République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 juin 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 10e session - 52e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17 h, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Martine Brunschwig Graf et M. Carlo Lamprecht, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Esther Alder, Jacques Baudit, Janine Berberat, Erica Deuber Ziegler, Christian Ferrazino, Pierre Froidevaux, André Hediger, Antonio Hodgers, Georges Letellier, Alain-Dominique Mauris, Pierre Schifferli, Ivan Slatkine, Patrick Schmied et Pierre Weiss, députés.
Communication de la présidence
Le président. L'ensemble du parlement est invité à la journée officielle genevoise Expo.02, qui aura lieu le 14 septembre 2002. Des informations complémentaires vous seront communiquées prochainement.
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Détermination du Grand Conseil au Tribunal fédéral, suite au mémoire complétif au recours de droit public déposé par M. GROBET Christian, Mme CUENOD Anita, M. SPIELMANN Jean, M. VANEK Pierre et L'Alliance de gauche contre la loi 8658 du 21 février 2002, sur la poursuite pour dettes et la faillite. Le Grand Conseil requiert du Tribunal fédéral que le 2e recours (du 13 mai 2002) soit joint au premier ( C 1529)
Ordonnance du Tribunal fédéral concernant le recours de droit public formé par M. DOBLER Olivier contre les élections des membres des commissions du 24 janvier 2002 effectuées par le Grand Conseil. Le Tribunal ordonne : la cause est rayée du rôle à la suite du retrait de son recours par M. DOBLER ( C 1530)
Annonces et dépôts
Néant.
M. Jean Reymondest assermenté. (Applaudissements.)
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Décidé à lutter contre la progression constante des tags, le Conseil d'Etat a déposé au Grand Conseil, le 16 mai 2001, un projet de loi ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement d'un peu plus de 5 millions visant justement à supprimer les tags d'un certain nombre de bâtiments, en priorité d'ailleurs les bâtiments scolaires.
Ce projet est malheureusement toujours bloqué en commission, les députés ayant exigé que l'on précise les mesures d'accompagnement tant sur le plan pédagogique que sur celui des sanctions possibles. Ces informations ont été données et le Conseil d'Etat ne peut que souhaiter que ce projet soit rapidement voté par votre Conseil.
Sachant qu'il ne suffit pas de travailler au sein des établissements scolaires pour lutter contre les déprédations, un groupe de travail interdépartemental, qui réunit des représentants de la police, du DAEL et du DIP, va débuter ses travaux à la rentrée en associant deux collèges pilotes du cycle d'orientation, en l'occurrence la Gradelle et les Coudriers, à cette démarche. Il vise à déterminer toutes mesures utiles qui permettent de lutter contre les déprédations internes ou externes des bâtiments scolaires.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne peut pas, en revanche, laisser passer sans réagir les propos méprisants utilisés par l'auteur de l'interpellation. Dans la plupart des établissements, les enseignantes et les enseignants, les directions d'école prennent des mesures fermes et répétées à l'encontre des auteurs des déprédations et des sanctions sont prises.
Le département dénonce systématiquement les déprédations dont il est victime, mais comme les enquêtes l'ont démontré, elles sont le plus souvent le fait de personnes extérieures à l'établissement durant les moments où les bâtiments sont vides, notamment le week-end.
Il est un point néanmoins qui ne relève pas de la responsabilité de l'Etat mais de celle des parents. L'apprentissage du respect des biens et des personnes relève avant tout de l'éducation que l'on donne aux enfants. Celle-ci doit être bien sûr relayée sur le plan scolaire, mais le rôle des familles reste et doit rester central. Malheureusement, trop souvent l'autorité scolaire se voit désavouée par les responsables légaux lorsqu'elle prend des sanctions justifiées, voire même lorsqu'elle lance des opérations préventives telles que les brigades vertes. Nous ne pouvons que le regretter. C'est pourquoi le département de l'instruction publique a l'intention, à la rentrée, de rappeler à chacun quelques règles et principes de vie qui devraient permettre de réaffirmer que le respect est une valeur qui ne peut être que partagée.
Cette interpellation urgente écrite est close.
Le président. J'ai une remarque à faire concernant la forme de cette interpellation urgente. Il est dommage que l'interpellant ne soit pas là. Je souscris, avec quasiment l'ensemble du Bureau, à l'idée que certains propos de cette interpellation urgente sont quelque peu outrageants et inadéquats et je demande à M. Marcet de faire un peu attention au vocabulaire qu'il utilise.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, j'ai pris connaissance de votre interpellation. Je rappelle que nous avons mis en oeuvre, à partir du 21 janvier, des moyens de lutte contre les dealers. Cette démarche a fait l'objet, le 21 mars, d'une première estimation chiffrée et on en suit les effets de mois en mois. Nous serons vraisemblablement en mesure de faire le point sur la situation pour la session du Grand Conseil du 20 septembre, durant laquelle je rapporterai devant ce Grand Conseil.
Il est légitime de craindre qu'à partir du moment où l'on chasse les dealers d'un endroit, ils se rendent dans un autre. C'est l'évidence même. Il s'agissait d'une hypothèse de départ et nous étions conscients du risque engendré, mais, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, nous ne nous faisons pas d'illusions. Cette politique doit être menée à long terme, de façon à ce que des mesures combinées aboutissent finalement à dissuader les dealers de venir à Genève se livrer à leur commerce. Car, dans le fond, c'est bien cela, preuve en est qu'aujourd'hui 50% des arrestations pour trafic qui ont eu lieu dans le quartier de Cornavin et à la place des Volontaires concernent des gens démunis d'autorisation de séjour et qui sont imputés à d'autres cantons. On voit donc bien que Genève, pour tout un tas de raisons, bonnes et moins bonnes, reste une ville attractive.
A ce jour, nous n'avons pas de chiffres significatifs à ce sujet, mais on sait que chaque année, à cette époque, il y a comme une espèce de transhumance qui fait que les dealers se déplacent vers les quais du centre-ville. C'est une sorte de tradition. Pour l'instant ce phénomène reste prédominant par rapport, si j'ose dire, aux migrations secondaires.
En ce qui concerne l'âge des dealers, il n'y a pas d'évolution vers le bas dans la gamme d'âge. Selon les différentes statistiques tenues par la police depuis le début de l'année, la part des mineurs n'a pas augmenté, elle est considérée comme négligeable en regard de la proportion d'adultes délinquants. Ce qui n'est pas étonnant car les mineurs ne font pas l'objet des mêmes mesures, encore que, à certains moments, on ne peut pas forcément éviter de s'y confronter. Mais c'est naturellement la prévention qui est et qui doit être privilégiée par rapport à la répression. Donc rien de très étonnant à ce sujet.
Le trafic de stupéfiants par métier est passible de vingt ans de réclusion et l'arsenal juridique à disposition est largement suffisant. Les peines prononcées sont le fruit d'une individualisation voulue par la loi. Selon une récente étude dont la presse s'est faite l'écho, le citoyen se montrerait moins répressif que les juges professionnels pour toutes les catégories d'infraction, hormis les délits sexuels.
Les divers flux migratoires de dealers et financiers sont beaucoup plus opaques, Monsieur le député, qu'on pourrait l'imaginer à première vue, et pour les combattre il est illusoire de croire que les moyens seuls du canton sont suffisants.
Par exemple, les écoutes téléphoniques sont soumises à des conditions draconiennes. De plus, l'usage très répandu de cartes à pré-paiement pour téléphone mobile, c'est-à-dire garantissant l'anonymat à leurs acquéreurs, rend vaine toute tentative d'identification des auteurs de transactions menées par ce vecteur de communication. La Confédération vient de rendre publiques des propositions pour tenter de corriger cette fâcheuse situation.
En outre, je dirai que la composition même du milieu des dealers, extra-européens pour la grande majorité, rend difficile et périlleuse, pour ne pas dire quasi impossible dans certains cas, toute infiltration des services de police, pas forcément dans le canton de Genève, mais sur le réseau européen et international.
Enfin, il n'est pas exact de dire que les dealers, entrés illégalement en Suisse, s'enregistrent auprès des ambassades. En effet, si le rapatriement est très difficile, voire impossible, c'est précisément parce que ces dealers arrivent en Suisse démunis de papiers d'identité, ou qu'ils refusent d'une façon ou d'une autre de les remettre aux services de police. Vous avez peut-être pris connaissance de l'enquête dans l'«Hebdo» de cette semaine qui rend compte du cas d'un dealer d'Afrique de l'Ouest venu sous trois identités différentes. C'est là une des difficultés constantes à laquelle se heurtent les polices de façon générale aujourd'hui.
A cela s'ajoute le peu d'empressement, je dois dire, de certains Etats à collaborer avec la Suisse...
