République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 juin 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 10e session - 52e séance
PL 8719-A
Suite du premier débat
Le président. Monsieur Reymond, vous avez la parole...
M. André Reymond (UDC). Merci, Monsieur le président, de me donner la parole avant que n'intervienne M. le président Cramer. Permettez-moi d'avoir quelques doutes tant qu'on ne m'aura pas donné quelques garanties. On a dit que cette liaison Praille-Eaux-Vives serait viable si elle continuait sur la France et ne s'arrêtait pas à la frontière. Elle serait, paraît-il, réalisable financièrement, mais que se passera-t-il si rien ne se fait à partir de la frontière suisse de Thônex ?
On parle maintenant de la ligne du Tonkin qui devrait être réactivée. Monsieur le président, vous qui êtes écologiste, voici une remarque concernant le ferroutage. Si nous apportions à la gare de la Praille les mesures d'accompagnement nécessaires et que la ligne du Tonkin jusqu'à Saint-Gingolph soit rétablie, nous arriverions, à travers le Valais, jusqu'au Simplon, qui est un tunnel de base. Ainsi, comme il a été dit dans cette assemblée, il serait possible de faire du ferroutage, ce qui pourrait peut-être décharger le Mont-Blanc.
Ma deuxième préoccupation concerne la nappe phréatique. On parle de tranchée couverte: est-ce une simple tranchée couverte ou est-ce vraiment un tunnel ? Des études ont-elles été faites sur les conséquences de cette réalisation sur la nappe phréatique ?
J'en profite, puisque j'ai la parole, pour poser une question. Je ne sais pas si le train, en 2004, arrivera de Gland, de Cornavin ou de Pont-Rouge, mais ne serait-il pas déjà possible de s'occuper du maillon faible des transports en commun qui va jusqu'au bas du Bachet-de-Pesay ? Nous serions là au pied des trams 12 et 13 et je crois que, pour les personnes qui viennent de la gare, pouvoir aller à Bachet-de-Pesay serait déjà un grand pas en avant. Ce serait un pas de plus concernant la réalisation de cette ligne la Praille-Eaux-Vives - éventuellement jusqu'en Valais - qui, je l'espère, verra le jour.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, certains l'ont dit tout à l'heure - M. Barrillier, M. Barthassat - ce vote est effectivement un vote historique, non seulement parce qu'on l'attend depuis bientôt cent ans, mais aussi parce qu'il comporte un engagement important de notre collectivité: ce n'est pas tous les jours que ce Grand Conseil vote une dépense de 400 millions. C'est dire que nous avons le devoir, lorsque nous prenons une décision de cette importance, d'avoir au préalable mené la réflexion qui s'impose. On peut bien sûr relever que, depuis 1912, nous avons largement eu le temps de réfléchir, mais je vous dirais que ces deux dernières années plus précisément, grâce aux ressources que le Grand Conseil a mises à notre disposition - tout d'abord en adoptant un premier crédit d'étude de 6 millions, puis un second de 30 millions - vous nous avez donné les moyens d'une réflexion beaucoup plus fournie, les moyens de construire des dossiers documentés. D'ailleurs, la réflexion que nous avons faite est largement retranscrite et résumée dans ce rapport important et sérieux, me semble-t-il, que nous vous avons adressé et elle a été complété lors des travaux en commission. M. Droin en a parfaitement rendu compte et je tiens ici à rendre hommage à son travail, parce que dans le laps de temps extrêmement bref qui lui avait été imparti par la commission, il a pu rendre compte de l'essentiel des informations qui ont été communiquées.
J'en viens maintenant à vos questions, parce qu'elles sont toutes légitimes et qu'elles méritent toutes réponse. Tout d'abord, Mme Schenk-Gottret relève qu'il serait intéressant de faire, en plus des études déjà réalisées, des études complémentaires sur les impacts, notamment urbanistiques, sur la vie des quartiers, sur les impacts d'aménagement que représente une réalisation de cette importance. J'en suis totalement convaincu, Madame la députée, et je vous assure que, dans le cadre de ces rapports que nous aurons à vous remettre, en application de l'article 11 que vous avez introduit dans la loi - disposition qui sera encore complétée à la suite de l'amendement que M. Koechlin vous présentera tout à l'heure et auquel le Conseil d'Etat adhère, je l'indique déjà - à l'occasion de ces rapports donc, et plus particulièrement du premier rapport que nous vous ferons après l'ouverture du chantier, nous répondrons aux différentes questions que vous nous avez posées et dont vous avez eu l'amabilité de me remettre le texte par écrit.
