République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 juin 2002 à 20h30
55e législature - 1re année - 10e session - 48e séance
PL 8541-A
Premier débat
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. En l'état je n'ai pas grand-chose à ajouter à mon rapport de majorité, qui vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'entrée en matière. Je veux rappeler, à ce stade des débats, que la loi a été refusée en commission par l'UDC, les libéraux, les radicaux et le parti démocrate-chrétien. Je reviendrai plus tard vous faire part des raisons qui ont motivé les trois partis de l'Entente et l'UDC à refuser l'entrée en matière de cette loi.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Avant de faire des remarques sur le rapport de majorité et de commenter mon propre rapport, j'aimerais, si M. le président le permet, lire une lettre adressée au Grand Conseil de la République et canton de Genève, datée du 23 avril 2002 et signée par une quarantaine de jeunes.
«Concerne : projet de loi sur le service civil.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec beaucoup d'espoir que nous avons pris connaissance, il y a quelques mois, que la plupart des partis représentés au Grand Conseil avaient signé un projet de loi sur le service civil. Malheureusement, nous jeunes, soussignés, avons eu vent qu'il vous sera, contre toute attente, proposé de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi pourtant peu contraignant. Cette nouvelle nous l'avons apprise avec beaucoup de déception. En effet nous, jeunes, désirons prendre notre place dans la société. Nous souhaitons nous rendre utiles et servir la communauté d'une autre manière qu'en effectuant un service militaire, par exemple en oeuvrant auprès des personnes âgées ou d'autres jeunes en difficulté ou encore dans le cadre de la protection de notre environnement. Trop souvent le manque d'engagement des jeunes et leur prétendue absence de valeurs sont mis en avant. La réalité est souvent différente et de nombreux jeunes sont aujourd'hui tout à fait disposés et volontaires pour servir la société utilement. Notre engagement de civilistes, de citoyens, est important et il nous semble nécessaire que d'autres jeunes motivés puissent y accéder. Le projet de loi qui vous est soumis pourrait en effet encourager, par le biais d'une meilleure information, bon nombre de jeunes à effectuer des démarches pour accéder au service civil. Nous vous demandons aussi de bien vouloir étudier ce projet de loi et de le renvoyer en commission. En vous remerciant de l'attention que vous porterez à cette lettre, recevez, Mesdames et Messieurs les députés, nos meilleures salutations». Elle est ensuite signée par une quarantaine de jeunes.
J'en viens maintenant à mes remarques concernant le rapport de majorité. Le rapporteur de majorité explique à la page 2 que «l'unanimité s'est faite pour admettre que l'information était largement diffusée». Il est clair que je ne partage pas son avis puisque, si tel avait été le cas, la première partie de mon rapport ne serait pas du tout cohérente. Je vous rappelle ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, que le peuple suisse a voté en 1992 sur l'introduction du principe du service civil dans la Constitution fédérale et que les Chambres fédérales ont voté sur le service civil en 1996.
Que demande le projet de loi proposé ce soir ? Il soulève deux problèmes importants, le manque d'information et le subventionnement. En ce qui concerne le premier volet, la minorité de la commission estime que le devoir d'information est rempli par l'Etat de façon lacunaire et que cette information est donnée au compte-gouttes. De plus, les modalités pratiques d'application de la loi sont très mal expliquées à ceux qui font ce choix. J'en veux pour preuves trois éléments. D'abord une enquête effectuée par le service civil démontre que 81% des jeunes sondés à Genève reconnaissent avoir entendu parler une fois ou l'autre du service civil mais ne connaissent absolument pas les démarches à effectuer. De plus, le Conseil d'Etat, dans son point de presse du mois de juillet 2001, écrit au conseiller fédéral Couchepin qu'il est opportun d'introduire dans la loi fédérale un devoir d'information sur le service civil, car celui-ci est trop souvent confondu avec la protection civile.
J'aimerais également vous rappeler que ce projet de loi a été signé, évidemment par l'Alternative, mais aussi par des députés de l'Entente et notamment un de nos collègues, haut gradé de l'armée, qui connaît donc la problématique et sait de quoi il parle.
J'aimerais maintenant revenir sur les subventionnements. Vous savez qu'à l'heure actuelle vingt-neuf associations reçoivent une subvention pour employer des civilistes. Nous connaissons tous le nom de ces associations : Agora, Réalise, la Croix-Rouge, Médecins sans frontières, l'Association contre la torture, pour ne pas les citer. Nous connaissons également, toutes et tous, le rôle social et de proximité que ces associations jouent à Genève. Comme dans la lettre que j'ai lue, les jeunes ont envie de rendre service à la société mais d'une manière différente du service militaire. Ils veulent faire un acte de citoyen, un travail social et de proximité. Les associations, subventionnées par l'office cantonal de l'emploi, reconnaissent dans un sondage que cette aide a été déterminante pour engager un civiliste. La subvention qui vous est proposée via ce projet de loi est, par conséquent, très importante.
Pour ces raisons et au nom de la minorité de la commission législative, je vous demande de voter ce projet de loi. C'est tout ce que j'avais à dire concernant mon rapport, pour l'instant.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lorsque, comme moi, on avait la chance d'être reconnu en tant qu'objecteur de conscience, on purgeait une peine en semi-liberté. Ceci était d'ailleurs extrêmement intéressant d'un point de vue sociologique. On voyait en effet ce qui pouvait se passer dans une prison, étant donné que nous étions détenus avec des fins de longues peines. L'objection coûtait très cher pour les objecteurs de conscience - la mienne m'a coûté 5000 F - mais certainement plus pour la société. Aujourd'hui, heureusement, les choses ont changé et l'objection de conscience n'est plus considérée comme un crime ou un délit. On estime que, pour de justes motifs, les gens peuvent rendre un autre service à la collectivité, qui est alors plus long de moitié que le service refusé. Vous êtes là devant une preuve par l'acte du réel conflit de conscience dans lequel sont pris les jeunes qui font ce choix. Il ne s'agit pas simplement d'une vague envie de se diriger vers cette voie.