Le président. Il va falloir conclure, Madame la conseillère d'Etat !
Mme Micheline Spoerri. Oui, Monsieur le président. Mais comme M. Unger hier, j'ai trois questions et je répondrai aux trois !
Le président. Oui, mais alors, choisissez les bonnes questions... (Rires.)Vous avez trois minutes pour répondre et vous avez déjà parlé cinq minutes !
Mme Micheline Spoerri. Ecoutez, on a tout le temps, je crois !
Le président. Bon, alors je vous laisse finir !
Mme Micheline Spoerri. Monsieur le député, pour répondre à vos questions - et j'entendais quand même les documenter - les actions dissuasives et répressives, initiées sur la voie publique par cette task force que nous avons mise en place, seront poursuivies.
Enfin, vous avez peut-être remarqué que, ces temps-ci, à réitérées reprises, des bandes et des réseaux ont été démantelés.
Quant à savoir s'il faut construire un nouvel établissement carcéral, je répondrai oui, car la capacité d'accueil à Champ-Dollon, c'est bien connu, est largement dépassée. Cette discussion est en cours sur le plan intercantonal et fait l'objet d'un concordat. Mais cela ne va pas tout résoudre.
J'ajoute que, concernant la commission de sécurité, comme je vous l'ai dit un jour, peu m'importe sous quelle forme les uns et les autres entendent collaborer à la réflexion sur la sécurité. Par conséquent, vous restez les bienvenus. Je m'arrête ici pour rester dans les temps !
Cette interpellation urgente écrite est close.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. L'Ecole de culture générale ne doit être ni un collège ni une école professionnelle. Un des plus gros enjeux politiques sera d'ailleurs de faire reconnaître cette spécificité sur le plan fédéral.
L'Ecole de culture générale a, en effet, deux missions très précises. Premièrement, redonner le goût de l'école à des élèves promus en neuvième G du cycle, qui sont sans projet d'orientation claire et qui doivent compléter leurs connaissances scolaires dans l'ensemble des disciplines de base pour réussir leur entrée en apprentissage ou pour la poursuite des études à l'Ecole de culture générale. Il s'agit du programme de formation VOIR, qui va s'ouvrir pour la deuxième fois à la rentrée et qui met l'accent sur le V, validation des acquis de l'élève, le O, orientation, le I, insertion dans le monde professionnel, ou le R, raccordement en première année de diplôme ECG. Ce programme, qui regroupe environ cinquante élèves, fait l'objet d'une évaluation de la part du SRED.
Deuxièmement, l'ECG doit permettre, au terme des trois années de formation réussie, l'obtention du diplôme de culture générale. Ce titre donne la possibilité aux élèves d'accéder principalement aux professions paramédicales ou socio-éducatives en favorisant l'accès à différentes formations et, notamment, aux nouvelles formations tertiaires dans le cadre des Hautes Ecoles spécialisées santé-social.
Dans cette perspective, l'Ecole de culture générale propose un nouveau plan d'études combinant tronc commun et disciplines spécifiques, articulé en cursus de formation cohérent.
Outre ces deux options, santé et social, une option communication et expression est prévue qui permet de se tourner vers des formations plus directement axées sur les professions de la communication, du tourisme et de l'hôtellerie. Des plans d'études sont élaborés dans cette perspective.
Enfin, une analyse est en cours concernant les débouchés que pourrait offrir une option dans le domaine des arts. Une décision globale sur ces différentes options devra être prise d'ici à cet automne.
Cette interpellation urgente est close.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Monsieur le député, vous demandez s'il est normal que des panneaux publicitaires prolifèrent devant les écoles primaires.
Comme ma collègue Micheline Spoerri vous l'a rappelé hier, votre parlement a voté une loi qui délègue aux communes la compétence en matière de procédés de réclames. Ce sont donc elles qui négocient avec les sociétés d'affichage les emplacements des panneaux. Le Conseil d'Etat n'est donc pas compétent pour intervenir.
Toutefois, le Conseil d'Etat tient à rappeler que, s'il y a parfois des panneaux d'affichage devant les écoles, c'est parce que celles-ci servent souvent de local de vote et qu'à ce titre ces emplacements sont nécessaires pour l'affichage officiel et politique.
C'est d'ailleurs le cas de l'école de la Roseraie que vous mentionnez dans votre interpellation, Monsieur le député, et qui sert de local de vote pour l'arrondissement électoral Cluse-Roseraie.
Enfin, comme vous le savez, les sociétés concernées doivent respecter certains critères en matière d'affichage, indépendamment des règles pour l'alcool et le tabac, et donc refuser d'afficher des publicités qui seraient de nature à choquer la population et, a fortiori, les jeunes. Suite à votre interpellation, le Conseil d'Etat écrira à la SGA pour la rendre attentive aux faits que vous avez observés.
Cette interpellation urgente est close.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Monsieur le député absent, Mesdames et Messieurs les députés, la question de savoir si le Conseil d'Etat est prêt à émettre une directive incitant les enseignants à choisir des entreprises de transport genevoises plutôt que françaises pour les excursions scolaires, est d'actualité, mais comme vous le savez, Monsieur le député, les accords bilatéraux sont entrés en vigueur le 1er juin dernier. Nous comprenons le souci des transporteurs genevois mais nous sommes amenés à constater qu'aucune mesure préférentielle n'est envisageable dans le cadre des accords bilatéraux.
Cette interpellation urgente est close.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est en mesure de donner les réponses suivantes aux questions posées par Mme la députée Pürro à propos du taux d'échec aux examens de fin d'apprentissage.
Premièrement, concernant les taux d'échec aux examens de cette année, à ce jour, tous les résultats n'ont pas encore été enregistrés et communiqués. Toutefois, en fonction des informations qui sont déjà en notre possession, on enregistre un taux d'échec de 16,6% contre 16,9% en 2001 et 22,6% en 2000. Si ces chiffres se vérifiaient, ce serait donc la deuxième année consécutive que l'on constaterait une baisse du taux d'échec aux examens d'apprentissage dans le canton.
Deuxièmement, concernant l'existence de statistiques sur les taux d'échec et de réussite, des statistiques existent bien sûr. L'office d'orientation et de formation professionnelle établit une statistique sur les taux d'échec dans les 122 apprentissages, et ceci pour chacune des branches d'examen dans les professions à fort taux d'échec. Elle est communiquée aux partenaires sociaux et elle est publiée avec les statistiques des autres cantons par l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie. La commission de l'enseignement du Grand Conseil a d'ailleurs été informée de ces résultats. C'est avec plaisir que nous vous les ferons parvenir.
Cette interpellation urgente est close.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est en mesure de donner les réponses suivantes à Mme la députée de Tassigny.
Premièrement, les faits qu'elle nous rapporte sont-ils exacts ? Des enquêtes et des procédures sont en cours sur les reproches énoncés par Mme la députée. Ces enquêtes sont diligentées par le rectorat et sont connues du Conseil d'Etat. Dans la mesure où la procédure est actuellement en cours, il n'est pas possible d'entrer ici dans les détails. Une réponse circonstanciée vous sera transmise dès que toutes les instances concernées se seront prononcées.
Deuxièmement, qu'entend faire le Conseil d'Etat ? L'instruction et la gestion de ces dossiers sont placées sous la responsabilité du rectorat de l'université. Le Conseil d'Etat, pour lui le département de l'instruction publique comme autorité de surveillance, s'informe et suit attentivement ce dossier et continuera à le faire. Il doit cependant attendre les conclusions du rectorat et l'issue de la procédure contentieuse actuellement en cours. S'il devait s'avérer à l'issue des procédures que le professeur cité dans cette interpellation a commis des manquements, des mesures adéquates mais proportionnelles seraient prononcées à son endroit par les instances compétentes.
Enfin, qu'entend faire le Conseil d'Etat pour que de tels faits ne se produisent plus ? Il est prématuré de répondre avant que les faits n'aient eux-mêmes été établis.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Les chefs de groupe pourraient-ils transmettre une remarque: la politesse voudrait que les interpellants soient présents lorsqu'on leur répond. Cela serait apprécié du Conseil d'Etat.
Suite du premier débat
Le président. Monsieur Reymond, vous avez la parole...
M. André Reymond (UDC). Merci, Monsieur le président, de me donner la parole avant que n'intervienne M. le président Cramer. Permettez-moi d'avoir quelques doutes tant qu'on ne m'aura pas donné quelques garanties. On a dit que cette liaison Praille-Eaux-Vives serait viable si elle continuait sur la France et ne s'arrêtait pas à la frontière. Elle serait, paraît-il, réalisable financièrement, mais que se passera-t-il si rien ne se fait à partir de la frontière suisse de Thônex ?
