République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 13 décembre 2001 à 17h
55e législature - 1re année - 3e session - 9e séance
IU 1155 et objet(s) lié(s)
M. Mark Muller (L). Mon interpellation urgente s'adresse à Mme Calmy-Rey, conseillère d'Etat en charge du département des finances, et, plus généralement, au Conseil d'Etat. Elle concerne la question de la déduction fiscale des frais médicaux.
Dans un arrêt du 7 novembre dernier, dont les considérants ne sont pas encore connus, le Tribunal fédéral a jugé que la loi fiscale cantonale genevoise, que nous avons votée il y a environ un an, viole la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale, dans la mesure où elle plafonne les frais médicaux déductibles. L'article incriminé de la loi genevoise a donc été annulé par le Tribunal fédéral.
Pour répondre à cette nouvelle situation, vous avez cru bon d'adopter, hier soir, dans la précipitation, un règlement transitoire selon lequel seuls les frais médicaux qui dépassent 5% du revenu taxable de chaque contribuable sont déductibles.
Pour ce faire, dans votre communiqué de presse d'hier, vous affirmez que, je cite, «l'arrêt du TF a pour effet de supprimer, dans la législation fiscale genevoise, la déductibilité des frais provoqués par la maladie, les accidents ou l'invalidité».
Ce règlement appelle de ma part des observations et deux questions.
En premier lieu, il est inexact de prétendre que, faute d'adopter ce règlement, les frais médicaux supportés par les contribuables en 2001 ne seraient pas déductibles. Au contraire, la suppression du plafonnement des frais médicaux déductibles signifie que tous les frais médicaux supportés par les contribuables sont déductibles, sous réserve d'une part déterminée par le droit cantonal.
Ensuite, et c'est particulièrement étonnant, vous n'avez pas jugé utile d'attendre quelques semaines que les considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral vous soient transmis pour déterminer la part déductible des frais médicaux sur le plan cantonal. Un peu de patience eût été opportun.
A ce jour, on ne sait même pas si la situation actuelle, qui revient à permettre la déduction en totalité et sans limite des frais médicaux, est licite ou non, et s'il est même nécessaire de légiférer à ce sujet sur le plan cantonal.
En second lieu, vous avez cru bon de fixer à 5% du revenu taxable la part non déductible des frais médicaux. Cette décision aura pour effet de priver de nombreux contribuables de la possibilité de déduire des frais médicaux et correspond donc à une augmentation d'impôt déguisée non négligeable pour la majorité des contribuables du canton.
Vous me répondrez certainement que 5% du revenu taxable est le taux rendu pour l'impôt fédéral direct et que vous n'aviez pas le choix. Eh bien, c'est faux.
Tout d'abord, qui vous dit que le Tribunal fédéral, dont nous ne connaissons pas précisément les considérants, ne considère pas que l'on peut parfaitement ne pas prévoir qu'une part des frais médicaux n'est pas déductible. Ensuite, vous auriez parfaitement pu fixer ce taux à un niveau inférieur à 5%...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député. Veuillez conclure !
M. Mark Muller. Je le sais. Merci, Monsieur le président !
Vous auriez pu fixer ce taux à 3% ou même à 0,5% du revenu taxable. Cela aurait permis de compenser un tout petit peu le poids considérable des primes d'assurance-maladie pour les ménages du canton.
J'en viens à mes questions qui sont au nombre de trois. Premièrement, pourquoi n'avez-vous pas attendu d'être en possession des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral pour statuer?
Deuxièmement, pour quelle raison avez-vous fixé à 5% du revenu taxable des contribuables la part non déductible des frais médicaux, alors que vous auriez pu la fixer à un niveau bien inférieur?
Troisièmement, allez-vous soumettre votre règlement transitoire au vote du peuple genevois, comme le contreprojet à l'IN 112 que les Genevois ont voté le 2 décembre l'impose?
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Dans une lettre adressée à l'administration fiscale cantonale, l'administration fédérale des contributions écrit: «La décision du Tribunal fédéral a créé un vide juridique qu'il s'agit de combler. Dès 2001, les cantons doivent prévoir une déduction pour les frais précités, selon les modalités définies par la disposition de la LHID.»
Ainsi que vous le relevez, la décision du Tribunal fédéral, annulant l'article 4, alinéa 2, LIPP V, a pour effet indirect de rendre applicable l'article 72, alinéas 2 et 3 de la LHID.
C'est donc à juste titre que le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève envisage l'adoption du règlement transitoire qui portera effet tant que la loi genevoise n'aura pas été complétée.
Il s'agit, Monsieur Muller, non pas d'un nouvel impôt ou d'une nouvelle déduction, mais bien d'une adaptation au droit fédéral du droit cantonal par l'intermédiaire d'un règlement transitoire.
Le projet de loi a été déposé en même temps. Il vous sera soumis et soumis à l'appréciation de la commission fiscale, et bien entendu au référendum facultatif.
Cette interpellation urgente est close.