J'ai récemment lu dans la «Tribune de Genève», que 20 à 25% des jeunes Genevois sont réformés. Notre société comporte-t-elle 25% de handicapés? Je n'en suis pas sûr. Je pense qu'il y a réellement un déficit d'information sur les différentes possibilités de servir la collectivité. Je pense aussi que, lorsque les jeunes arrivent à l'âge de faire soit un service militaire, soit un service civil, il est juste qu'ils se mettent au service de la collectivité, qui leur a permis de poursuivre des études jusqu'à ce moment-là. Il est intéressant de pouvoir effectuer ce service auprès d'associations qui ont besoin d'un coup de main et qui, ce qui explique les subventions, jouent un rôle qui serait dévolu à l'Etat si elles n'existaient pas. D'un seul coup et à un prix modique pour la collectivité, vous avez un jeune qui s'engage, une association qui poursuit son travail, et des personnes qui bénéficient de ces prestations. Pour ces raisons, le groupe des Verts vous demandera d'accepter l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mme Anne Mahrer (Ve). Je m'étonne tout d'abord que l'audition de représentants de la Permanence service civil ait été refusée.
Ensuite, en discutant avec de nombreux jeunes convoqués au recrutement, je constate qu'il y a un manque important d'information. Cette information doit être largement diffusée car ils ignorent l'existence même du service civil comme alternative à l'armée ou le confondent, comme cela a déjà été dit, avec la protection civile. Plutôt qu'essayer d'être réformé grâce à un certificat médical, le service civil leur offre un moyen de s'engager au service de la société. Quant au financement destiné à soutenir les associations qui engagent un civiliste, il doit être prévu de manière durable. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi.
M. Pascal Pétroz (PDC). Il est exact que l'entrée en matière de ce projet de loi a été refusée par l'Entente ainsi que par l'UDC. J'aimerais maintenant vous expliquer pourquoi elle a été refusée en commission et pourquoi la situation apparaît aujourd'hui différente au groupe démocrate-chrétien. (Brouhaha.)C'est, apparemment, une bonne nouvelle pour certains, une moins bonne pour d'autres...
Je vous rappelle que ce projet de loi comporte deux volets. Le premier consiste à promouvoir l'information des personnes astreintes au service militaire à propos du service civil. Une information est aussi destinée aux associations d'utilité publique qui seraient intéressées par le recours à des civilistes dans le cadre de leurs activités.
Le second volet du projet de loi concerne l'octroi de la subvention annuelle de 100 000 F, dont il a été fait état tout à l'heure, pour permettre aux associations, permettez-moi l'expression, de se payer des civilistes. Il s'agit en effet souvent d'associations qui n'ont pas nécessairement les moyens d'y parvenir.
Il faut savoir que les auditions qui ont eu lieu en commission, et le rapport de majorité en fait état, nous ont convaincus que l'information était pour l'essentiel adéquate. Il subsistait cependant un petit doute à ce propos, qui aurait dû, selon les affirmations du responsable du service civil pour la Confédération, être levé par l'adoption du projet Armée XXI. Nous nous sommes dit que, dans la mesure où l'adoption du projet Armée XXI était imminente, puisque l'entrée en vigueur aurait dû intervenir cette année, il ne s'avérait pas indispensable d'arriver avec une loi cantonale prévoyant une obligation d'information qui allait être assurée au niveau fédéral. En outre, nous avons appris que depuis 1998 une subvention était octroyée annuellement pour permettre à des associations d'utilité publique d'engager des civilistes. Ces considérations nous ont amenés à refuser, tout naturellement, l'entrée en matière. S'il n'y avait pas besoin d'informer et si la subvention était déjà octroyée, il n'était pas nécessaire de voter ce projet de loi.
La situation a cependant changé ultérieurement sur deux plans. Tout d'abord, le projet Armée XXI a été renvoyé aux calendes grecques puisqu'il a été renvoyé en commission.
M. John Dupraz. Ce n'est pas vrai !
M. Pascal Pétroz. Bien sûr que oui ! La deuxième considération est que la subvention annuelle de 100 000 F octroyée depuis 1998 n'a pas été reconduite cette année par la commission des finances. Cette dernière a considéré que le projet de loi sur le service civil était à l'étude devant la commission législative et que par conséquent le vote de cette subvention ne se justifiait pas. A partir de là, la situation est totalement différente. Si nous ne pouvons pas avoir des garanties que l'information sera suffisante sur le plan fédéral et si cette subvention n'a pas été reconduite par la commission des finances, le projet de loi qui nous est soumis ce soir retrouve toute sa pertinence. Le groupe démocrate-chrétien votera donc l'entrée en matière de ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). En entendant M. Luscher, nous avons l'impression de faire un grand pas en arrière et de nous retrouver dans le climat extrêmement dur entre la droite et la gauche qui prévalait avant 1996 au sujet du service civil. Certaines personnes condamnaient violemment le service civil alors que d'autres le défendaient. Les choses ont heureusement changé puisqu'il y a eu un vote populaire. Le service civil n'est ainsi plus considéré comme un délit mais comme un choix de conscience et une possibilité pour certains de ne pas faire de service militaire, tout en se mettant au service de la population.
Ce projet de loi s'inscrit totalement dans cette dynamique relativement pragmatique. Il a été bien évidemment signé par la gauche, qui défend historiquement le service civil, mais aussi par des députés de droite, dont Etienne Membrez, ancien député du PDC, et Thomas Büchi, radical et gradé à l'armée, tous deux cosignataires de ce projet de loi.
Que demande ce projet de loi ? Il demande deux choses éminemment simples et tout d'abord plus d'information pour les jeunes. Je ne comprends pas l'opposition de certains représentants de la droite, puisque nous appliquons exactement ce que demande le Conseil d'Etat à majorité de droite. Je vous lis un extrait de la «Feuille d'avis officielle» du 26 juillet 2001 : «Le Conseil d'Etat du canton de Genève relève, à l'égard du service civil, qu'il serait utile d'introduire dans la loi fédérale une disposition relative à l'information destinée à présenter au public le service civil, souvent confondu avec la protection civile.» Le gouvernement à majorité de droite demande donc plus d'information à Berne. Etant donné que Berne ne le fait pas suffisamment, nous proposons de montrer l'exemple au niveau cantonal.
Le projet de loi dit également, de manière très pragmatique, que depuis 1998, comme le PDC vient de le dire, ce parlement vote chaque année presque unanimement une ligne de crédit de 100 000 F pour alimenter un fonds qui permet d'aider diverses associations accomplissant par exemple un travail social. Vingt-neuf associations sont concernées. Certaines ont d'ailleurs été citées mais il y en a bien d'autres, comme Caritas, le Centre social protestant, Emmaüs, Pro Juventute, Groupe sida Genève, Médecins sans frontière ou l'Organisation mondiale contre la torture. Ces associations emploient des civilistes grâce à l'aide du fonds de 100 000 F, qui a été voté par ce Grand Conseil.
Au lieu que le parlement doive penser à inscrire chaque année le fonds dans le budget, cela devrait être une ligne budgétaire annuelle, comme le sont celles de l'ensemble des associations. Il n'y a en effet pas de raison de l'exclure du budget. Le projet de loi permet ainsi une amélioration du fonctionnement de ce parlement.
Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de faire un long débat puisque les deux dispositions proposées sont quasiment évidentes pour notre parlement. Je remercie donc le PDC d'avoir pris une position de repli par rapport à ce qu'il avait annoncé en commission. Je crois qu'il s'est mieux informé, le débat en commission n'ayant pas été serein. Ce débat a en effet été faussé puisque la plupart des demandes d'audition ont été refusées. Ni les associations de civilistes, ni les associations bénéficiant de civilistes n'ont en effet été reçues. On a blackboulé ce projet de loi un peu facilement alors qu'il est une évidence pour nous tous, puisque nous avons tous déjà voté ces dispositions. Votons donc ce soir ce projet de loi qui amène un plus pour la population et pour les jeunes désirant faire du service civil.
Le président. Mesdames et Messieurs, il reste six intervenants, plus la conseillère d'Etat: le Bureau vous propose de clore la liste.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. La parole est à M. Luscher.
M. Christian Luscher. Il y avait d'autres intervenants inscrits avant moi...
Le président. Vous êtes le suivant sur la liste, Monsieur Luscher, mais si vous préférez conclure, vous le pourrez, et Mme Bolay également. La parole est donc à M. Schifferli.
M. Pierre Schifferli (UDC). La Suisse est une nation de volonté. Elle a été formée sur la base d'une alliance militaire. Nous ne nous opposons pas à l'application de la loi sur le service civil. Nous respectons le résultat de ce vote démocratique, même si nous le regrettons. En revanche nous estimons qu'il est indécent et insultant, pour ceux qui font le service militaire et qui exécutent leur devoir de citoyen au service du pays, de prévoir une loi cantonale dont l'article premier expose que le canton de Genève soutient activement le service civil. Nous nous opposons à ce type de procédé et à ce que le canton de Genève donne la préférence au service civil par rapport au service militaire.
Le devoir d'information du canton de Genève, au regard de la loi sur le service civil, a été entièrement respecté. Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf rappelle ainsi dans sa lettre à la commission que «la personne désirant être informée sur le service civil reçoit de l'administration militaire tous les éléments propres à lui permettre d'entreprendre les démarches en vue de son éventuelle admission à ce dernier». La conseillère d'Etat expose de manière détaillée les éléments d'information qui sont remis aux futures recrues. L'article 2 est par conséquent totalement inutile.
Nous nous opposons également à la teneur de l'article 3. Nous refusons que le canton accorde des crédits dans le cadre du budget pour soutenir l'engagement de civilistes par des établissements qui ne disposeraient pas de moyens financiers importants. Il s'agit là d'une sorte de self-service organisé par l'extrême gauche pour des mouvements qui seraient alors en mesure de faire de la propagande contre le service militaire. Nous pourrions simplement remplacer, dans l'article 1, le terme service civil par service militaire, mais l'esprit de cette loi est celui d'une action contre l'intérêt du pays. Je respecte le conflit de conscience de celui qui ne veut pas faire son service militaire. Je demande simplement que l'on respecte et que l'on n'insulte pas la conscience de la très grande majorité des jeunes Suisses qui participent aux activités militaires pour la défense du pays. Il n'y a pas d'équivalence ou d'égalité entre un civiliste qui est prêt à faire quelques travaux d'utilité publique et celui qui s'engage et qui est prêt à faire le don de sa vie au combat pour son pays. Merci.
M. Bernard Lescaze (R). Je tiens d'abord à dire que je défends ici la position presque unanime du groupe radical. Il est cependant évident que notre groupe, très attaché à la liberté d'expression, laissera s'exprimer, et peut-être vous convaincre, comme je vais essayer de le faire, le député qui a signé le projet. Nous refuserons l'entrée en matière parce que nous ne changeons pas d'avis sur des arguments fallacieux.
Le projet de loi portait effectivement sur deux points, dont le premier concernait le devoir d'information. A ce sujet, l'annexe à l'excellent rapport du député Luscher, écrite par Mme Brunschwig Graf, est parfaitement claire. A quatre reprises au moins, à l'âge de 18 et 19 ans, le soldat est informé de sa possibilité de faire du service civil. En conséquence cette partie du projet de loi est inutile.
La seconde partie du projet de loi propose de verser une subvention annuelle, dont le montant n'est d'ailleurs pas fixé, à certains établissements d'affectation disposant de faibles moyens financiers, c'est-à-dire en laissant au département de l'économie toute latitude de décerner ces subventions, une fois le montant voté. Or, de nouveau dans le rapport de M. Luscher, on voit très clairement qu'il appartient au Grand Conseil de voter chaque année une ligne de subvention, ce qui a été fait pendant un certain nombre d'années. Je suis très surpris d'entendre tout d'un coup le représentant du PDC dire que la situation a changé parce que la commission des finances n'a pas voté cette ligne budgétaire l'année dernière. Qu'il nous permette de dire que nous nous étonnons du manque de communication entre le conseiller d'Etat chargé du département de l'économie, qui à ma connaissance est encore démocrate-chrétien, et les députés démocrates-chrétiens. M. Carlo Lamprecht, dont je regrette l'absence ce soir puisqu'il est aussi concerné par ce projet, n'a en effet nullement défendu l'inscription au budget de cette ligne lors du débat budgétaire de l'année dernière. Alors aujourd'hui, on vient nous dire que la situation a changé. Je pense en réalité que les doléances des établissements qui recevaient des subventions, qui n'en recevront plus et qui peut-être espèrent toujours en recevoir, se sont montrées plus fortes et ont réussi à séduire certains députés démocrates-chrétiens.
Dans ces conditions nous ne voyons absolument pas pourquoi nous devrions revenir sur les débats nourris qui ont eu lieu en commission. Sur ce point, je tiens encore à souligner que M. Luscher dit la vérité : nous n'avons en effet écarté qu'une seule audition. (Exclamations sur les bancs de l'Alternative.)Dans ces conditions, je dis clairement, Monsieur le président, que si l'entrée en matière était acceptée, nous demanderions à ce moment-là que le projet de loi soit renvoyé en commission, car il n'est pas viable pour l'instant. Il est beaucoup trop vague et inutile, mais le Grand Conseil a l'habitude de voter des projets de lois inutiles: nous l'avons vu tout au long de la dernière législature et cela peut continuer... (Huées et applaudissements.)Ce projet de loi n'est pas nécessaire, mais le Grand Conseil a aussi l'habitude de voter des projets de lois qui ne sont pas nécessaires. En revanche, et je comprends bien la raison du débat de ce soir, ce projet de loi est, à l'évidence, particulièrement jouissif pour certains députés hostiles à notre armée. Je suis désolé d'interrompre leur jouissance. (Applaudissements.)
M. Thomas Büchi (R). Je suis le radical qui n'est pas tout à fait de l'avis des autres. (Applaudissements.)Je suis un officier fier d'avoir signé ce projet de loi et je vais vous expliquer pourquoi. Je pense que nous devons avoir un discours un peu plus progressiste et différent pour plusieurs raisons. A cet égard, il n'est pas inutile de revenir en arrière.
Mesdames et Messieurs, il y a dix ans notre armée de milice comptait 600 000 hommes. Je suis personnellement très attaché à la notion de milice ainsi qu'au principe du service sur un pied d'égalité. En dix ans, on nous a donc déjà servi trois ou quatre plans quinquennaux successifs visant à amaigrir l'armée. Si on continue cette cure d'amaigrissement, il ne restera même pas de quoi garnir la frontière du Liechtenstein. Pire, peut-être que la prochaine initiative du GSsA ne sera même plus nécessaire puisqu'il n'y aura bientôt plus d'effectif.
Je trouve curieux que la réduction des effectifs de l'armée entraîne l'effritement du système de milice au profit d'une professionnalisation de notre armée. Je ne pourrai jamais accepter et soutenir cela.
Quelle alternative avons-nous? Je pense que d'une certaine manière la promotion du service civil est une alternative intelligente au vu de la décision de l'autorité fédérale de faire subir une cure d'amaigrissement à notre armée. Il s'agit d'une alternative intéressante parce qu'elle remet à l'ordre du jour l'idée que tout citoyen suisse doit, à un moment de sa vie, servir toute la population.
Je ne veux pas rentrer ici dans le débat sur la non-violence puisqu'il nous dépasse tous. Je crois que le Grand Conseil n'a pas à dire si la non-violence est un critère permettant de faire du service civil. Nous ne devons pas entrer dans ces considérations philosophiques.
En votant ce projet de loi, nous sommes dans l'air du temps, nous soutenons un projet intelligent et nous restaurons la notion de service à l'autre pendant une période de la vie. Je dois dire aussi que j'ai personnellement côtoyé de nombreux civilistes ces derniers temps dans le cadre d'Expo.02. J'ai été touché et frappé par l'enthousiasme de ces jeunes pour leur mission et par la qualité de leur travail. Il y a donc des aspects extrêmement positifs dans le service civil.
Je pense que nous devons relever ces nouveaux défis, de façon beaucoup plus moderne, parce que les véritables enjeux qui nous attendent sont maintenant de nature environnementale, sociale et économique. Votons ce projet de loi pour donner la possibilité aux jeunes d'effectuer leur service civil conformément à loi fédérale. Nous ne demandons rien d'autre que d'être en conformité avec la loi fédérale. A celles et ceux qui pensent que cette ligne budgétaire est beaucoup trop élevée, je dirai que le budget militaire, lui, diminue: cela devrait permettre d'équilibrer la balance.
Je pense que nous allons contribuer à inculquer aux jeunes, par ce projet de loi, la notion de solidarité sociale et que nous allons préserver le sentiment d'appartenance aux valeurs ancrées dans le terreau de notre nation. (Applaudissements.)
M. Jacques Pagan (UDC). J'interviendrai rapidement. J'ai été choqué, à la lecture du rapport de Mme Loly Bolay, lorsqu'elle prétend que nous n'avons pas voulu instruire ce projet de loi dans les règles. Nous sommes, au contraire, allés très loin en auditionnant M. Brunier, un des auteurs de ce projet de loi. (Brouhaha.)Je crois que nous avons fait notre travail normalement, honnêtement et jusqu'au bout.
J'ajoute que je félicite M. Lescaze pour la clarté et la pertinence de son intervention qui est frappée du sceau du bon sens. Je n'interviendrai ainsi que sur la question du devoir d'information. Je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que vous prenez les jeunes pour de sacrés imbéciles. Croyez-vous vraiment que, lorsque l'on connaît un conflit de conscience, on ne sait pas comment agir pour essayer de le dominer ? Au moment où l'on veut échapper au devoir de servir militairement, on en parle à ses proches et à l'administration militaire si vraiment on ne peut pas faire autrement. On souffre de cet état de fait, c'est la véritable définition du conflit de conscience : la personne est tiraillée entre son sentiment, son obligation, son impératif catégorique de servir et l'impossibilité d'accomplir cette obligation-là. C'est cela le fondement du conflit de conscience.
Le service civil n'est pas une possibilité d'échapper comme ça, volontairement, purement et simplement, au service militaire. Il y a l'obligation de faire du service, mais pour certains la chose est impossible psychologiquement, affectivement, religieusement, etc. C'est une chose que nous comprenons et nous pouvons tirer un grand coup de chapeau à ceux qui ont le courage d'assumer leurs convictions jusqu'au bout, jusqu'à défier la société en objectant.
Le problème n'est pas de savoir si l'objection ou le service militaire sont légitimes. Celui qui véritablement a ce conflit de conscience ne peut pas attendre passivement qu'on lui dise ce qu'il peut faire pour essayer de le résoudre. Quand il est convoqué pour le recrutement, manifestement, il doit le faire valoir d'une manière ou d'une autre et je suis intimement persuadé que l'administration militaire remplit son devoir d'information.
Je pense sincèrement que vous faites fausse route en voulant faire en sorte de prendre ces jeunes par la main. Ce n'est pas le but de la loi. S'il vous plaît, croyez également que l'administration militaire fait son devoir et n'a pas de parti pris dans un pareil cas. Elle ne cherche pas à enrôler des jeunes qui se montreront rebelles par la suite et menaceront l'équilibre et le fonctionnement de notre armée.
M. Christian Grobet (AdG). Malgré tout le respect que je vous dois, Monsieur Pagan, j'ai le sentiment, en vous entendant, que vous n'avez pas dû discuter avec beaucoup d'objecteurs de conscience ou de jeunes se posant les questions que vous venez d'évoquer. J'ai eu personnellement de très nombreux contacts de ce genre pendant les années 70 lorsqu'il fallait être très courageux pour être objecteur de conscience. J'ai pu constater que toute personne qui se pose cette question est effectivement très troublée par la décision à prendre et doit être véritablement conseillée par des gens qui évoquent tous les aspects du problème et surtout en qui elle peut avoir confiance. Je ne veux pas dire que l'administration militaire ne remplit pas son devoir d'information - on nous a montré une brochure à cet égard - mais ce n'est pas suffisant. Le discours de M. Pagan ressemble beaucoup à celui qui prétend qu'il est inutile d'être présent dans la rue pour faire de la prévention contre le sida.
La réalité est qu'il faut aller à la rencontre des jeunes et leur permettre de dialoguer avec des personnes ayant une attitude compréhensive à l'égard de leur problème. Je ne dis pas cependant que les gens qui assument cette tâche d'information ont une attitude négative, mais j'avoue que si j'avais été objecteur de conscience, je ne serais pas allé demander de l'information à l'administration militaire.
Le premier problème posé par ce projet de loi est le soutien d'associations crédibles auprès des jeunes et susceptibles de diffuser l'information. Notre pays a beaucoup tardé à reconnaître le service civil comme alternative au service militaire. Nous avons eu un débat intéressant en commission sur cette question, au cours duquel M. Iselin est intervenu pour rappeler les événements de la dernière guerre mondiale. Je lui ai alors rappelé qu'au début de la guerre, pendant la période la plus pénible pour les Britanniques, Churchill a soutenu publiquement les objecteurs de conscience en affirmant que l'Angleterre se battait contre l'ennemi nazi au nom précisément des valeurs qui permettent le respect des conflits de conscience. Je vous le dis au passage, Mesdames et Messieurs de l'UDC - sans vous traiter d'extrémistes de droite, bien que vous nous ayez qualifiés d'extrémistes de gauche - le principe du respect de la conscience est un élément fondamental de notre démocratie. Je me réjouis donc qu'après des années et des années de luttes notre pays l'ait également reconnu en admettant le statut du service civil.
Il est faux de prétendre, comme vous l'avez fait tout à l'heure, Monsieur Schifferli, que ce projet de loi vise à privilégier le service civil par rapport au service militaire. Nous avons un plein respect à l'égard de celles et ceux qui font leur service militaire, mais nous estimons qu'on a aussi le droit de pouvoir exercer un service combien utile pour notre pays, et qui deviendra de plus en plus utile pour les raisons qu'a rappelées M. Büchi.
J'arrive à l'aspect le plus désagréable de cette discussion. Monsieur Lescaze, vous qui aimez nous asséner des vérités et qui prétendez que certains sont de mauvaise foi... (L'orateur est interpellé.)Quand on accuse quelqu'un de faire valoir des arguments fallacieux, pour reprendre vos termes, cela signifie qu'il est de mauvaise foi. Bref, Monsieur le député, nous n'avons pas adopté, lors de la dernière législature, que des lois exécrables, comme vous le dites, puisque vous en avez même voté quelques-unes que vous n'avez pas osé remettre en cause à ce jour, comme l'assurance-maternité ou le PACS, qui vise, je le rappelle, à reconnaître les droits de minorités. Je m'étonne qu'aujourd'hui vous ne daigniez pas laisser à une autre minorité, combien respectable, le droit d'exercer son service civil dans les meilleures conditions... (L'orateur est interpellé.)Oui, Madame la conseillère d'Etat, vous me laisserez finir ! Ce qui est grave dans cette affaire, comme les députés démocrates-chrétiens l'ont justement rappelé, c'est que la subvention de 100 000 F accordée pour que les civilistes puissent faire leur service civil dans le cadre d'associations à but idéal et pour des travaux que je pourrais qualifier d'utilité publique, ait été supprimée dans le budget.
Nous avons été, M. Iselin et moi-même, de ceux qui ont regretté que d'autres organismes d'utilité publique ne puissent pas recevoir une aide pour l'engagement de civilistes parce qu'ils reçoivent d'autres subventions. Cette subvention a duré trois ans et il s'agit, je crois, de la durée normale pour qu'une subvention devienne permanente dans le budget. Je déplore, Madame Brunschwig Graf, puisque vous venez d'intervenir, que cette subvention ait été de fait supprimée sous prétexte qu'on était en train de créer la base légale pour qu'elle devienne permanente. C'est une manière de procéder tout à fait extraordinaire. J'ose espérer, précisément pour cette raison, que ce projet de loi sera voté, pour rétablir une subvention qui a fait ses preuves et qu'il n'y avait aucune raison de supprimer.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je me permets, Monsieur le député Grobet, de vous faire remarquer qu'une réflexion à mi-voix n'est pas encore une intervention. Je vais cependant répondre à vos interpellations les unes après les autres.
Je vous rappelle d'abord une chose simple. Vous êtes en train de créer, Mesdames et Messieurs, une loi particulière sur le plan cantonal pour revendiquer un droit qui est reconnu, dans les limites du droit fédéral. J'aimerais que l'on sache ici, tous bancs confondus, que personne ne dénie le droit de faire appel à la législation fédérale pour accomplir un service civil en cas de conflit de conscience. Cela est si vrai qu'il y a à peine un mois le père d'un objecteur de conscience, ne sachant que faire, a envoyé son fils dans mon bureau, où nous avons réglé, avec l'administration militaire, ce problème dans l'heure. L'administration militaire n'est donc apparemment pas effrayante et sa présidente encore moins, lorsqu'il y a un véritable problème. Le droit au service civil est totalement reconnu par la loi fédérale et dans l'application du droit fédéral sur le plan cantonal. Il n'y a donc aucun besoin de promulguer une loi cantonale d'exception pour pouvoir faire respecter les droits légitimes de ceux qui ont une objection de conscience.
Ce qui me dérange dans les discours de certains, c'est qu'ils veulent régler par une loi cantonale ce que vous appelez, Monsieur Grobet, le droit des minorités. Je ne considère ni comme une majorité ni comme une minorité ceux qui font appel à un droit légitime, et je vous rappelle un droit tout aussi légitime qui fait qu'il y a obligation de servir dans notre pays.
Je voudrais dire quelque chose aux représentants démocrates-chrétiens qui sont intervenus, ainsi qu'à l'officier radical, que je respecte beaucoup. Vous ne pouvez pas parler comme vous le faites, Mesdames et Messieurs, sans savoir comment sera appliquée Armée XXI. Je ne sais d'ailleurs pas à quoi vous faites allusion lorsque vous parlez de renvoi aux calendes grecques. J'ai suivi, je l'espère comme vous, le débat aux Chambres fédérales qui s'est conclu par une décision sur l'entrée en vigueur d'Armée XXI en 2004. Cela implique, dès 2003, une obligation d'information déjà prévue au budget, concernant tant l'aspect civil que militaire. Nous avons d'ores et déjà veillé à ce que cette obligation puisse être réalisée sur le plan cantonal. J'ai moi-même demandé au département des affaires militaires de bien vouloir vérifier que l'aspect civil aussi bien que l'aspect militaire soient pris en compte dans les informations que nous avons pour obligation de diffuser dès l'année prochaine. Je ne peux pas considérer ici que les déclarations que vous faites soient tout à fait fondées, Monsieur Pétroz, lorsque vous prétendez avoir changé d'avis, sous prétexte que tout à coup Armée XXI n'entre pas en vigueur au moment prévu ou que des dispositions que nous nous sommes engagés à appliquer ne le sont pas.
Concernant le nombre de militaires, Monsieur le député officier, si vous avez bien lu Armée XXI et la partie qui concerne la diminution du nombre d'hommes, vous avez constaté, tout comme moi, qu'il n'est pas question d'une diminution de l'effectif par classe d'âge. Il s'agit d'une diminution de la durée de l'obligation de servir. Cela signifie que les classes d'âge sont tout aussi nécessaires aujourd'hui qu'elles l'étaient hier. Il ne s'agit pas tout à coup d'appliquer une curieuse règle de trois, qui impliquerait que par classe d'âge un nombre beaucoup plus important de jeunes gens ou de jeunes filles, en l'occurrence de jeunes gens, seraient déclarés non astreints, pour pouvoir répondre à une diminution drastique de l'effectif des hommes.
Si j'entrais dans votre raisonnement, cela signifierait véritablement un démantèlement de l'armée, ce que le peuple suisse, et le peuple genevois pour la première fois depuis longtemps, n'a pas souhaité. Je dis clairement que je ne peux pas entrer en matière sur les retournements de position des députés démocrates-chrétiens. Je pense qu'il est grave que vous changiez votre opinion sur la base d'arguments qui ne sont pas avérés. Je vous recommanderai alors de retourner sérieusement en commission pour prendre connaissance du dossier.
Ensuite, concernant le devoir d'information, nous vous avons donné un nombre important d'informations et de garanties. Cela ne vous permet à aucun moment de penser qu'un jeune qui vit un conflit de conscience ne pourra pas trouver l'interlocuteur qu'il faut. Vous seriez, Mesdames et Messieurs les députés, alors personnellement responsables, vous qui êtes engagés dans toutes sortes d'institutions, du fait que ces jeunes pourraient ne pas connaître les informations nécessaires. Vous avez reconnu les uns et les autres que l'administration militaire était ouverte à ce sujet. Il n'y a pas lieu d'établir une base légale pour faire respecter un devoir d'information qui est déjà pleinement rempli.
En outre, s'agissant du financement, nous avons évoqué en commission un certain nombre de problèmes. J'aimerais vous dire, en tout cas s'agissant de plusieurs exemples cités, Caritas, le Centre social protestant ou Médecins sans frontière - pour qui vous voterez prochainement une subvention de 1,5 million pour son siège suisse à Genève - que la plupart de ces associations émargent d'une façon ou d'une autre au budget de l'Etat et nous acceptons d'ajuster des subventions pour bien des raisons, y compris pour l'engagement de civilistes. J'estime que vous pouvez à tout moment proposer des amendements au budget et veiller à ce que cette subvention figure au budget 2003. Je n'ai pas saisi pourquoi elle a disparu du budget. Je n'ai pas assisté... (L'oratrice est interpellée.)
Monsieur le député, je m'abstiens, pour ma part, de vous interpeller ouvertement en séance et je vous propose de faire de même pour que nous arrivions au bout de cette discussion...
M. Christian Grobet. Vous venez de le faire...
Mme Martine Brunschwig Graf. Non. Nous avons la grande chance l'un et l'autre, Monsieur le député, d'être assis à proximité, ce qui fait que j'entends ce que vous dites à mi-voix et que vous entendez ce que je dis à mi-voix. Cela n'est toujours pas un dialogue, y compris pour le Grand Conseil.
Je continue mon intervention. Je pense qu'il n'y a pas lieu de faire un projet de loi cantonal sur le service civil. De la même façon que vous défendez, à juste titre, le respect de ce que vous appelez les minorités, Monsieur Grobet, moi, je défends, toujours à juste titre, l'obligation de servir qui existe dans ce pays. Si vous voulez vraiment aller jusqu'au bout de votre idée, vous devriez également adopter sur le plan cantonal un projet de loi sur les affaires militaires. Je pense qu'il n'y a pas de sens à voter une loi de ce genre, ni dans un sens, ni dans l'autre. Il est parfaitement possible de prévoir les subventions nécessaires dans le budget ordinaire de l'office cantonal concerné et du département des affaires économiques. J'interviendrai volontiers au Conseil d'Etat pour que ceci soit fait pour 2003.
Je vous annonce également que le département de l'instruction publique a fait une demande pour que des civilistes puissent remplir une partie de leurs obligations dans un domaine qui préoccupe beaucoup l'UDC, la sécurité à proximité et à l'intérieur des écoles. Cela permettra à chacun de trouver son compte. Pour cette raison notamment, il faut refuser le projet de loi. Si certains ont des doutes, il faut le renvoyer en commission. Les arguments des députés qui ont changé d'avis ne me paraissent pas tout à fait pertinents par rapport à la réalité des faits. ( Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. J'aimerais juste revenir sur les propos de M. Schifferli, qui nous parle d'insultes pour la conscience des jeunes recrues. A titre personnel, je ne peux pas laisser passer cela : j'ai le plus grand respect pour les gens qui font l'armée, par contre par vos propos vous insultez et vous manquez de respect aux jeunes qui ont choisi de servir leur pays d'une manière différente du service militaire.
Par rapport aux propos enflammés de M. le député Lescaze - je sais bien qu'il fait très chaud - j'aimerais répéter que le Conseil d'Etat lui-même a écrit au Conseil fédéral pour demander un supplément d'information dans la loi fédérale sur le service civil. Mme Brunschwig Graf, qui est cheffe du département militaire, fait partie du Conseil d'Etat. Je pense donc qu'elle sait de quoi je parle.
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. Comme l'heure est assez tardive, je vais être relativement bref pour vous dire que l'on commet une erreur en essayant de distiller dans vos esprits l'idée selon laquelle refuser l'entrée en matière de ce projet de loi reviendrait à refuser le principe même du service civil.
Je répondrai aussi à M. Büchi, qui disait tout à l'heure qu'il faut relever le défi du service civil, que ce défi a déjà été relevé et d'ailleurs gagné au niveau fédéral avec une loi qui prévoit l'existence de ce service. Ceux qui ont refusé l'entrée en matière de ce projet de loi en commission n'avaient absolument pas l'idée de se battre contre le service civil, qui est quelque chose d'acquis pour eux. En réalité, la loi genevoise, comme on vous l'a dit, pose deux principes: d'une part, le principe de l'information, et non pas du soutien puisqu'on ne peut pas soutenir le service civil au détriment du service militaire pour des raisons de force suprême du droit fédéral; d'autre part, le principe de la subvention. Je crois pouvoir dire que tous les commissaires étaient d'accord sur le principe qu'il fallait qu'elle soit renouvelée. Nous avons d'ailleurs tous eu à l'esprit que cette subvention existait, qu'elle était renouvelée et que son renouvellement ne posait aucun problème. Cela n'est donc pas un litige.
Il reste le problème de l'information. Mesdames et Messieurs, en matière d'information sur le service civil, je ne crois pas qu'on puisse aller beaucoup plus loin que ce qui existe déjà. Je rappelle que l'information existe à quatre stades successifs. D'abord, avant 18 ans, chaque personne qui sera appelée à faire normalement du service militaire reçoit la brochure partagée qui fait expressément mention du service civil. Puis, à 18 ans, on est convoqué à une séance d'information lors de laquelle on parle du service civil. Voilà déjà deux occasions durant lesquelles le conscrit entend parler du service civil. Lors du recrutement, il est à nouveau question, pour la troisième fois, du service civil. Il existe encore une quatrième possibilité d'opter pour le service civil, lors de la convocation à l'école de recrue. L'information est d'ailleurs si bonne dans notre canton, en dehors de toute loi, que Genève compte le plus de civilistes en Suisse. C'est à Genève que le plus de personnes s'inscrivent pour le service civil, ce qui démontre de manière parfaitement satisfaisante que l'information est distillée de façon absolument complète à Genève. On peut encore ajouter, je crois que M. Pagan avait raison de le relever, qu'on est en droit d'attendre de la personne qui, à 18 ans, veut faire cette démarche, qu'elle se renseigne un peu. A 18 ans, Mesdames et Messieurs, vous ne mettez plus la viande de votre enfant dans un mixer. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de refuser l'entrée en matière de cette loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 51 oui contre 36 non.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission est rejetée par 50 non contre 39 oui.
Deuxième débat
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. J'avais appuyé tout à l'heure sur le bouton pour demander formellement le renvoi en commission et expliquer pourquoi je le demandais. Vous ne m'avez pas laissé le faire, Monsieur le président. Je suis conscient que c'est maintenant trop tard...
Le président. En tout temps, on peut redemander le renvoi en commission.
M. Christian Luscher. Je demande donc à nouveau le renvoi en commission... (Exclamations.)...et je vais vous expliquer en deux mots pourquoi. Je demande cela pour deux raisons, d'abord pour élucider cette question d'Armée XXI, puisque visiblement les démocrates-chrétiens ont abordé un sujet qu'ils ne connaissent pas. Ensuite, je crois qu'il faut analyser tranquillement, entre gens qui s'écoutent, la question de la ligne budgétaire pour pouvoir l'intégrer au budget 2003. Pour ces raisons, je redemande le renvoi en commission. Je ne suis en effet pas certain que tout le monde a compris pourquoi il fallait renvoyer ce projet en commission.
Le président. Je signale à cette assemblée que nous sommes saisis de deux amendements. Il faut aussi tenir compte de cela.
M. Jean Rémy Roulet (L). Ma demande est uniquement formelle: j'aimerais qu'on s'arrête au deuxième débat et qu'on reprenne ceci à tête reposée en septembre. (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, nous votons la suspension de nos travaux.
Mise aux voix, la proposition de suspendre les travaux est rejetée par 50 non contre 34 oui et 1 abstention.
Le président. Nous commençons maintenant le deuxième débat, avec le vote du titre et du préambule.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous passons à l'article 1. Nous sommes saisis d'un amendement pour supprimer la mention «et soutient activement» dans cet article.
M. Blaise Matthey (L). Vous avez déjà entendu les doutes qu'on peut avoir à propos de la rédaction de cet article 1 et des termes «et soutient activement le service civil» qui peuvent faire penser, malgré la teneur des débats antérieurs, que l'on veut agir dans le sens du libre choix. Vous le savez, Mesdames et Messieurs, la Constitution fédérale est absolument claire à cet égard, le principe est celui du service militaire avec la possibilité, s'il y a un problème de conscience avéré et avéré seulement, de remplacer le service militaire par du service civil. Les conditions sont parfaitement claires. Le canton, dans ces conditions, n'a pas à soutenir activement le service civil, dès lors que les conditions pour effectuer ledit service dépendent du droit fédéral et n'ont pas à être fixées dans le droit cantonal.
En vous proposant la suppression du «et soutient activement», je crois que je permets ainsi à toute personne qui aurait un doute à ce sujet de le lever. Je vous remercie de bien vouloir soutenir mon amendement.
Le président. Mesdames et Messieurs, l'amendement de l'article 1 est donc le suivant : «Dans le respect du droit fédéral, le canton met en oeuvre le service civil...» C'est bien la formulation que vous souhaitez, Monsieur Matthey? C'est le cas.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous passons maintenant à l'article 2, alinéa 1. Nous sommes saisis d'un amendement qui se formule ainsi : «Chaque personne appelée à effectuer son service militaire est informée de l'existence du service civil, de ses conditions d'admission et de sa mise en oeuvre.»
M. Blaise Matthey (L). Je continue, Mesdames et Messieurs, en vous proposant une formulation un peu différente de cet article 2. Je propose de supprimer «clairement et objectivement» et de reformuler entièrement l'article. Pourquoi ceci ? Parce que le rapport est clair, et cela a d'ailleurs été dit durant les débats, l'information est largement suffisante. Il n'y a pas besoin de faire encore de l'information. Dans ces conditions, je ne vois pas franchement ce que peut être une information claire et objective.
J'ajoute, et cela aussi a déjà été dit, que s'il y a un doute quant à la possibilité d'effectuer un service civil, il est possible à tout moment de demander de l'information à ce sujet. Croyez-moi, je suis bien placé, j'ai des fonctions dans la justice militaire: vous pouvez à tout moment devant le juge militaire, et ultérieurement devant le tribunal - ça peut éventuellement servir à tous ceux qui semblent ignorer cette procédure - demander à bénéficier du service civil. Cela est possible à tout moment et jusqu'au bout de la procédure. J'irai même plus loin en vous disant qu'à chaque stade de la procédure on accompagne la personne qui demande à effectuer du service civil. On lui donne une fiche et un délai et on lui prend des rendez-vous. Mesdames et Messieurs, sans reprendre le mixer de M. Luscher, on n'est quand même pas très loin de la viande hachée... (Rires.)Par conséquent, il n'y a pas à faire de l'information claire et objective, il faut reformuler l'article 2 dans le sens de mon amendement. Je vous remercie de l'approuver.
M. Alberto Velasco (S). Je crois que la proposition qui est faite est très astucieuse. M. Matthey soustrait la mention du canton de l'alinéa 1 et, en faisant cela, on revient tout simplement à l'information militaire qui était faite auparavant. Ce qui est important pour nous, c'est que le canton donne aussi une information, subsidiairement à la Confédération.
Puisque j'ai enfin la parole, j'aimerais ajouter que j'ai demandé, en tant que président de la commission législative, à M. Werenfels si ce projet de loi était superflu par rapport à la pratique de la Confédération. Il a alors clairement répondu que ce projet de loi était très intéressant pour la Confédération et qu'il ne pouvait amener - oui, Monsieur Luscher ! - qu'un supplément d'information ne faisant pas de mal. Tout le reste n'est que mensonge ! J'ajouterai encore que...
Le président. Je veux bien que vous relanciez le débat, Monsieur Velasco, mais vous êtes en train de contourner le règlement. Allez-y, je vous laisse quand même quelques secondes.
M. Alberto Velasco. Très bien, Monsieur le président: je conclus en disant que nous refuserons la proposition faite par M. Matthey.
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. La personne que nous avons entendue n'a absolument pas dit ce que M. Velasco prétend qu'elle a dit, et je mets au défi M. Velasco de me prouver le contraire. Je vais vous répéter exactement ce que M. Werenfels a dit : «Ce projet arrive trop tard.» Je vous mets donc au défi de dire que mes propos sont faux.
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Matthey qui reformule l'alinéa 1 de l'article 2 de la façon suivante : «Chaque personne appelée à effectuer son service militaire est informée de l'existence du service civil, de ses conditions d'admission et de sa mise en oeuvre.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 42 oui contre 39 non et 1 abstention.
Le président. J'ai encore un amendement déposé par M. Catelain qui propose, toujours dans cet article, de supprimer l'alinéa 2.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai cru comprendre au cours de ces débats, puisque je n'ai pas eu l'occasion de participer aux travaux de la commission, que ce projet s'adressait essentiellement aux civilistes et que l'effort d'information devait se porter vers les candidats civilistes. Finalement il nous apparaît donc que l'alinéa 2 n'a pas de sens dans ce projet de loi. On peut partir du principe que les associations sauront très bien s'informer et n'auront pas peur de l'administration.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 21 oui et 2 abstentions.
Le président. Je vous fais maintenant voter l'ensemble de l'article 2.
Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 3, 4 et 5.
Troisième débat
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais revenir sur l'article 2, alinéa 1. Le début de la phrase disant que «le canton informe chaque personne» a été supprimé alors que, selon M. Matthey lui-même, son amendement visait la suppression de la mention «clairement et objectivement». Je propose donc que le début de la phrase soit rétabli, parce qu'il n'est pas clairement mentionné, avec le texte tel qu'il a été adopté, qui doit donner cette information. Je suggère que le début de l'alinéa reprenne sa forme initiale et dise : «Le canton informe chaque personne appelée à effectuer...»
Le président. Nous allons voter l'amendement de M. Grobet.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 41 oui.
La loi 8541 est adoptée en troisième débat par 51 oui contre 34 non et 1 abstention.