République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 mai 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 8e session - 39e séance
PL 8391-A
Premier débat
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. J'aimerais décrire un peu la situation. Je pensais que mon collègue Koechlin le ferait, mais puisque ce n'est pas le cas... Il s'agit d'un projet de loi déposé par un certain nombre de députés. Il vise à faciliter les procédures et notamment permettre d'entreprendre tous les travaux de moindre importance dans les villas et dans les logements, sans qu'il soit besoin pour cela de demander une autorisation préalable du département, comme c'est le cas aujourd'hui. Nous avons beaucoup travaillé en commission et nous sommes revenus à une logique qui permet de préserver une égalité de traitement pour les locataires de ce canton. Nous avons échappé à l'autorisation donnée aux propriétaires de changer la disposition des pièces comme bon leur semble dans les appartements. C'est une très bonne chose, mais il subsiste des problèmes dans ce projet de loi, et j'y reviendrai en deuxième débat. J'ai en effet déposé plusieurs amendements. Dans mon rapport de minorité, j'ai fait la proposition de supprimer un alinéa correspondant à la faculté qui reste aux propriétaires de villas de pouvoir modifier comme bon leur semble l'intérieur de leur propriété. Cette faculté, accordée sans contrôle, pose des problèmes de sécurité et entraîne des risques de malfaçons. Il n'est pas juste que cette faculté soit introduite, ce d'autant moins que ces villas pourraient être mises en location ou utilisées par d'autres personnes que les propriétaires qui feraient ces transformations. Il est donc nécessaire de maintenir une sécurité du droit, et aussi une sécurité physique pour les futurs locataires ou propriétaires. Nous nous opposons au fait de laisser encore cette ouverture possible aux propriétaires de villas. Nous pensons qu'il est nécessaire que le département donne une autorisation préalable à la réalisation de transformations.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste soutiendra le rapport de majorité. En effet, les auditions et les travaux que nous avons menés ont démontré l'intérêt d'accélérer certaines procédures en matière d'aménagement différencié de la zone villas. Nous relevons cependant que nous avons fait une concession. Elle figure à l'article 11A, alinéa 3 où nous avons admis que le DAEL devrait suspendre, afin de vérifier si une densification est possible, toute demande d'autorisation de construire sur des parcelles de plus de 5000 m 2et non pas de 3000 m 2comme c'était prévu au départ.
Concernant la modification de la LCI à laquelle M. Pagani faisait allusion, nous avons effectivement admis que les constructions de peu d'importance ne fassent pas l'objet d'autorisation de construire.
Pour toutes ces raisons, nous vous engageons à accepter le projet de loi tel qu'il ressort de la commission. Je précise, contrairement à ce qu'a affirmé M. Pagani, qu'il s'agit bien d'un projet du Conseil d'Etat et non pas un texte émanant de députés.
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je voulais rectifier la déclaration de M. Pagani dans le même sens que Mme Fehlmann Rielle en indiquant que ce projet de loi a bien été déposé par le Conseil d'Etat.
Je voudrais aussi rassurer M. Pagani en ce qui concerne les travaux projetés à l'intérieur d'une villa. Je dois vous faire remarquer, Monsieur le député, que même si les travaux sont autorisés, il peut y avoir des erreurs commises qui échappent au contrôle du département. Finalement, le grand censeur n'est pas le département. Et le responsable, s'il y a un accident ou quoi que ce soit, ce n'est jamais le département, mais toujours le propriétaire. Ainsi, ne pas soumettre les travaux à autorisation est une façon de responsabiliser davantage encore le propriétaire qui en entreprend à l'intérieur de sa villa. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission a bien compris que ce genre d'interventions ne devait pas être soumis à autorisation, dans la mesure où elles ne modifiaient en rien l'aspect, la surface ou le volume de la villa en cause.
M. Christian Grobet (AdG). Je veux bien, Monsieur Koechlin, qu'on responsabilise comme vous dites, les propriétaires de villas; mais vous qui travaillez dans le secteur de la construction, vous savez qu'il y a beaucoup de propriétaires irresponsables - j'emploie ce terme pour rester poli - sans parler encore de tous les propriétaires qui ne connaissent pas la loi. Dans le cadre de travaux intérieurs, des infractions sont commises tous les jours.