On parle maintenant de la ligne du Tonkin qui devrait être réactivée. Monsieur le président, vous qui êtes écologiste, voici une remarque concernant le ferroutage. Si nous apportions à la gare de la Praille les mesures d'accompagnement nécessaires et que la ligne du Tonkin jusqu'à Saint-Gingolph soit rétablie, nous arriverions, à travers le Valais, jusqu'au Simplon, qui est un tunnel de base. Ainsi, comme il a été dit dans cette assemblée, il serait possible de faire du ferroutage, ce qui pourrait peut-être décharger le Mont-Blanc.
Ma deuxième préoccupation concerne la nappe phréatique. On parle de tranchée couverte: est-ce une simple tranchée couverte ou est-ce vraiment un tunnel ? Des études ont-elles été faites sur les conséquences de cette réalisation sur la nappe phréatique ?
J'en profite, puisque j'ai la parole, pour poser une question. Je ne sais pas si le train, en 2004, arrivera de Gland, de Cornavin ou de Pont-Rouge, mais ne serait-il pas déjà possible de s'occuper du maillon faible des transports en commun qui va jusqu'au bas du Bachet-de-Pesay ? Nous serions là au pied des trams 12 et 13 et je crois que, pour les personnes qui viennent de la gare, pouvoir aller à Bachet-de-Pesay serait déjà un grand pas en avant. Ce serait un pas de plus concernant la réalisation de cette ligne la Praille-Eaux-Vives - éventuellement jusqu'en Valais - qui, je l'espère, verra le jour.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, certains l'ont dit tout à l'heure - M. Barrillier, M. Barthassat - ce vote est effectivement un vote historique, non seulement parce qu'on l'attend depuis bientôt cent ans, mais aussi parce qu'il comporte un engagement important de notre collectivité: ce n'est pas tous les jours que ce Grand Conseil vote une dépense de 400 millions. C'est dire que nous avons le devoir, lorsque nous prenons une décision de cette importance, d'avoir au préalable mené la réflexion qui s'impose. On peut bien sûr relever que, depuis 1912, nous avons largement eu le temps de réfléchir, mais je vous dirais que ces deux dernières années plus précisément, grâce aux ressources que le Grand Conseil a mises à notre disposition - tout d'abord en adoptant un premier crédit d'étude de 6 millions, puis un second de 30 millions - vous nous avez donné les moyens d'une réflexion beaucoup plus fournie, les moyens de construire des dossiers documentés. D'ailleurs, la réflexion que nous avons faite est largement retranscrite et résumée dans ce rapport important et sérieux, me semble-t-il, que nous vous avons adressé et elle a été complété lors des travaux en commission. M. Droin en a parfaitement rendu compte et je tiens ici à rendre hommage à son travail, parce que dans le laps de temps extrêmement bref qui lui avait été imparti par la commission, il a pu rendre compte de l'essentiel des informations qui ont été communiquées.
J'en viens maintenant à vos questions, parce qu'elles sont toutes légitimes et qu'elles méritent toutes réponse. Tout d'abord, Mme Schenk-Gottret relève qu'il serait intéressant de faire, en plus des études déjà réalisées, des études complémentaires sur les impacts, notamment urbanistiques, sur la vie des quartiers, sur les impacts d'aménagement que représente une réalisation de cette importance. J'en suis totalement convaincu, Madame la députée, et je vous assure que, dans le cadre de ces rapports que nous aurons à vous remettre, en application de l'article 11 que vous avez introduit dans la loi - disposition qui sera encore complétée à la suite de l'amendement que M. Koechlin vous présentera tout à l'heure et auquel le Conseil d'Etat adhère, je l'indique déjà - à l'occasion de ces rapports donc, et plus particulièrement du premier rapport que nous vous ferons après l'ouverture du chantier, nous répondrons aux différentes questions que vous nous avez posées et dont vous avez eu l'amabilité de me remettre le texte par écrit.
M. Koechlin a posé diverses questions et a rendu compte également d'un certain nombre d'éléments factuels. Quant à ces éléments, Monsieur le député, il y a un point sur lequel je souhaiterais attirer votre attention: lorsque l'on parle d'une enveloppe de l'ordre de 950 millions, cela s'entend bien sûr avec les coûts de la tranchée couverte y compris. Je ne crois pas qu'il me sera possible de répondre dans le détail aux questions que vous avez posées, mais je vais essayer de répondre à l'essentiel. Le premier point, je crois, qui vous a préoccupé était de savoir en quoi la situation avait changé par rapport à l'époque où M. Maitre était en charge du département de l'économie et où les études qui avaient été menées indiquaient qu'une telle réalisation ne serait pas rentable. La situation a simplement changé en ce sens qu'il y a une véritable explosion de l'urbanisation - vous l'aviez d'ailleurs vous-même remarqué à l'occasion d'une de nos dernières séances - dans la région genevoise. La population a augmenté considérablement et continue à augmenter, et il y a une explosion des activités, c'est dire que nous avons dû réactualiser les chiffres. Ces réactualisations sont mentionnées dans le rapport. J'attire en particulier votre attention sur la page 45, qui rend compte des études socio-économiques qui ont été menées, ainsi que sur les pages 33 et 34, qui rendent compte des différentes structures mises en place pour réactualiser ces études.
Le second point sur lequel vous avez insisté concerne la coordination entre ce projet de loi que vous allez voter et qui nous permettra de faire une réalisation qui s'arrêtera, au fond, à la frontière, et ce qui va se faire en France voisine. Sur ce point, je ne peux que vous renvoyer aux pages 33 et 34 du rapport, où l'on traite de l'organisation du projet et que je vais vous commenter un peu. Plus particulièrement, je dois insister sur le fait que depuis deux ans il existe une structure transfrontalière franco-valdo-genevoise, où sont représentés aussi bien l'Office fédéral des transports que le canton de Vaud, par son conseiller d'Etat Philippe Biéler, et les autorités françaises, aussi bien au niveau de la région qu'au niveau des représentants du gouvernement par le biais des préfets, aussi bien au niveau des départements qu'au niveau de la SNCF et de RFF - Réseau ferré de France - ainsi que, bien sûr, les CFF et les TPG, qui participent à tout cela. Tous ensemble, nous avons dessiné l'avenir du ferroviaire, l'avenir des transports régionaux à Genève. Cela s'incarne dans une carte que je peux mettre à votre disposition et qui a d'ailleurs déjà été présentée à ce Grand Conseil, à la commission des transports. En ce qui concerne le financement, cela veut dire bien sûr que chacun va faire sa part sur son territoire. Il est vrai que la part Cornavin-Eaux-Vives-La Praille est très spectaculaire, puisqu'il faut faire des tunnels et des tranchées couvertes, mais il y aura ensuite également des travaux très importants à faire en France. Nous savons que cela va coûter 3 à 4 millions au niveau du fonctionnement, cela figure en page 32 du rapport, mais avec un taux de rentabilité interne de 12%, cela figure également dans le rapport.
J'en viens à votre troisième question: «Allons-nous compromettre l'avenir en adoptant ce crédit ?» Je réponds très clairement que non, car le gouvernement apporte un financement pour ce projet. Il s'agit de la RPLP, la taxe poids lourds qui, nous dit Berne, doit être affectée. Nous allons l'affecter à ce projet-là et cela permettra pratiquement de porter le projet. Je pourrais vous le montrer par quelques chiffres, mais autant vous dire que si l'on se situe dans la fourchette haute des rentrées pronostiquées pour la taxe poids lourds, celle-ci ne sera pas entièrement absorbée par le projet, de sorte qu'il restera encore de l'argent pour d'autres projets; si l'on se situe dans la fourchette basse, il faudra rajouter un petit financement, mais ce projet est, pour l'essentiel, autofinancé.
J'en viens maintenant rapidement aux...
Le président. Il va falloir conclure, Monsieur le président... (Brouhaha.)C'est le règlement, et le règlement est valable pour tout le monde. Je suis navré.
M. Robert Cramer. Je vous remercie d'avoir attiré mon attention: je vais m'efforcer d'être extrêmement bref.
J'en viens à l'intervention de M. Pagani pour lui dire une chose très simple, mais qui me semble essentielle. Non, Monsieur le député, le canton ne jouera pas la banque dans cette affaire. En ce qui concerne les décaissements, nous entendons bien faire en sorte que, dès le début du chantier, les CFF mettent un franc à chaque fois que nous mettrons un franc. C'est un engagement que je prends à votre égard.
