République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Erica Deuber Ziegler, Laurence Fehlmann Rielle, Michel Halpérin, Georges Letellier, Patrice Plojoux et Ivan Slatkine, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

M. Christian Grobet(AdG). Je demande que le projet de loi relatif à la subvention pour Textura soit inscrit à l'ordre du jour et traité simultanément avec le budget.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

Le président. Monsieur Grobet, je vous propose de demander la parole, vous-même ou quelqu'un de votre groupe, lorsque nous arriverons à la ligne budgétaire concernée.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 8572-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'année 2002 (D 3 70)
Rapport oral de majorité de M. Dominique Hausser (S)
Rapport oral de minorité de M. Bernard Lescaze (R)
Projet: Mémorial 2001, p. 8252.

Suite du premier débat

Le président. Nous reprenons notre débat sur le budget. La parole est à M. Mouhanna. M. Serex est inscrit sur la liste, mais il s'agit visiblement d'une erreur...

M. Souhail Mouhanna (AdG). J'aurais aimé que mon intervention soit entendue par un certain nombre de personnes qui ont débité tout à l'heure passablement d'affirmations qui sont autant d'insultes à l'intelligence et je dirais même à l'honnêteté. Je vais le prouver, j'ai l'habitude de prouver ce que je dis. J'ai entendu tout à l'heure le rapporteur de minorité critiquer ce projet de budget, affirmer que ce projet est mauvais et que le groupe radical ne peut pas voter un tel projet.

J'ai sous les yeux les résultats des comptes de fonctionnement courant de l'Etat depuis 1991. A cette date, le déficit se montait à 531 millions. Le budget à l'origine de ce déficit a été voté par les radicaux et pas seulement par eux, par la majorité de l'époque qui constitue aujourd'hui les partis de l'Entente. En 1992, 468 millions de déficit. Le budget a également été voté par les partis de l'Entente. Il faut dire bien sûr qu'au fur et à mesure qu'il y a des déficits il y a aggravation de la dette. Par conséquent, ils ont voté et le déficit et l'aggravation de la dette.

En 1993, le déficit est de 497 millions, presque 500 millions. Là encore, le budget est voté par l'Entente et la dette s'alourdit de 500 millions. En 1994, plus de 424 millions et, encore une fois, l'Entente vote le budget avec la dette qui va avec. 1995, 400 millions; 1996, 461 millions; 1997, 579 millions: tous ces budgets ont été votés, le déficit et la dette qui va avec ! En 1998, le déficit se monte à 367 millions. Curieusement, l'Entente cesse de voter le budget précisément quand celui-ci devient bénéficiaire. En 1999, il y a eu des recettes extraordinaires. La dette a commencé à diminuer et nous avons enregistré un boni de 5,6 millions, dont nous savons qu'en réalité, en tenant compte des provisions, il était beaucoup plus élevé. Les comptes 2000 affichaient, eux, 10,6 millions de boni avec un excédent de recettes très important dont une partie a été affectée à la réduction de la dette. En 2001, le budget prévoyait 13,5 millions de bénéfice et nous verrons que les comptes révéleront un excédent de recettes peut-être jamais atteint. Paradoxalement, ceux qui aujourd'hui prétendent que ce projet de budget bénéficiaire est mauvais ont voté pendant des années des projets qui concouraient à l'accroissement du déficit et à l'alourdissement de la dette.

Venons-en maintenant au projet de budget 2002. Les partis de l'Entente affirment que c'est un très mauvais projet de budget. Pourquoi? Parce que les charges augmentent, semble-t-il, de quelques pourcents. Tout à l'heure, j'ai entendu un représentant de l'UDC donner quelques chiffres. Je vais lui donner également quelques chiffres, parce que ce parti commence à se familiariser avec les questions de budget et qu'il nous faut être indulgents à son égard.

Premièrement, en ce qui concerne les chiffres, nous savons que la fonction publique, durant les années 90, a fait des efforts absolument extraordinaires. Jusqu'en 1997, le non-respect des mécanismes salariaux a permis à l'Etat de faire des économies de l'ordre de 2 700 000 000 F sur le dos de la fonction publique. Le calcul a été fait par le département des finances. Si j'ajoute les 13% de réduction du pouvoir d'achat en raison de la non-indexation des salaires qui représente, par rapport à la masse salariale, quelque chose comme 400 millions par année, nous arrivons aujourd'hui à près de 4 milliards d'effort consenti par la fonction publique.

Parallèlement, on nous parle de la bourse, des chiffres de la récession et de je ne sais quoi d'autre relativement à des prévisions pessimistes. Eh bien, pendant la même période des années 90, nous avons vu une explosion des gains boursiers. Nous avons vu que les entreprises qui licenciaient pour des fusions, des délocalisations, faisaient augmenter de manière faramineuse leur valeur en bourse. Cela signifie que la bourse n'est nullement un indicateur économique, puisqu'elle profite justement du chômage et de la baisse du pouvoir d'achat... (L'orateur est interpellé.)Bien sûr, Monsieur Weiss, vous avez la malchance de m'avoir en face de vous, alors qu'avant vous aviez toute latitude d'écrire ce que vous vouliez dans le journal «Entreprise» ! J'ai aujourd'hui, grâce à la volonté des électeurs, la possibilité de vous répondre de vive voix et de vous administrer les leçons que vous méritez en économie !

S'agissant maintenant des dépenses, nous devons nous demander ce que sont ces dépenses. De quoi s'agit-il? Parlons des investissements par exemple. Est-ce que ceux-ci vont dans la poche des fonctionnaires ou de la fonction publique? Ils vont au contraire dans celle des entreprises genevoises. Ces investissements sont précisément des emplois pour l'économie genevoise et vous n'en voulez pas ! Ne prétendez pas en même temps que vous voulez la relance de l'économie. Il faut que la population sache que vous ne voulez pas des investissements. Ce que vous voulez en fait, c'est créer le chômage, parce que, justement, le chômage fait grimper la bourse, et certains d'entre vous en profitent ou, si ce n'est directement, d'autres en profitent que vous servez et que vous défendez.

