République et canton de Genève

Grand Conseil

Séance extraordinaire

Prestation de serment des magistrat-e-s du pouvoir judiciaire

La séance est ouverte à 17h, en la cathédrale Saint-Pierre, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.

(La présidente du Conseil national, accompagnée par un huissier fédéral, le Bureau du Grand Conseil, précédé du sautier portant la masse et des huissiers en bicorne et cape rouge et jaune, le Conseil d'Etat, les juges fédéraux et le chef de la police prennent place sur le podium et s'asseyent.

Lorsque les magistrats du pouvoir judiciaire, précédés du commandant de la gendarmerie et des huissières en tricorne et cape rouge et jaune entrent dans la cathédrale, toute l'assemblée se lève.

Les magistrats du pouvoir judiciaire prennent place sur les bancs qui leur ont été réservés et restent debout. L'orgue joue le Prélude en mi bémol majeur de Jean-Sébastien Bach jusqu'à ce que tout le monde soit en place.)

Assistent à la séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Je prie l'assistance de bien vouloir s'asseoir.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Jacques Baudit, Marie-Françoise De Tassigny, Erica Deuber Ziegler, Renaud Gautier, David Hiler, Sami Kanaan, Ueli Leuenberger, Claude Marcet, Alain-Dominique Mauris, Guy Mettan, Alain Meylan et Louis Serex, députés.

Appel nominal des députées et députés

Le président. Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir procéder à l'appel nominal des députés :

Esther Alder (Ve), Bernard Annen (L), Thierry Apothéloz (S), Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), Claude Aubert (L), Gabriel Barrillier (R), Florian Barro (L), Luc Barthassat (PDC), Caroline Bartl (UDC), Jacques Baud (UDC), Christian Bavarel (Ve), Charles Beer (S), Janine Berberat (L), Claude Blanc (PDC), Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), Loly Bolay (S), Blaise Bourrit (L), Christian Brunier (S), Thomas Büchi (R), Gilbert Catelain (UDC), Alain Charbonnier (S), Anita Cuénod (AdG), Jeannine De Haller (AdG), René Desbaillets (L), Gilles Desplanches (L), Jean-Claude Dessuet (L), Hubert Dethurens (PDC), Antoine Droin (S), John Dupraz (R), René Ecuyer (AdG), Jean-Claude Egger (PDC), Alain Etienne (S), Laurence Fehlmann Rielle (S), Christian Ferrazino (AdG), Jacques Follonier (R), Anita Frei (Ve), Pierre Froidevaux (R), Yvan Galeotto (UDC), Morgane Gauthier (Ve), Philippe Glatz (PDC), Alexandra Gobet-Winiger (S), Mireille Gossauer-Zurcher (S), Christian Grobet (AdG), Mariane Grobet-Wellner (S), Jean-Michel Gros (L), Janine Hagmann (L), Jocelyne Haller (AdG), Michel Halpérin (L), Dominique Hausser (S), André Hediger (AdG), Hugues Hiltpold (R), Antonio Hodgers (Ve), Robert Iselin (UDC), Jacques Jeannerat (R), René Koechlin (L), Pierre Kunz (R), Michèle Künzler (Ve), Bernard Lescaze (R), Georges Letellier (UDC), Sylvia Leuenberger (Ve), Christian Luscher (L), Anne Mahrer (Ve), Blaise Matthey (L), Souhail Mouhanna (AdG), Mark Muller (L), Jean-Marc Odier (R), Jacques Pagan (UDC), Rémy Pagani (AdG), Pascal Petroz (PDC), Patrice Plojoux (L), Pierre-Louis Portier (PDC), Véronique Pürro (S), André Reymond (UDC), Albert Rodrik (S), Maria Roth-Bernasconi (S), Jean Rémy Roulet (L), Stéphanie Ruegsegger (PDC), Françoise Schenk-Gottret (S), Pierre Schifferli (UDC), Patrick Schmied (PDC), Ivan Slatkine (L), Carlo Sommaruga (S), Jean Spielmann (AdG), Pierre Vanek (AdG), Olivier Vaucher (L), Alberto Velasco (S), Pierre Weiss (L), Ariane Wisard (Ve).

(A l'issue de l'appel nominal des députés, le Cromorne en taille de François Couperin est joué à l'orgue.)