Un député a parlé ensuite, je crois que c'était M. Meylan, de la question du tracé. Il a eu ce mot: «On vient de nulle part, pour aller nulle part, en passant par nulle part.» On vient tout de même d'Annemasse, Monsieur le député, où il y a 70 000 habitants et où l'on entend construire un pôle autour de la gare; on passe par les Eaux-Vives, où il y a 30 000 habitants, c'est-à-dire plus d'habitants qu'à La Chaux-de-Fonds, qu'à Neuchâtel ou qu'à Fribourg, et si vous ne pensez pas que ces localités méritent une gare, moi je pense que oui; on passe par l'hôpital où, d'après mon collègue Pierre-François Unger, l'on remplit plus de 10 000 fiches de paie chaque année, c'est donc un certain pôle pour l'emploi; et l'on arrive à la Praille, vous avez vous-même souligné l'importance de ce site. Vous avez parlé de rentabilité, je vous renvoie encore une fois au rapport: le taux de rentabilité interne est de 12% (page 45 du rapport), le coût de fonctionnement de 3 à 4 millions (page 32 du rapport).
Enfin, quel type de tunnel? Eh bien un tunnel, comme vous l'avez relevé, Monsieur Meylan, que l'on construit pour cent ans et où l'on doit pouvoir tout faire passer, car il s'agit de réserver l'avenir, c'est-à-dire autant des trains internationaux que des trains régionaux bien sûr, mais aussi des trains de marchandises.
J'en viens enfin aux dernières questions qui ont été posées, celles de M. Reymond. La nappe phréatique ne devrait pas être atteinte, car lorsqu'on parle de tranchées couvertes, cela signifie que l'on ne creuse pas très profondément, ce ne sont pas des tunnels. Mais il faudra bien sûr réaliser un ou deux tunnels, notamment pour passer sous la colline de Champel. Des investigations géologiques se font actuellement. Quant aux prochaines haltes, les CFF nous offrent pour décembre une halte à Pont-Rouge, halte qui nous permettra d'avoir une première image de ce que sera ce réseau RER. Il est certain aussi que nous allons essayer très vite d'équiper d'une gare le site de la Praille, parce qu'il y a là, déjà, une connection possible et qu'une première utilisation de ce réseau peut y être faite. Je vous donne également rendez-vous en 2004, au moment où la troisième voie CFF sera mise en fonction.
Le moment est largement arrivé, je crois, de conclure. Je dirais simplement, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut rappeler que si ce projet peut vous être présenté aujourd'hui, c'est parce que vous l'avez voulu, parce que vous en avez pris l'initiative. Vous vous souvenez que les projets gouvernementaux étaient différents, ils passaient par ce que l'on appelait le barreau sud. C'est vous qui avez voulu qu'il en soit différemment, c'est vous qui, unanimes, et je crois que c'est unique dans l'histoire de ce Grand Conseil, avez déposé un projet de loi revêtu des signatures de tous les députés, pour nous donner un financement et, au fond, nous enjoindre d'aller de l'avant. Nous avons maintenant rendez-vous avec notre avenir, ce rendez-vous, nous devons le prendre aujourd'hui. Je vous livrerai une dernière bonne nouvelle, et ce sera ma conclusion: aujourd'hui même, M. Pirat, le responsable du projet à Genève, avait rendez-vous avec M. Fougea, ingénieur des ponts et mines, représentant du Ministère français des transports, qui disait simplement ceci: «Dès que le parlement genevois aura voté ces 400 millions, nous engagerons immédiatement les études sur la partie française.» (Applaudissements.)
Le président. La parole n'est plus demandée, nous allons donc passer au vote sur ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un amendement de M. Catelain portant le crédit global à 470 800 000 F, au lieu de 400 800 000 F, autrement dit 70 millions de plus.
M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, en ce qui concerne l'exposé des motifs ou le rapport à la page 43, la question était de savoir si les 70 millions relatifs à la variante en tranchée couverte étaient déjà intégrés dans le budget ou non. Si tel n'était pas le cas, je proposerais de les intégrer, de sorte qu'on puisse aussi bénéficier de la subvention fédérale, en proportion. Mais, d'après votre réponse, Monsieur Cramer, j'ai cru comprendre qu'ils étaient déjà comptabilisés; dans ce cas-là, je retirerais l'amendement. Il faudrait juste clarifier ce point-là.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Peut-être y a-t-il eu une rédaction malheureuse, Monsieur Catelain, mais je vous confirme que ces 70 millions sont effectivement intégrés et que le montant qui figure dans le projet de loi intègre l'entier des coûts qui seront liés à cette réalisation pour la partie suisse.
Le président. Maintenez-vous votre amendement, Monsieur Catelain?
M. Gilbert Catelain. Je retire mon amendement, Monsieur le président.
Le président. Merci. Je pense que MM. Droin et Koechlin renoncent par conséquent à leur demande de parole ? Je vous remercie. Nous poursuivons.
Mis aux voix, les articles 1 à 10 sont adoptés.
Le président. A l'article 11, nous sommes saisis d'un amendement de M. Koechlin. C'est celui auquel, je crois, vous faisiez allusion tout à l'heure, Monsieur Cramer, en disant que le Conseil d'Etat l'acceptait, et qui a la teneur suivante. Il s'agit d'ajouter à l'alinéa actuel un alinéa 2 qui dit ceci: «A l'occasion de son premier rapport, le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil un plan financier d'exploitation se rapportant non seulement à l'ouvrage, mais aussi aux équipements qui seront à l'emplacement et à proximité des gares.» Monsieur Koechlin, vous avez la parole.
M. René Koechlin (L). Monsieur le président, je renonce finalement à prendre la parole, puisque cet amendement sera, semble-t-il, accepté à la majorité, voire à l'unanimité du Grand Conseil. Il est donc inutile que je le commente, comme j'avais l'intention de le faire.
Le président. Et, en plus, il est très clair... Je mets aux voix cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 11 ainsi amendé est adopté, de même que l'article 12.
Troisième débat
La loi 8719 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
Préconsultation
M. Rémy Pagani (AdG). Avec ce projet, il s'agirait de déclasser une zone agricole importante, au prétexte que la zone industrielle de Peney serait trop petite et nécessiterait d'être agrandie. Cependant, nous avons soulevé le problème suivant et continuerons à le faire en commission: cette zone industrielle est vouée à l'industrie, or on y trouve - ou on y trouvait en tout cas, je ne sais pas si le département a mis les choses à plat - un certain nombre de vendeurs de voitures qui n'ont rien à faire dans une zone industrielle telle que celle-là. Par ailleurs, et cela est encore plus grave, il y a sur ce terrain, comme vous le savez, une carrière qui, selon nos informations, ne pourrait être comblée, car les propriétaires de cette carrière n'auraient pas les moyens de le faire. Or, depuis passablement d'années, il existe dans notre canton une loi qui impose à tout entrepreneur qui exploite une carrière de remettre en l'état le terrain. Et si ce terrain est remis en l'état, en l'occurrence dans cette zone du Bois-de-Bay, cela offrirait un certain nombre de mètres carrés supplémentaires, nécessaires au développement industriel de notre canton.
Cette carrière appartient à Losinger, et je vous lis simplement un extrait d'un article publié sur les bénéfices de cette entreprise: «(Les constructions Losinger) estiment avoir vécu un excellent exercice en 2001; la filiale bernoise du géant français de la construction Bouygues a vu ses ventes progresser de 25% par rapport à l'année précédente, à savoir 378 millions de francs.» En conséquence, lorsqu'on a affaire à une entreprise qui dégage de pareils bénéfices, on comprend mal qu'elle ne puisse remettre en l'état une carrière, comme le font l'ensemble des entreprises qui exploitent des carrières dans notre canton. Ainsi, tant que ces 200 000 m2 exploités en carrière ne seront pas remis en état, nous nous opposerons, et de manière ferme, ainsi que le WWF l'a fait, au déclassement de la zone agricole proposé dans ce projet de loi, et nous vous invitons à faire de même. L'occasion nous sera donnée en commission de travailler sur ce projet de loi et nous espérons avoir les réponses aux questions que nous avons déjà posées concernant l'utilisation abusive de ce terrain industriel par des vendeurs de voiture et concernant la remise en état de cette carrière, ou plutôt de cette gravière. S'il le faut, nous nous battrons pour empêcher l'extension de cette zone.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, mes propos iront dans le sens de ceux de Rémy Pagani.
Ce projet a deux objectifs. M. Pagani n'a pas parlé du premier, qui serait de remettre de l'ordre dans la zone de bois et forêts, que le plan de 1983 et la loi sur la protection des rives du Rhône voulaient protéger des futurs déclassements. Mais là déjà, Monsieur Moutinot, votre premier objectif a du plomb dans l'aile, car vous réussissez à soustraire, j'oserais dire à «racketter», 5 000 m2 à la zone actuelle, c'est-à-dire à diminuer le périmètre de protection des rives du Rhône, alors que, d'après moi, il faudrait plutôt l'agrandir, vu la pression des activités humaines sur l'environnement. Bien entendu, nous n'accepterons pas cela en commission.
Le deuxième point consiste à déclasser 190 000 m2 de zone agricole - classée en surface d'assolement - pour créer une zone industrielle. D'après l'exposé des motifs, il s'agirait principalement de réparer des erreurs d'installation d'activités, qui se sont mises un peu n'importe où, et souvent de façon illégale. On peut d'ailleurs lire à la page 10 de votre projet que des «principes d'aménagement préconisés par le plan directeur n'ont pas été respectés», qu'«une desserte a été réalisée sans tenir compte du plan», qu'il y a eu des «remblayages illégaux», des «bâtiments érigés dans le périmètre de protection, des «dépôts non conformes à la zone légale», etc. etc. Or, avant de déclasser une zone si importante, le minimum à attendre du Conseil d'Etat serait qu'il utilise rationnellement et légalement la zone industrielle existante !
Vous prétextez aussi la pénurie de zones industrielles. On peut citer quelques exemples contradictoires. Vous, l'Etat, vous avez bradé des terrains industriels pour créer des centres commerciaux: la Migros à la Praille, Conforama et Jumbo à la Zodim, Pfister à Meyrin, etc. Vous avez laissé des activités administratives, des commerces de voitures s'installer en zone industrielle, alors que ce n'était pas leur destination. Et qu'est devenu le Brico-Loisirs libéré par la Migros? De plus, vous prétextez, comme l'a déjà dit M. Pagani, le déménagement dans la future zone du Bois-de-Bay de deux exploitations qui traitent des matériaux graveleux, pour justifier ce déclassement. Ces entreprises sont certes utiles, on ne le conteste pas, mais elles se trouvent illégalement sur des terrains agricoles existants. Il ne s'agit donc pas de mesures compensatoires, comme prétendu dans l'exposé des motifs. De plus, rien ne dit que les entreprises du Cannelet et de la Petite-Grave accepteront de partir pour aller au Bois-de-Bay.
Tout cela donne une impression d'anarchie, de compensation illusoire, de mesures à la va-vite pour réparer des illégalités, le tout sur le dos de la zone agricole. La seule solution qui vous paraît possible serait de déclasser la zone agricole, afin d'avoir plus de place pour légaliser des activités non conformes aux emplacements où elles se déroulent. Pour nous, cette façon de procéder est tout à fait inadmissible, vu l'exiguïté du territoire et la nécessité de préserver des zones non bâties, agricoles et protégées. Aussi, nous n'accepterons en commission ni flou, ni incertitude pour justifier ces déclassements, et nous nous y opposerons tant que les situations illégales ne seront pas réglées et que la zone industrielle existante ne sera pas mieux occupée.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je serai relativement brève, car mes propos iront dans le sens de mes deux préopinants. S'il nous semble effectivement opportun de repenser l'aménagement du périmètre du Bois-de-Bay, nous avons tout de même quelques réticences à propos de ce projet de loi. Je partage aussi les préoccupations des milieux de la protection de l'environnement, puisque le projet prévoit une diminution de 5 000 m2 de la zone de bois et forêts. Ensuite se pose la question du déclassement de 191 000 m2 de terrains agricoles en zone industrielle, pour lesquels on ne propose pas de réelles compensations. Par ailleurs, la perspective de réunir en un seul lieu le traitement des matériaux de gravier du Cannelet et de la Petite-Grave peut effectivement être intéressante mais, pour l'instant, les propositions sont, là aussi, pour le moins hypothétiques. Toutes ces questions-là devront être examinées attentivement en commission, parce que tout cela nous semble en effet très boiteux pour le moment.
M. Jean-Michel Gros (L). Nous ne nous opposons évidemment pas au renvoi en commission et toutes les questions qui ont été évoquées devront être étudiées. Mais à l'écoute des interventions précédentes, on a l'impression que, tout à coup, les problèmes d'emploi à Genève n'ont plus beaucoup d'importance. Quand j'entends Mme Leuenberger critiquer les implantations de centres commerciaux, voire de commerces de voitures dans certaines zones industrielles, j'aimerais qu'elle m'explique où il aurait fallu mettre ces activités, qui créent énormément d'emplois.
Au Bois-de-Bay, Monsieur Pagani, il n'y a pas de vendeurs de voitures, mais, jusqu'à présent, des démolisseurs de voitures. Madame Leuenberger, j'espère que la commission d'aménagement - je crois que vous n'en faites pas partie - organisera un déplacement là-bas, pour aller voir ce qu'est cette zone «agricole» que nous sommes en train de déclasser. Cette zone agricole est impropre à l'agriculture, puisque, M. Pagani l'a souligné, ce sont soit des carrières, soit des remblaiements de carrières. Je vous assure que les agriculteurs qui travaillent là-bas - je les connais - ne sont pas gâtés par les terres qu'ils cultivent.
Cette zone se prête tout à fait à l'agrandissement de la zone industrielle du Bois-de-Bay. Bien sûr, nous ne nous opposerons pas à un assainissement de celle-ci, qui, à ses débuts, a connu une certaine anarchie. Mais je crois que renvoyer ce projet en commission avec un préavis d'ores et déjà négatif, c'est de l'inconscience vis-à-vis des emplois, industriels notamment, à Genève.
Après tout ce qui a été dit, je crois qu'il faudra vraiment se poser la question de la possibilité de transformer des zones industrielles en zones d'activités. Car il est vrai que nous avons mis Brico-Loisirs dans la zone industrielle de la Praille, mais il fallait bien le mettre quelque part ! Fallait-il le mettre en zone agricole ? ou en zone viticole ? Je ne pense pas. Brico-Loisirs est en tout cas mieux placé ici que dans la zone agricole. D'autre part, et vous auriez peut-être pu le souligner, le Conseil municipal de la commune de Satigny a donné, à l'unanimité, un préavis positif à ce projet. Or il me semble que c'est tout de même lui le mieux placé pour juger de la situation.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le déclassement qui vous est proposé a une certaine ampleur, et il est légitime qu'il entraîne un certain débat. Ce projet de déclassement n'est toutefois pas une surprise, puisque ce périmètre est identifié dans le plan directeur cantonal comme étant l'une des extensions possibles de la zone industrielle, et nous ferons volontiers, en commission, la démonstration de sa nécessité.
En ce qui concerne la modification des limites de zones de bois et forêts, il est vrai que le bilan global est négatif, Madame Leuenberger, mais si vous regardez la forme actuelle de cette zone de bois et forêts, elle n'a aucun sens. Le plan a été fait de manière à garantir systématiquement, à partir du Rhône, au moins 50 mètres de zone de bois et forêts, alors qu'il y a, actuellement, des espèces d'anses très bizarres dans un sens comme dans l'autre. Je note que nous n'avons reçu qu'une seule observation pendant l'enquête publique, alors que, comme l'a rappelé M. le député Gros, la commune de Satigny s'est quant à elle déclarée favorable à ce projet. Les critiques que vous avez formulées, notamment quant à l'utilisation actuelle de certaines zones industrielles, portent en réalité sur d'autres périmètres. Il faudra bien entendu que nous examinions l'une après l'autre les critiques que vous avez formulées, et que nous y donnions réponse. Il y a des cas, mais ils sont plus rares que vous l'imaginez, Monsieur Pagani, où se trouvent en zone industrielle des entreprises dont on peut se demander si elles devraient s'y trouver, mais il y a aussi des cas, M. Gros l'a rappelé, où on ne sait pas où mettre les choses... Apparemment, à lire strictement les définitions, aucune zone ne se prête à l'entreposage de véhicules, par exemple.
En ce qui concerne la question extrêmement pertinente du déplacement des gravières et installations du Cannelet, d'une part, et de la Petite-Grave d'autre part, il est évident que, là aussi, des compléments d'explication vous seront donnés en commission. Ces deux installations sont extrêmement critiquées par les communes sur le territoire desquelles elles se trouvent. Nous sommes en discussion avancée avec l'une et l'autre, pour rendre non seulement à l'agriculture, mais aussi à la nature et au paysage, toutes ses caractéristiques, aussi bien au Cannelet qu'à la Petite-Grave. Voilà, Mesdames et Messieurs, tout ce que je peux dire en débat de préconsultation. Je le répète, je prends au sérieux les critiques et remarques qui ont été faites, et nous vous apporterons les réponses nécessaires en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
Préconsultation
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise à atténuer les rigueurs de la crise économique que nos concitoyens ont traversée durant les années 90, ainsi que les effets de la nouvelle crise qui s'annonce. Je vous rappelle la procédure existante: en cas de non-paiement de loyer, une procédure devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers est activée par le propriétaire qui, après jugement, obtient les services du Procureur général. Celui-ci tente de trouver des solutions à l'amiable, puis évacue, de manière forcée, les habitants. Je vous rappelle quelques chiffres, assez caractéristiques de la situation actuelle: concernant les familles évacuées, jetées à la rue, il y en a eu 1349 en 1998, 1457 en 1999, 1392 en 2000, et 1409 en 2001. On voit bien là la fin des dix années de crise, ainsi que la reprise de la crise, qui perdure actuellement. Nous estimons qu'il y a lieu de travailler, si faire se peut, à alléger l'ensemble des procédures et à soulager les gens qui subissent ces évacuations, notamment en trouvant des solutions pour les reloger. Ces gens ont en effet droit à un logement, tel qu'il est prévu dans la constitution de notre République. Le droit au logement doit leur être garanti, un logement qui corresponde à leurs capacités financières. Malheureusement, vu la crise du logement qui a pris une amplitude très importante ces deux dernières années, ces gens se retrouvent dans la plupart des cas à la rue. J'espère donc que ce projet de loi retiendra l'attention en commission et qu'il sera voté par la majorité de ce parlement comme une mesure humanitaire, visant à soulager nos concitoyens qui subissent les effets dramatiques de la crise que nous traversons.
M. Carlo Sommaruga (S). Monsieur le président, pour qu'il n'y ait pas de confusion, je précise que je m'exprime au nom du groupe socialiste.
Mesdames et Messieurs les députés, il y a effectivement un problème de taille à Genève. Nous avons plus ou moins deux à cinq personnes par jour qui voient leur bail résilié, en raison de leurs difficultés à payer le loyer. Il s'agit de personnes dont les revenus baissent brutalement ou cessent, c'est-à-dire des personnes qui tombent au chômage ou qui n'ont pas droit à des prestations de quelque nature que ce soit. Ces personnes vivent des drames personnels, des drames familiaux, qui aboutissent souvent à une isolation sociale et une précarité complètes.
Un des grands problèmes de la procédure actuelle, c'est qu'une fois passée la commission de conciliation, le locataire se retrouve au Tribunal des baux et loyers, avec un jugement d'évacuation. Cette procédure peut durer parfois quelques semaines, parfois quelques mois. En dernier lieu, elle aboutit, comme cela a été dit par M. Pagani, par une audience devant le Procureur général, qui décide s'il y a lieu d'évacuer les locataires par l'envoi de la force publique ou au contraire s'il faut reloger, lorsque la possibilité existe. Le relogement peut intervenir lorsque les services de l'Etat disposent de logements d'urgence ou lorsqu'un service social peut venir financièrement en aide aux locataires en difficulté. Malheureusement, la durée de la procédure est relativement longue. Ainsi, lorsque les locataires se retrouvent devant le Procureur général, les retards de loyer accumulés sont relativement importants, de sorte qu'il s'avère difficile de trouver une solution concrète pour qu'ils puissent rester dans leur logement, ou pour en trouver un autre.
Ce projet de loi est une réponse à cette situation difficile, et propose d'instaurer une prise en charge plus large, dès la procédure en commission de conciliation, en mettant directement en rapport la commission de conciliation, l'office cantonal du logement et l'Hospice général, pour aboutir à une réponse sociale coordonnée et à un relogement. Il s'agit aussi d'éviter que les locataires ne soient livrés à eux-mêmes tout au long de la procédure - ce sont souvent des personnes en difficultés sociales et parfois aussi personnelles - et ne se retrouvent finalement complètement démunis devant le Procureur général.
En d'autres termes, il s'agit de reprendre ce que M. Bertossa avait introduit au niveau du Procureur général, de l'instaurer plus tôt dans la procédure, pour éviter les difficultés croissantes qui découlent du cumul de non-paiements des loyers.
C'est un projet de loi qui se veut un élément d'ouverture du débat, pour trouver des solutions concrètes au niveau de l'administration, et de ses différents services, en collaboration avec la commission de conciliation. Il est naturellement perfectible, c'est pourquoi nous espérons que, dans le cadre du travail en commission, l'ensemble des partis du Grand Conseil, conscients des difficultés que connaît cette partie de la population, entreront en matière et participeront à l'élaboration de solutions concrètes pour venir en aide à des personnes, parfois complètement précarisées.
M. Christian Luscher (L). J'aimerais simplement, à ce stade et avant que le projet de loi ne soit envoyé en commission, atténuer légèrement les propos qui ont été tenus par M. Sommaruga. Les gens qui sont en procédure d'évacuation ne sont jamais laissés à eux-mêmes. Ils sont, de manière générale et presque dans chaque cas qui passe devant les tribunaux, défendus par les brillants avocats de l'Asloca, qui connaissent bien le droit, qui connaissent bien la procédure, de sorte que je m'étonne qu'un membre de la même Asloca vienne dire aujourd'hui que les gens sont laissés à eux-mêmes. Cela n'est pas vrai. Il faut également dire ici, même si on en parlera largement en commission, que les gens qui sont de bonne foi et font des efforts sont récompensés par des solutions. On se trouve rarement, voire jamais, dans une situation où quelqu'un qui est de bonne foi et qui a fait des efforts est expulsé contre son gré, car des solutions sont systématiquement trouvées. Cela étant dit, mon intervention se limitera aujourd'hui à demander que ce projet de loi soit renvoyé devant la commission judiciaire, qui est visiblement la plus compétente pour traiter cette affaire.
Le président. On nous a plutôt proposé la commission législative, qui traite en ce moment un sujet similaire. Je pense qu'il serait plus rationnel de tout renvoyer à cette commission, sauf si vous avez une autre proposition...
M. Christian Luscher. Non, c'est bien ainsi !
M. Gabriel Barrillier (R). Sur ce point, je voudrais, Monsieur le président, soutenir la proposition de renvoyer ce projet de loi à la commission législative. J'avais pensé à la judiciaire, mais puisqu'on nous dit que la législative s'occupe de ce type de dossiers, je pense que ce serait plus opportun ainsi.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi porte sur un objet important, parce que nous savons que la perte de son appartement, l'expulsion d'un appartement est l'un des facteurs déclencheurs de l'exclusion sociale en général. L'idée du projet de loi, qui consiste à traiter le plus en amont possible des difficultés liées à une résiliation de bail, est fondamentalement juste. Cela revient à transférer les démarches ultimes, que l'on fait en catastrophe le dernier jour, le plus tôt possible dans la procédure, afin d'éviter, d'une part, une augmentation des pertes pour le propriétaire et, d'autre part, les angoisses et les difficultés liées à la procédure, pour les locataires. L'idée est donc juste.
En revanche, en ce qui concerne certaines modalités, certaines dispositions proposées, j'aurai quelques critiques à apporter, mais dans le sens constructif de tout faire pour que le problème soit traité le plus rapidement possible et le plus en amont possible. En ce qui concerne le choix de la commission, je n'ai effectivement pas d'objection à ce que ce projet aille devant la commission législative.
M. Carlo Sommaruga (S). Sauf erreur de ma part, nous traitons aussi la motion 1457...
Le président. C'est le cas et j'allais vous proposer, comme cela a été décidé au niveau des chefs de groupe et du Bureau, de tout renvoyer à la commission que vous avez désignée, soit à la commission législative, si vous êtes d'accord.
M. Carlo Sommaruga. J'aimerais me prononcer sur la proposition de motion...
Le président. Allez-y.
M. Carlo Sommaruga. J'aimerais juste rappeler que cette motion propose l'instauration d'une trêve hivernale en matière d'évacuation des locataires défavorisés. Elle a été motivée par des évacuations de personnes cet hiver, qui, contrairement à ce que disait M. Luscher, n'ont pas trouvé de solution de relogement, malgré la bonne volonté des services sociaux, et malgré les efforts entrepris par ces personnes. En effet, il s'avère parfois que même des personnes de bonne foi, qui s'efforcent de payer leur loyer mais qui n'ont pas de ressources financières importantes, n'arrivent pas à trouver de solution de relogement ni auprès des régies ni auprès des propriétaires de logements sociaux, qui exigent des garanties financières; malheureusement, aujourd'hui, il arrive qu'il n'y ait plus de solution de relogement d'urgence. Ainsi, cet hiver, les logements d'urgence étaient tous pleins. Un certain nombre de personnes ont été évacuées et se sont retrouvées à la rue.