M. Koechlin a posé diverses questions et a rendu compte également d'un certain nombre d'éléments factuels. Quant à ces éléments, Monsieur le député, il y a un point sur lequel je souhaiterais attirer votre attention: lorsque l'on parle d'une enveloppe de l'ordre de 950 millions, cela s'entend bien sûr avec les coûts de la tranchée couverte y compris. Je ne crois pas qu'il me sera possible de répondre dans le détail aux questions que vous avez posées, mais je vais essayer de répondre à l'essentiel. Le premier point, je crois, qui vous a préoccupé était de savoir en quoi la situation avait changé par rapport à l'époque où M. Maitre était en charge du département de l'économie et où les études qui avaient été menées indiquaient qu'une telle réalisation ne serait pas rentable. La situation a simplement changé en ce sens qu'il y a une véritable explosion de l'urbanisation - vous l'aviez d'ailleurs vous-même remarqué à l'occasion d'une de nos dernières séances - dans la région genevoise. La population a augmenté considérablement et continue à augmenter, et il y a une explosion des activités, c'est dire que nous avons dû réactualiser les chiffres. Ces réactualisations sont mentionnées dans le rapport. J'attire en particulier votre attention sur la page 45, qui rend compte des études socio-économiques qui ont été menées, ainsi que sur les pages 33 et 34, qui rendent compte des différentes structures mises en place pour réactualiser ces études.
Le second point sur lequel vous avez insisté concerne la coordination entre ce projet de loi que vous allez voter et qui nous permettra de faire une réalisation qui s'arrêtera, au fond, à la frontière, et ce qui va se faire en France voisine. Sur ce point, je ne peux que vous renvoyer aux pages 33 et 34 du rapport, où l'on traite de l'organisation du projet et que je vais vous commenter un peu. Plus particulièrement, je dois insister sur le fait que depuis deux ans il existe une structure transfrontalière franco-valdo-genevoise, où sont représentés aussi bien l'Office fédéral des transports que le canton de Vaud, par son conseiller d'Etat Philippe Biéler, et les autorités françaises, aussi bien au niveau de la région qu'au niveau des représentants du gouvernement par le biais des préfets, aussi bien au niveau des départements qu'au niveau de la SNCF et de RFF - Réseau ferré de France - ainsi que, bien sûr, les CFF et les TPG, qui participent à tout cela. Tous ensemble, nous avons dessiné l'avenir du ferroviaire, l'avenir des transports régionaux à Genève. Cela s'incarne dans une carte que je peux mettre à votre disposition et qui a d'ailleurs déjà été présentée à ce Grand Conseil, à la commission des transports. En ce qui concerne le financement, cela veut dire bien sûr que chacun va faire sa part sur son territoire. Il est vrai que la part Cornavin-Eaux-Vives-La Praille est très spectaculaire, puisqu'il faut faire des tunnels et des tranchées couvertes, mais il y aura ensuite également des travaux très importants à faire en France. Nous savons que cela va coûter 3 à 4 millions au niveau du fonctionnement, cela figure en page 32 du rapport, mais avec un taux de rentabilité interne de 12%, cela figure également dans le rapport.
J'en viens à votre troisième question: «Allons-nous compromettre l'avenir en adoptant ce crédit ?» Je réponds très clairement que non, car le gouvernement apporte un financement pour ce projet. Il s'agit de la RPLP, la taxe poids lourds qui, nous dit Berne, doit être affectée. Nous allons l'affecter à ce projet-là et cela permettra pratiquement de porter le projet. Je pourrais vous le montrer par quelques chiffres, mais autant vous dire que si l'on se situe dans la fourchette haute des rentrées pronostiquées pour la taxe poids lourds, celle-ci ne sera pas entièrement absorbée par le projet, de sorte qu'il restera encore de l'argent pour d'autres projets; si l'on se situe dans la fourchette basse, il faudra rajouter un petit financement, mais ce projet est, pour l'essentiel, autofinancé.
J'en viens maintenant rapidement aux...
Le président. Il va falloir conclure, Monsieur le président... (Brouhaha.)C'est le règlement, et le règlement est valable pour tout le monde. Je suis navré.
M. Robert Cramer. Je vous remercie d'avoir attiré mon attention: je vais m'efforcer d'être extrêmement bref.
J'en viens à l'intervention de M. Pagani pour lui dire une chose très simple, mais qui me semble essentielle. Non, Monsieur le député, le canton ne jouera pas la banque dans cette affaire. En ce qui concerne les décaissements, nous entendons bien faire en sorte que, dès le début du chantier, les CFF mettent un franc à chaque fois que nous mettrons un franc. C'est un engagement que je prends à votre égard.
Un député a parlé ensuite, je crois que c'était M. Meylan, de la question du tracé. Il a eu ce mot: «On vient de nulle part, pour aller nulle part, en passant par nulle part.» On vient tout de même d'Annemasse, Monsieur le député, où il y a 70 000 habitants et où l'on entend construire un pôle autour de la gare; on passe par les Eaux-Vives, où il y a 30 000 habitants, c'est-à-dire plus d'habitants qu'à La Chaux-de-Fonds, qu'à Neuchâtel ou qu'à Fribourg, et si vous ne pensez pas que ces localités méritent une gare, moi je pense que oui; on passe par l'hôpital où, d'après mon collègue Pierre-François Unger, l'on remplit plus de 10 000 fiches de paie chaque année, c'est donc un certain pôle pour l'emploi; et l'on arrive à la Praille, vous avez vous-même souligné l'importance de ce site. Vous avez parlé de rentabilité, je vous renvoie encore une fois au rapport: le taux de rentabilité interne est de 12% (page 45 du rapport), le coût de fonctionnement de 3 à 4 millions (page 32 du rapport).