Magistrats excusés

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance les magistrats suivants:

- M. Maurice Harari, juge suppléant à la Cour de cassation;

- M. Patrick Blaser, juge suppléant à la Cour de justice;

- M. Jean-Claude Fivaz, juge suppléant à la Cour de justice;

- M. Gilles Stickel, juge suppléant à la Cour de justice;

- M. Blaise Grosjean, juge suppléant à la Cour de justice;

- M. Roland Burkhard, juge suppléant au Tribunal de première instance;

- Mme Josiane Stickel-Cicurel, juge suppléante au Tribunal de première instance;

- M. Jean-Pierre Restellini, juge assesseur suppléant (médecin) au Tribunal de la jeunesse.

E 1154
Prestation de serment du Procureur général, de la Procureure et du Procureur, des substitutes et du substitut du Procureur général

Le président. Nous allons tout d'abord procéder à la prestation de serment du Ministère public, soit de M. le procureur général, Mme et M. les procureurs, Mmes et M. les substituts. Je prie l'assistance de bien vouloir se lever.

(Les huissiers restent debout jusqu'à la fin des prestations de serment.)

Monsieur le procureur général, Madame et Monsieur les procureurs, Mesdames et Monsieur les substituts, vous êtes appelés à prêter serment avec entrée en fonction le premier juin. Je vais donner lecture du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée. Lorsque la lecture sera terminée, vous baisserez la main.

Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

»d'être fidèle à la République et canton de Genève comme citoyen et en ce qui concerne mon office;

»de rechercher avec vigilance et de déférer aux autorités compétentes toutes les infractions aux lois et de poursuivre les contrevenants sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, l'habitant du pays comme l'étranger;

»de veiller à l'observation des règlement et de défendre tous les intérêts que la société me confie, ceux des mineurs, des interdits et de toutes les personnes qui réclament une protection plus spéciale;

»de m'attacher strictement aux lois et à l'intention de la loi;

»de remplir mon office avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

»de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

»de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Je prie l'assemblée de bien vouloir s'asseoir.

Monsieur le procureur général, Madame et Monsieur les procureurs, Mesdames et Monsieur les substituts, à l'appel de votre nom, vous voudrez bien vous lever à nouveau et lever la main droite, puis prononcer les mots «Je le jure» ou «Je le promets». Ensuite, vous pourrez vous rasseoir.

Procureur général :

M. Daniel Zappelli

Procureurs :

Mme Mireille George

M. Jean-Bernard Schmid

Substituts du procureur général :

Mme Corinne Chappuis Bugnon

Mme Sylvie Droin

Mme Pauline Erard-Gillioz

Mme Valérie Lauber

M. Jean Reymond

Mme Gaëlle Van Hove

(A l'appel de leur nom, M. le procureur général, Mme et M. les procureurs et Mmes et M. les substituts répondent par les mots «Je le jure» ou «Je le promets ».)

Le président. Monsieur le procureur général, Madame et Monsieur les procureurs, Mesdames et Monsieur les substituts, je vous remercie. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite plein succès dans vos activités.

E 1155
Prestation de serment des autres magistrates et magistrats du pouvoir judiciaire

Le président. Je prie l'assemblée de bien vouloir se lever.

Mesdames et Messieurs les magistrats, vous êtes appelés à prêter serment avec entrée en fonction le premier juin.

Je vais vous donner lecture du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée. Lorsque la lecture sera terminée, vous baisserez la main.

Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

»d'être fidèle à la République et canton de Genève comme citoyen et comme juge;

»de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, à l'étranger comme à l'habitant du pays;

»de m'attacher strictement aux lois et à l'intention de la loi;

»de remplir mon office avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

»de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

»de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Je prie l'assemblée de bien vouloir s'asseoir.

Mesdames et Messieurs les magistrats, à l'appel de votre nom, vous voudrez bien vous lever à nouveau, puis lever la main droite et prononcer les mots «Je le jure» ou «Je le promets». Ensuite vous pourrez vous rasseoir.

Juges à la Cour de cassation :

M. Raymond Courvoisier, président

Mme Chantal Manfrini, vice-présidente

M. Alain Zwahlen

M. Robert Roth

M. Pierre-Christian Weber

Juges à la Cour de justice :

Mme Martine Heyer-Berthet, présidente

Mme Laura Jacquemoud-Rossari, vice-présidente

M. Jean-Pierre Pagan

M. Pierre-Yves Demeule

M. Stéphane Geiger

Mme Marguerite Jacot-des-Combes

M. Richard Barbey

Mme Renate Pfister-Liechti

M. Christian Murbach

M. Michel Criblet

Mme Antoinette Stalder

M. Louis Peila

M. Jean Ruffieux

M. Jacques Delieutraz

M. Laurent Kasper-Ansermet

M. François Chaix

Juges au Tribunal administratif :

M. Philippe Thélin, président

M. François Paychere, vice-président

Mme Eliane Bonnefemme-Hurni

M. Dominique Schucani

Mme Laure Bovy

Juges au Tribunal de première instance :

Mme Claude-Nicole Nardin, présidente

Mme Valérie Laemmel-Juillard, vice-présidente

M. Jean Mirimanoff

Mme Sylvie Wegelin

M. Pierre Curtin

Mme Maria-Claude Sermier

M. René Rey

M. Pierre Marquis

M. Jean-Marc Strubin

M. Cédric-Laurent Michel

Mme Paola Campomagnani Calabrese

Mme Rosa-Delia Maillart-Romay

M. Marc Oederlin

M. Olivier Deferne

Mme Nathalie Magnenat-Fuchs

Mme Silvia Tombesi-Mumenthaler

M. David Robert

M. Patrick Chenaux

Mme Jocelyne Deville-Chavanne

Mme Fabienne Geisinger-Mariéthoz

Juges d'instruction :

M. Stéphane Esposito, président

M. Michel Graber, vice-président

Mme Carole Barbey

M. Jean-Pierre Trembley

Mme Christine Junod

M. Daniel Dumartheray

M. Leonardo Malfanti

M. Claude Wenger

Mme Isabelle Cuendet

M. Daniel Devaud

M. Marc Tappolet

Mme Alix Francotte-Conus

M. Vincent Fournier

M. Yves Aeschlimann

Mme Yvette Nicolet

Juges au Tribunal tutélaire et à la Justice de paix :

M. Thierry Wuarin, président

Mme Anne-Marie Barone, vice-présidente

Mme Yvette Daoudi Beuchat

M. Thierry Luscher

Mme Fabienne Proz Jeanneret

Juges au Tribunal de la jeunesse :

Mme Anne-Françoise Comte Fontana, présidente

M. Jean-Nicolas Roten

Juges au tribunal des conflits :

M. Daniel Peregrina

M. Guy Schrenzel

Juges suppléants à la cour de cassation :

M. Antoine Böhler

M. Didier Brosset

M. Nicolas Jeandin

M. Maurice Schneeberger

Juges suppléants à la Cour de justice :

M. Benoît Chappuis

M. Eric Fiechter

Mme Elisabeth Gabus-Thorens

M. Adriano Gianinazzi

M. Werner Gloor

M. Marc Henzelin

M. Douglas Hornung

M. Vincent Jeanneret

M. Philippe Juvet

M. Eric Maugué

M. Gérard Montavon

M. Peter Pirkl

M. Philippe Prost

M. Guy Stanislas

M. Vladimir Vesely

Mme Ariane Weyeneth

Juges suppléants au Tribunal administratif :

M. François Bellanger

M. Yves Bonard

M. Michel Hottelier

M. Claudio Mascotto

M. Mario-Dominique Torello

Juges suppléants au Tribunal de première instance :

Mme Lorella Bertani

Mme Brigitte Besson

M. Serge Fasel

M. Robert Fiechter

M. François Haddad

Mme Dominique Henchoz

M. Patrick Malek-Asghar

M. Jacques Roulet

Mme Antoinette Salamin

Mme Diane Schasca

M. Jean-Charles Sommer

Mme Liliane Zwahlen-Stamm

Juges suppléants au Tribunal tutélaire et à la Justice de paix :

M. Philippe Guntz

Mme Viviane De Neef Weibel

Mme Brigitte Sambeth Glasner

M. Christophe Zwellweger

Juges suppléants au tribunal de la jeunesse :

M. Pierre Gasser

M. Henri Nanchen

Mme Sonia Muhlstein

Mme Christine Sayegh

Juges assesseurs et assesseurs suppléants à la Chambre d'accusation et au Tribunal de police :