L'idée est d'instaurer à Genève, dans notre législation cantonale, une solution déjà adoptée par nombre de pays européens, en France et ailleurs, et qui est celle d'éviter que des personnes ne se retrouvent à la rue pendant la période hivernale. Il s'agit en effet d'aller à la rencontre de personnes de bonne foi en difficulté, et non pas des profiteurs, et ceci à l'aide de l'Etat. C'est pourquoi nous proposons cette motion qui invite le Conseil d'Etat à faire des propositions dans ce domaine.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, autant j'étais positif en ce qui concerne le projet de loi, autant je suis négatif en ce qui concerne la motion. Pourquoi ? Parce que la législation en vigueur dans les autres pays d'Europe, concernant l'interdiction d'évacuation pendant l'hiver, date du XIXe siècle, lorsque la police intervenait et mettait les gens à la rue purement et simplement et que, le climat étant rude, il était déraisonnable de le faire en hiver. Je pense aujourd'hui que la question de l'évacuation n'est pas une question climatologique et qu'évacuer quelqu'un le 15 août, quand il fait 30 degrés, ou le 15 novembre, quand il fait moins 5 degrés, est inacceptable dans les deux cas s'il n'y a pas de solution de relogement. Je crains qu'une telle motion n'ait un effet pervers, qui consisterait à protéger les locataires tant qu'il fait froid, pour les expulser dare-dare dès qu'il fait chaud. Je sais bien que telles ne sont pas les intentions des auteurs de la motion, mais je voudrais le dire clairement: c'est une motion qui me paraît inadéquate pour résoudre un problème autrement plus grave que celui d'une simple date.
Le président. Mesdames et Messieurs, si vous êtes d'accord, nous allons suivre l'avis des chefs de groupe et du Bureau et renvoyer le tout à la commission législative.
Le projet de loi 8736 et la proposition de motion 1457 sont renvoyés à la commission législative.
Premier débat
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. Quelques mots en introduction. Tout d'abord, Monsieur le président, je souhaiterais rappeler que la pétition à l'origine de ce projet de loi n'est pas la pétition 1145-A, traitée avec ce projet et dont je vais vous parler dans deux secondes, mais une pétition communale, qui demandait de se saisir du problème du hameau de la Petite-Grave.
Deuxièmement, j'aurais voulu vous exprimer mes excuses, Mesdames et Messieurs les députés, concernant la pétition 1145. Celle-ci a été traitée avec le projet de loi 7886, mais n'a pas été explicitement ajoutée à mon rapport; c'est pourquoi vous avez reçu sur vos tables un rapport distinct 1145-A, mentionnant que la pétition a bien été traitée avec le projet de loi 7886-A.
Enfin, j'aimerais vous rappeler une chose importante, qui pourra peut-être influencer la suite de notre débat: le vote ne pourra s'effectuer aujourd'hui qu'en deux débats, car le troisième débat ne pourra intervenir qu'après l'achat par la commune de la parcelle en question, au prix convenu de 100 F le m2.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Le déclassement de la Petite-Grave fait partie de toute une série de déclassements de hameaux, qui suscitent passablement de débats. Jusqu'à présent, la position de la commission de l'aménagement - ainsi que celle de ce Grand Conseil, puisqu'il a entériné cinq ou six déclassements de hameaux dans le canton - était de protéger ces biens, qui sont un élément important de notre patrimoine et de limiter le développement de ces hameaux, dans la mesure où, comme on le sait, tout développement de ces petites agglomérations nécessite de lourds investissements d'infrastructure de la part des collectivités publiques et entraîne des déplacements importants, qui ne sont pas forcément les bienvenus dans notre canton.
Ceci dit, nous avions, dans un premier temps, soumis à l'enquête publique le déclassement de la Petite-Grave sur un périmètre large, mais la commission est depuis revenue à des notions plus restrictives, plus «raisonnables» me dit M. Vaucher, visant à déclasser la zone au plus près des maisons. On peut encore discuter pour savoir ce que signifie «au plus près des maisons», toujours est-il que le problème juridique qui se pose aujourd'hui, c'est que la commission est tombée d'accord sur ce déclassement réduit, sans remettre à l'enquête publique le projet de loi, alors qu'à mon sens, cela aurait dû être le cas.
On a affaire aujourd'hui à un propriétaire qui n'hésitera pas à faire recours contre la décision que nous allons prendre, même si c'est en deuxième débat, parce que, d'une part, nous avons réduit le périmètre et que, d'autre part, nous avons déclassé un terrain pour permettre le développement de ce hameau, contrairement à la pratique habituelle. Par ailleurs, nous avons déclassé ce terrain sans faire de même pour celui de ce propriétaire «spécial».
Par conséquent, si nous ne renvoyons pas ce projet de loi en commission, pour qu'elle étudie la jurisprudence du Tribunal fédéral intervenue depuis le dépôt de mon rapport, nous allons devoir dans tous les cas rediscuter cette question, après la décision du Tribunal administratif. Je vous propose donc formellement de renvoyer cet objet en commission, pour une étude plus approfondie de la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes en procédure de demande de renvoi en commission, il n'y aura donc qu'une intervention par groupe.
Mme Anita Frei (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, concernant strictement le renvoi en commission, il me semble que cette question avait été tranchée lors des débats en commission de l'aménagement. Il avait été décidé que le plan adopté ne devait pas faire l'objet d'une nouvelle mise à l'enquête. A ce stade, nous nous opposons donc au renvoi en commission.
Le président. Pourrions-nous savoir, Monsieur le président du département, si vous demanderez le troisième débat? Ah, ce n'est pas le même problème ? Très bien, dans ce cas, vous m'éclairerez au fur et à mesure des votes.
M. Thomas Büchi (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical est relativement dubitatif devant ce projet de loi. Nous l'avons voté en commission sans grande conviction, conscients que ce projet était devenu, au fil des séances, un véritable serpent de mer. Nous n'avons pas le sentiment aujourd'hui d'avoir finalement abouti à un projet à cent pour cent satisfaisant, mais il nous semble plutôt que vouloir le passer en force, avec le risque très sérieux des recours, n'amènera rien de bon et fera perdre des années à la commune. Ce serait aller contre nos objectifs. Nous soutenons donc le renvoi en commission et sommes certains que les quelques semaines que nous allons perdre vont nous faire gagner bien des années de procédure. Nous espérons arriver cette fois à une position unanime, qui puisse être défendue.
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. Comme je l'ai annoncé au début, nous ne pourrons de toute façon pas voter aujourd'hui en troisième débat. On étudie ce projet de loi en commission depuis environ quatre ans, avec ses différentes variantes. Je pense que ce qui reste à faire n'est pas un travail de commission, mais plutôt de recherche juridique. Or, comme on doit suspendre le troisième débat, on aura tout loisir de se renseigner et de prendre les avis juridiques nécessaires, voire d'organiser une séance de commission pour apporter des modifications, en fonction des avis juridiques qui nous seront donnés.
Le président. C'est ce que j'avais cru comprendre, mais on m'a dit que je m'étais trompé...
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Les dix séances que la commission de l'aménagement a déjà consacrées à ce projet de loi montrent à l'évidence la complexité de la législation sur les hameaux. D'ailleurs, la commission l'a bien compris, puisqu'elle travaille actuellement sur un projet de loi de notre collègue Dethurens et de votre serviteur, qui paraissait au départ totalement anodin, mais qui révèle en définitive toute une série de problèmes et, surtout, la nécessité de réapprécier, de réappréhender la question de la protection des hameaux visée par la loi ou, en tout cas, celle de leur déclassement. Je me permets de contester l'intervention de M. Pagani, qui nie la possibilité offerte au législateur d'étendre un peu la zone à bâtir. En effet, le nouveau plan directeur cantonal de l'aménagement permet d'étendre un peu les zones à bâtir des hameaux. C'est l'opportunité qu'a saisie la commission, en accédant à la demande de la commune de déclasser une parcelle, dont les dimensions m'échappent à l'instant, mais cela n'est pas important. Ce qu'il faut retenir, c'est que cela permettrait la construction de quelques logements sociaux, destinés plus particulièrement aux jeunes de la commune.
Par contre, la commission a, c'est vrai, refusé la proposition communale et du département de déclasser la parcelle d'un propriétaire qui, apparemment, n'attendait que cela et fait preuve d'une mauvaise volonté manifeste pour remettre en ordre l'aménagement de sa parcelle. Il y a, vous le savez, un désordre indescriptible. Il laisse en l'état une maison à moitié brûlée, quand bien même le département lui a déjà accordé l'autorisation de rénover ladite maison - qui, signalons-le en passant, est située en zone agricole. C'est dire que, manifestement, la commune essaie de faire de l'aménagement pour régler un problème local, ce que nous, démocrates-chrétiens, nous nous refusons à faire.
