République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 décembre 2001 à 14h15
55e législature - 1re année - 3e session - 13e séance
PL 8500-A
Premier débat
M. Christian Brunier (S). Nous avons étudié ce projet de loi en commission où il a recueilli un soutien relativement large. Je vous rappelle que Textura inscrivait son action dans le cadre des programmes d'emplois temporaires pour chômeurs, les fameux PETF. Il s'agit d'une organisation qui s'occupe de collecte et de tri de vêtements. Une partie des vêtements collectés est envoyée dans les pays du tiers-monde, cette organisation fait donc preuve aussi d'une solidarité internationale. Une autre partie des vêtements collectés est revendue en deuxième main, et, enfin, une partie est traitée par des chômeurs et des chômeuses qui retravaillent les tissus et les revendent. Il est à noter que certaines pièces sont vendues à la Compagnie 1602.
Depuis la restructuration des PETF, Textura ne correspond plus tout à fait aux critères, en particulier au niveau de l'intégration des personnes. Textura emploie en effet beaucoup de personnes âgées de plus de 50 ans. Cependant, personne ne peut nier l'efficacité de cette association au niveau social et bien sûr au niveau de la récupération et du tri des vêtements usagés. Pour combler la subvention que l'organisation ne touche plus, nous demandons d'inscrire au budget 2001 - ce projet de loi a mis du temps, vous le voyez - ainsi qu'au budget 2002 et 2003, les sommes suivantes: 305 000 F pour 2001, 445 000 F pour 2002 et 2003.
Je vous rappelle que vous avez l'habitude de parler de retour sur investissement, il s'agit là d'un très bon retour sur investissement car ce sont environ 30 emplois qui sont créés. Le vote a été large en commission, je vous demande donc de le confirmer ce soir en séance plénière.
M. Pierre Kunz (R). Il est possible que jusqu'à récemment la coopérative Textura ait joué un rôle utile. Si ce fut le cas, c'est de toute évidence en tant que cellule d'accueil pour des emplois temporaires sous l'égide de la Confédération, et non pas dans la récolte de vêtements usagés, Monsieur Brunier. Textura récoltait et récolte peut-être encore chaque année entre 75 et 95 tonnes de vêtements. Mesdames et Messieurs, c'est peu ! C'est tellement peu que c'en est inacceptable eu égard à la hauteur des frais de fonctionnement de cette institution. A titre de comparaison, il faut savoir qu'une association comme Emmaüs, à Genève, qui n'est au bénéfice d'aucune subvention publique, qui n'en veut pas d'ailleurs, récolte, grâce à l'engagement de ses collaborateurs et de ses cadres, entre 800 et 1000 tonnes de vêtements par an, soit plus de dix fois la capacité de l'association Textura. Si la Confédération a décidé de supprimer son soutien à Textura, et pas seulement à Genève, c'est parce que son activité s'est véritablement révélée totalement insuffisante. Comment ne pas s'étonner en effet du faible volume traité ? Et comment ne pas s'étonner que Textura emploie 8 permanents pour 8 chômeurs en fin de droits ? Des chômeurs au demeurant presque impossibles à trouver depuis que le RMCAS est en vigueur. Alors, malgré tout cela, on nous demande de maintenir ou plutôt d'engager 300 000 F pour l'exercice qui s'écoule et la même somme, voire plus, l'année prochaine. Tout cela pour une association qui a déjà fait faillite à Yverdon.
Cela étant, j'aimerais encore ajouter deux points: d'abord nous sommes choqués de n'être saisis qu'à la fin de cette année d'une demande de subvention fondée sur des besoins qui sont connus depuis bien longtemps puisque la subvention fédérale a été stoppée depuis un certain temps. Il y a là une pression insupportable.
Ensuite, je dois faire remarquer au membre de la commission des finances qui s'est occupé de cette affaire que son rapport est vraiment incomplet. Avant de recommander à ce parlement l'acceptation de cette subvention, nos collègues auraient pu se pencher sérieusement sur la situation financière de Textura, Monsieur Brunier. Ils se seraient aperçus que la maison mère Textura Yverdon est déjà en faillite, que la situation de Textura Genève est catastrophique et que Textura est notamment débitrice de plus de 50 000 F à la coordination textile à laquelle elle prétend appartenir ! Débitrice et tellement peu fiable que, je vous le dis ici, la coordination textile a déjà passé par pertes et profits les 50 000 F en question. Et on voudrait que nous ici nous votions 300 000 F pour l'exercice achevé sans qu'on nous indique comment cette subvention sera utilisée. Est-ce qu'elle sera utilisée pour rembourser les dettes, est-ce qu'elle sera utilisée pour payer des permanents qui n'ont plus rien à faire? Cela est inacceptable. Ce projet de loi, lorsque nous le traiterons, parce que je pense que nous allons le traiter ultérieurement, nous devrons le rejeter purement et simplement étant donné la situation financière et le manque de clarté de la gestion de cette société.
M. Robert Iselin (UDC). La délégation parlementaire de l'UDC a reçu les deux ténors qui animent Textura. Ce qui nous a frappés - et je reconnais que nous n'avons pas procédé à des analyses aussi profondes que M. Kunz - c'est premièrement que les deux personnes qui se sont présentées à nous viennent de deux parties de la population assez différente, je dirai, pour simplifier, l'une de gauche, l'autre de droite. Ensuite, non seulement cette association s'occupe de la récolte de vêtements, mais elle a en outre une activité de couture. Surtout, d'après ce que nous croyons comprendre, elle offre une possibilité d'activité à des chômeurs âgés, je parle de personnes qui ont plus de 50 ans. L'Union démocratique du centre de Genève vous propose donc de soutenir l'association Textura.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je crois que les observations qu'a faites M. Kunz méritent un examen et, au-delà de cela, le travail qui a été fait en commission des finances, et que je ne conteste pas du tout, pas plus que je ne conteste ce qu'a été Textura tout en ne sachant pas comment elle a évolué maintenant, pose tout de même un problème de rigueur intellectuelle dans la manière de concevoir un budget. Les uns et les autres ce matin vous avez insisté sur les principes généraux d'orthodoxie budgétaire. Or, le projet qui nous est soumis souffre de deux défauts qui me paraissent importants; le premier, peut-être marginal à vos yeux, c'est un préavis de la direction générale des finances. Vous savez que ce type de projet est en principe soumis préalablement à la direction générale des finances, de manière que les comptes soient regardés d'un peu près et que l'on puisse se faire une véritable idée.
Le deuxième point, Mesdames et Messieurs les députés, est que votre règlement, celui du Grand Conseil, dans son article 129 dit clairement que lorsque des députés font une proposition de dépense excédant 60 000 F, ils doivent proposer la couverture financière correspondante, or dans votre projet de loi, la couverture financière est la trouvaille d'une rubrique. Enfin ! Si la découverte d'une rubrique rapportait des sous, cela se saurait et nos impôts en seraient soulagés. Je vous suggère donc de renvoyer ce projet de loi en commission afin qu'il soit examiné selon les standards et que, si vous le votiez, vous nous proposiez son financement, comme, non seulement votre règlement, mais aussi notre constitution nous y oblige.
Le président. Il me semble qu'il serait raisonnable de voter sur le renvoi en commission. M. Brunier vous intervenez sur le renvoi en commission.
M. Christian Brunier (S). Je m'exprimerai sur le renvoi en commission, mais j'aimerais d'abord répondre à quelques allusions de M. Kunz, parce qu'il s'agit de mensonges et qu'on ne peut pas laisser passer cela.
Premièrement, Monsieur Kunz, je vous rappelle que les radicaux n'ont pas dit un mot en commission, qu'ils ont soutenu ce projet de loi en votant à nos côtés. Deuxièmement, je vous rappelle que l'on n'évalue pas un projet de type social comme une multinationale, qu'il y a d'autres critères que les chiffres d'affaires et les résultats financiers. Ce sont certes des éléments à prendre en compte, mais il faut aussi considérer l'intégration, la dignité humaine, d'occupation sociale dont on ne peut faire abstraction. Troisièmement, on ne peut pas comparer Emmaüs avec Textura, puisque Emmaüs fait essentiellement de la récupération, du tri et de la vente, alors que Textura a tout un programme de formation au niveau de la couture et du stylisme. La comparaison ne tient donc pas. Vous affirmez en outre qu'il y a 8 chômeurs pour 8 permanents, cela est faux. Le ratio usuel de l'association était de 8 permanents pour 20 chômeurs, cette situation a prévalu aussi longtemps qu'elle a eu les moyens de fonctionner.
Je m'exprime maintenant sur le renvoi en commission, Monsieur le président. M. Unger prétend qu'il ne trouve pas la couverture. Je veux bien le croire, c'est sans doute qu'il connaît encore peu le budget de son département. Je rappelle seulement que s'il le voulait bien, il trouverait facilement le financement de cette association sur la rubrique 318. Nous avions certes condamné le recours à cette ligne lorsque M. Segond l'employait, ces rubriques sont bourrées de cagnottes et nous n'entendons pas financer cette association sur des cagnottes. Nous acceptons le renvoi en commission, mais le département a largement les moyens de soutenir cette association. Je rappelle que les cagnottes du département étaient d'environ 50 millions, même si elles ont été légèrement diminuées durant ce travail budgétaire, il en reste suffisamment pour couvrir les frais de Textura et pour investir dans l'équilibre social de ce canton.
M. Pierre Kunz (R). J'aimerais répondre à M. Brunier...
Des voix. Sur le renvoi en commission !
M. Pierre Kunz. M. Brunier ne connaît absolument pas le dossier et il prétend que je fais des allusions. D'abord, je ferais remarquer à M. Brunier que les radicaux n'étaient peut-être pas présents en commission puisque le dépôt de ce projet de loi vient d'une époque où il n'y avait pas Pierre Kunz en tout cas dans ce Grand Conseil. (Brouhaha. Rires.)Deuxièmement, il n'est pas question pour moi de comparer Textura à une multinationale, croyez bien que je sais faire la différence. Je comparais Textura à Emmaüs, si vous aviez écouté ce que je vous ai dit. S'agissant de cette dernière association, je vous dis simplement que je me tiens volontiers à votre disposition pour vous expliquer comment elle fonctionne. Ce qui est sûr, c'est que vous n'avez absolument aucune idée de la manière dont cela fonctionne. Enfin, c'est dans votre rapport que figure la mention de 8 postes d'encadrement pour 8 postes occupés par des chômeurs en fin de droit.
Mis aux voix, le renvoi du projet à la commission des finances est adopté.