Ensuite, les salaires, Mesdames et Messieurs. Les salaires, c'est aussi le pouvoir d'achat, la croissance. Vous ne le savez peut-être pas, mais sur le revenu cantonal qui est d'un peu plus de 20 milliards, il y a à peu près 75% qui sont des revenus salariaux. Cela signifie que la croissance est pour les trois quarts fondée sur les salaires. Alors, il faut savoir: voulez-vous aggraver la récession ? freiner la croissance ? Quand les gens ont un salaire, qu'ils soient dans la fonction publique ou pas, quand ils le dépensent, ils paient les salaires d'autres catégories de gens. Lorsque quelqu'un paye un loyer, il paye aussi le salaire des gens qui travaillent dans les régies. Lorsque quelqu'un paie des assurances-maladie, il paie aussi les salaires des gens qui sont dans les hôpitaux et dans les fabriques de médicaments. L'économie, Mesdames et Messieurs, n'est pas celle que vous nous décrivez. Pour vous, l'économie, c'est simplement ce que les riches pourraient gagner, parce que, pour vous, les riches ne sont jamais assez riches, alors que les autres le sont toujours trop. Voilà quelle est votre devise en réalité !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Mouhanna...

M. Souhail Mouhanna. Je suis déjà à dix minutes? Bien, alors je m'arrête là et je continuerai plus tard.

Le président. Vous pourrez reprendre la parole en deuxième débat, Monsieur Mouhanna.

M. Christian Brunier (S). Je crois que le processus budgétaire que nous venons de vivre pourrait se résumer à deux mots clés. Le premier est cohérence. En effet, dès la première lecture du projet de budget, l'Alternative a été cohérente. Pourquoi? Parce qu'elle a dit que le budget était relativement bon. L'Alternative a donné des priorités et a jugé que ce projet de budget allait dans le même sens: priorité à l'enseignement, à la justice, au renforcement des offices des poursuites et faillites, à la santé, bien entendu. L'Alternative a aussi souhaité que ce budget respecte, c'est bien la moindre des choses, les accords conclus avec la fonction publique.

Par rapport à ce soutien, nous avons posé un certain nombre de conditions. Une de ces conditions était de revoir les investissements à la baisse, comme nous l'avons fait chaque année lorsque nous étions majoritaires, puisque nous savons que les investissements sont un peu abusifs et que si nous votions les enveloppes demandées par le Conseil d'Etat, celles-ci ne seraient que rarement dépensées complètement: je pense notamment à l'informatique et aux 70 millions, qu'il n'est pas possible de dépenser en une année.

Au terme des travaux de la commission, toujours dans cette cohérence politique qui a été la nôtre, on peut dire que ce budget est globalement conforme à nos désirs et qu'il remplit les conditions que nous avions fixées. Ce budget permet aussi de poursuivre, dans la continuité impulsée par la majorité de gauche, une politique solidaire active tout en consolidant des finances saines. Nous sommes donc cohérents politiquement.

Le deuxième mot clé, c'est incohérence. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai, du côté de la droite nous avons vu et entendu une incohérence totale. Premier exemple, honneur aux nouveaux, l'UDC. En commission, M. Iselin nous a dit que l'UDC voterait le budget seulement si la commission était capable de trouver 500 millions d'économies. A la question: où les trouver? nous avons d'abord entendu le silence de M. Iselin et, ensuite, il nous a dit que c'était le problème des fonctionnaires. Trouver 500 millions d'économies dans un budget est un souci opérationnel, un souci de fonctionnaire, selon l'UDC. Eh bien non, Mesdames et Messieurs ! Il s'agit d'un souci politique, d'une responsabilité que nous devons assumer. Nous ne pouvons pas demander aux fonctionnaires de faire les choix qui doivent être faits ici au Grand Conseil. Naturellement, cet objectif politique n'a pas été atteint et, dans l'incohérence, les membres de l'UDC ont voté ce budget en commission, et j'espère qu'ils le voteront aussi aujourd'hui.

Incohérence aussi du côté de leurs copains libéraux, qui ont agi un peu dans le même sens... (L'orateur est interpellé.)Les petits copains? C'est vous qui le dites ! Nous avons certes vu trois novices en commission, mais des novices qui nous donnaient des leçons de gestion des finances publiques depuis des années dans les bulletins de paroisse des milieux patronaux et qu'on a vus, là, tenter de passer à l'acte. Et si, en tant que donneurs de leçons, ils ne sont pas si mauvais, en pratique, ils ont été assez faibles. Nous avons entendu, en commission des finances, un député libéral nous raconter qu'il fallait couper ces investissements qui étaient beaucoup trop importants - le voilà qui me regarde d'ailleurs... Et quelques jours plus tard, à la commission des transports, le même député nous expliquait qu'il fallait construire des routes de contournement, des tranchées couvertes pour fluidifier la circulation et, bien sûr, la traversée de la rade ! Il veut diminuer les investissements, mais construire des routes partout: nouvelle incohérence.

Du côté du PDC, il y a eu aussi des demandes d'économies, d'une manière moins affirmée, il faut le reconnaître. Cependant, le PDC s'est retrouvé fort dépourvu lorsque le tour de table des propositions fut venu. Je n'ai entendu qu'une proposition, celle de M. Blanc qui visait à réduire les moyens de ce Grand Conseil, c'est-à-dire économiser quelques peanuts et dégrader le fonctionnement de ce Conseil qui n'est déjà pas acceptable, il faut le reconnaître.

Puis, il y a eu les radicaux, avec lesquels il faut être indulgent parce qu'ils étaient sonnés dans les cordes après leur K.-O. électoral et, lorsqu'on est sonné dans les cordes, on n'a pas toujours les idées très claires ! Nous avons entendu M. Lescaze dire qu'il fallait couper des postes dans les sept départements et principalement dans les départements les plus demandeurs, c'est-à-dire le DIP et la santé publique. Ceci a provoqué bien sûr la colère de Mme Brunschwig Graf et, en commission de l'enseignement, elle nous a dit clairement que la marge de manoeuvre était nulle au niveau des postes et que, si le programme des radicaux était mis en place, le niveau éducatif de Genève s'en trouverait sensiblement dégradé.

Heureusement, après ces délires transversaux de l'Entente élargie vers l'extrême, pour des raisons électorales, par peur de voir des gens descendre dans la rue, puisqu'il y avait déjà des groupes prêts à se mobiliser contre ces coupes irréfléchies, et aussi sous la pression des conseillers d'Etat de l'Entente, un certain nombre de personnes, à l'intérieur de la droite, ont compris qu'elles étaient en train de foncer dans le mur et que la seule issue était de voter ce budget.

