République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8564
Projet de loi de MM. Roger Beer, Hervé Dessimoz, Daniel Ducommun, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Jean-Marc Odier, Louis Serex, Walter Spinucci modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) (J 3 05)

Préconsultation

M. Pierre Froidevaux (R). Le projet de loi qui vous est proposé à 23 h, après avoir siégé depuis le début de l'après-midi, traite du problème des coûts des primes d'assurance-maladie. Il s'agit donc d'expliquer des chiffres et je n'ai aucun espoir de pouvoir obtenir une quelconque attention du Grand Conseil. En désespoir de cause, je vous recommande donc de renvoyer ce projet de loi directement à la commission des affaires sociales et je reviendrai largement sur l'objectif de ce projet lorsque nous parlerons du projet de loi 8300, jeudi 2 mai à 8 h. Je vous en prie, renvoyons tout ceci à la commission des affaires sociales. (Applaudissements.)

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais... (Brouhaha. Plusieurs députés quittent la salle.)Je suis désolée, j'aimerais bien pouvoir intervenir...

Le président. Allez-y, Madame la députée, la séance n'est pas encore levée.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. J'avais tout de même deux ou trois choses à dire sur ce projet de loi qui, décidément, n'aidera pas beaucoup à la compréhension et à la transparence des coûts de la santé et de la LAMal. Je ne serai pas longue, rassurez-vous, mais il y a certains éléments qui méritent d'être relevés.

Ce projet de loi a pour but de lutter contre le principal facteur du renchérissement des primes que sont les prestataires de soins institutionnels travaillant à charge de la LAMal, c'est du moins ainsi que nous le présentent les signataires. Il convient de nuancer certaines notions. En effet, les experts sont d'accord pour dire que les principaux facteurs qui contribuent à l'augmentation des coûts de la santé ne recouvrent pas tout à fait ceux qui sont pointés dans ce projet de loi.

Au niveau de la demande, la forte proportion de personnes âgées dans la population, le haut degré d'urbanisation, l'important taux de chômage, la faiblesse du réseau social sont des facteurs qui influent fortement sur les coûts et donc sur les primes. Au niveau de l'offre, on peut repérer aussi certains facteurs: la forte densité de médecins, le haut degré de qualité des soins médicaux, l'offre des homes médicalisés pour les personnes âgées qui demandent des soins très lourds. En ce qui concerne l'influence du secteur public, il convient de relever la participation élevée du canton dans le financement du secteur hospitalier, la quote-part élevée de l'Etat dans le financement des hôpitaux, peu de consultation des citoyens, pas de planification sanitaire proche du citoyen. Bref, c'est un peu simplifier les choses que de focaliser sur les prestataires publics de soins.

Je tiens à relever que les signataires de ce projet de loi indiquent qu'à Genève l'ensemble des partenaires privés - médecins, laboratoires, physiothérapeutes, etc. - ont généré une charge supplémentaire de 2 millions depuis l'introduction de la LAMal. Les partenaires publics - soins à domicile, établissements médicaux publics, etc. - auraient généré, quant à eux, 200 millions de charges supplémentaires. Je ne conteste pas ici ces chiffres, seulement il conviendrait qu'ils soient un peu détaillés. Asséner le montant de 200 millions sans expliquer de quoi il est composé est un peu léger.

Enfin, les grands bénéficiaires de la LAMal, nous disent les signataires de ce projet, seraient les institutions publiques. J'aimerais tout de même rappeler ici qu'à Genève les médecins privés sont pour 30% des coûts de la santé à charge de la LAMal, alors qu'en Suisse la moyenne est d'environ 24%. Les principaux bénéficiaires des prestations restent quand même les patients... (Brouhaha.)

Je regrette vraiment que nous devions aborder ces questions aussi tard dans la soirée et je m'étonne que les députés soient si peu attentifs: lorsqu'on annonce des augmentations de primes tout le monde hurle, mais, quand il s'agit d'expliquer ces problèmes complexes, personne ne veut fournir le travail nécessaire. Je poursuis cependant.

Depuis l'introduction de la LAMal, effectivement, les coûts de la santé ont augmenté de 26%: pour 12% il s'agit d'une augmentation du catalogue des prestations, pour 14% il s'agit du rattrapage des blocages entraînés par les arrêtés fédéraux urgents. Ici encore, il convient de nuancer les affirmations des auteurs du projet.

Le projet de loi 8564 pose des questions à plusieurs niveaux qu'il conviendra de trier en commission. Il y a le financement des hôpitaux qui fait l'objet de la deuxième révision de la LAMal - je ne développe pas ici les enjeux qui sont très importants. Il y a la maîtrise des coûts. Dans l'analyse que fait l'OFAS des effets de la LAMal, on voit que tous les acteurs n'ont pas assumé leurs responsabilités. Par exemple, les hôpitaux, qui reportent les coûts du secteur hospitalier dans l'ambulatoire pour qu'ils soient pris en charge par l'assurance-maladie, les cantons qui sont frileux dans l'utilisation de la clause du besoin, même si, comme le conseiller d'Etat l'a rappelé tout à l'heure, ce n'est pas forcément la meilleure mesure. Au nombre des problèmes soulevés par le projet de loi dont il est question, on peut noter ce qui constitue le principal problème du marché suisse, aux dires des experts, à savoir le trop grand nombre de fournisseurs de soins qu'il faut chercher à réduire. Enfin, un dernier élément ressort du projet de loi : la concurrence entre public et privé. Attention, une déréglementation complète aboutirait certainement à une augmentation des coûts et, sans refuser cette concurrence, il ne faut pas perdre de vue qu'il faut garantir l'égalité des incitations financières mais aussi des prestations qui y sont liées.

D'accord pour ouvrir le débat sur ce projet de loi, mais, de grâce, définissons bien les problèmes et si les auteurs veulent viser la transparence, il reste un gros effort à faire. (Applaudissements.)

Ce projet de loi est renvoyé à la commission des affaires sociales.