République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 mars 2002 à 20h30
55e législature - 1re année - 6e session - 29e séance
PL 8695
Préconsultation
Le président. Monsieur Vanek, vous redemandez déjà la parole ? Non ? Mme Künzler est inscrite, M. Grobet aussi... Vous avez demandé la parole, Monsieur Grobet ? Non ! Madame Künzler, vous avez demandé la parole ? Non plus ! Et les techniciens ne sont de nouveau pas là... Il n'y a rien qui marche ! Bien, je suggère de supprimer tous les noms et je prie les députés de s'inscrire à nouveau.
Cette fois, Madame Anita Frei, vous avez la parole.
Mme Anita Frei (Ve). Les promoteurs du projet de loi 8695 veulent refondre complètement l'appareil législatif sur l'aménagement et la construction. Les mots qui reviennent à la façon d'un mantra sont: simplification, accélération, assouplissement, flexibilité, libéralisation. Des mots qui éveillent d'inquiétants échos...
Dans d'autres domaines, la libéralisation et la flexibilité ont montré leurs limites et leurs effets pervers.
Si on peut admettre que la législation genevoise en matière d'aménagement et de construction pourrait être simplifiée sur certains points, ce n'est certainement pas de la façon prévue par ce projet de loi. Ce projet de loi en effet, concocté sous l'ère Joye - qui n'est pas resté dans les mémoires comme un âge d'or pour l'aménagement à Genève - vise essentiellement à soustraire l'aménagement et la construction du débat public, en restreignant drastiquement les voies de recours.
En échange de ce muselage que nous promet-on ?
Des plans de quartier enrichis, des architectes créatifs, une autoréglementation privée... C'est bien volontiers que nous accueillons des plans localisés de quartier plus riches et des architectes plus créatifs... Quant à l'autoréglementation privée, permettez-moi de vous dire que nous n'y croyons pas beaucoup ! Les tentations en la matière sont trop grandes pour que nous puissions faire l'économie d'un contrôle rigoureux. Laisser faire le privé en paix, comme le préconise ce projet de loi, c'est confisquer le regard citoyen. Or, l'aménagement de notre cadre de vie n'est pas une affaire de spécialistes ni le fait du prince, c'est l'affaire de tous !
L'exposé des motifs pourrait laisser croire à un lecteur mal informé qu'il y a à Genève un consensus social quant à l'utilisation du sol. Nous savons tous ici que c'est loin d'être le cas: tous les débats de ces dernières années le montrent.
Dans ce contexte, prétendre restreindre les voies de recours, c'est en réalité freiner davantage les projets en crispant les positions des uns et des autres. Sous prétexte d'accélérer les choses, on arrive en effet à des immobilisations absurdes ou à des retards considérables. A Sécheron, le conseiller d'Etat Philippe Joye a voulu faire vite... Il a ordonné la destruction de la villa Blanc. Avec quel résultat ? On se retrouve aujourd'hui avec un terrain vague et 30 millions à éponger !
A contrario, à Saint-Jean, un processus de discussion démocratique a permis de réviser un PLQ, certes en force, mais complètement dépassé et irréalisable dans les circonstances actuelles, cela dans la concertation et la transparence.
Nous en sommes persuadés, la transparence et la concertation, le débat citoyen, sont les moyens les plus efficaces pour pratiquer un aménagement de qualité, respectueux de l'environnement et de la population et qui préserve de surcroît l'avenir.
Lors des travaux en commission, les Verts veilleront à garantir le droit de regard des citoyens sur l'aménagement et la construction. La commission de l'aménagement est toute désignée pour traiter de ce projet de loi, ce d'autant plus qu'elle a déjà été bombardée de projets sectoriels reprenant quelques-unes des dispositions figurant dans le projet de loi 8695.
Pour ne pas surcharger davantage ce Grand Conseil avec une nouvelle commission, Grand Conseil dont les députés ne sont pas tous des lobbyistes professionnels, pour travailler efficacement et sereinement, le groupe des Verts demande le renvoi de ce projet de loi en commission de l'aménagement.
M. Mark Muller (L). Rappelez-vous, en 1997, le Conseil d'Etat déposait un projet de loi sur l'aménagement du territoire et les constructions pour réformer complètement les procédures applicables à la construction et à l'aménagement du territoire.