Ainsi, après cette période d'incohérence et après ce numéro de retournement de veste assez formidable, mais surtout après la démonstration que le démarrage de cette nouvelle majorité est difficile, qu'elle a du mal à trouver ses marques et à exercer le pouvoir qu'elle devrait exercer; après cette période, je vous remercie d'avoir cédé, je vous remercie de soutenir la minorité de gauche au parlement et de soutenir la majorité de droite du Conseil d'Etat dans ces choix budgétaires qui permettront à ce canton de développer une politique de solidarité tout en renforçant les finances publiques.

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais m'adresser à M. Luscher parce que je crois qu'il a fait une erreur. Vous avez dit, Monsieur, que la dette était égale au double des recettes. En réalité, la dette est égale au quart des recettes et je vais vous le démontrer.

Tout d'abord, ici, quand nous parlons de dette, il faudrait distinguer la dette de fonctionnement et la dette d'investissement, puisque celle qui nous intéresse est la dette de fonctionnement, qui n'est pas inscrite au bilan et à laquelle nous devons nous attaquer. Cette dette est de 3,5 milliards, Monsieur Luscher, soit environ la moitié de nos recettes. Là-dessus, je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut s'attaquer à cette dette de 3,5 milliards. Voyez-vous, Monsieur Luscher, M. Brunschwig en commission avait jugé catastrophique le fait que, depuis douze ans qu'il siégeait au Grand Conseil, le budget de l'Etat fût passé de 4 milliards à environ 6 milliards. Je lui avais alors répondu que, si l'on actualisait le budget, on arriverait à des chiffres similaires. Il m'a défié et j'ai fait les calculs. J'ai actualisé le budget par rapport aux différents indices du coût de la vie et de l'augmentation de la population et je suis arrivé, à 100 millions près, au budget que nous avons aujourd'hui. Donc, après douze ans, malgré l'augmentation des prestations de notre République, nous avons exactement, Mesdames et Messieurs les députés, en francs constants le même budget. Cela signifie, Monsieur Luscher, qu'en vertu des lois, des lois constitutionnelles, comme M. Hiler l'a rappelé en commission, il y a des prestations que nous sommes obligés de fournir et, ma foi, elles ont un coût. Elle représentent plus de 90% du budget: la marge que nous avons est donc extrêmement faible.

Malheureusement, bien que nous ayons reçu les comptes 2000, dans lesquels figuraient des choses très intéressantes, les députés ne les ont même pas regardés. Eh bien, si vous observez les indicateurs, vous verrez qu'ils sont très intéressants. Si l'on prend la dette, on voit que depuis 1997 elle a diminué. Elle est passée de 112,9%, soit le rapport des charges de fonctionnement sur le revenu de la fonction publique, à 99,6%. Elle est donc en nette diminution. Si l'on observe maintenant les services rendus par l'Etat, on constate qu'ils ont passé de 18,5% en 1997 à 19,7%. Il y a donc une augmentation des services rendus. Je continue avec les investissements de l'Etat. Ce point est intéressant puisque, voyez-vous, le ratio investissement-infrastructure population est passé de 1353 en 1992 à 697 aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il a été divisé par deux. Malheureusement, ces investissements ont diminué. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, vous vous acharnez encore cette année sur les investissements, alors que depuis cinq ans ils n'arrêtent pas de diminuer. Quoi qu'il en soit, on peut se demander à qui profitent ces investissements: ils profitent d'abord aux entreprises, aux petites et moyennes entreprises, et cela, je trouve que c'est vraiment grave.

En ce qui concerne maintenant les OPF, nous avons entendu M. Lescaze s'attaquer aux OPF, mais, Monsieur Lescaze, vous savez très bien que la situation actuelle est défavorable aux petites et moyennes entreprises. Vous savez parfaitement qu'une PME qui a déposé son bilan ou qui est poursuivie doit attendre une année ou deux avant que les offices puissent donner suite. Pourtant, vous, Monsieur Lescaze - et donc la droite, qui devrait défendre ces petites et moyennes entreprises - vous choisissez de diminuer les postes, de faire obstruction aux OPF. En réalité, vous ne faites que péjorer la situation.

Enfin, Monsieur Lescaze, vous m'avez prêté des propos en commission au sujet de mon argument sur les postes de juges et notamment sur ce que le procureur m'avait répondu au sujet du blanchiment d'argent. Il apparaissait effectivement que Genève prendrait moins cette tâche en charge. En réalité, cela concerne le pénal et non pas les postes qui avaient été promis à la justice. Je reviendrai donc sur ce point avec un amendement que j'ai déposé et nous en rediscuterons, Monsieur Lescaze.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés. Ce que je tenais à vous dire, c'est qu'en réalité la dette est un instrument budgétaire et non pas une fin en soi.

M. Thomas Büchi (R). Il y a quelques années que je siège dans ce parlement et il y a quelques années que nous avons toujours le même débat sur le budget. On entend dire que nous ne pouvons rien faire parce que 95% du budget est fixé par des lois et qu'en conséquence la marge de manoeuvre serait infime. Tout cela est vrai, c'est même tellement vrai, Monsieur Spielmann, qu'il y a quarante ans que vous nous faites le même copier-coller de votre discours annuel sur le budget d'investissement. On peut reprendre le Mémorial: c'est à peu près toujours les mêmes mots. C'est dire, Monsieur Spielmann, que vous avez parfaitement compris que le parlement de milice atteint ses limites aujourd'hui et que nous n'avons pas les moyens pour faire les investigations nécessaires, pour modifier toutes les lois qu'il serait nécessaire de modifier, pour améliorer le fonctionnement. Mais ne serait-ce pas aussi au Conseil d'Etat, de temps en temps, de venir avec des propositions? Il a en effet une logistique tellement supérieure à la nôtre qu'il pourrait venir parfois avec des propositions concrètes. Or, le Conseil d'Etat ne le fait pas parce que ça l'arrange de ne pas le faire. Cette année, nous voterons le budget, il entrera en vigueur et, l'année prochaine, il n'y aura pas plus de propositions et nous nous retrouverons à la case départ.

C'est pour cette raison que le groupe radical demande que le budget soit renvoyé au Conseil d'Etat et que nous votions les douzièmes provisionnels, de manière à ce qu'une vraie réflexion de fond puisse avoir lieu et que des propositions concrètes nous viennent d'ici le mois de janvier. A ce moment-là, nous pourrons débattre de quelque chose. C'est pour cela que nous avons dit non avec courage et cohérence, et ceci malgré la versatilité de nos cousins de l'Entente qui d'abord ont exigé fermement 300 millions d'économie, puis qui se gargarisent d'un succès avec 100 millions d'économie. Ce succès est d'autant moins méritoire que, sur les 120 millions économisés, 90 l'ont été dans les budgets d'investissement, ce qui est un travail assez facile. Peut-être considérez-vous, chers collègues, que ces économies constituent un succès. Pour notre part, nous pensons que vous vous donnez avec cela un formidable auto-tranquillisant et que vous renvoyez toute la problématique à l'année suivante. Vous vous donnez ainsi bonne conscience, mais nous ne vous suivons pas sur ce terrain. Nous vous disons qu'il n'y a même pas une once d'équité dans ce budget, pas de symétrie dans les réductions entre les investissements et le fonctionnement et cela n'est pas acceptable.

La vraie question maintenant: comment l'Etat doit-il faire face à ses responsabilités? La responsabilité que nous avons, c'est de pouvoir répondre aux besoins des plus démunis en cas de crise et surtout que l'Etat puisse jouer un rôle anticyclique. Or, avec l'endettement endémique et faramineux dont souffre l'Etat depuis longtemps, aggravé encore avec l'affaire de la Banque cantonale, au premier soubresaut d'une baisse économique, nous aurons beaucoup de peine à faire face à nos obligations.

J'en viens maintenant aux réflexions de M. Blanc. Monsieur, vous avez aujourd'hui l'âge de vos idées, vous vous enorgueillissez encore d'avoir légèrement manipulé quelques députés nouvellement venus à la commission des finances. J'aimerais simplement vous dire aujourd'hui, Monsieur, que si nous avions pu vous acheter au prix que vous valez et vous revendre au prix que vous pensez valoir, nous aurions depuis longtemps remboursé la dette de l'Etat ! (Rires et applaudissements.)

M. Claude Blanc. Elle n'est pas de toi, celle-là !

M. Thomas Büchi. Pour le reste, le groupe radical insiste encore et vous demande de renvoyer le budget au Conseil d'Etat en votant deux douzièmes provisionnels. Nous souhaitons rediscuter en janvier sur des propositions concrètes et pour ce faire, notre groupe demandera l'appel nominal pour le vote d'entrée en matière. (Applaudissements.)

Le président. MM. Vanek et Froidevaux ont demandé la parole, mais je vous rappelle que la liste est close. La parole est à M. Spielmann.

M. Jean Spielmann (AdG). Je souhaiterais apporter quelques réponses aux interventions de MM. Lescaze et Büchi. Monsieur Lescaze, vous avez dit que c'était, en trente ans, la première fois que la gauche voterait le budget. Je peux vous dire que c'est faux: non seulement vous dites n'importe quoi, mais vous n'avez même pas une bonne mémoire, ou la décence de contrôler vos accusations. Monsieur Lescaze, souvenez-vous: quand les radicaux de ce Grand Conseil ont fait leur immense gymnastique et leur cinéma contre les fonctionnaires, cette pieuvre tentaculaire, lorsqu'ils ont voulu refuser le budget avec les libéraux et qu'ils sont revenus ensuite sur leur décision après avoir pris une déculottée aux élections, à ce moment-là, nous avons su prendre nos responsabilités et voter le budget. Il est donc faux de prétendre, comme vous le faites, que c'est la première fois en trente ans que nous votons le budget. Mais puisqu'il est question de cela, permettez-moi tout de même de vous dire - et je le dis aussi à M. Luscher et à ses amis politiques - que pendant des années et des années - M. Luscher a évoqué la parabole des vaches grasses et des vaches maigres - les libéraux ont été à la direction des finances publiques et que c'est durant cette période que l'Etat a fait le plus de déficit et que la dette de l'Etat a augmenté le plus. La majorité au Conseil d'Etat n'a pas changé depuis plus de cinquante ans: ce sont vos partis, vos élus, vos responsables politiques. Aujourd'hui comme alors, la majorité du Conseil d'Etat est de droite; il est donc totalement faux de prétendre qu'il s'agit d'un budget de l'Alternative. Comment pouvez-vous dire cela, alors que le budget est de la responsabilité du Conseil d'Etat? Mais il y a plus grave. Bien que vous ayez la majorité depuis des années au Conseil d'Etat, vous osez avouer, Mesdames et Messieurs, dans ce débat, que vous êtes incapables de modifier le budget, et vous demandez au Conseil d'Etat de le modifier.

Monsieur Lescaze, je voudrais vous dire que le parti radical a une cohérence tout à fait particulière, puisque vous avez voté les budgets jusqu'en 1997. Or, la caractéristique principale du budget de 1997, élaboré par le gouvernement monocolore, était un déficit de 579 millions. Le déficit public n'avait jamais atteint une telle somme et il n'était rien d'autre que l'héritage de votre politique, avec des libéraux aux finances et une majorité de droite. Paradoxalement, ces budgets avec des déficits moyens de 500 millions de francs par année, vous les avez tous votés, vous les avez mis en place et vous avez fait de l'Etat la vache à lait de vos amis politiques, en cumulant les déficits et en augmentant les dettes. Et je ne parle pas des responsabilités de vos partis dans la déconfiture de la Banque cantonale et dans tous les projets pharaoniques qui, heureusement, ont parfois été refusés par le peuple. En parlant de projets pharaoniques, je voudrais revenir sur les promesses que vous avez faites à vos électeurs: je n'ai pas entendu le groupe radical proposer d'amendement pour la construction de la traversée de la rade, dont vous avez pourtant prétendu à grands frais dans la presse que les radicaux la réaliseraient ! Dites-nous à quel poste de ce budget que vous ne voulez pas voter vous allez inscrire la traversée de la rade, comment, avec les réductions que vous proposez, vous réaliserez cette traversée.

Vous avez donc voté tous les budgets déficitaires et pour la première fois, dans l'histoire récente de la République, qu'il y a un budget équilibré, des investissements autofinancés, une réduction de la dette, vous vous trouvez dans l'opposition. L'opposition pour quoi faire? Monsieur Büchi, vous avez souligné que je siège dans ce parlement depuis des années. C'est vrai et, pendant une longue période, je me suis opposé aux budgets tant en commission qu'en plénière, les responsables des finances le savent bien. Mais, pendant tout ce temps, quelle a été mon attitude? Elle a consisté à présenter des amendements, à dire que je n'étais pas d'accord avec l'orientation budgétaire, avec telles ou telles dépenses, dont certaines ne me paraissaient pas justifiées et d'autres pas assez importantes. J'ai présenté des amendements. Vous savez, Monsieur Lescaze, c'est facile. Nous avons assez de documents qui retracent la politique budgétaire: il suffit de prendre un poste du budget et de faire des propositions concrètes. Si vous voulez, Monsieur Lescaze, je vous montrerai comment procéder... Pour ma part, durant toutes ces années, je ne me suis jamais attaqué aux diodes des signaux lumineux, ni aux fourchettes des enfants dans les écoles, ni aux radars dans les voitures, mais bien aux problèmes politiques de fond.

C'est dire que vous pouvez parfaitement présenter des amendements modifiant le budget, c'est la compétence de ce Grand Conseil. Or, durant toutes les discussions en commission, cela n'a été que des palabres: pas un amendement concret permettant de modifier le budget, et aujourd'hui vous proposez le renvoi en commission. Pour faire quoi? Pour discuter de vos ridicules amendements que M. Blanc a énumérés tout à l'heure? Non, Monsieur Lescaze, la réalité politique est la suivante: vous avez voté tous les budgets déficitaires, vous avez contribué à l'endettement de ce canton, votre parti en est un des principaux responsables et aujourd'hui, alors que pour la première fois nous avons un budget équilibré et que la dette est réduite, vous votez contre. Avec cette cohérence-là, permettez-moi de vous dire que je comprends la peine que vous avez à exposer vos positions.

Sur le fond maintenant, si l'on renvoie ce budget en commission, à quoi faut-il s'attendre? Vous nous avez dit en commission, lorsque nous avons siégé de midi à 21h, qu'il n'y aurait pas d'amendement. Monsieur Lescaze, si vous voulez être sérieux, proposez des amendements sérieux; si vous voulez être crédible, faites des proposition cohérentes. Puisque vous accusez le Conseil d'Etat d'avoir élaboré un mauvais budget, je ne comprends pas comment vous pouvez vouloir lui renvoyer la copie pour qu'il l'améliore. Vous avez la compétence de faire des modifications, mais pas des modifications cosmétiques, pas des amendements bidons, pas le baratin que vous nous avez présenté. Allez au fond et, à ce moment-là, on verra quelle est la politique que vous souhaitez.

Effectivement, comme l'a dit M. Lescaze, 95% des dépenses sont liées à des lois, mais, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, je vous rappelle que vous avez tenté de proposer des modifications de lois lorsque vous êtes arrivés au summum de votre politique, avec 600 millions de déficit par année et l'accumulation de la dette. Vous aviez cherché alors à faire un paquet ficelé; vous aviez cherché des réductions qui touchaient directement la population, et tous les partis de ce Grand Conseil, à l'exception du nôtre, avaient approuvé ce paquet ficelé. Vous aviez dit: «Nous irons devant le peuple unis, tous ensemble, et nous gagnerons.» Tous les mouvements sociaux et tous les partis politiques, à l'exception de l'Alliance de gauche, préconisaient le oui et pourtant vous avez pris une tape mémorable ! C'est pour cela que vous n'osez pas proposer de modifications, parce que vous savez que modifier des lois sur le fond touchera directement la population et vous vous gardez donc bien de le faire. Aujourd'hui, nous avons un budget équilibré et une réduction de l'endettement; pour aller plus loin, il vous faut modifier des lois, mais vous savez que si vous le faites vous perdrez devant le peuple. C'est pour cela que des amendements qui sont faciles à faire vous ne les avez pas faits; que des propositions concrètes vous ne les faites pas; que, pour l'heure, c'est du vent, du baratin. On peut renvoyer ce budget en commission, recommencer toute la discussion: je fais le pari ici qu'il n'y aura aucune modification concrète, parce que nous avons siégé des heures et des heures et que vous n'avez pas fait le début de l'annonce d'une proposition concrète de modification. Alors, Monsieur Lescaze, vous pouvez continuer tant que vous voulez: quand on est incapable de mordre - c'est un proverbe chinois qui le dit - il ne sert à rien de crier !

La situation économique de ce canton - vous savez les difficultés que nous aurons au cours des prochains mois - ajoutée au fait que les dernières rentrées fiscales sont dues à l'effet mécanique de la brèche de calcul feront que nous nous trouverons face à une réduction probable et prévue des recettes, face à une situation conjoncturelle difficile. Dans ce contexte, le seul signe politique de la majorité de ce Grand Conseil serait de ne pas voter le budget et de commencer l'année avec les douzièmes provisionnels pour accentuer encore les difficultés économiques? Psychologiquement, vous faites le plus mauvais choix politique, parce que vous n'êtes pas capable d'en faire d'autre. Pour notre part, nous prendrons nos responsabilités et nous voterons le budget.

M. Pierre Weiss (L). Que veut le peuple? Il veut moins d'impôts, moins d'endettement, il veut moins de dépenses de l'Etat. Les peuples suisse et genevois veulent aussi mettre fin au statut des fonctionnaires. Voilà quatre directions que nous ont indiquées le peuple suisse et le peuple genevois à l'occasion de derniers scrutins, quatre directions auxquelles le parti libéral a souscrit et pour certaines a même donné l'initiative.

Qu'a fait la commission des finances en examinant ce projet de budget. Elle a d'abord soupesé 1489 grammes de papier. C'est le petit budget, n'est-ce pas ? Après, il y a eu un budget complémentaire: ce sont toutes les propositions, les remarques, l'aide qui nous a été apportée en termes d'arbres détruits, pour nous donner sous forme écrite des réponses à nos questions. La commission a trituré ce petit budget et ces feuilles complémentaires pendant quarante-deux heures de séances, elle a demandé au Conseil d'Etat de faire un certain nombre d'efforts notamment concernant les investissements, mais aussi concernant le budget de fonctionnement. Tant la réponse qui a été apportée par le Conseil d'Etat que les propositions qui ont été faites par les membres de la commission ont été insuffisantes. Et comme ce vieux briscard de Bernard Lescaze, je dirais que notre marge de manoeuvre est insuffisante, mais non pas à hauteur de 95%, à hauteur, pour le budget de fonctionnement, de 99,5%, ce qui montrerait notre impuissance si en fait notre impuissance n'était pas en réalité le résultat des lois qui sont votées par ce même Grand Conseil lors de toute l'année qui précède un budget, qui n'est que la constatation de la volonté que vous avez exprimée et que nous espérons corriger.

Montesquieu pourrait s'en retourner dans sa tombe, mais je crois que nous l'aiderons à se tourner du bon côté... A ce stade, que peut faire le parlement ? Il peut faire trois choses - et j'espère me garder de remarques personnelles ou insultantes, que je considère comme totalement déplacées quels que soient les bancs d'où elles proviennent. Le Grand Conseil peut tout d'abord se découvrir une vocation gouvernementale, et je ne peux que m'en réjouir, chez ceux qui quitteraient ainsi une culture d'opposition dans laquelle ils ont excellé. Le Grand Conseil peut encore avoir un sens des responsabilités visant à la continuité de l'action de l'Etat. Il peut ainsi, en adoptant le budget, éviter que des douzièmes provisionnels soient votés par nous mais soient perçus comme déplacés par la population. Il peut au contraire renvoyer en commission, c'est-à-dire clairement refuser ce budget pour montrer son vif mécontentement. Il peut, troisième possibilité, s'abstenir. Pourquoi s'abstiendrait-il ? Peut-être pour reprendre son souffle avant de procéder à des réformes de fond, à des réformes structurelles.

Quel serait le sens de ces réformes structurelles qui ne peuvent s'inscrire dans le budget tel qu'il est, mais qui doivent s'inscrire dans l'action de la nouvelle majorité qui a été élue par les électeurs et les électrices genevois ? Eh bien, c'est d'abord de procéder à un ciblage des lois sociales. C'est ensuite de voter les projets de lois fiscaux présentés par les trois partis de l'Entente et qui, comme l'a illustré avec son sens de l'image M. Lescaze, permettront de serrer le robinet. Parce qu'en fait c'est la seule chose qui soit efficace, à partir du moment où l'endettement, évidemment, ne peut croître. En effet, on peut serrer le robinet: si le gouvernement continue de dépenser en s'endettant, les choses ne sont pas réglées. Enfin, une réforme structurelle consisterait à réformer en l'adaptant le statut de la fonction publique. Voilà des projets dans lesquels nous allons inscrire notre action.

Dans ce cadre, et je conclurai par là, l'action des commissaires libéraux au sein de la commission des finances a permis tout d'abord de diminuer l'augmentation des dépenses. Vous nous le concéderez, Mesdames et Messieurs qui êtes en face de moi, il s'agit là d'une différence avec l'action que vous avez menée il y a quatre ans où, arrivés à la majorité, vous avez amendé le projet de budget pour augmenter les dépenses de l'Etat. Je crois, Monsieur Mouhanna, que les électeurs et les électrices qui nous ont élus seront reconnaissants, notamment aux commissaires libéraux, d'avoir commencé à contribuer à modifier le sens de cette courbe qui nous semble dangereuse. Ensuite, réduire l'endettement de l'Etat, voilà quelque chose que nous avons fait en modérant l'augmentation des investissements. Enfin, limiter l'augmentation du nombre de fonctionnaires, puisque nous avons, nous libéraux, demandé une distinction entre l'augmentation des fonctionnaires imposée par des lois et l'augmentation du nombre de fonctionnaires venant du propre plaisir, du propre bon vouloir des conseillers d'Etat. A cet égard, nous avons demandé et obtenu qu'une masse financière soit retranchée à ce titre. Nous avons aussi obtenu que des précisions soient apportées quant à l'engagement et au sens des engagements des auxiliaires pour éviter une augmentation sourde de la masse de la fonction publique. Nous avons aussi demandé que soient strictement appliquées les normes veillant à l'indexation des salaires. Tout ceci constitue des réponses aux électeurs et, en ce sens, je crois que nous pouvons être fiers, les trois commissaires libéraux et d'autres aussi, d'avoir commencé à faire que les petits ruisseaux des économies produisent les grandes rivières de la réduction de l'endettement de l'Etat au sens relevé ce matin par Pierre Kunz, les 500 millions auxquels nous avons tous souscrit. Je dirais que de cette façon-là nous avons fait mieux que Lénine qui faisait un pas en arrière pour faire deux pas en avant. (Applaudissements.)

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Les coïncidences des calendriers électoraux et budgétaires nous promettaient et nous ont fait subir quelques difficultés. La première de ces difficultés, c'est que le budget doit être voté par des députés qui ne l'ont pas étudié ou qui n'ont pas eu suffisamment de temps pour l'étudier. Nous avons essayé de trouver une solution à ce phénomène en mettant en place un certain nombre de séances d'informations pour les nouveaux députés et je voudrais remercier ici ceux qui ont pris la peine de fréquenter ces séances. Je pense que certains d'entre vous auraient bénéficié d'y prendre part, en particulier M. Luscher et M. Catelain. Cela étant, je suis prête à vous rencontrer et à vous donner des informations sur le budget. Monsieur Luscher, franchement, vous avez tort de refuser l'héritage. Vous avez oublié que l'héritage de 1997, du gouvernement monocolore, était 580 millions de déficit pour une dette de plus de 10 milliards. (Applaudissements sur les bancs de l'Alternative.)

Deuxième difficulté, Mesdames et Messieurs, et d'une certaine façon je la comprends: une nouvelle majorité ayant été élue, je comprends que vous ayez le souhait de faire un certain nombre d'actes symboliques pour marquer la différence. Le problème, c'est qu'il s'agit maintenant de réconcilier les promesses électorales avec la réalité des choses. Nous avons vu les différents groupes à la commission des finances, chacun à leur tour d'ailleurs, faire plusieurs tourne-boulés: dire oui, dire non, dire peut-être. L'exercice est très ardu, il n'est pas facile parce que l'Etat de Genève ne dépense pas à tort et à travers. Les tableaux que nous vous avons montrés prouvent que depuis 1991 les effectifs de l'Etat ont diminué et diminué sensiblement. Ils prouvent aussi que la productivité de l'Etat s'améliore. Les conseillers d'Etat qui ont défilé devant vous vous l'ont dit: si vous souhaitez aller plus loin dans la diminution des charges de fonctionnement, cela voudra dire que nous ne pourrons plus assumer les prestations. Nous serons alors obligés de renoncer à certaines tâches. A partir de là, Mesdames et Messieurs, l'exercice revient soit à des fausses économies, soit à de l'épicerie. En matière de fausses économies, je dois vous dire que je vous suis reconnaissante des efforts que vous avez faits pour diminuer les charges de l'Etat, mais il faut quand même avouer que la plus grosse partie de la diminution des charges de fonctionnement résulte des réestimations de l'indexation des traitements. Il faut dire cela et dire que cet exercice est extrêmement difficile.

J'en arrive à la situation financière de l'Etat. Cette situation, Mesdames et Messieurs les députés, est bonne. Cela a été dit et expertisé par Standard and Poor's, ce n'est donc pas de mon fait. Nous présentons pour la quatrième fois consécutive un exercice avec des excédents de revenus, des investissements complètement autofinancés; nous prenons en compte le problème de la Banque cantonale, nous finançons ses pertes, et nous avons, pour le surplus, assumé près de 12% de diminution d'impôt, ce qui signifie que la situation financière est satisfaisante.

Le projet de budget 2002, c'est 63,3 millions d'excédent avant attribution à la réserve conjoncturelle; 158 millions de dotation à provision; 172% d'autofinancement des investissements, soit un autofinancement complet. Du côté de la croissance des revenus et des charges, la croissance des revenus est supérieure à celle des charges et je crois qu'il est extrêmement important de le souligner, puisque quelqu'un a fait allusion tout à l'heure à la croissance du revenu cantonal par rapport à la croissance des charges de l'Etat. Ce qui est important pour nous, c'est que la croissance des revenus est supérieure à la croissance des charges et ce de façon significative puisque les charges croissent de 5,2% et les revenus de 5,8%. Le taux de croissance des charges et des revenus est inférieur à celui observé dans les comptes des années précédentes et cela malgré la très forte augmentation des charges due aux versements au fonds de péréquation intercantonal qui ne sont pas maîtrisables par le canton, puisqu'elles résultent d'une règle de trois. Les charges de personnel croissent de 3,5% après les amendements effectués en commission des finances. Il faut dire que les mécanismes salariaux provoquent une augmentation de 2,8% des charges de personnel, ce qui n'est pas excessif et qui comprend un rattrapage de 0,9% pour la fonction publique. Vous savez que la fonction publique a perdu plus de 10% de son pouvoir d'achat durant les années de crise et que nous avons aujourd'hui des problèmes pour recruter des gens compétents. Je pense qu'il est logique que la fonction publique soit bien traitée et rémunérée et qu'elle ait une part dans le résultat des efforts de redressement des finances publiques qui ont été faits jusqu'à aujourd'hui.

Alors pourquoi cette réductomanie, si vous me passez l'expression? Pourquoi voulez-vous à tout prix réduire encore et encore les charges de l'Etat? Je comprends d'autant moins cette attitude que les comptes sont bons. Les comptes 2001 seront excellents. Nous prévoyons des rentrées fiscales de 100 millions supérieures pour les personnes physiques, 100 millions pour les personnes morales, 80 millions pour l'impôt fédéral direct. Nous allons avoir d'excellents comptes et nous pourrons continuer la politique de provisionnement et de réserves que nous avons mise en place. Nous pourrons ainsi répondre à ce qui paraît manifestement être votre souhait principal puisque plusieurs d'entre vous ont dit la nécessité de pouvoir disposer de moyens nous permettant de faire face à des périodes moins favorables. Alors pourquoi, pourquoi, pourquoi?

Je comprends encore moins ce désir de réduction systématique lorsque je constate qu'il ne provient manifestement pas d'une volonté de diminuer la dette. Ce n'est pas le cas puisque vous prévoyez des projets de diminution des recettes fiscales qui feraient diminuer de 350 millions les recettes à disposition de l'Etat. Si vous proposiez un amendement dans ce sens aujourd'hui, ce que je pourrais comprendre, nous arriverions à devoir supporter un déficit de 350 millions, et un tel déficit ne va pas évidemment pas dans le sens de pouvoir diminuer en même temps les impôts et la dette. Nous serions alors obligés de stopper nos efforts en faveur de la diminution de la dette. Or, c'est un effort que je juge utile, important, indispensable. Nous avons, en termes de diminution de la dette, une diminution en volume qui s'amorce à partir de 1999. Nous arriverons à 600 ou 700 millions à la fin 2002. Nous avons géré la dette d'une autre façon, à flux tendu, en faisant attention aux entrées, attention aux sorties. Nous sommes en train de mettre en place des règles de gestion et nous essayons d'assurer à l'Etat un flux beaucoup plus constant de liquidités, en réfléchissant à ce problème dans le sens de la création d'une caisse unique, c'est-à-dire la rationalisation interne des liquidités. Tout cela, ce sont d'énormes efforts qui conduisent à des économies de l'ordre de 60 millions sur les intérêts passifs à fin 2002. L'objectif de la diminution de la dette est donc partagé par tout le Grand Conseil, il est partagé par le Conseil d'Etat, c'est un objectif que je vous remercie encore d'appuyer, mais alors de grâce, souvenez-vous que 2 et 2 font 4, Mesdames et Messieurs ! Cela signifie que, si vous diminuez très fortement les recettes fiscales, nous n'y arriverons plus et je vous demande donc d'être francs avec les Genevoises et les Genevois: vous devez leur dire que vous reportez sur les générations futures le poids du financement des prestations publiques, puisque nous serons obligés de stopper la diminution de la dette.

Mesdames et Messieurs les députés, le passage d'une situation financière jugée mauvaise en 1997 à une situation jugée bonne est bien sûr dû pour partie à la conjoncture, mais pour partie seulement. En effet, nous avons pris toute une série de mesures destinées à améliorer le fonctionnement de l'Etat et je me réjouis aujourd'hui que sur tous les bancs vous approuviez. Je me réjouis aujourd'hui parce que j'estime que nous devons être rigoureux avec l'utilisation de l'argent des contribuables. Je vois au département des finances des gens qui ont beaucoup de peine à payer leurs impôts et qui le font néanmoins, qui consentent de gros efforts, et nous n'avons pas le droit de gaspiller cet argent. Le fonctionnement de l'Etat doit être rigoureux. Je suis très heureuse de voir que vous rejoignez le Conseil d'Etat sur cet objectif-là et je voudrais remercier celles et ceux qui, du discours idéologique, sont passés au discours pragmatique et sont prêts à nous soutenir dans cette direction et à nous appuyer pour que nous arrivions à consolider notre situation et à financer nos prestations dans le temps. Je vous remercie et j'espère que vous voterez le budget. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs, nous arrivons au terme de ce débat. Nous allons voter sur ce projet en premier débat. L'appel nominal a été demandé et soutenu, nous allons donc y procéder.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 50 oui contre 30 non et 6 abstentions.