Mme Nicole Baunaz

Mme Hélène Braun

M. Hervé Burdet

M. Roman Juon

M. Jean-Paul Cherix

M. Pierre Pachoud

M. Claude Blanc

Mme Verena Charpié

M. Jean Grob

M. Michel Jörimann

Mme Michèle Künzler

Mme Christiane Marfurt

M. Roger Portier

Mme Irène Savoy Chanel

Juges assesseurs à la Chambre d'appel des baux et loyers :

M. Pierre Banna

M. Olivier Bindschedler Tornare

Mme Dominique Burger

M. Pierre Daudin

M. Stéphane Felder

M. Pierre-Antoine Lapp

M. Olivier Lutz

Mme Sabina Mascotto

M. Alain Maunoir

M. Jean-Marc Siegrist

Juges assesseurs au Tribunal des baux et loyers :

M. Jean-Paul Bart

M. Julien Blanc

M. Pierre De Freudenreich

M. Jacques Grange

M. Jean-Pierre Janin

Mme Raija Lahlou

M. Franco Mauri

M. François Micheli

M. Serge Patek

M. Michel Penet

M. Henry Senger

M. Guillaume Zuber

Mme Béatrice Antoine

M. Jean Blanchard

Mme Marozia Carmona Fischer

M. Alain Gallet

M. Bernard Ganty

Mme Nicole Haab

Mme Jacqueline Larpin

M. Jan Maurer

M. Willy Monnet

M. Stéphane Montfort

M. Eric Rossiaud

Mme Christiane Veya

Juges assesseurs et assesseurs suppléants au Tribunal de la jeunesse :

M. Jean-Charles Rielle

M. Jean-Maurice Seigne

Mme Marianne Mathez-Roguet

Mme Madeleine Pinget

M. Michel Huguenin

M. Charles Selleger

M. René Rieder

M. Henri Schaerer

M. Marc Sormani

Le président. Mesdames et Messieurs les magistrats de la commission de surveillance de l'office des poursuites et des faillites, vous prêtez serment aujourd'hui et votre entrée en fonction sera fixée par le Conseil d'Etat.

Juge à la commission de surveillance de l'office des poursuites et des faillites :

M. Raphaël Martin

Juge suppléant à la commission de surveillance de l'office des poursuites et des faillites :

M. Eric Hess

Juges assesseurs à la commission de surveillance de l'office des poursuites et des faillites :

M. Pierre Bungener

M. Christian Chavaz

Mme Marie-Thérèse Lamagat

M. Denis Mathey

Mme Magali Orsini

M. Bernard De Riedmatten

M. Olivier Wehrli

Juges assesseurs suppléants à la commission de surveillance de l'office des poursuites et des faillites :

M. Yves De Coulon

Mme Alexandra Gobet Winiger

Mme Aline Sofer

(A l'appel de leur nom, les magistrats répondent par les mots «Je le jure» ou «Je le promets».)

Le président. Mesdames et Messieurs les magistrats, je vous remercie. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite plein succès dans vos activités.

Je prie maintenant l'assemblée de se lever car nous allons entendre le Cé qu'è lainôdont nous chanterons en choeur le premier et le dernier couplets.

(L'assemblée debout chante le Cé qu'è lainô accompagné à l'orgue.)

Veuillez vous asseoir.

(Les huissiers s'asseyent également.)

Discours du procureur général

(Une huissière du Palais de justice accompagne le procureur général au micro et se tient à côté de lui pendant l'allocution.)

M. Daniel Zappelli, procureur général.

Madame la présidente du Conseil national,

Monsieur le président du Grand Conseil,

Madame la présidente du Conseil d'Etat,

Mesdames et Messieurs les présidents des Juridictions,

Mesdames et Messieurs les représentants des Autorités judiciaires,

Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat,

Madame et Messieurs les députés genevois aux Chambres fédérales,

Messieurs les juges fédéraux,

Monsieur le maire de Genève,

Monsieur le chancelier d'Etat,

Mesdames et Messieurs les députés,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités fédérales et communales,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités militaires, ecclésiastiques et universitaires,

Mesdames et Messieurs les représentants des corps diplomatique et consulaire,

Mesdames et Messieurs,

Chères concitoyennes, chers concitoyens,

Les élections de ce 21 avril ont consacré une victoire, celle du pouvoir judiciaire. Par une participation hors du commun, les citoyens ont donné au pouvoir judiciaire une légitimité qu'il n'avait jamais connue. Les citoyens ont exprimé l'importance qu'ils accordent à la Justice. Ils ont démontré qu'ils considèrent celle-ci comme un pouvoir à part entière.

