République et canton de Genève

Grand Conseil

R 452
Proposition de résolution de Mmes et MM. Marie-Paule Blanchard-Queloz, Thomas Büchi, Jeannine De Haller, Janine Hagmann, Antonio Hodgers, Bernard Lescaze, Alain-Dominique Mauris, David Hiler concernant la violation des droits de l'Homme en Chine sur les pratiquants du Falun Gong

Débat

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie tout d'abord d'avoir accepté de mettre cette résolution en urgence à l'ordre du jour d'aujourd'hui. Mme Tai Yurong, 36 ans, vient de mourir de mauvais traitements et de tortures psychologiques, M. Zhang Zhenfu, 60 ans, pris dans sa propre maison, est tué par des forces de police, M. Wang Tiesong, 32 ans, est torturé à mort dans un camp de travail, M. Zhan Jinyan, 30 ans, est mort après six jours de détention, M. Jïang Laixiu, 60 ans, est mort suite à des tortures, M. Li Jingdong, 40 ans, est mort suite aux tortures... Depuis un mois, ce sont vingt-quatre morts suite aux brutalités policières commanditées par le régime communiste chinois. A ce jour, on compte plus de 20 000 personnes enfermées dans des goulags, 350 morts, des arrestations par dizaines de milliers et 1000 personnes internées dans des camps ou des asiles. Pour quelles raisons, quels crimes ces gens ont-ils commis ? De quoi les accuse-t-on, même s'il n'y a jamais de procès ? Poser la question, c'est déjà trop ! Un régime de dictature estime ne pas avoir à justifier sa répression sanglante envers des femmes, des hommes, des enfants, voire des bébés...

Ces personnes sont mortes, d'autres sont actuellement enfermées et torturées pour avoir pratiqué le Falun Gong, un système d'exercices pour le corps et l'esprit. Lorsque son fondateur, M. Li Honghi, est venu en Suisse, en 1998, présenter cette méthode issue des traditions bouddhiste et taoïste, le gouvernement chinois d'alors laissait ces pratiquants tranquilles. J'ai tiré ces quelques informations d'un exemplaire du «Temps»: le Qigong, qui est un exercice de l'énergie vitale, d'ailleurs enseigné ici même à l'Hôpital cantonal, s'est popularisé pendant la Révolution culturelle pour améliorer la condition physique des masses. Dans la Chine livrée à la frénésie capitaliste, les pratiquants deviennent désintéressés et altruistes, donc pas besoin d'appareil policier pour surveiller leurs réunions pacifiques rassemblant des milliers de gens. Le Falun Gong n'est pas une religion, la transmission se fait sans contrainte ni règle stricte. C'est une méthode rapide, accessible aux gens d'aujourd'hui: pas de culte, pas de clergé, ni de structures, ni de moniteurs diplômés. Chacun sent l'énergie à sa manière, chacun est responsable de son évolution personnelle.

Aujourd'hui, la police chinoise vient arracher des gens à leur maison, les torture et les tue, parce que le Falun Gong véhicule trois grands principes de l'Univers: vérité-authenticité, bienveillance-compassion et patience-tolérance. Ces mots et ce qu'ils représentent, un régime de dictature ne peut pas les entendre: les pratiquants ne peuvent être que de dangereux fanatiques. En affirmant que le mouvement Falun Gong est une secte hérétique, le parti communiste chinois, selon M. Meyer, membre du comité directeur de l'Observatoire des religions en Chine, dit que le gouvernement chinois manifeste en fait dans la violence sa peur de voir son régime s'effondrer. La diffusion d'un certain nombre d'idées peut mettre en péril un système. Imaginez: des gens qui pensent, des gens qui sont responsables de leur évolution personnelle... Falun Gong est victime d'un problème de survie du régime. Celui-ci ne parvenant pas à le contrôler, il a déclaré ce concurrent idéologique «technique non religieuse». Il a donc décidé de l'éliminer, ce qui veut dire l'élimination physique de milliers de personnes et pourquoi pas de millions !

Mesdames et Messieurs les députés, nous l'avons rappelé dans les considérants: partout dans le monde, des gouvernements, des organisations, Amnesty International, le Conseil de l'Europe dénoncent sans répit cette répression. Les rapports de la Commission des droits de l'homme aux Nations Unies sont accablants et la prochaine session adoptera enfin, je l'espère, une résolution refusée de justesse l'an dernier, demandant à la Chine de cesser cette répression.

