République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 13 juin 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 9e session - 42e séance
M 1291-A
Débat
M. Albert Rodrik (S). Permettez-moi d'abord de féliciter le rapporteur, non pas seulement pour la bien facture du rapport - ce ne serait guère un compliment pour un ancien du «Journal de Genève» - mais pour son abnégation. En effet, il en a fallu beaucoup, j'imagine, pour réaliser tout ce travail au bénéfice du petit poulet déplumé qui nous revient de commission. Sur les 3 invites qui composaient le texte originel, nous avons eu une touchante unanimité pour la première et, finalement, c'est tout ce qui reste; c'est le solde net.
Il est clair que la deuxième invite de nos amis de l'Alliance de Gauche posait un problème majeur et, pour rester aimable, je dirai qu'elle se situe au carrefour de la méconnaissance et de la doctrine, de sorte qu'il nous était difficile de la prendre en compte. En revanche, la troisième invite aurait mérité un autre sort. Si nous n'avons pas voulu, à la fin, faire vinaigre et provoquer une surenchère d'amendements, c'est avant tout parce que nous tenions à ce que quelque chose sorte de commission. Peut-être bien que la formulation de la motion d'origine n'était pas tout à fait adéquate, mais je regrette que nous ne nous soyons pas donné la peine de la formuler différemment, afin que notre Parlement affirme une volonté sur ce problème extrêmement délicat et qui demande tant de nuances.
Au lieu d'un débat constructif autour de cette troisième invite, nous avons entendu, provenant des bancs d'en face, une sorte d'hymne à la concurrence fiscale intercantonale. Mesdames et Messieurs, la concurrence intercantonale n'est ni un problème de credo ni un problème d'idéologie. C'est une réalité. Son maniement, en revanche, demande du doigté et de l'intelligence, et c'est pourquoi nous aurions voulu que la majorité de cette commission ne balaie pas cette invite comme elle l'a fait. A force de croasser - excusez-moi - en faveur de la concurrence intercantonale, on oublie peut-être trop souvent que nous sommes tout de même un seul pays, du Léman au Boden et de Boncourt à Chiasso. Si certains oublient cela, au profit d'une ritournelle sur la concurrence intercantonale, craignez qu'ils attentent au lien confédéral. Oui, Mesdames et Messieurs, il y a une concurrence intercantonale, mais la manière de prévenir la surenchère est délicate et doit être nuancée et je regrette, encore une fois, que la majorité n'ait pas voulu l'indiquer dans cette motion.
M. Pierre Vanek (AdG). J'aimerais simplement aller dans le sens de ce que vient de dire notre collègue Albert Rodrik. Effectivement, ce beau rapport pour demander au Conseil d'Etat d'informer le Grand Conseil sur sa politique de dérogation fiscale au profit d'entreprises ou de sociétés ayant leur siège à Genève, c'est beaucoup de papier dépensé pour bien peu de choses. Bien sûr, le Conseil d'Etat peut et doit nous faire un rapport sur sa politique de dérogation fiscale, mais notre texte contenait 2 autres invites. Elles étaient assez élémentaires et portaient un contenu politique. La commission n'a pourtant pas souhaité les renvoyer au Conseil d'Etat. Je souligne seulement que le Conseil d'Etat aurait été libre de dire ce qu'il pensait de ces invites dans son rapport : les voter n'impliquait aucune décision.
La première demandait que le Conseil d'Etat cherche à obtenir des accords avec d'autres cantons pour éviter la sous-enchère fiscale. C'est cela qu'une majorité de ce Parlement veut refuser aujourd'hui. Albert Rodrik l'a dit, la sous-enchère fiscale est un phénomène qui existe, et sur lequel nous pouvons nous prononcer : y sommes-nous favorables, pensons-nous que nous devons jouer ce jeu-là ? On sait bien que sur les bancs d'en face, dès lors qu'il s'agit de questions fiscales, cette affaire de sous-enchère est évoquée, par rapport à d'autres cantons, par rapport à d'autres pays où des entreprises ou des personnes fortunées pourraient aller s'établir. Sur leurs affiches contre l'initiative fiscale de l'Alliance de Gauche - qui, je vous le rappelle, a été acceptée par une majorité de citoyens - les opposants évoquaient Monaco, le Liechtenstein et Dieu sait encore quels lieux plus attractifs fiscalement que Genève. Certes, nous ne pouvons pas faire concurrence en matière fiscale à ces Etats, mais la moindre des choses, c'est que nous ayons effectivement une politique constante visant à collaborer ou à tenter de collaborer avec les autres cantons de ce pays pour éviter ce phénomène de sous-enchère fiscale qui est complètement négatif.
Mon collègue socialiste a eu des mots sévères à propos de la deuxième invite qui figurait dans notre texte. Elle invitait le Conseil d'Etat à s'abstenir d'accorder des dégrèvements fiscaux à des entreprises qui sont dans une situation financière favorable - c'est un premier élément - ou à des entreprises qui veulent transférer leurs activités dans notre canton en supprimant massivement des emplois ailleurs, contribuant ainsi à perturber la situation économique du lieu où ces emplois sont supprimés. Je ne vous ferai pas un laïus sur les exemples auxquels on pourrait se référer pour montrer que ce type de pratiques existe. Je pense cependant que décourager, dans des cantons voisins et confédérés, les perturbations économiques générées par l'installation de telle ou telle entreprise sur notre territoire constitue à mon avis une règle de bonne politique. Lorsque nous-mêmes sommes victimes de telles opérations, nous nous en plaignons.
Ces 2 invites sont extrêmement simples : l'une concerne la concurrence fiscale, l'autre l'éthique minimum à suivre au sujet du type d'entreprises dont nous encourageons la venue à Genève par des dégrèvement fiscaux. Au nom de mon groupe, je vous demande formellement, Monsieur le président, de soumettre ces deux invites supplémentaires comme amendement à la proposition de motion, telle qu'elle est défendue par le rapporteur de la commission fiscale.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il reste quatre intervenants, auxquels s'ajouteront les votes sur les amendements proposés par M. le député Vanek. Nous ne parviendrons pas, comme je l'avais espéré, à terminer en 15 minutes, je vous propose donc de clore la séance. Nos débats reprendront à 20h30 avec des points fixes et la discussion sur cette motion se poursuivra vendredi.