Il est aujourd'hui de la responsabilité de l'Etat d'entendre la voix du corps électoral. Il est usuel de dire que la Justice est un pouvoir, mais elle ne pourra jamais être un pouvoir autre que théorique si on ne lui donne pas les moyens de remplir efficacement sa mission.

Il y a plus de trois siècles, Blaise Pascal nous disait : «La Justice sans la force est impuissante : la force sans la justice est tyrannique. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, et que ce qui est fort soit juste.»

Plus récemment, il y a douze ans, à l'occasion de la prestation de serment du pouvoir judiciaire, le président du Grand Conseil relevait dans son allocution que l'indépendance du pouvoir judiciaire n'était pas à elle seule suffisante. Il affirmait que la justice devait aussi être forte et disposer des moyens adéquats pour trancher rapidement les petits délits comme pour poursuivre sans faiblir les infractions les plus graves.

Il faut admettre que des progrès ont été accomplis dans ce domaine. Le nombre de magistrats et de collaborateurs a connu une légère augmentation. Dans le domaine pénal, les juges d'instruction ont été dotés d'une cellule destinée à gérer les affaires complexes. Le Palais s'est informatisé. Surtout, le Palais de justice a acquis son autonomie en matière budgétaire.

Encore faut-il que l'enveloppe confiée à la Justice garantisse cette autonomie.

Les efforts entrepris en la matière, tout louables qu'ils soient, demeurent clairement insuffisants.

Il y a douze ans, le budget de la justice représentait environ 1% du budget de l'Etat. Il est actuellement de 1,1% !

La première tâche à laquelle j'entends m'atteler, dès cette année, est celle d'obtenir du pouvoir législatif, avec l'appui du Conseil d'Etat, que la Justice genevoise dispose de moyens supplémentaires.

On ne peut, en effet, nous demander de répondre aux défis de l'époque moderne avec les moyens de jadis. Il est, Mesdames et Messieurs, du devoir du procureur général de souligner que le budget de la Justice genevoise doit augmenter sans délai et de manière significative.

Il ne viendrait à l'idée de personne d'imposer aux entreprises de ce canton de construire une autoroute de contournement au prix d'un chemin de campagne, avec trois pelles mécaniques et quelques pioches. Or c'est exactement le paradoxe auquel le pouvoir judiciaire est confronté en ce troisième millénaire : dans tous les domaines de la vie sociale, l'attente de justice s'accroît. Nous ne demandons pas mieux que de répondre à cette attente, mais il faut que l'on nous y aide. Il n'y a aujourd'hui de secteur de l'activité judiciaire qui ne voie la demande du justiciable augmenter. Cela pose le problème aigu de la politique criminelle qu'il m'appartient de définir. En effet, la seule politique criminelle qui existe à mes yeux est le respect du serment que je viens de prêter, qui nous oblige à poursuivre sans relâche, mais avec discernement et humanité, les auteurs d'infractions dans tous les domaines du droit pénal, sans aucune distinction de personnes ou de genres.

L'insécurité physique et matérielle n'est pas qu'un argument de campagne; c'est une réalité. Les crimes et délits commis avec violence, même dans le domaine conjugal, les viols, les actes pédophiles, les infractions à caractère sexuel, les agressions et les cambriolages ont connu un accroissement inquiétant. Le trafic de drogues dures n'a pas été éradiqué. Ce que l'on a coutume d'édulcorer sous le terme d'incivilités devient monnaie courante.

L'Etat a pour mission d'assurer l'ordre public. J'assumerai cette mission sans compromis.

La criminalité économique dans notre République et Canton est toute aussi importante. Elle ne connaît ni répit ni diminution, malgré le nouvel engagement de la Confédération, notamment dans les domaines du crime organisé, de la corruption et du blanchiment à caractère international ou intercantonal.

Je rappelle que la criminalité économique comprend également les escroqueries, les abus de confiance et les gestions déloyales, pour ne citer que ces infractions, qui génèrent tant de drames et de victimes.

J'entends continuer de combattre ce type de criminalité, sous toutes ses formes. La réputation de la place financière de Genève et la santé économique de notre Canton en dépendent. Or, de l'aveu même de mon prédécesseur, le Parquet genevois a aujourd'hui atteint, voire dépassé, la limite extrême de sa capacité. Pour traiter 18'000 procédures pénales par an, le Ministère public ne dispose que de neuf magistrats.

La situation est encore pire s'agissant de la délinquance juvénile. En six ans, l'augmentation massive du nombre d'infractions graves commises par des mineurs a contraint le Tribunal de la jeunesse - qui ne comprend que deux juges - à multiplier par quatre les privations de liberté des mineurs.

A mon sens, il est impératif de disposer de lieux supplémentaires de détention pour mineurs. Il faut éviter, comme c'est malheureusement trop souvent le cas aujourd'hui, que ceux-ci ne soient placés dans des lieux de détention pour adultes et ne soient privés d'un encadrement adéquat.

J'attire votre attention sur le fait que la Justice n'est pas que pénale.

La justice civile, en sus des litiges classiques, est confrontée à des conflits familiaux dont le traitement est de plus en plus long et délicat, notamment en raison de la nécessité dans certaines circonstances d'entendre les enfants.

Force est de constater que le contentieux administratif, qui n'existait pratiquement pas il y a trente ans, est devenu aujourd'hui essentiel pour le bon fonctionnement de notre société. L'accroissement des compétences du Tribunal administratif, notamment dans les domaines des assurances sociales, du droit fiscal, de la protection de l'environnement et du droit de la construction, a pour conséquence naturelle l'augmentation des dossiers devant être traités.

Ces constats, qui ne sont que des exemples parmi d'autres, m'amènent aux conclusions suivantes :

Pour que la Justice puisse être rendue de manière sereine et efficace, pour qu'elle puisse répondre à l'évolution de notre société, pour qu'elle puisse être comprise par les justiciables, pour qu'elle devienne réellement indépendante, le nombre de magistrats et de collaborateurs doit être augmenté rapidement, dans une mesure suffisante, et leur statut doit être valorisé. Des locaux supplémentaires devront être attribués.

L'honorable auditoire auquel je m'adresse pourrait considérer que je suis en train de plaider. Ceux qui le pensent ont raison. Je plaide pour une justice qui mérite son nom et son rang. Je plaide surtout pour que la Genève traditionnelle, internationale et multiculturelle préserve sa réputation.

Avant de conclure, je souhaite m'adresser à deux honorables corps de métier, les représentants du Barreau et ceux des médias.

Ne parler que des magistrats et des collaborateurs du pouvoir judiciaire serait oublier les autres acteurs de la justice, je veux parler des avocats. Que ceux-ci sachent qu'ils sont à mes yeux des auxiliaires nécessaires au bon fonctionnement de la Justice. Il nous appartient dès lors de faire en sorte que les avocats, qui eux aussi doivent prêter serment, puissent remplir leur mission avec efficacité et dignité.

Les médias ont pour mission de rendre publics des faits que fréquemment les magistrats ont pour devoir de tenir secrets, ne serait-ce que pour préserver la présomption d'innocence. Ces devoirs contradictoires ont souvent conduit à une méfiance réciproque. Toutefois, de nos jours, justice et médias ne peuvent s'ignorer. Ils doivent comprendre leurs impératifs respectifs. J'entends dès lors être ouvert à un dialogue loyal.

Je tiens à rendre hommage et à remercier M. Bernard Annen, président du Grand Conseil, qui a permis que se tienne cette magnifique cérémonie en ces lieux Saints.

Je suis heureux de pouvoir exercer cette fonction et de succéder à mes éminents prédécesseurs. Je pense notamment à M. Bernard Bertossa, à M. Bernard Corboz, à M. Raymond Foex, à M. Jean Eger et M. Charles Cornu pour ne citer que ces personnalités.

Permettez-moi de conclure par les mots de celui qui a été le maître incontesté de l'art oratoire, Démosthène :

« Quand une seule victime ne peut obtenir justice, chacun doit s'attendre à être le premier à subir ensuite ces outrages. »

Je vous remercie.

(Le choeur de l'Université interprète l'Ave verum d'Edward Elgar.)

Discours du président du Grand Conseil

(Un huissier du Grand Conseil accompagne le président au micro et se tient à côté de lui pendant l'allocution.)