Une délégation des autorités suisses, autorités qui ont déjà pris des positions très claires à ce sujet, se rend en Chine très prochainement. Genève, ville internationale des droits de l'homme, ne peut pas rater cette occasion d'apporter sa contribution, déterminante vu sa notoriété dans le monde, à la dénonciation de cette barbarie étatisée, apporter sa contribution à la faire cesser au plus vite par des pressions démocratiques répétées.

Les pratiquants en Suisse et dans le monde, qui ont pris conscience que, pour les mêmes exercices qu'ils pratiquent ici, certains en Chine le paient de leur vie et de celle de leurs proches, ne revendiquent pas la reconnaissance, mais simplement le droit de ne pas être enfermés, de ne pas être tués, de rester en vie...

Chacun est libre ici et ailleurs de penser ce qu'il veut du Falun Gong, mais les signataires de cette résolution estiment que les députés ne peuvent pas ignorer cette violation des droits de l'homme. Dans ce sens-là, nous ne pouvons que regretter l'amendement qui sera proposé par M. Droin, qui veut associer les pratiquants chinois à des opposants au régime: ce ne sont pas des opposants au régime, ce sont des gens qui doivent bénéficier de la liberté d'expression. Je vous demande, Mesdames et Messieurs, d'approuver cette résolution et je vous en remercie.

M. Antoine Droin (S). Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous citer une dépêche de l'AFP du 17 juillet 2001: «Deux jours après avoir décroché l'organisation des Jeux olympiques de 2008, Pékin a repris son offensive contre le Falun Gong en inaugurant une exposition consacrée aux «effets sanglants» de Falun Gong. Le régime chinois explique que sa victoire olympique justifie la répression engagée, «au risque de décevoir le Comité international olympique qui parie sur l'amélioration des droits de l'homme en Chine.»

Il est incontestable que des milliers d'adeptes de Falun Gong ont subi et subissent encore des persécutions intolérables, non seulement en Chine, mais également en Occident, par des pressions inacceptables sur ses membres. Les nombreuses exactions commises, qui ont suscité révolte et sympathie dans nos contrées, ont occulté tout débat sur les idées, les pratiques de ce nouveau mouvement. Religion, pensée ou secte, Falun Gong ne cesse de défrayer la chronique nationale et internationale à ce sujet. Si nous ne pouvons évacuer cette question, nous devons cependant reconnaître que la manière verticale de fonctionner du gourou Li Honghi laisse présupposer la dominance de croyances ésotériques. S'il est vrai que nous ne sommes pas ici pour faire le procès de Falun Gong, nous constatons que le harcèlement des militants de cette religion, pensée ou secte, auprès des gouvernements fédéral et cantonaux, des politiques et du monde associatif, annihile la problématique générale du respect le plus élémentaire des droits humains en Chine. Je ne parlerai, à titre d'exemple, que du peuple tibétain et des pratiquants taoïstes. Nous pouvons dire aujourd'hui que Falun Gong est piégé dans un jeu diabolique mené de main de maître par le gouvernement chinois. Focaliser l'attention sur le seul Falun Gong sous la pression d'un gouvernement totalitaire, c'est mettre dans l'oubli les autres mouvements, les innombrables autres mouvements contestataires ou religieux, chrétiens et musulmans compris, qui subissent, eux aussi, d'importantes atteintes à leur dignité morale et physique. N'oublions pas non plus les victimes indirectes des décideurs gouvernementaux qui sont prêts à sacrifier l'environnement social, économique et nourricier pour les milliers de personnes qui seront touchées par l'immense barrage des Trois-Gorges, sous la bienveillante attention des autorités suisses et de certaines de nos multinationales !

Faisons le pari que plus l'échéance des Jeux olympiques se rapprochera, plus l'attitude des autorités chinoises va s'assouplir face aux pressions internationales en faveur de Falun Gong. Les autres victimes passeront alors dans l'oubli de leurs tourments, de leurs tortures, de leur répression, de leur persécution... N'apparaîtra seulement la bienveillance des autorités chinoises. L'Occident pourra s'enorgueillir d'avoir pu ramener à la raison les dictateurs chinois. S'ouvrira alors, grâce à l'adhésion à l'OMC, un marché international monumental dans les domaines de la technique, de la communication et de la finance en particulier ! Seuls les proches du pouvoir suprême, président et famille, pourront s'arroger définitivement ces marchés ô combien rémunérateurs.

Mesdames et Messieurs, tout en reconnaissant que des femmes et des hommes, au travers de Falun Gong, sont persécutés, nous devons élargir les invites de la résolution à l'ensemble des personnes malheureusement concernées par le non-respect des droits humains en Chine. Je vous inviterai donc à suivre les amendements proposés.

M. Guy Mettan (PDC). J'ai le sentiment que ce débat sur le Falun Gong ressemble un peu à celui que nous avons eu à propos de l'affaire Pinochet. D'un côté, il y a effectivement un problème du Falun Gong en Chine, qui est victime de persécutions, c'est indéniable, et je comprends donc tout à fait la volonté des résolutionnaires d'intervenir en faveur de ce mouvement. Mais, d'un autre côté, des questions extrêmement graves se posent quand même à propos de ce mouvement.

Premièrement, M. Droin l'a dit, il n'y a pas de raison de soutenir les adeptes du Falun Gong alors que cette résolution ne dit rien sur les autres dissidents chinois - je pense à We Jin Cheng, à Harry Woo et à d'autres, qui se battent depuis très longtemps en faveur des droits de l'homme en Chine. Il n'y a rien non plus sur le Tibet, alors que le dalaï-lama nous a rendu visite et que le processus de sinisation forcée au Tibet mériterait, à mon avis, beaucoup plus d'égards et d'attention de notre part que le Falun Gong. Voilà pour la remarque générale.

Ensuite, je trouve qu'en matière de droits de l'homme on doit être extrêmement prudent. J'ai entendu hier soir, à propos de ces persécutions, le mot génocide. Mais je vous en prie ! On ne peut pas mettre le génocide à toutes les sauces, on ne peut pas parler, à propos d'individus qui sont poursuivis, de génocide. Un génocide a eu lieu contre les juifs, les tziganes et d'autres, en 1940-45, contre les Arméniens en 1915, au Cambodge, au Rwanda, mais jusqu'à maintenant nulle part ailleurs. On ne peut donc pas mettre le génocide à toutes les sauces.

Troisième argument: il faut savoir ce qu'est cette secte du Falun Gong. Il existe des rapports, des dépêches de partout dans le monde qui montrent que ces gens s'immolent par le feu, se donnent la mort pour gagner le paradis... (Commentaires.)C'est absolument vrai, c'est vérifié, les photos sont là ! Ces gens ont les mêmes pratiques que le Temple solaire chez nous. Nous venons de mettre en place, au début de l'année, le CIC - le Centre intercantonal d'information sur les croyances, les activités des groupements à caractère spirituel, religieux ou ésotérique - pour lutter contre les sectes à la suite de l'affaire du Temple solaire. Et nous voudrions maintenant apporter notre soutien à une secte qui fait la même chose en Chine, sous prétexte de lutter contre le gouvernement communiste... Je suis d'accord qu'on attire l'attention sur les droits de l'homme en Chine, mais pas de cette manière-là.

Quatrième argument. On ne parle du Falun Gong, très curieusement, que depuis quelques années, c'est-à-dire depuis que le gouvernement américain a décidé de soutenir cette secte, pour l'utiliser contre la Chine. Alors, je veux bien qu'on entre dans le grand jeu de la politique internationale, mais je ne vois pas pourquoi on devrait faire confiance au gouvernement américain, qui a déjà montré en Afghanistan que, lorsqu'il soutenait des mouvements religieux intégristes, il ne faisait pas forcément un choix très heureux... (Applaudissements.)

Enfin, pour montrer qu'il n'y a rien de personnel là-dedans, je dirai que je pratique moi-même du taï-chi et du chi-kong, comme des millions d'autres Chinois... (Rires.)...comme des millions de Chinois, et que je ne me considère pas comme faisant partie du Falun Gong. J'ajoute que j'ai moi-même donné largement la parole au Falun Gong et, dans ce livre que j'ai ici, «Le Fléau du Falun Gong», j'ai du reste été assimilé comme étant le fléau de la Chine, pour avoir donné à plusieurs reprises l'occasion au Falun Gong de s'exprimer. Mais, en écoutant ces gens, j'ai acquis la conviction qu'il y avait malheureusement beaucoup de réserves à avoir sur ce mouvement. (Applaudissements.)

M. Thomas Büchi (R). Dans les propos de M. Mettan, il y a quand même un certain nombre de choses qu'on ne peut pas laisser passer. Tout d'abord, comment peut-on imaginer que des personnes qui suivent une idée d'authenticité, de bienveillance, de tolérance pour avoir une vie plus harmonieuse, puissent envisager d'attenter à leurs jours en s'immolant par le feu ? Comment peut-on croire une pareille fable ? Car c'est une fable, c'est de la désinformation mise en oeuvre par le gouvernement communiste chinois, qui a truqué des images, on le sait et les Américains le savent aussi ! C'est absolument incompatible avec la pratique de ces gens, qui consiste en des exercices - vous l'avez rappelé, Monsieur Mettan - issus des techniques millénaires du chi-kong, dont le taï-chi est un dérivé et dont même l'acupuncture fait partie. Les exercices du Falun sont d'une simplicité presque enfantine et amènent un bienfait inestimable à ceux qui les pratiquent. Monsieur Mettan, je crois donc que vous faites fausse route en parlant de la sorte et vous contribuez à la désinformation que le gouvernement chinois tente de faire pour discréditer cette philosophie.

En l'occurrence, pourquoi certains ici ont-ils peur et prononcent le mot secte ? C'est à cause de précédents comme le Temple solaire. Lorsqu'on est ignorant face à quelque chose, on a peur; lorsqu'on ne connaît pas quelque chose, il est facile d'y coller l'étiquette de secte. Mais, pendant que vous collez ces étiquettes, des milliers et des milliers de personnes sont torturées, meurent tous les jours, des femmes, des enfants, des hommes sont déportés.

Monsieur Mettan, hier, nous n'avons pas parlé de génocide. Nous avons simplement dit que c'était le début d'un génocide, le début d'une spirale infernale, à l'image de ce qui a été fait contre le Tibet depuis quarante ou cinquante ans maintenant, grâce à la mollesse des gouvernements occidentaux qui ont laissé faire. Au Tibet, on compte des millions de morts, adeptes aussi d'une philosophie qui prône la bienveillance et la tolérance.

C'est en ce sens que nous avons rédigé cette résolution, pour que cessent ces exactions, mais aussi en pensant à un autre aspect que nous avons développé: il est intolérable que le gouvernement chinois, ici en Suisse, poursuive des gens, les menace, les filme, constitue des dossiers sur eux ! Cela, on ne peut pas l'accepter. J'ai personnellement été témoin, sur la place fédérale à Berne et ici à Genève, à la place des Nations, de ce genre d'agissements et je dis qu'on ne peut pas accepter qu'un gouvernement étranger se permette pareille ingérence.

Enfin, pourquoi le mouvement Falun Gong n'est-il pas une secte ? C'est très facile à comprendre: il n'y a pas d'argent en jeu, il n'y a rien à croire, il faut juste comprendre ce que ces exercices peuvent provoquer en vous-même. Il n'y a rien d'autre à faire. Où qu'ils soient dans le monde, ceux qui s'intéressent à ces exercices peuvent les pratiquer librement, gratuitement et chez eux.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'accepter cette résolution. Il est important que nous montrions au gouvernement chinois qu'il ne peut pas se comporter n'importe comment, comme il le fait actuellement !

M. Gilbert Catelain (UDC). Le thème de la violation des droits de l'homme en Chine communiste, développé dans la résolution 452, est grave et mérite notre attention. Le tableau dressé par Mme la députée Blanchard-Queloz est apocalyptique, c'est vrai; nous y souscrivons, c'est une évidence. Il s'agit en fait d'un thème qui concerne pratiquement, ou typiquement l'ONU politique, dont les principaux buts sont le respect des droits de l'homme, l'encouragement au règlement pacifique des conflits et le maintien de la paix. Nous nous étonnons que la Chine, socialiste, pays membre du Conseil de sécurité de l'ONU politique, ne respecte pas les engagements qu'elle a pris au travers de la Charte de l'ONU. Nous devons malheureusement accepter que cette même charte empêche les Etats membres de l'ONU politique de prendre une quelconque mesure coercitive contre la volonté d'un pays détenant un siège permanent au conseil, dans le cas présent, la Chine communiste. En conséquence, l'UDC utilisera la marge de manoeuvre que lui autorise son indépendance d'esprit et soutiendra probablement une résolution que l'ONU politique est incapable de mettre en oeuvre !

Mesdames et Messieurs, je pense qu'il est de votre devoir, en tant que partisans de l'ONU politique, d'inviter la Chine à respecter ses engagements internationaux et par conséquent, par cohérence intellectuelle, de voter oui à cette résolution.

M. David Hiler (Ve). Je voudrais m'inquiéter de la démonstration qui a été faite tout à l'heure par M. Mettan et, pour cela, faire un rappel historique: parmi les nombreuses victimes de la barbarie nazie, certaines ont été oubliées, qui sont des sectes. Ainsi, les témoins de Jéhovah notamment, qui ne participaient pas à des activités militaires, ont subi la répression nazie, au même titre que des groupes politiques, au même titre que le peuple juif, dans les conditions que l'on connaît. Ils ont bel et bien été envoyés dans des chambres à gaz, ils ont été éliminés pour ce qu'ils étaient. On peut ne pas aimer les témoins de Jéhovah - j'imagine qu'il n'y en a pas parmi nous - c'est une secte à l'évidence, mais pour autant n'auriez-vous pas défendu leurs droits face à la barbarie nazie ? Bien sûr que oui ! Sauf le Vatican, Monsieur Mettan, car il faut bien le dire: pas plus pour ceux-là que pour d'autres l'Eglise catholique n'est intervenue !

Je trouve par ailleurs assez limite, même si cela fait partie de la culture française, cette façon de décréter, avant qu'il y ait des actes répréhensibles au plan pénal, que tel mouvement est une religion, tel autre une secte. Que faites-vous, dans ce genre de raisonnement, des centaines de sectes protestantes aux Etats-Unis ? Sont-ce des églises, sont-ce des sectes ? Cette façon de cataloguer les gens, de sous-entendre qu'ils ne méritent pas d'être défendus parce qu'ils sont une secte - dans le cas d'espèce, c'est relativement difficile à défendre à vrai dire - m'inquiète, Monsieur Mettan. Finalement, c'est dire: tant pis pour eux, puisque leurs croyances ne correspondent pas aux miennes et que je les soupçonne d'avoir à peu près le même fonctionnement que l'Eglise catholique, c'est-à-dire avec un chef et les autres qui obéissent ! Car c'est ainsi que marche l'Eglise catholique, à preuve du contraire, autrement ce n'est plus l'Eglise catholique-romaine, c'est l'autre !

Pour ma part, je n'arrive pas à comprendre que vous fassiez la fine bouche, car c'est un signal que vous donnez à l'autorité chinoise: allez-y, ils ne méritent que cela, tapez-les, coupez-les en morceaux, de toute façon ce sont des méchants !

Revenons maintenant, si vous le voulez bien, Monsieur Mettan, à la résolution, parce qu'à entendre certains je ne suis pas sûr qu'ils l'ont lue ! Première invite: dénoncer les violations des droits de l'homme en Chine. C'est quelque chose de tout à fait général, me semble-t-il. Deuxième invite: inviter la délégation suisse en Chine à reprendre cette résolution lors de son voyage en Chine. Ensuite, demander aux autorités fédérales de poursuivre - puisqu'elles le font déjà - toute interpellation appelant à respecter la liberté d'opinion et les droits individuels des citoyens et citoyennes chinois, notamment ceux des pratiquants du Falun Gong.

En l'occurrence, le terme notammentsemble poser des problèmes terribles à certains. Mais, Mesdames et Messieurs, vous savez pertinemment que trop élargir le champ de la résolution reviendrait à dire que nous n'entrons pas en matière sur les sujets qui sont aujourd'hui sous les projecteurs. Aujourd'hui, les autorités chinoises sont très sensibles sur deux sujets: le Falun Gong, qui les met systématiquement sur les pattes de derrière, et le Tibet ! C'est donc bien sur ces sujets qu'il faut revenir et revenir encore.

Dans une autre résolution, que je signerais très volontiers, nous pourrions revenir sur le Tibet. Dans une autre, nous pourrions revenir sur des cas individuels de dissidents chinois, qui sont des opposants politiques - là, la problématique est tout autre - qu'il faut défendre avec la même vigueur. Pour le moment, c'est cette résolution que nous vous demandons d'adopter, et je vous demande vraiment, Mesdames et Messieurs, de le faire sans amendement. (Applaudissements.)

Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, il n'est pas du tout habituel que des membres du groupe libéral signent des résolutions au sujet de tout ce qui se passe dans tous les coins du monde... D'autant que nous savons par nos collègues qui oeuvrent à Berne que ces résolutions, très souvent, finissent au fond d'un tiroir. Cependant, peut-on, comme vient de le relever mon préopinant, laisser passer certaines choses que nous avons entendues ? Monsieur Mettan, vous installez peut-être le doute dans notre esprit, mais même s'il y a doute, à un moment donné, nous ne pouvons pas, en notre âme et conscience, passer à côté de certains problèmes.

Notre Conseil s'est targué, avec fierté, d'avoir créé une commission des droits de l'homme, si bien qu'en signant cette résolution, mon collègue Alain-Dominique Mauris et moi-même - convaincus, il est vrai, par les très bons arguments des autres signataires - avions imaginé que cette résolution permettrait justement de faire la lumière sur ce que disent M. Mettan d'une part, M. Hiler d'autre part. C'est pourquoi le groupe libéral vous propose, Mesdames et Messieurs, le renvoi de cette résolution à la commission des droits de l'homme, car il serait trop grave de laisser passer une chance de montrer que nous soutenons continuellement les droits de l'homme. Nous ne voulons pas non plus que la peur des sectes fasse oublier le respect de la personne humaine et des droits de l'homme. C'est pourquoi je vous demande de suivre cette proposition de renvoi à la commission des droits de l'homme.

Le président. La demande de renvoi en commission prime sur tout autre débat. Il reste encore trois ou quatre intervenants. Je vous signale que le Bureau a décidé de finir ce débat avant midi. A bon entendeur ! Monsieur Luscher, vous avez la parole.

M. Christian Luscher (L). J'aimerais insister sur la proposition de renvoi en commission faite par Mme Hagmann, pour deux raisons. D'abord, dans l'exposé des motifs à l'appui de cette résolution, on évoque toutes sortes de pratiques qui auraient lieu en Suisse à l'encontre de ressortissants suisses, et je crois que seul un renvoi en commission permettrait de déterminer s'il se passe véritablement quelque chose de répréhensible en Suisse, si des infractions pénales sont commises, si des plaintes ont été déposées, si des informations judiciaires et pénales ont été ouvertes. Seul un renvoi en commission permettra de s'en assurer.

De même, s'agissant du caractère «secteux»... (Commentaires.)...du groupe Falun Gong, seul un renvoi en commission permettra aussi de s'en assurer. Car enfin, Mesdames et Messieurs, et pour répondre à M. Büchi, lorsque j'entends que le Falun Gong n'est qu'une pratique d'exercices corporels et spirituels, je me dis qu'il en existe d'autres à Genève, par exemple le yoga. Or, jamais les pratiquants de yoga ne m'ont téléphoné, jamais ils n'ont débarqué dans mon étude, jamais ils n'ont fait le forcing pour que je les reçoive sans rendez-vous. En revanche, les membres du Falun Gong font cela systématiquement et je crois pouvoir dire que plusieurs députés ici présents ont été victimes de ce genre de pratiques qui malheureusement, en raison de cette insistance suspecte, laissent penser qu'il peut y avoir des éléments évoquant une secte. En l'occurrence, seul un renvoi en commission permettra de s'assurer définitivement que le mouvement Falun Gong n'a pas de caractère que certains appellent sectaire et que j'aime mieux dire «secteux»... Je vous remercie donc de bien vouloir approuver le renvoi en commission.

Le président. Je propose que chaque intervenant se limite à deux minutes, uniquement sur le renvoi en commission... Tout le monde a l'air d'être d'accord. Madame Roth-Bernasconi, vous avez la parole.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Pour nous, les droits de la personne humaine sont inviolables. Chaque personne a droit à la dignité, a le droit de ne pas être torturée. Je n'entrerai donc même pas en matière sur la question de savoir si le Falun Gong est une secte ou une manière de penser.

Par ailleurs, nous avions proposé un amendement, mais nous sommes néanmoins d'accord sur le renvoi en commission, pour qu'on puisse discuter sérieusement des aspects juridiques. Rien ne nous empêche évidemment d'intervenir parallèlement auprès de certaines personnes au niveau fédéral, pour qu'elles invitent la délégation qui se rendra en Chine à en parler.

Enfin, une dernière chose par rapport au harcèlement dont certains sont l'objet. Quand vous vous occupez de personnes qui sont poursuivies dans leur pays, vous êtes souvent harcelé par ces personnes: cela ne vous empêche pas de les défendre, parce que justement les droits de l'homme, les droits de la personne humaine sont vraiment quelque chose de trop important pour laisser passer quelque violation envers qui que ce soit !

Le président. Toujours sur le renvoi en commission, M. Pierre Weiss, le champion des deux minutes !

M. Pierre Weiss (L). Je n'aurai probablement besoin que d'une seule minute, pour demander à Mmes et MM. les députés membres de la commission des droits de l'homme de se pencher attentivement sur le sens du terme génocide. Il a été allégué ici qu'il y avait, non pas un génocide, mais un début de génocide: à teneur du «Robert» qui est mis à notre disposition dans cette salle, un génocide, dans son sens propre, c'est «la destruction méthodique d'un groupe ethnique». Je ne sache pas qu'il y ait actuellement un danger de destruction méthodique du groupe des Han, à savoir le groupe ethnique principal de la Chine. Par conséquent je proposerai qu'un autre terme que «début de génocide» soit utilisé.

Au surplus, je me permets de signaler que la quatrième invite demande simplement que le code pénal suisse soit respecté: on peut faire confiance à ce titre aux autorités judiciaires de notre pays pour bien juger et aux plaignants pour y avoir recours.

Le président. Je signale que nous sommes saisis de quatre amendements. Par conséquent, il serait effectivement plus raisonnable de renvoyer ce texte en commission. Monsieur Mettan, sur le renvoi en commission, vous avez deux minutes...

M. Guy Mettan (PDC). Nous sommes également favorables au renvoi en commission. Je voudrais juste en profiter pour remercier M. Hiler de son intervention. Je suis content qu'il considère l'Eglise catholique au même titre que la secte du Falun Gong et j'aimerais qu'il défende l'Eglise catholique avec autant de verve qu'il le fait pour le Falun Gong, et même qu'il aille de temps en temps à la messe et dans les églises à cette intention !

Pour notre part, nous soutenons le renvoi en commission pour une raison politique, en ce sens que si cette résolution vient aujourd'hui devant nous, ce n'est pas un hasard: en effet, d'ici un mois et demi, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies va entrer en session et le Falun Gong, qui est passé maître dans l'art de faire flèche de tout bois, comptait sur la résolution de notre Conseil pour l'utiliser dans cette session. Enfin, sur le fond, je suis évidemment d'accord avec les amendements de M. Droin, qui vont dans le bon sens.

M. Thomas Büchi (R). Il est clair, à entendre ce qui s'est dit tout à l'heure, qu'un renvoi en commission pourrait être salutaire. Certaines phrases prononcées notamment par M. Mettan sont dignes de l'obscurantisme du plus haut Moyen Age et je pense que, rien que pour cela, il vaut la peine d'aller en commission. Avec un renvoi, nous perdrons évidemment l'avantage de pouvoir appuyer de notre résolution la délégation fédérale, qui ira en Chine sans. Mais je fais confiance à cette délégation, qui paraît parfaitement au courant et acquise à défendre ces principes, pour bien faire son travail. Je crois qu'il est salutaire d'aller en commission, où nous pourrons discuter sereinement de ce qu'est réellement le Falun Gong et je vous remercie d'appuyer ce renvoi en commission.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Pour ma part, Mesdames et Messieurs, je regrette cette demande de renvoi en commission pour les motifs que vient d'évoquer M. Büchi, à savoir que cette délégation fédérale va partir sous peu. C'est pour cela que nous avons demandé l'urgence, c'est pour cela que vous l'avez acceptée et il est donc vraiment regrettable que la résolution ne puisse pas être transmise à Berne. Par ailleurs, je ne suis pas sûre que les débats en commission seront plus sereins. Je vous informe que la commission des droits de l'homme a déjà auditionné des pratiquants du Falun Gong en Suisse, qu'elle a, immédiatement après, auditionné les représentants du gouvernement chinois et qu'elle s'est arrêtée là, en renvoyant les uns et les autres dos à dos. Donc, si c'est pour faire le même travail, cela ne vaut pas tellement la peine de lui renvoyer cette résolution !

M. Antoine Droin (S). Je suis naturellement favorable au renvoi de la résolution en commission et je pense qu'il ne faut pas mélanger les débats. Il y a un débat Falun Gong, il y a un débat des droits de l'homme en Chine, ce sont deux choses différentes, on n'est pas là pour faire le procès d'une secte, on est là pour parler des droits de l'homme en Chine, et je me réjouis de traiter ce texte en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté.