, car vous réussissez à soustraire, j'oserais dire à «racketter», 5 000 m2 à la zone actuelle, c'est-à-dire à diminuer le périmètre de protection des rives du Rhône, alors que, d'après moi, il faudrait plutôt l'agrandir, vu la pression des activités humaines sur l'environnement. Bien entendu, nous n'accepterons pas cela en commission.

Le deuxième point consiste à déclasser 190 000 m2 de zone agricole - classée en surface d'assolement - pour créer une zone industrielle. D'après l'exposé des motifs, il s'agirait principalement de réparer des erreurs d'installation d'activités, qui se sont mises un peu n'importe où, et souvent de façon illégale. On peut d'ailleurs lire à la page 10 de votre projet que des «principes d'aménagement préconisés par le plan directeur n'ont pas été respectés», qu'«une desserte a été réalisée sans tenir compte du plan», qu'il y a eu des «remblayages illégaux», des «bâtiments érigés dans le périmètre de protection, des «dépôts non conformes à la zone légale», etc. etc. Or, avant de déclasser une zone si importante, le minimum à attendre du Conseil d'Etat serait qu'il utilise rationnellement et légalement la zone industrielle existante !

Vous prétextez aussi la pénurie de zones industrielles. On peut citer quelques exemples contradictoires. Vous, l'Etat, vous avez bradé des terrains industriels pour créer des centres commerciaux: la Migros à la Praille, Conforama et Jumbo à la Zodim, Pfister à Meyrin, etc. Vous avez laissé des activités administratives, des commerces de voitures s'installer en zone industrielle, alors que ce n'était pas leur destination. Et qu'est devenu le Brico-Loisirs libéré par la Migros? De plus, vous prétextez, comme l'a déjà dit M. Pagani, le déménagement dans la future zone du Bois-de-Bay de deux exploitations qui traitent des matériaux graveleux, pour justifier ce déclassement. Ces entreprises sont certes utiles, on ne le conteste pas, mais elles se trouvent illégalement sur des terrains agricoles existants. Il ne s'agit donc pas de mesures compensatoires, comme prétendu dans l'exposé des motifs. De plus, rien ne dit que les entreprises du Cannelet et de la Petite-Grave accepteront de partir pour aller au Bois-de-Bay.

Tout cela donne une impression d'anarchie, de compensation illusoire, de mesures à la va-vite pour réparer des illégalités, le tout sur le dos de la zone agricole. La seule solution qui vous paraît possible serait de déclasser la zone agricole, afin d'avoir plus de place pour légaliser des activités non conformes aux emplacements où elles se déroulent. Pour nous, cette façon de procéder est tout à fait inadmissible, vu l'exiguïté du territoire et la nécessité de préserver des zones non bâties, agricoles et protégées. Aussi, nous n'accepterons en commission ni flou, ni incertitude pour justifier ces déclassements, et nous nous y opposerons tant que les situations illégales ne seront pas réglées et que la zone industrielle existante ne sera pas mieux occupée.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je serai relativement brève, car mes propos iront dans le sens de mes deux préopinants. S'il nous semble effectivement opportun de repenser l'aménagement du périmètre du Bois-de-Bay, nous avons tout de même quelques réticences à propos de ce projet de loi. Je partage aussi les préoccupations des milieux de la protection de l'environnement, puisque le projet prévoit une diminution de 5 000 m2 de la zone de bois et forêts. Ensuite se pose la question du déclassement de 191 000 m2 de terrains agricoles en zone industrielle, pour lesquels on ne propose pas de réelles compensations. Par ailleurs, la perspective de réunir en un seul lieu le traitement des matériaux de gravier du Cannelet et de la Petite-Grave peut effectivement être intéressante mais, pour l'instant, les propositions sont, là aussi, pour le moins hypothétiques. Toutes ces questions-là devront être examinées attentivement en commission, parce que tout cela nous semble en effet très boiteux pour le moment.

M. Jean-Michel Gros (L). Nous ne nous opposons évidemment pas au renvoi en commission et toutes les questions qui ont été évoquées devront être étudiées. Mais à l'écoute des interventions précédentes, on a l'impression que, tout à coup, les problèmes d'emploi à Genève n'ont plus beaucoup d'importance. Quand j'entends Mme Leuenberger critiquer les implantations de centres commerciaux, voire de commerces de voitures dans certaines zones industrielles, j'aimerais qu'elle m'explique où il aurait fallu mettre ces activités, qui créent énormément d'emplois.