M. Bernard Annen, président.

Madame la présidente du Conseil national,

Madame la présidente du Conseil d'Etat,

Monsieur le procureur général,

Mesdames et Messieurs les présidents des juridictions,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires,

Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat,

Madame et Messieurs les députés genevois aux Chambres fédérales,

Messieurs les juges fédéraux,

Monsieur le maire de Genève,

Monsieur le chancelier d'Etat,

Mesdames et Messieurs les députés,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités fédérales et communales,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités militaires, ecclésiastiques et universitaires,

Mesdames et Messieurs les représentants des corps diplomatique et consulaire,

Mesdames et Messieurs,

Chères concitoyennes, chers concitoyens,

Nous vivons une période instable où les équilibres internationaux se cherchent. Dans cette période de turbulences internationales, les certitudes qui nous paraissaient acquises sont remises en cause et nécessitent une quête de nouvelles références à tous les échelons de la société.

Tout un chacun a un besoin viscéral de sécurité, de savoir que la protection des personnes et des biens est pleinement assurée. Une société humaine a besoin de références solides, de certitudes, d'un Etat de droit sans faille sur lesquels elle peut s'appuyer.

Nos concitoyens ont tendance à oublier qu'ils ont la chance de vivre dans un tel Etat de droit. Ils usent et même, parfois, peuvent avoir propension à abuser de la critique envers leurs institutions. Il est vrai, certes, que cela corrobore le fait que nous sommes en régime de liberté, ce dont chacun, ici présent, se félicite. Mais prenons garde cependant à ne pas succomber aux sirènes du populisme. Le système démocratique est imparfait, sans doute. C'est pourtant le moins mauvais de tous et nombre d'habitants de par le monde aimeraient bien jouir des lois de notre République.

Il faut après tout du temps pour parachever une oeuvre, quelle qu'elle soit. Cette conception de la séparation des pouvoirs, inventée par l'Anglais Locke, puis améliorée, avec l'apparition d'un troisième pouvoir, le judiciaire, par le Français Montesquieu n'est pas - au regard de l'historien - si ancienne. Sachons donc donner du temps au temps.

De plus, chacun a constaté, dans de grands pays européens passant pour des modèles de démocratie, que cette distinction entre les trois pouvoirs relevait, à certains moments, plus de la recherche théorique et intellectuelle que de la réalité quotidienne.

A nous de faire en sorte que cela ne se produise pas à Genève et que nos trois pouvoirs - base de notre démocratie - demeurent pleinement indépendants les uns des autres.

Mesdames, Messieurs, vous venez de prêter serment. Dans toute société civilisée et, par conséquent, dans la nôtre, cela engage vraiment. Ce ne sont pas de simples paroles. Désormais, vous, et vous seuls, êtes les garants de la stricte application des lois. Cela implique donc le respect absolu de certaines règles d'éthique, écrites ou non. Ainsi convient-il, par exemple, que la présomption d'innocence soit strictement respectée.

J'admets volontiers que, dans certains cas limites, avec la pression des medias - ce quatrième pouvoir, si décrié, mais auquel on succombe si facilement - ce respect de la présomption d'innocence soit difficile à maintenir.

Un Etat serait-il encore «de droit» s'il acceptait la loi du plus fort, s'il cédait aux pressions des uns et des autres, si ses élus faisaient passer leurs sentiments ou leurs intérêts avant la loi, avant la justice, si cette dernière était rendue selon des modes passagères, sans respect des droits fondamentaux ?

Rendre la justice, instruire une affaire, punir les coupables n'a pas à devenir le tremplin d'une carrière médiatique. Genève est une place financière enviée dans le monde entier. Une raison de plus pour respecter le devoir de réserve, même si la criminalité économique est potentiellement plus importante dans un canton comme le nôtre. Ne ternissons pas l'image d'un secteur économique genevois par des déclarations qui pourraient être intempestives. Même si nous sommes proches de nos voisins et amis français, il me semble que certains de leurs juges - tant de droite que de gauche - ne donnent pas l'exemple d'une justice sereine.

Pour moi, la justice n'a pas à faire de politique. Chacun y a droit, un droit personnel, indépendamment de toute considération économique ou sociale.

L'égalité de traitement doit être un dogme intangible. La justice doit être, impérativement, la même pour tous. Nos concitoyens doivent ressentir cette égalité. Ils doivent être convaincus de son existence, de sa réalité. Pour les petits comme pour les grands, pour les voleurs de sac à main comme pour les maffiosi à col blanc, pour les dealers comme pour les grands trafiquants de drogue : la justice doit être la même.