S'agissant du renvoi en commission, je pense sincèrement qu'il n'est pas opportun; nous avons eu tout le loisir d'apprécier la situation durant les nombreuses séances de commission évoquées. Monsieur Pagani, vous l'avez dit, il y a eu en effet deux mises à l'enquête: celle d'un périmètre élargi et celle d'un périmètre extrêmement restreint, que vous aviez voulu sous l'ancienne majorité. Et c'est vrai que le choix de la commission s'est porté en définitive sur le périmètre élargi qui, je dirais, laisse un petit espace de respiration autour des maisons existantes. Mais c'est vous-mêmes qui, indirectement, l'avez voulu, Monsieur Pagani, car face à vos propositions toujours extrêmement restrictives, comme pour ce périmètre au ras des façades, nous, en commission, avons essayé d'être un peu plus pragmatiques et de donner aux propriétaires la possibilité d'aménager un peu les alentours des édifices. C'est pourquoi nous, les démocrates-chrétiens, estimons qu'il faut voter le projet en l'état, tel que soutenu par le rapport de majorité, et nous nous opposons au renvoi en commission.
M. Alain Etienne (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste n'est pas favorable au renvoi en commission. Nous avons longuement étudié ce projet de loi en commission, nous sommes allés deux fois sur place, nous avons reçu la commune à deux reprises, nous nous sommes déjà posé la question de la mise à l'enquête et on nous a rassurés sur ce point. Je ne vois donc pas en quoi il est nécessaire de renvoyer le projet en commission.
M. Mark Muller (L). Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, nous soutiendrons la proposition de M. Pagani de renvoi en commission du projet de loi. A notre sens, ce projet de loi est voué à l'échec devant le Tribunal administratif. Nous savons d'ores et déjà que deux propriétaires du périmètre concerné ont la ferme intention de combattre ce projet de loi, s'il devait être accepté en l'état. Le renvoi en commission doit donc être voté pour examiner ces problématiques. Ce ne sont pas celles évoquées par M. Pagani; ce n'est donc pas pour les mêmes raisons que nous prônons le renvoi en commission. Je vous expose très brièvement ce dont il s'agit.
D'une part, nous avons exclu du périmètre déclassé une partie du hameau. Cela est évidemment contraire à l'article 22 de la loi sur l'aménagement du territoire concernant les hameaux. D'autre part, nous avons inclus dans le périmètre déclassé une parcelle qui n'est pas construite et qui ne fait pas partie du hameau. Là aussi, nous violons les dispositions cantonales sur le déclassement des hameaux. Pour ces deux raisons toutes simples, le projet tel qu'il nous est proposé ce soir et tel qu'il a été voté par la commission a très peu de chance de tenir la route devant le Tribunal administratif. Nous estimons qu'il faut réexaminer cette problématique sous cet angle-là en commission, de manière à ce que ce déclassement de la Petite-Grave soit accepté, et conformément également aux voeux de la commune, sur lesquels la majorité de la commission est d'ailleurs passée allègrement. Je vous prie donc, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la demande de renvoi en commission.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je me réjouis que certains se rallient à la proposition de renvoi en commission, même si c'est pour d'autres raisons. J'aimerais juste dire quelques mots, d'abord sur le fond, puis sur la proposition de M. Vaucher.
Comme l'a rappelé M. Portier, la commission de l'aménagement mène en ce moment une réflexion sur le déclassement des hameaux, car nous avons compris que c'était une opération délicate: soit nous adoptons la position de M. Muller par exemple, qui vise à englober dans le déclassement des hameaux les piscines, les cabanons et autres choses de ce genre; soit nous définissons une politique claire, celle qui jusqu'à maintenant prévalait dans ce Grand Conseil et qui consistait à déclasser «au plus près des maisons», et nous nous mettons d'accord sur ce que cela veut dire. Quant à nous, nous défendons l'idée selon laquelle «au plus près des maisons» signifie que les propriétaires ne bénéficient pas d'une augmentation de leurs droits à bâtir, qu'ils ne peuvent installer par exemple de grosses vérandas qui leur permettraient d'augmenter de 30% leur surface habitable, défigurant en même temps les hameaux qu'il est question de protéger. Bref, il y a un débat autour de cette question. L'autre débat est de savoir si, dans certains hameaux, on peut définir une zone à bâtir. La commission a pris une option exceptionnelle sur cette question, celle de dire que oui, c'est possible. Et nous souscrivons à cette volonté de la majorité de la commission.
Ceci étant dit, encore quelques mots sur le fond juridique: la commission a, dans un premier temps, voté et soumis à l'enquête publique le périmètre large, puis elle s'est repliée sur un périmètre restreint qui a lui aussi été soumis à l'enquête publique et, aujourd'hui, elle a un peu élargi ce périmètre, à six mètres des maisons. Or, cette dernière proposition n'a pas été soumise à l'enquête publique et, pire encore, l'avis de la commune - et je rejoins en cela la position de M. Muller - n'a jamais été sollicité. C'est pour ce déni démocratique que nous réclamons le retour en commission, pour que le jour où ce projet sera mûr, la commission puisse s'appuyer sur la décision de la commune et de l'enquête publique, afin d'avancer sérieusement et d'être prête à affronter des propriétaires devant les tribunaux - car de toute manière on en arrivera là - dont un notamment, récalcitrant. C'est de ce point de vue là que nous proposons le renvoi en commission.
J'aimerais juste ajouter que la proposition de M. Vaucher de voter en deux débats fait allusion à la vente à la commune du terrain nécessaire à l'extension de ce hameau. Cependant, il est vrai que si nous votons le projet de loi en deux débats, cela voudra dire qu'on ne pourra pas revenir en arrière ensuite, puisqu'on aura déjà voté. Je propose donc de laisser tomber le vote en deux débats, de simplement renvoyer maintenant le tout en commission, afin d'avoir ensuite clairement les mains libres pour revenir ou non sur le projet de loi. Sans cela, on va se retrouver dans une pagaille juridique impossible.
Le président. Je vous rappelle que nous sommes devant une demande de renvoi en commission. Tous les groupes se sont exprimés, il reste M. Vaucher, rapporteur de majorité, et M. Laurent Moutinot.
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. En ce qui concerne le projet de loi de déclassement des hameaux en cours d'étude dans notre commission, j'aimerais juste rappeler que celui-ci date de plus de dix ans ! Il est bien évident que la commune qui, j'aimerais le préciser en passant, est demandeuse d'une douzaine de logements à loyers modérés pour ses propres communiers - comme elle nous l'a dit à plusieurs reprises - serait très déçue si ce projet de loi devait de nouveau être renvoyé à perpète. Cependant, il y a un problème juridique certain qui pourrait provoquer un recours au Tribunal administratif. J'ai déjà discuté avec M. Pauli, du service juridique du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, qui m'a confirmé cette éventualité. Pour cette raison, et pour celle-là uniquement, tout en suppliant ce Grand Conseil et la commission de traiter le projet rapidement afin de pouvoir donner réponse à la commune désireuse de loger ses communiers, nous pouvons renvoyer en commission ce projet de loi, pour une étude des plus brèves. Comme on ne pourra de toute façon pas voter en troisième débat aujourd'hui, renvoyons-le brièvement, demandons les avis juridiques nécessaires, de manière à ce que nous ne soyons pas déboutés au Tribunal administratif ou fédéral.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est effectivement complexe. J'aimerais tout d'abord rendre hommage à la commission de l'aménagement, qui a su, avec passion parfois, trouver une voie juste entre un périmètre trop vaste et un périmètre trop petit. Il est exact que, le périmètre choisi n'étant ni le premier, ni le deuxième mis à l'enquête publique, mais un troisième quelque part entre les deux, le risque juridique d'une contestation ne peut être totalement éliminé, même s'il me paraît faible. Ce que je vous propose par conséquent, sachant de surcroît que le troisième débat n'aurait pas été demandé pour permettre l'acquisition de la parcelle par la commune, c'est de voter l'entrée en matière - ce qui permettra de rassurer clairement la commune sur l'intention de votre Grand Conseil d'aller de l'avant vers le déclassement, et de montrer aussi aux propriétaires intéressés dans ce secteur que vous voulez aller de l'avant - et de renvoyer en commission après le premier débat. Car si l'on renvoie en commission sans le vote d'entrée en matière, je crains que ce ne soit interprété par les uns et par les autres comme un renvoi aux calendes grecques. En commission, après le vote d'entrée en matière, on tâchera de régler définitivement la question de la nécessité d'une enquête publique supplémentaire, et on mettra au point les modalités pour que la commune puisse acquérir le bien-fonds en question.
Le président. Monsieur Pagani, êtes-vous d'accord avec cette procédure? Bien, j'en prends note. Je mets donc d'abord aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Le président. Je fais voter maintenant le renvoi du projet en commission.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 7886 à la commission d'aménagement du canton est adopté.
Mises aux voix, les conclusions de la commission d'aménagement du canton (classement de la pétition 1145) sont adoptées.
Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance, en vous souhaitant de bonnes vacances. Je vous donne rendez-vous à 8 h le jeudi 29 août. Bonne soirée et merci !
La séance est levée à 18 h 45.