Au Bois-de-Bay, Monsieur Pagani, il n'y a pas de vendeurs de voitures, mais, jusqu'à présent, des démolisseurs de voitures. Madame Leuenberger, j'espère que la commission d'aménagement - je crois que vous n'en faites pas partie - organisera un déplacement là-bas, pour aller voir ce qu'est cette zone «agricole» que nous sommes en train de déclasser. Cette zone agricole est impropre à l'agriculture, puisque, M. Pagani l'a souligné, ce sont soit des carrières, soit des remblaiements de carrières. Je vous assure que les agriculteurs qui travaillent là-bas - je les connais - ne sont pas gâtés par les terres qu'ils cultivent.

Cette zone se prête tout à fait à l'agrandissement de la zone industrielle du Bois-de-Bay. Bien sûr, nous ne nous opposerons pas à un assainissement de celle-ci, qui, à ses débuts, a connu une certaine anarchie. Mais je crois que renvoyer ce projet en commission avec un préavis d'ores et déjà négatif, c'est de l'inconscience vis-à-vis des emplois, industriels notamment, à Genève.

Après tout ce qui a été dit, je crois qu'il faudra vraiment se poser la question de la possibilité de transformer des zones industrielles en zones d'activités. Car il est vrai que nous avons mis Brico-Loisirs dans la zone industrielle de la Praille, mais il fallait bien le mettre quelque part ! Fallait-il le mettre en zone agricole ? ou en zone viticole ? Je ne pense pas. Brico-Loisirs est en tout cas mieux placé ici que dans la zone agricole. D'autre part, et vous auriez peut-être pu le souligner, le Conseil municipal de la commune de Satigny a donné, à l'unanimité, un préavis positif à ce projet. Or il me semble que c'est tout de même lui le mieux placé pour juger de la situation.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le déclassement qui vous est proposé a une certaine ampleur, et il est légitime qu'il entraîne un certain débat. Ce projet de déclassement n'est toutefois pas une surprise, puisque ce périmètre est identifié dans le plan directeur cantonal comme étant l'une des extensions possibles de la zone industrielle, et nous ferons volontiers, en commission, la démonstration de sa nécessité.

En ce qui concerne la modification des limites de zones de bois et forêts, il est vrai que le bilan global est négatif, Madame Leuenberger, mais si vous regardez la forme actuelle de cette zone de bois et forêts, elle n'a aucun sens. Le plan a été fait de manière à garantir systématiquement, à partir du Rhône, au moins 50 mètres de zone de bois et forêts, alors qu'il y a, actuellement, des espèces d'anses très bizarres dans un sens comme dans l'autre. Je note que nous n'avons reçu qu'une seule observation pendant l'enquête publique, alors que, comme l'a rappelé M. le député Gros, la commune de Satigny s'est quant à elle déclarée favorable à ce projet. Les critiques que vous avez formulées, notamment quant à l'utilisation actuelle de certaines zones industrielles, portent en réalité sur d'autres périmètres. Il faudra bien entendu que nous examinions l'une après l'autre les critiques que vous avez formulées, et que nous y donnions réponse. Il y a des cas, mais ils sont plus rares que vous l'imaginez, Monsieur Pagani, où se trouvent en zone industrielle des entreprises dont on peut se demander si elles devraient s'y trouver, mais il y a aussi des cas, M. Gros l'a rappelé, où on ne sait pas où mettre les choses... Apparemment, à lire strictement les définitions, aucune zone ne se prête à l'entreposage de véhicules, par exemple.

En ce qui concerne la question extrêmement pertinente du déplacement des gravières et installations du Cannelet, d'une part, et de la Petite-Grave d'autre part, il est évident que, là aussi, des compléments d'explication vous seront donnés en commission. Ces deux installations sont extrêmement critiquées par les communes sur le territoire desquelles elles se trouvent. Nous sommes en discussion avancée avec l'une et l'autre, pour rendre non seulement à l'agriculture, mais aussi à la nature et au paysage, toutes ses caractéristiques, aussi bien au Cannelet qu'à la Petite-Grave. Voilà, Mesdames et Messieurs, tout ce que je peux dire en débat de préconsultation. Je le répète, je prends au sérieux les critiques et remarques qui ont été faites, et nous vous apporterons les réponses nécessaires en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.