Ce serait grande erreur que de se concentrer uniquement sur une catégorie d'affaires, quelle que soit son importance.

L'expérience montre, est-il besoin désormais de le souligner, qu'être laxiste envers toute délinquance n'est pas, et ne peut pas être compris, ni admis par nos concitoyens. Sauf peut-être par certains théoriciens qui ont inclination à oublier la situation de la victime.

Enfin, instruire une affaire avec nuances et doigté, mais surtout avec le respect des Droits de l'Homme - comme tout juge doit savoir le faire - est primordial. On ne peut pas mettre par exemple sur le même plan l'escroc professionnel et le dirigeant qui a failli, ou qui s'est montré négligent, voire incompétent, peut-être pour avoir simplement mal apprécié les événements qu'il vivait.

Personne ne demande l'indulgence automatique, mais une application rigoureuse du principe de la présomption d'innocence. On ne peut que souhaiter que le pouvoir judiciaire évite des dérives qui ressembleraient à une certaine forme d'acharnement, et cela quel que soit le dossier à traiter.

Au reste, l'acharnement, qui est une variante du harcèlement, est de plus en plus puni dans notre société, et c'est tant mieux. Un dirigeant ne peut donc pas vivre en permanence sous une épée de Damoclès. Sinon, on risque fort de faire disparaître l'envie d'entreprendre au détriment du développement économique. Le mieux est l'ennemi du bien, ne l'oublions pas.

La population attend que la magistrature sache, par conséquent, juger équitablement, de la même manière pour tous, et en prenant en considération les distinctions qui s'imposent. D'aucuns seraient, peut-être, tentés de dire que je traite à la légère les lois établies par Montesquieu et que j'oublie vite le principe sacré de la séparation des pouvoirs. Nullement ! Simplement, le rôle du président du Grand Conseil est aussi de transmettre ce que ressent fortement une partie de la population genevoise.

Enfin, les relations entre le législatif et le judiciaire sont bonnes et nous devons nous en féliciter. Elles ne demandent qu'à se développer et à devenir meilleures encore.

Pour ne citer qu'un seul et unique exemple, le Bureau du Grand Conseil étudie la proposition de mettre en place une commission de relecture des textes votés par les commissions parlementaires. On pourra ainsi vérifier que les nouvelles lois sont applicables, concrètement, dans la réalité quotidienne. Et pas seulement le fruit de compromis complexes dont l'interprétation peut, parfois, réserver des surprises.

Car nul ne doit oublier, ni le Législatif, ni le Judiciaire, ni l'Exécutif, que les trois pouvoirs émanent du Peuple souverain. Et que les trois pouvoirs sont au service du Peuple souverain.

Il ne faut pas, Mesdames et Messieurs, j'insiste, prendre ces quelques propos pour une critique négative de notre pouvoir judiciaire. Il est de haute tenue et compte à son actif de très belles réussites. Il est composé d'éléments d'excellente qualité et nul doute qu'au cours des six prochaines années, il ne remplisse pleinement et efficacement sa tâche.

Comme toute institution humaine, certaines améliorations, quelques modernisations, des modifications - à partir d'un bilan, d'un état des lieux - sont indispensables, tout comme la mise à disposition de moyens adaptés.

Les personnes ici présentes et qui viennent de prêter serment sont, je le sais, parfaitement à la hauteur des attentes de la population genevoise.

Souhaitons-leur, par conséquent, le plus grand des courages et la meilleure des inspirations dans l'exercice de leur haute mission.

Et que cette cérémonie qui réunit nos trois pouvoirs soit le symbole vivant de leur engagement.

(M. Laurent Dami, ténor, interprète Dann werden die Gerechten leuchten, de l'oratorio Elias de Felix Mendelssohn.)

Clôture de la cérémonie

Le président. Je prie l'assistance de bien vouloir se conformer aux indications de M. Dominique Louis pour la sortie de la cathédrale. Je signale en outre qu'une réception est offerte dans les cours du Palais de justice. Je déclare close la cérémonie de prestation de serment des magistrats du pouvoir judiciaire.

(A l'orgue: Chaconne en sol mineur de Georg Friedrich Haendel. Durant la sortie de l'assemblée, le corps de musique d'Elite joue sur le parvis de la cathédrale.)

La séance est levée à 18h15.