Ce projet de loi, élaboré par le professeur Pierre-Louis Manfrini, grand expert en la matière, suite aux travaux d'une commission d'experts interne à l'administration et à laquelle un certain nombre d'experts privés avaient également participé, répondait à un besoin extrêmement urgent en 1997 et qui l'est encore plus aujourd'hui... Ce besoin, c'est de parvenir à construire dans notre canton, dans des délais et à des conditions acceptables qui permettent d'attirer encore quelques investisseurs, pour mettre à notre disposition les logements et les locaux d'activité dont nous avons besoin. Ce projet de loi a donc été déposé en août 1997. Survinrent les élections, avec le funeste résultat que vous connaissez, et, quelques mois plus tard, le Conseil d'Etat décidait de retirer ce projet de loi sans qu'il eût pu être traité.
Suite aux élections de l'année passée, les partis de l'Entente ont décidé de ressortir ce projet de loi, de le rafraîchir, c'est-à-dire de l'adapter aux modifications législatives qui avaient été adoptées depuis par le Grand Conseil et de le redéposer.
Je voudrais insister sur ce premier point: le projet dit «Joye» de l'époque n'a pas été touché, n'a pas été amendé, si ce n'est pour intégrer exhaustivement et sans exception toutes les modifications législatives touchant les lois concernées adoptées pendant la précédente législature, même si certaines d'entre elles ne plaisent pas et auraient pu être mises de côté. Mais nous n'avons pas voulu rentrer dans l'appréciation de ces modifications sur le fond.
C'est donc le projet de l'époque qui vous est à nouveau soumis. En fait, nous vous proposons aujourd'hui de nous retrouver dans la situation qui était celle du Grand Conseil entre août 1997 et début janvier 2000, sauf erreur, époque pendant laquelle ce projet figurait dans les ordres du jour de nos commissions.
La nécessité est toujours là. Comme vous le savez, la pénurie de logements est aiguë. Il faut faire quelque chose pour accélérer les procédures, car c'est probablement le problème n° 1 auquel nous sommes confrontés et que nous devons résoudre pour sortir de cette situation. Pour ce faire, les experts que j'ai cités tout à l'heure, dont un certain nombre de directeurs de l'administration encore en place, proposent des solutions novatrices, c'est vrai, et porteuses d'espoir. Je ne les détaillerai pas ce soir, je citerai simplement le fait qu'elles portent à la fois sur les procédures d'adoption de plans et sur les procédures d'adoption d'autorisations de construire, plus une série de propositions annexes qu'il conviendra d'étudier en commission.
En commission, disais-je... Mais laquelle ? Les Verts proposent la commission d'aménagement du canton... C'est probablement une plaisanterie ! En effet, cette commission est surchargée, à la fois, par des projets de déclassement qu'il faut traiter d'urgence pour mettre de nouveaux terrains à disposition et, à la fois, par des projets de lois de modification de la législation qu'il faut aussi traiter. Il est donc exclu de le renvoyer à la commission d'aménagement du canton.
C'est pour cette raison que les auteurs du projet de loi - vous l'aurez lu dans l'exposé des motifs - vous proposent de créer une commission ad hoc, dite «commission ad hoc LATC» - loi sur l'aménagement du territoire et les constructions - commission composée de neuf membres, une commission réduite, donc, qui présente l'avantage de pouvoir travailler rapidement sur un objet touffu - c'est le moins que l'on puisse dire - qui reprend l'ensemble de la législation. Et c'est uniquement dans ces conditions, c'est-à-dire en renvoyant ce projet de loi dans une commission ad hoc composée de neuf membres, que nous parviendrons à traiter ce dossier dans le courant de cette législature.
M. Hugues Hiltpold (R). Permettez-moi, en guise de préambule, de vous rappeler, comme cela a été fait par mon préopinant, que ce projet de loi est identique à un projet de loi qui a été déposé en 1997 par le Conseil d'Etat et retiré en 2000, suite à un changement de majorité.
Il est également utile de rappeler que ce projet de loi a été mis en forme par un groupe d'experts tant de l'administration que des secteurs privés et qu'il avait reçu un accueil globalement favorable des différents milieux concernés.
Je crois qu'il est opportun de dresser un historique sur la loi sur les constructions et installations. La LCI est une loi qui date des années 30, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est une loi qui régit toutes les constructions sur notre canton. Et, pendant près de vingt-cinq ans, cette loi a été modifiée... On y a ajouté un certain nombre de dispositions légales qui l'a chargée à outrance.
La conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, est la suivante: l'esprit général de la loi a été perdu... Cet esprit qui prévoyait qu'on avait une loi unique réglementant l'acte de construire sur notre canton. S'en est suivi, bien évidemment, un alourdissement du processus constructif et, surtout, une lenteur des procédures... Vous connaissez tous la suite, c'est la crise du logement que nous subissons actuellement.
Ce projet de loi propose la création d'une loi unique et globale qui réglemente la construction. Le principe de cette loi prévoit et garantit une accélération et une simplification des procédures. Cette loi permet bien évidemment un acte constructif tout à fait efficace.
Il faut noter aussi que les droits populaires ne sont en aucun cas bafoués. Aucun déficit démocratique n'est à déplorer. Ce projet de loi ne tente en aucun cas d'échapper au contrôle des autorités en matière de construction et d'aménagement du territoire, et il est important de le souligner.
Cette loi propose une vision moderne de l'acte de bâtir au XXIe. Elle fera gagner du temps, il est important de le rappeler, dans les procédures de l'acte de construire.
En guise de conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est un projet de loi novateur au XXIe, au même titre que la LCI l'était, dans les années 30. Et j'ose espérer que la vision des députés d'aujourd'hui vaut celle des députés de l'époque...
Le groupe radical vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce projet de loi à la commission des travaux, qui peut être une sous-commission de la commission des travaux.
Le président. Monsieur Sammaruga, vous avez la parole.
M. Carlo Sommaruga (S). Monsieur le président, j'aimerais bien que vous disiez Sommaruga et non Sammaruga !
Le président. Avec grand plaisir, Monsieur Sommaruga... Acceptez mes excuses !
M. Carlo Sommaruga. Ce n'est pas grave en soi, mais comme vous faites l'erreur à chaque fois...
C'est effectivement avec une certaine surprise que le groupe socialiste a vu le dépôt de ce projet de loi qui - cela a déjà été dit - n'est qu'un copier/coller du projet de loi qui avait été déposé à l'époque par le Conseil d'Etat, à la demande de M. Philippe Joye, et qui avait finalement été retiré.
Nous considérons que la méthode consistant à exhumer les cadavres législatifs qui ont semé la discorde dans le passé pour les représenter devant le Grand Conseil n'est pas le meilleur moyen pour créer les conditions d'un débat serein sur les règles qui prévalent en matière d'aménagement et de construction...
En effet, je pense que tout le monde ici est conscient qu'il n'y a pas à Genève - et cela a aussi déjà été dit - de consensus préexistant en matière d'aménagement du territoire et en matière de construction. Il s'agit donc effectivement d'avancer de manière prudente pour éviter des confrontations stériles qui, finalement, n'aboutissent à rien.
Pour notre part, nous pensons qu'il aurait été nettement préférable de proposer une motion demandant l'unification des législations actuelles plutôt que de présenter un projet de loi complètement rédigé qui a déjà été débattu et écarté par notre Grand Conseil.
Au surplus, on vient nous dire que ce projet de loi aurait été rédigé par des experts en la matière, dont des experts extérieurs au parlement et à l'administration, et qu'il aurait, en outre, reçu l'approbation des milieux intéressés... Si les milieux intéressés sont uniquement ceux des constructeurs, je veux bien le croire ! Mais, en regardant de plus près, on peut voir que les milieux de la protection de l'environnement, les milieux de la protection de la nature, les milieux agricoles, les milieux des locataires, n'ont pas été consultés.
De plus - chose étonnante... - en prenant connaissance de la liste du groupe de travail qui figure à la page 154 du document qui vous a été distribué, on peut également constater qu'il n'y a aucune femme et que, finalement, la vision de ce nouvel outil législatif pourrait sembler tout à fait sectaire de ce point de vue... (Applaudissements.)
J'en viens au fond. Il faut savoir - et vous le savez - que l'aménagement du territoire, comme d'ailleurs la construction, est un sujet sensible. Il est indispensable, à tout moment, de trouver des équilibres entre les intérêts privés et l'intérêt public, et même entre différents intérêts publics. Cela n'est pas évident lorsqu'il s'agit de savoir s'il faut préserver des zones non construites ou, au contraire, s'il faut les utiliser pour y construire des logements locatifs ou en PPE. Il est extrêmement difficile de trouver les arbitrages, et de faire en sorte que chacun puisse s'y retrouver.
Le projet de loi tel qu'il est présenté est, en fait, un coup de hache dans la législation actuelle et pervertit complètement le système. Il entend déréglementer totalement le domaine de l'aménagement du territoire et de la construction en laissant une part énorme à l'initiative privée, cela au détriment de l'intérêt public et du plus grand nombre de ce canton. Sous cette forme, il est inadmissible. Nous considérons qu'il s'agit plus de l'ouverture d'une boîte de Pandore qui sèmera la zizanie pendant de nombreux mois, voire des années, que d'une contribution constructive.
La déréglementation proposée se situe à divers niveaux dans le projet de loi.
Tout d'abord, il remet en cause les outils actuels d'aménagement du territoire en introduisant de nouveaux types de zones, intitulées «zones enrichies», par exemple, sans qu'on sache à quoi cela correspond... En fait, on veut changer la nature des plans pour mieux les utiliser ensuite, naturellement au détriment des intérêts publics et de l'intérêt du plus grand nombre !
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur Sommaruga.
M. Carlo Sommaruga. Il en va de même des «zones mixtes»; de l'abrogation des plans d'utilisation du sol issus d'une initiative populaire; de l'élaboration des plans localisés de quartier par des privés; de la modification des modalités de délivrance d'autorisations, qui permettraient, en fait, aux demandeurs de les obtenir au bout de soixante ou nonante jours si le département n'y répond pas, mettent effectivement le département sous pression. Les décisions risqueraient d'être prises à la hâte ou, pire, elles ne seraient pas prises, ceci par exemple sous l'angle de la LDTR...
Le président. C'est terminé, Monsieur Sommaruga !
M. Carlo Sommaruga. Je conclus sur le renvoi en commission, Monsieur le président !
Le président. Concluez, sinon je coupe le micro !
M. Carlo Sommaruga. Je conclus, Monsieur le président.
Nous veillerons à ce que tous ces éléments soient examinés attentivement. En ce qui concerne le renvoi en commission, je m'étonne que l'on veuille renvoyer ce projet de loi à une commission ad hoc, car cela revient à ce que cette commission soit monopolisée par des députés, professionnels de la politique, émanant des milieux de la construction et des milieux immobiliers, ce qui n'est pas admissible...
Le président. Ne me provoquez pas, Monsieur Sommaruga, s'il vous plaît !
M. Carlo Sommaruga. Je dis simplement qu'il ne faut pas renvoyer ce projet de loi à une commission ad hoc mais, plutôt, à la commission des travaux, la commission d'aménagement du canton est actuellement très chargée.
M. Pascal Pétroz (PDC). Je suis un peu étonné de ce que je viens d'entendre. On nous parle de cadavres que nous exhumerions... Il ne s'agit absolument pas de cela !
Un projet a été déposé à l'époque par le Conseil d'Etat - M. Philippe Joye était alors conseiller d'Etat - puis il a été retiré et, en réalité, ce retrait a frustré notre parlement d'un véritable débat, débat pourtant très important.
Alors, il ne s'agit pas de ressortir des cadavres, mais de permettre à notre parlement de se poser les bonnes questions et d'examiner un projet qui va dans le bon sens.
J'aimerais juste rappeler, à l'intention des membres de ce parlement qui ne sont pas membres de la commission du logement, que nous avons entendu, pas plus tard que cette semaine en commission, le représentant d'un grand groupe, actif dans l'immobilier, nous expliquer que son groupe ne souhaitait pas faire de la promotion et qu'il se bornait à acheter des objets déjà construits. Quand nous lui avons demandé ce qu'il fallait faire pour remédier à cette situation, il a répondu qu'il fallait tout simplement raccourcir les procédures... (L'orateur est interpellé.)Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les investisseurs ! Monsieur Sommaruga, vous faites un procès à l'initiative privée... Je suis désolé, mais, en général et jusqu'à preuve du contraire, ce sont tout de même les privés qui construisent !
Je suis d'accord avec vous, Monsieur Sommaruga, qu'il n'est pas acceptable que seules des personnes de sexe masculin aient participé aux travaux qui ont débouché sur ce projet de loi - pour autant que ce soit exact - mais peut-être cela pourra-t-il être compensé dans le cadre de la commission ad hoc en veillant à une représentation majoritaire des femmes... Ce sont les groupes politiques qui le décideront.
Il est important de rappeler que ce projet est honnête. Le projet que nous avons déposé est la copie conforme du projet qui avait été retiré par le Conseil d'Etat d'alors. Nous aurions pu en profiter pour rajouter, par la petite porte, des modifications qui nous arrangeaient, mais nous n'avons rien fait de tel ! Nous avons repris le projet tel qu'il était, en nous bornant à intégrer les modifications intervenues dans la dernière législature, même si elles ne nous plaisaient pas.
Maintenant, en ce qui concerne la commission à laquelle il y a lieu de renvoyer ce projet, il faut tout de même dire que le travail à effectuer est gigantesque. En effet, il s'agit de fondre deux lois importantes, ce qui pose toute une série de problèmes éminemment complexes. Vu l'ampleur de la tâche, renvoyer ce projet dans une commission existante ne revient à rien d'autre que de bloquer tous les autres objets à traiter.
Par conséquent, le groupe démocrate-chrétien soutiendra également le renvoi de ce projet de loi à une commission ad hoc.
Le président. J'ai à nouveau un petit problème pour l'Alliance de gauche... Monsieur Grobet et Monsieur Pagani, vous êtes tous les deux inscrits et seul l'un de vous peut parler... Lequel choisit de parler ? Bien, Monsieur Grobet, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Je m'apprêtais à dire que ce projet de loi revenait cinquante ans en arrière... A vrai dire, je constate que je suis resté en deçà de la réalité, puisque M. Hiltpold nous demande de revenir septante ans en arrière ! Epoque où, effectivement, toute la législation en matière de construction était rédigée uniquement pour les propriétaires... Les utilisateurs n'étaient pas pris en considération, et ne parlons pas des autres groupements auxquels M. Sommaruga a fait tout à l'heure allusion: les milieux de protection de l'environnement, de la nature, des locataires, etc. !
Il est évident que la législation sur la construction et l'aménagement du territoire s'est beaucoup démocratisée au fil des années, et cela n'est pas le fait du hasard. Elle est la conséquence directe de la politique d'urbanisme qui a été menée pendant les années 50, 60 et 70, qui a été de plus en plus rejetée par la population qui a voulu - et à juste titre - pouvoir également s'exprimer sur les constructions de notre canton... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, écoutez l'orateur ! Je vais commencer par donner l'exemple...
M. Christian Grobet. Merci, Monsieur le président !
Il faut bien reconnaître que, durant les années 60 et 70, d'énormes erreurs urbanistiques ont été commises, qui ne l'auraient certainement pas été si, précisément, on avait eu la législation qui a été mise en place ultérieurement pour une meilleure participation de la population, ce qui répond, du reste, aux exigences de la loi sur l'aménagement du territoire.
Vous venez prétendre aujourd'hui que cette législation bloque la construction... C'est absolument ridicule: la baisse dans le domaine de la construction est due à de tous autres motifs ! Vous devez savoir que c'est pendant les années 80, au moment où cette législation que vous critiquez aujourd'hui était applicable, que l'on a le plus construit dans notre canton ! Au milieu des années 80, on a dépassé la barre des 3 milliards de francs de construction par année ! A l'époque, j'étais effectivement au département des travaux publics, et je peux dire qu'on n'a jamais autant construit qu'à cette époque-là; les chiffres en font foi, puis, à partir des années 93, on est redescendu en dessous de la barre des 2 milliards... (Brouhaha.)Alors, le gouvernement monocolore, dont la politique a été tout sauf approuvée par la population de ce canton, a imaginé des solutions simplistes que vous reprenez aujourd'hui et qui, si elles étaient adoptées, ne feraient que provoquer des conflits... Il n'y a pas de politique de construction possible sans le faire en accord avec la population ! Et vouloir revenir à des méthodes autoritaires en donnant, en fait, la priorité aux desiderata des promoteurs, en les laissant construire comme ils le veulent et décider souverainement, conduira non seulement à de nouvelles erreurs urbanistiques, comme nous en avons déjà connues, mais encore à des conflits sans fin !
Vous êtes, Mesdames et Messieurs les représentants de l'Entente...
Le président. Il vous reste trente secondes, M. Grobet !
M. Christian Grobet. ...en train de suivre les desiderata de certains milieux économiques très particuliers qui vous conduisent à l'erreur ! Je crois qu'il faudrait que vous compreniez qu'un projet de loi comme celui-ci est la négation de tout ce qui a été mis sur pied jusqu'à maintenant. Et pas par la gauche, parce que toutes les lois qui sont aujourd'hui en place ont été votées à une époque où la majorité était à droite ! Quant à prétendre que ce projet de loi serait le fruit de la concertation, c'est grotesque ! C'est le fruit de la concertation entre les milieux de la construction et des propriétaires uniquement et les experts proviennent de vos milieux ! Ce projet de loi n'est absolument pas représentatif ! Il n'a du reste pas été retiré sans autre... Il a fait l'objet de longs débats en commission...
M. Olivier Vaucher. Laquelle ?
Une voix. L'aménagement ! (Exclamations.)
Le président. Monsieur Vaucher, s'il vous plaît ! (Exclamations.)
M. René Koechlin. C'est faux !
Le président. Monsieur Koechlin, ne tapez pas sur votre bureau avec votre plâtre ! Vous avez déjà la main blessée !
M. Christian Grobet. Quand M. Koechlin...
Le président. Monsieur Grobet, vous avez encore trente secondes, et ensuite ce sera terminé !
M. Christian Grobet. ...s'agite c'est parce qu'il sait qu'il est dans l'erreur et qu'il ne veut pas reconnaître la réalité ! (L'orateur est interpellé par M. René Koechlin.)Ce projet de loi, ne vous en déplaise...
Le président. Monsieur Grobet, concluez !
M. Christian Grobet. Monsieur l'ancien président du Grand Conseil... (L'orateur est interpellé par M. René Koechlin.) ...vous devriez respecter...
Le président. Monsieur Koechlin, s'il vous plaît, vous allez vous casser l'autre main ! (Exclamations.)
M. Christian Grobet. Bien que M. Dupraz me voie partout à tort, il m'arrive de lire des rapports et des procès-verbaux de commission...
Le président. Monsieur Grobet, vous avez déjà dépassé votre temps de parole !
M. Christian Grobet. ...et je sais parfaitement bien, Monsieur, que ce projet a été traité en commission... (Exclamations.)
M. Olivier Vaucher. C'est faux ! C'est tout faux !
M. Christian Grobet. Monsieur Vaucher, on sait quel crédit il faut donner à vos propos !
Le président. Monsieur Vaucher, laissez parler M. Grobet, s'il vous plaît !
M. Christian Grobet. Je m'en tiendrai là !
Le président. Monsieur Moutinot, vous avez la parole. (Exclamations. Le président agite la cloche.)S'il vous plaît, un peu de silence, le chef du département vous parle !
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les auteurs de ce projet de loi attribuent aux règles de procédure une importance qu'elles n'ont pas...
Je ferai deux remarques factuelles peu contestables.
La première c'est qu'un bon projet, quelles que soient les règles de procédure, aboutit. L'un des bons exemples en la matière est la Halle 6, qui, malgré toutes les difficultés du projet par rapport aux règles en vigueur actuellement, a abouti dans un temps record. Et même avec des règles plus simplifiées et plus rapides, il n'est pas possible de faire avancer un projet dont la population ne veut pas dans une démocratie... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Deuxième remarque factuelle, Mesdames et Messieurs les députés. Si vous reprenez l'histoire de l'aménagement genevois, vous constaterez que les projets qui n'ont pas bénéficié d'un large consensus n'ont jamais abouti... S'ils ont été arrachés par une majorité ou par une autre, ils ont toujours échoué, que ce soit devant le peuple ou devant les tribunaux... (Brouhaha.)Le sujet ne vous intéressant pas... (Le conseiller d'Etat s'interrompt. Le président agite la cloche.)
Une voix. Loulou, assis !
M. Louis Serex. Ah, y a-t-il un président ?
Le président. Ça montre le degré de respect de certains d'entre vous !
M. Laurent Moutinot. Si vous voulez que je termine...
Le président. Mesdames et Messieurs, un peu de respect ! Franchement, je suis triste et déçu par votre attitude ! (Exclamations.)
M. Laurent Moutinot. Je pense très sincèrement, dans la mesure où j'assume le processus de construction dans ce canton, que l'énergie que vous allez consacrer à l'examen d'un tel projet est mal placée parce que - je le répète - dans ce domaine, vous n'arriverez à rien si vous ne parvenez pas à des accords.
Pendant la législature précédente et encore durant cette législature, vous avez adopté un certain nombre de simplifications dont la dernière, votée tout à l'heure à 14h30, est une simplification notable des procédures de la LER.
Le département a par ailleurs présenté à la commission d'aménagement du canton plusieurs simplifications possibles qui ne touchent aucun droit pour qui que ce soit, mais qui permettent de gagner de nombreux mois dans les procédures. En particulier, une mesure toute simple et pratique qui consiste à ce que les requérants déposent les plans en sept, huit ou dix exemplaires, de manière à recueillir d'un coup tous les préavis nécessaires, ce qui serait plus efficace que de déposer trois jeux de plans qui circulent pendant six mois dans tous les services. C'est une mesure toute simple qui ne viole les droits de personne et qui fait gagner plusieurs mois.
Autre mesure proposée: la suppression de l'arrêté du Conseil d'Etat pour la zone de développement qui ferait gagner un mois. Cette compétence serait laissée au département. Vous pouvez et vous devez discuter sur ce genre de mesures pour parvenir à des améliorations.
Un projet de cette envergure va prendre beaucoup de temps. Souvenez-vous qu'il a fallu plus de dix ans pour moderniser le code de procédure pénal...
M. Claude Blanc. Vingt ans !
M. Laurent Moutinot. Vingt ans, Monsieur Blanc, vous avez raison, j'ai été trop modeste !
Avec un tel projet, vous êtes partis pour vingt ans !
La seule solution que je vois est de sortir de ce projet de loi les avancées qui vous paraissent les plus pertinentes, de les traiter les unes après les autres et d'adopter les plus consensuelles d'entre elles pour améliorer le système. Mais, avec ce projet, vous vous lancez dans une tâche tout à fait surhumaine qui va aboutir à des conflits sans fin et dont le résultat, en matière de construction, sera nul.
J'imagine que vous allez bien entendu renvoyer ce projet de loi en commission... Il me semble que la commission des travaux serait la plus adéquate. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes surchargés pour ce qui est d'une éventuelle commission ad hoc - il n'est qu'à constater le taux de participation à certaines commissions pour s'en convaincre ! - et vous n'aurez pas la capacité d'assumer une commission supplémentaire. Renvoyez ce projet à la commission des travaux mais suivez la méthode de travail que je vous suggère: ne retenez de ce projet que les éléments pertinents qui paraissent possibles ! En effet, l'oeuvre à laquelle vous prétendez - elle est magnifique intellectuellement - n'a aucune chance d'aboutir sur des résultats concrets au niveau politique.
Le véritable problème en matière de construction, c'est la pénurie de terrains constructibles. C'est sur ce point que nous devons porter nos efforts et notre énergie: dans la discussion et l'acte de convaincre les communes, les voisins, les associations, d'accepter les projets, et non dans une loi procédurale.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez faire oeuvre utile, faites ce tri. Il est indispensable.
Le président. Madame Schenk-Gottret, vous m'avez demandé la parole ? Ce doit être une erreur, parce que votre groupe l'a déjà prise...
Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre la proposition libérale de renvoyer ce projet de loi à une commission ad hoc composée de neuf membres. Nous procédons au vote électronique.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 55 non contre 28 oui et 3 abstentions.
Le président. Monsieur Dupraz, vous voulez faire une autre proposition ? Vous avez la parole.
M. John Dupraz (R). A mon avis, il faudrait renvoyer ce projet de loi à une commission existante parce que ce n'est pas une solution de créer des commissions nouvelles à tout-va... En effet, après, le problème est de savoir quand il est possible de se réunir !
Des voix. La commission des travaux !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Le président est interpellé.)Puis-je simplement vous dire que votre collègue proposait la commission ad hoc ? (Exclamations.)Monsieur Hiltpold, vous relirez le Mémorial et vous verrez que vous étiez favorable au renvoi de ce projet de loi à une commission ad hoc... Mais ce n'est pas grave... Le parlement a décidé de ne pas le renvoyer à la commission ad hoc.
Je vous soumets maintenant la deuxième proposition, à savoir le renvoi de ce projet de loi en commission des travaux. Il y a aussi eu une proposition pour la commission d'aménagement du canton, mais je la mettrai aux voix si le renvoi en commission des travaux est refusé.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet de loi à la commission des travaux est adoptée.