Du reste, l'association Action Patrimoine Vivant a écrit tout récemment à M. Moutinot au sujet de travaux en cours dans un établissement public, qui est soumis précisément à des dispositions sur la protection du patrimoine. Je pense, Mesdames et Messieurs, que vous savez de quel cas je veux parler. Le responsable du patrimoine bâti au département a été, je crois, assez catastrophé par ce qui se passait sur ce chantier et il a remercié cette association d'avoir alerté le département. Je ne reviendrai pas sur les nombreux exemples que chacun connaît, y compris celui d'une ancienne menuiserie à Vernier qui devait être protégée. Bref, les infractions sont nombreuses et multiples.
J'en viens maintenant aux problèmes qui se posent avec les dispositions légales que ce projet de loi pourrait introduire. Les quatre cas particuliers de l'alinéa 4 ne posent pas de problème, car ils sont spécifiés de manière très précise. Il s'agit effectivement de constructions de très peu d'importance et l'on peut estimer que, pour des villas, de tels aménagements ne nécessitent pas d'autorisation.
En revanche, en ce qui concerne l'alinéa 2 qui laisse la possibilité de transformer totalement l'intérieur d'une villa, des problèmes plus sérieux se posent. Il y a quantité de maisons de maîtres, de maisons dignes de protection qui se trouvent en zone villas et la mention «demeurent réservées les dispositions relatives à la protection du patrimoine» est totalement insuffisante et vous le savez, Monsieur Moutinot. L'ancien conseiller d'Etat Jacques Vernet disait qu'il est inutile de réserver des dispositions légales : soit elles existent, soit elles n'existent pas; et si elles existent, la réserve est inutile. Le problème, c'est que le département, comme M. Koechlin l'a relevé à juste titre, ne sera pas informé des travaux qui seront exécutés et vous aurez des travaux qui porteront atteinte à des bâtiments protégés ou qui devraient l'être, situés en zone villas. Vous savez aussi, Monsieur Moutinot, et c'est un problème récurrent, que l'inventaire des bâtiments dignes de protection n'est toujours pas achevé, faute de moyens humains pour y arriver. Pour Action Patrimoine Vivant, cet alinéa 2 est une véritable catastrophe pour les bâtiments qui sont dignes d'intérêts. Du reste, la Société d'art public s'est également prononcée dans ce sens. L'Alliance de gauche ne peut pas se rallier à ce texte et nous regrettons que le département n'ait pas proposé quelque chose d'autre à ce sujet.
Mme Anita Frei (Ve). Le groupe des Verts soutient le rapport de majorité de M. Koechlin et salue les intentions de ce projet de loi qui vise à permettre de densifier des parcelles de plus de 5000 m 2en zone villas. Cela permettra de mettre en place des formes d'habitat intermédiaires, entre la villa et les immeubles de plus grande densité.
En ce qui concerne le point contesté par le rapport de minorité de M. Pagani, nous pensons qu'il s'agit d'un excès de précaution. Nous ne soutenons pas une réglementation poussée dans des détails excessifs. En effet, les dispositions relatives au patrimoine demeurent réservées. La loi stipule les dimensions minimums des pièces. En outre, comme le remarque avec raison le rapport de M. Pagani, si un propriétaire a des intentions vénales et érige des galandages pour augmenter le nombres de pièces ou effectue des travaux illégaux, il n'ira certainement pas demander une autorisation.
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je voudrais avant tout rassurer M. Grobet en lui rappelant que tout travail entrepris à l'intérieur ou à l'extérieur d'un bâtiment doit faire l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier présentée au département. S'il s'agit d'un bâtiment protégé ou à l'inventaire, alors il appartient au département d'exiger une autorisation de construire; c'est précisément le sens de la réserve introduite à l'alinéa 2.
J'insiste aussi sur le fait que la plupart des travaux exécutés à l'intérieur des villas sont entrepris par des propriétaires sans en référer à personne, pas même aux professionnels de la construction auxquels j'appartiens. Ces gens sont donc dans une situation illicite. Il ne s'agit pas d'entériner une situation de fait, mais de rendre les propriétaires attentifs à la nécessité de déclarer une ouverture de chantier. Ce faisant, ces derniers se soumettent à un contrôle, direct ou indirect, du département. Ainsi, les choses sont claires et les droits et obligations des citoyens sont nettement définis.
M. Christian Grobet (AdG). Les déclarations de M. Koechlin ne sont pas du tout de nature à me rassurer. Vous savez comme moi, Monsieur le député, que les déclarations d'ouverture de chantier se font par l'intermédiaire d'une entreprise : il suffit qu'une entreprise fasse une déclaration d'ouverture de chantier; les autres ne s'encombrent pas, la plupart du temps, d'une telle déclaration pour leur travaux sur le même chantier.
Par ailleurs, ces déclarations d'ouverture de chantier sont extrêmement sommaires et il n'est pas possible, sur la base de ce document, de savoir exactement en quoi vont consister les travaux. Ainsi, les propriétaires qui essaient de respecter les lois a minimaet d'éviter les demandes d'autorisation font des déclarations d'ouverture de chantier particulièrement sommaires. On a vu récemment - il y aurait de nombreux exemples mais prenons les cas d'actualité - le cas d'appartements situés au-dessus du café Remor qui étaient soumis à la LDTR et qui étaient dans des immeubles protégés. Ces immeubles ont fait l'objet de travaux... (L'orateur est interpellé.)Je veux simplement dire, Monsieur Koechlin, que la déclaration d'ouverture de chantier - j'ignore si dans ce cas elle a même été faite; M. Moutinot a été interpellé à ce sujet et je ne sais pas ce qu'il a répondu - n'a pas empêché que d'importants travaux soient exécutés sans que le département ne soit intervenu. Alors, je le répète, ces immeubles étaient à la fois soumis à la LDTR et protégés par la loi Blondel, puisqu'ils sont typiques de l'époque fazyste. Bref, pour nous, la déclaration d'ouverture de chantier n'est pas suffisante.
En outre, Madame Frei, tout le monde sait effectivement qu'il y a des travaux non autorisés dans les villas. Ce n'est pas pour autant qu'il faut baisser les bras et retirer toute exigence en cette matière.
Je répète une fois encore que toute une série de villas ne sont pas inscrites à l'inventaire, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, et sont encore moins classées, vu la politique assez restrictive en ce domaine. Or, je pense qu'il peut y avoir des éléments intérieurs de villas dignes d'intérêt, qui pourraient être fortement détériorés. C'est pourquoi, la disparition de la requête en autorisation de construire est inacceptable. La Société d'art public, qui connaît bien cette question et qui a pris position à ce sujet, se rend compte également de l'effet catastrophique de cette nouvelle disposition pour les bâtiments dignes de protection.
Je profite enfin de cette occasion pour dire que l'Alliance de gauche regrette que le périmètre bâti pour lequel une étude est nécessaire, défini à l'article 11A alinéa 3, ait été augmenté de 3000 à 5000 m 2. Avec la pénurie de logements dont souffre notre canton, il nous paraît souhaitable que tout terrain sur lequel un immeuble locatif pourrait être construit puisse faire l'objet d'un examen. Nous pensons qu'on fixe la barre trop haut en la plaçant à 5000 m 2.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. M. Koechlin nous dit que tout se passera comme aujourd'hui avec cette nouvelle loi; il prétend qu'il n'y a aucun risque avec ces nouvelles dispositions. Je crois qu'il y a une réflexion qui a été faite en commission qui doit être répétée ici. Aujourd'hui, un certain nombre d'infractions sont constatées. Il n'est que de se promener dans certains villages, dans certaines zones villas, pour constater que nombre de Velux ont été posés n'importe comment. Alors évidemment, on ne cherche pas à fliquer nos concitoyens propriétaires, mais la question essentielle est de savoir si on entend que les travaux soient encore plus faciles à entreprendre qu'aujourd'hui. Si on admet qu'actuellement de nombreuses entorses aux dispositions légales sont possibles, un allégement de ces dispositions risque bien de ne faire qu'accroître la part des travaux illicites. Les propriétaires se diront que s'ils contournaient l'ancienne loi en posant leurs Velux n'importe comment, ils peuvent contourner la nouvelle en entreprenant des travaux dans des villas dignes de protection.