Enfin, quel type de tunnel? Eh bien un tunnel, comme vous l'avez relevé, Monsieur Meylan, que l'on construit pour cent ans et où l'on doit pouvoir tout faire passer, car il s'agit de réserver l'avenir, c'est-à-dire autant des trains internationaux que des trains régionaux bien sûr, mais aussi des trains de marchandises.
J'en viens enfin aux dernières questions qui ont été posées, celles de M. Reymond. La nappe phréatique ne devrait pas être atteinte, car lorsqu'on parle de tranchées couvertes, cela signifie que l'on ne creuse pas très profondément, ce ne sont pas des tunnels. Mais il faudra bien sûr réaliser un ou deux tunnels, notamment pour passer sous la colline de Champel. Des investigations géologiques se font actuellement. Quant aux prochaines haltes, les CFF nous offrent pour décembre une halte à Pont-Rouge, halte qui nous permettra d'avoir une première image de ce que sera ce réseau RER. Il est certain aussi que nous allons essayer très vite d'équiper d'une gare le site de la Praille, parce qu'il y a là, déjà, une connection possible et qu'une première utilisation de ce réseau peut y être faite. Je vous donne également rendez-vous en 2004, au moment où la troisième voie CFF sera mise en fonction.
Le moment est largement arrivé, je crois, de conclure. Je dirais simplement, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut rappeler que si ce projet peut vous être présenté aujourd'hui, c'est parce que vous l'avez voulu, parce que vous en avez pris l'initiative. Vous vous souvenez que les projets gouvernementaux étaient différents, ils passaient par ce que l'on appelait le barreau sud. C'est vous qui avez voulu qu'il en soit différemment, c'est vous qui, unanimes, et je crois que c'est unique dans l'histoire de ce Grand Conseil, avez déposé un projet de loi revêtu des signatures de tous les députés, pour nous donner un financement et, au fond, nous enjoindre d'aller de l'avant. Nous avons maintenant rendez-vous avec notre avenir, ce rendez-vous, nous devons le prendre aujourd'hui. Je vous livrerai une dernière bonne nouvelle, et ce sera ma conclusion: aujourd'hui même, M. Pirat, le responsable du projet à Genève, avait rendez-vous avec M. Fougea, ingénieur des ponts et mines, représentant du Ministère français des transports, qui disait simplement ceci: «Dès que le parlement genevois aura voté ces 400 millions, nous engagerons immédiatement les études sur la partie française.» (Applaudissements.)
Le président. La parole n'est plus demandée, nous allons donc passer au vote sur ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un amendement de M. Catelain portant le crédit global à 470 800 000 F, au lieu de 400 800 000 F, autrement dit 70 millions de plus.
M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, en ce qui concerne l'exposé des motifs ou le rapport à la page 43, la question était de savoir si les 70 millions relatifs à la variante en tranchée couverte étaient déjà intégrés dans le budget ou non. Si tel n'était pas le cas, je proposerais de les intégrer, de sorte qu'on puisse aussi bénéficier de la subvention fédérale, en proportion. Mais, d'après votre réponse, Monsieur Cramer, j'ai cru comprendre qu'ils étaient déjà comptabilisés; dans ce cas-là, je retirerais l'amendement. Il faudrait juste clarifier ce point-là.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Peut-être y a-t-il eu une rédaction malheureuse, Monsieur Catelain, mais je vous confirme que ces 70 millions sont effectivement intégrés et que le montant qui figure dans le projet de loi intègre l'entier des coûts qui seront liés à cette réalisation pour la partie suisse.
Le président. Maintenez-vous votre amendement, Monsieur Catelain?
M. Gilbert Catelain. Je retire mon amendement, Monsieur le président.
Le président. Merci. Je pense que MM. Droin et Koechlin renoncent par conséquent à leur demande de parole ? Je vous remercie. Nous poursuivons.
Mis aux voix, les articles 1 à 10 sont adoptés.
Le président. A l'article 11, nous sommes saisis d'un amendement de M. Koechlin. C'est celui auquel, je crois, vous faisiez allusion tout à l'heure, Monsieur Cramer, en disant que le Conseil d'Etat l'acceptait, et qui a la teneur suivante. Il s'agit d'ajouter à l'alinéa actuel un alinéa 2 qui dit ceci: «A l'occasion de son premier rapport, le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil un plan financier d'exploitation se rapportant non seulement à l'ouvrage, mais aussi aux équipements qui seront à l'emplacement et à proximité des gares.» Monsieur Koechlin, vous avez la parole.
M. René Koechlin (L). Monsieur le président, je renonce finalement à prendre la parole, puisque cet amendement sera, semble-t-il, accepté à la majorité, voire à l'unanimité du Grand Conseil. Il est donc inutile que je le commente, comme j'avais l'intention de le faire.
Le président. Et, en plus, il est très clair... Je mets aux voix cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 11 ainsi amendé est adopté, de même que l'article 12.
Troisième débat
La loi 8719 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble.