République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 juin 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 9e session - 45e séance
IU 1261
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Si je m'en tenais à la lettre des propos de M. Catelain, je pense que je pourrais répondre avec peut-être autant d'excès qu'il en a mis dans ses propos. En l'occurrence, je vais plutôt m'attacher au sujet et à sa gravité.
Pour vous dire en premier lieu, Monsieur le député, que comme tous les citoyens de ce pays, je suis soumise aux lois et que comme magistrate, je m'emploie à les respecter; vous n'avez, en aucune manière, la preuve qu'il en est autrement. Vous avez cru bon, dans votre interpellation, de fonder vos propos à mon égard et finalement à l'égard du gouvernement dans son ensemble, sur le paragraphe suivant, cité, venant de l'Office fédéral des étrangers. Je vous cite tout d'abord et je poursuivrai la citation ensuite: «Notre pays étant un Etat de droit, il n'est en principe pas acceptable que des prescriptions légales, en l'occurrence la loi sur le séjour des étrangers, ne soient pas respectées, voire que le non-respect de ces prescriptions soit sciemment couvert par une administration.» Sur cette base-là, vous m'accusez d'illégalité.
Monsieur le député, l'honnêteté intellectuelle voudrait que vous citiez le reste du paragraphe qui vient du même auteur. «Cependant, dit l'auteur du paragraphe, dans la problématique délicate qui nous occupe - ce que je viens de lire - les autorités cantonales ont également à tenir compte du bien de l'enfant et du droit que lui octroie l'article 19 de la Constitution, lesquels seraient bafoués si les étrangers clandestins, de peur d'être découverts et dénoncés de manière systématique par les autorités scolaires, n'envoyaient plus leurs enfants à l'école.»
Vous avez choisi de baser votre démonstration sur une partie de ce paragraphe. La deuxième partie montre, à l'évidence, qu'entre une loi fédérale et l'article constitutionnel 19 cité, il y a, à un moment donné, de la part des cantons et des autorités cantonales, un devoir qui s'inspire de l'humanité avant de s'inspirer d'autres éléments.
Mais j'ajoute un autre élément, puisque nous parlons de l'école obligatoire et que vous voulez faire quelque subtil distinguo entre l'école obligatoire et l'école post-obligatoire.
Monsieur le député, dans mon intervention précédente, je n'ai pas parlé que de la Constitution fédérale. J'ai bien sûr parlé de la loi sur l'instruction publique, mais j'ai aussi parlé d'une convention que nous avons ratifiée, la Convention des droits de l'enfant, entendez par là que les enfants sont des enfants jusqu'à l'âge de leur majorité.
J'ai représenté la Suisse, l'autre jour, devant le comité qui contrôle l'application de la Convention des droits de l'enfant qui, je vous le rappelle, relève de l'ONU. J'ai donc eu, à ce moment-là, à répondre de l'ensemble de la politique de la Suisse et, notamment, de l'article 28 de cette convention sur laquelle nous n'avons pas fait de réserve. Et cette convention dit ceci à son article 28:
«Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation», soit jusqu'à sa majorité et certains de ces élèves sont dans le post-obligatoire. «Ils rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous. Ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant et prennent des mesures appropriées telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin.» La lettre C nous dit encore «qu'ils assurent à tous l'accès à l'enseignement supérieur», dont je peux dire qu'il n'est pas obligatoire, «en fonction des capacités de chacun par tous les moyens appropriés».
Alors, lorsque nous avons le sens de la légalité et du droit supérieur, que nous avons décidé, il y a plusieurs années, de ratifier la Convention des droits de l'enfant et que nous avons maintenant à justifier de notre politique à l'égard de ceux qui suivent l'application de cette convention, je vous affirme que je ne me sens pas dans l'illégalité, pas plus que l'administration, et pas plus que les vingt-six cantons qui, dans cette affaire, ont plutôt une politique coordonnée. (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente est close.