République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 mars 2002 à 17h
55e législature - 1re année - 6e session - 25e séance
IU 1218
M. Carlo Sommaruga (S). Mon interpellation urgente s'adresse au Conseil d'Etat. Elle concerne les frais de justice au Tribunal des baux et loyers.
A l'assemblée générale de l'ASLOCA du 14 mars 2002, le président a fait état, dans son discours, de la proposition émanant du Palais de justice d'une remise en question de la gratuité des juridictions des baux et loyers. La commission de gestion du Palais de justice ayant entériné un projet qui lui avait été adressé par le Collège des juges du Tribunal de première instance, lui-même saisi par un groupe de juges, dont certains, d'ailleurs, ne sont plus membres du pouvoir judiciaire.
La proposition du Palais de justice par la commission de gestion a été, semble-t-il, déjà acheminée au Conseil d'Etat. Pas de doute que cette démarche de la commission de gestion du pouvoir judiciaire est contraire au principe de la séparation des pouvoirs et à la volonté populaire. Le principe de la séparation des pouvoirs veut, dans une République, que le pouvoir judiciaire juge, que le parlement légifère, en d'autres termes que le pouvoir judiciaire ne légifère pas à la place du parlement.
Par ailleurs, la commission de gestion du pouvoir judiciaire est chargée, en vertu de l'article 75 A de la loi sur l'organisation judiciaire, de gérer et de vérifier le bon fonctionnement des juridictions et non pas de faire des propositions en matière législative. En ce qui concerne la volonté populaire, il y a lieu de se rappeler que, suite à une initiative émanant des milieux de défense des locataires et acceptée par le peuple, le Grand Conseil avait concrétisé l'initiative en créant le Tribunal des baux et loyers en 1977 avec, conformément à cette initiative, une procédure gratuite.
Ceci dit, on peut légitimement se poser la question de savoir si la démarche du pouvoir judiciaire ne résulte pas d'une demande, formelle ou informelle, directe ou indirecte, du Conseil d'Etat ou du département des finances auprès de la commission de gestion, afin que le pouvoir judiciaire couvre une part importante de ses frais de fonctionnement par une introduction de nouveaux droits de greffe comme au Tribunal des baux et loyers ou une augmentation des droits de greffe là où ils existent déjà. Je pose trois questions:
Le Conseil d'Etat entend-il donner suite à la démarche de la commission de gestion du pouvoir judiciaire s'attaquant à la juridiction des baux et loyers ou entend-il être le garant de la volonté populaire et rejeter cette idée saugrenue?
Le Conseil d'Etat entend-il rappeler formellement à la commission de gestion du pouvoir judiciaire qu'en vertu de la séparation des pouvoirs et de l'article 75 A de la LOJ, elle ne dispose d'aucune compétence en matière d'élaboration de projets de lois, sa compétence étant purement d'organisation et de gestion des tribunaux?
De manière plus générale, le Conseil d'Etat a-t-il donné des instructions directes ou indirectes, formelles ou non formelles, au pouvoir judiciaire, afin de revoir les montants des droits de greffe, émoluments, frais actuellement en vigueur, voire d'introduire de nouveaux droits de greffe là où il n'y en a pas ou d'atteindre encore une certaine couverture de ses coûts de fonctionnement par le biais de modifications de droits de greffe ou de frais de justice?
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a eu connaissance du fait qu'un projet était élaboré au Palais de justice visant à supprimer la gratuité d'accès à la juridiction des baux et loyers. Le Conseil d'Etat en a discuté et je peux vous rassurer, Monsieur le député Sommaruga: nous ne sommes pas favorables à la suppression de cette gratuité parce que ladite gratuité garantit précisément l'accès à la justice de gens que des frais peuvent dissuader de recourir aux juges.
En deuxième lieu, et comme vous l'avez rappelé, cette gratuité est le résultat d'une volonté populaire assez récente, manifestée par un vote.
En ce qui concerne la commission de gestion du Palais, vous me demandez de faire ce que vous leur reprochez de faire. Nous n'avons pas d'instructions ou d'ordres à donner à cette commission sur les travaux qu'elle entend mener. Il arrive, bien entendu, que de différents milieux, privés ou publics, les intéressés se mettent autour d'une table pour élaborer des propositions. En l'occurrence, je partage volontiers votre avis: ce projet de loi dépasse le strict cadre technique auquel on pourrait s'attendre que les juges se tiennent pour nous faire des propositions, puisqu'il déborde manifestement sur un sujet politique brûlant et qui ne recueille pas l'assentiment du Conseil d'Etat.
En ce qui concerne enfin les instructions qui auraient été données à la justice genevoise de trouver les moyens de couvrir ses frais, il n'en a pas été question ni de la part du département des finances ni de la part du Conseil d'Etat.
Cette interpellation urgente est close.