Ceci étant, il faut souligner que le passage de 3000 à 5000 m 2signifie qu'on perd des possibilités de construire et de densifier la zone villas alors que chacun, y compris sur les bancs d'en face, répète qu'il faut construire. Pourtant, on voit bien que dès lors qu'on pointe certains types de terrains, des voix s'élèvent pour demander qu'on construise plutôt ailleurs. Nous voulons dénoncer cette logique et c'est aussi pour cette raison que nous nous sommes opposés en commission à ce projet de loi.
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Les 2 députés qui ont pris la parole pour soutenir le rapport de minorité citent des exemples qui sont situés hors des zones villas. Or nous parlons uniquement de constructions en zone villas. Le bâtiment du café Remor est en zone 2 ou 3 urbaine et en zone fazyste de surcroît.
Je relève également que ces députés ont 2 discours. Ils déplorent certains abus; mais lorsque nous avons eu, dans cette enceinte, un débat nourri à propos de l'immeuble «Rhino», ils ont tenu exactement le discours inverse. Vous affirmiez alors, Messieurs les députés, que ces transformations, ces dégradations n'avaient pas d'importance, qu'elles avaient un caractère purement provisoire et vous avez, finalement, refusé de renvoyer la pétition en question au Conseil d'Etat. Vous tenez deux discours en fonction des circonstances qui vous arrangent ou pas et tout dépend de qui commet les infractions. C'est ce que nous comprenons et nous le regrettons !
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je ne peux pas laisser M. Koechlin dire des contre-vérités. Je rappelle les conditions du débat par rapport à Rhino. Il n'y a pas eu de dégradations dans cet immeuble. Je me suis rendu dernièrement dans cet immeuble : il n'y a eu ni dégradation, ni changement d'affectation des logements. Jusqu'à preuve du contraire, Monsieur Koechlin, ce sont les propriétaires, les différents spéculateurs qui ont acquis cet immeuble qui entendaient le dégrader. Je ne veux pas, cependant, ouvrir un débat sur la question de Rhino. Ce qui était reproché par la pétition que vous aviez présentée, c'était la publicité placée sur le mur de cet immeuble. Je profite de l'occasion pour dire que cette publicité a disparu et que les occupants ont même repeint l'ensemble de la façade des trois immeubles de Rhino. Il faut leur savoir gré de ce travail, parce qu'ils entretiennent des logements bon marché au centre ville.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce projet de loi faisait partie d'un train de 6 projets de loi déposés par le Conseil d'Etat en vue d'améliorer et de rendre plus performantes les procédures en matière d'aménagement ou de construction. Je me réjouis qu'à la fin des travaux de votre commission ce texte ressorte avec votre approbation, Mesdames et Messieurs les députés, sur la question des procédures d'aménagement en zone villas. Approbation globale et générale, avec quelques nuances effectivement sur la taille du périmètre soumis à étude préalable. C'est un instrument utile et je me réjouis d'en disposer. En ce qui concerne le point de divergence relevé par le rapport de minorité, je dois préciser que le but visé par cette disposition, c'est que les forces de la police des constructions se concentrent sur les gros dossiers et les infractions graves, c'est-à-dire leurs tâches essentielles. Or, à l'heure actuelle, instruire, même avec des procédures accélérées, le déplacement d'un galandage dans une villa individuelle ne me paraît pas faire partie des tâches prioritaires de la police des constructions.
Monsieur Pagani, vous pouvez comprendre que si la police des constructions est libérée de ce genre de tâches, elle pourra être d'autant plus performante dans ses autres devoirs, y compris pour la recherche et la punition d'infractions. Monsieur Grobet, vous avez émis un certain nombre de craintes, mais tous les exemples que vous avez cités sont situés hors de la zone villas et ne concernent pas des maisons individuelles : qu'il s'agisse du café, de la menuiserie ou de l'immeuble de Remor.
Il est vrai que le risque existe qu'une villa digne de protection non encore inscrite à l'inventaire puisse subir quelque dégât. Cependant je crois que la vigilance des associations, y compris celle à laquelle vous appartenez, Monsieur le député, peut permettre de diminuer ce risque. Je vous rappelle en outre que votre Grand Conseil a voté un crédit d'un million afin précisément de nous permettre de terminer rapidement l'inventaire. A partir de là, les différents intérêts en balance me paraissent tels que je dois vous demander, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les conclusions du rapport de majorité sur ce point également.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Le président. Nous reprendrons à 20h30 avec le deuxième débat.