Ont voté oui (50) :

Esther Alder (Ve), Thierry Apothéloz (S), Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), Jacques Baudit (PDC), Christian Bavarel (Ve), Charles Beer (S), Claude Blanc (PDC), Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), Loly Bolay (S), Christian Brunier (S), Alain Charbonnier (S), Anita Cuénod (AdG), Jeannine de Haller (AdG), Hubert Dethurens (PDC), Antoine Droin (S), René Ecuyer (AdG), Jean-Claude Egger (PDC), Alain Etienne (S), Christian Ferrazino (AdG), Anita Frei (Ve), Morgane Gauthier (Ve), Philippe Glatz (PDC), Alexandra Gobet Winiger (S), Mireille Gossauer-Zurcher (S), Christian Grobet (AdG), Mariane Grobet-Wellner (S), Jocelyne Haller (AdG), Dominique Hausser (S), David Hiler (Ve), Antonio Hodgers (Ve), Sami Kanaan (S), Michèle Künzler (Ve), Sylvia Leuenberger (Ve), Ueli Leuenberger (Ve), Anne Mahrer (Ve), Guy Mettan (PDC), Souhail Mouhanna (AdG), Rémy Pagani (AdG), Pascal Pétroz (PDC), Pierre-Louis Portier (PDC), Véronique Pürro (S), Albert Rodrik (S), Maria Roth-Bernasconi (S), Stéphanie Ruegsegger (PDC), Françoise Schenk-Gottret (S), Patrick Schmied (PDC), Carlo Sommaruga (S), Jean Spielmann (AdG), Pierre Vanek (AdG), Ariane Wisard (Ve).

Ont voté non (30) :

Claude Aubert (L), Gabriel Barrillier (R), Caroline Bartl (UDC), Jacques Baud (UDC), Janine Berberat (L), Blaise Bourrit (L), Thomas Büchi (R), Gilbert Catelain (UDC), Marie-Françoise de Tassigny (R), René Desbaillets (L), Gilles Desplanches (L), Jacques Follonier (R), Pierre Froidevaux (R), Yvan Galeotto (UDC), Jean-Michel Gros (L), Janine Hagmann (L), Hugues Hiltpold (R), Jacques Jeannerat (R), René Koechlin (L), Pierre Kunz (R), Bernard Lescaze (R), Christian Luscher (L), Blaise Matthey (L), Alain-Dominique Mauris (L), Jean-Marc Odier (R), Jacques Pagan (UDC), André Reymond (UDC), Jean Rémy Roulet (L), Pierre Schifferli (UDC), Louis Serex (R).

Se sont abstenus (6) :

Renaud Gautier (L), Robert Iselin (UDC), Claude Marcet (UDC), Alain Meylan (L), Olivier Vaucher (L), Pierre Weiss (L).

Etaient excusés à la séance (6) :

Erica Deuber Ziegler (AdG), Laurence Fehlmann Rielle (S), Michel Halpérin (L), Georges Letellier (UDC), Patrice Plojoux (L), Ivan Slatkine (L).

Etaient absents au moment du vote (7) :

Florian Barro (L), Luc Barthassat (PDC), Jean-Claude Dessuet (L), John Dupraz (R), André Hediger (AdG), Mark Muller (L), Alberto Velasco (S).

Présidence :

M. Bernard Annen, président.

Deuxième débat.

Le président. Le projet étant adopté en premier débat, nous passons, pour une demi-heure, au deuxième débat. Nous commençons par la chancellerie, d'abord le budget de fonctionnement et ensuite les investissements... (Le président est interpellé.)Oui, je vous rappelle que nous sommes invités à la soupe de l'Escalade par l'Union maraîchère: il nous faut donc respecter ce qui a été décidé.

Je vous suggère, Mesdames et Messieurs, dans la mesure où nous avons toute une feuille d'amendements, de travailler à la fois avec le livre et avec les amendements. Je vous propose aussi de ne pas faire voter amendement après amendement, mais si l'un ou autre d'entre vous refuse l'amendement, il voudra bien lever la main. Si cela vous convient, c'est le seul moyen qui me paraît raisonnable.

M. Jean Spielmann (AdG). Je crois que, pour la clarté de nos débats, il faut savoir à partir de quelle base nous discutons. Le budget a été discuté en commission, il a été approuvé avec certains amendements et, au moment où je vous parle, nous devons donc travailler sur la base du budget tel qu'il est ressorti de la commission, soit le document distribué sur vos tables. Les éventuelles propositions de modifications doivent se faire sur cette base-là.

Le président. Monsieur Spielmann, vous m'avez convaincu. Monsieur Blanc, vous avez demandé la parole pour dire la même chose?

M. Claude Blanc. Exactement la même chose!

Le président. C'est donc cette procédure que nous allons respecter.

CHAPITRE 1: CHANCELLERIE D'ETAT

Budget de fonctionnement

Service du Grand Conseil (Rub. 12.03.00)

M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais savoir si la proposition initiale concernant le Grand Conseil a été maintenue?

Le président. La proposition corrigée par le Conseil d'Etat a été acceptée par la commission des finances.

M. Christian Grobet. Cela ne correspond pas à ce que demandait le Bureau.

Le président. Non, le Bureau avait demandé cinq postes. Le Conseil d'Etat a réduit à trois postes et la commission des finances a accepté trois postes.

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Le budget amendé comprend les demandes du Bureau du Grand Conseil, à savoir trois postes supplémentaires par rapport à ce que le Conseil d'Etat avait accordé. Cela fait d'ailleurs partie de la liste des amendements. Par ailleurs, les jetons de présence n'ont pas été touchés.

Dépouillement centralisé des élections (Rub. 19.51.00)

M. Christian Grobet (AdG). En relation avec le dépouillement centralisé et donc avec le vote par correspondance, j'aimerais savoir si le Conseil d'Etat entend bientôt appliquer la loi votée par le Grand Conseil. En effet, pour les prochaines votations, nous avons encore reçu des enveloppes à affranchir. Avez-vous un stock d'enveloppes qu'il faut écouler?

Par ailleurs, il est ressorti aux élections qu'un certain nombre de citoyennes et de citoyens ont mal compris la procédure de vote. Depuis lors, j'ai examiné attentivement la documentation envoyée aux électrices et électeurs et il est vrai que la façon de voter ne fait pas l'objet d'une explication. Il faut véritablement faire un effort important sur ce point. J'ai entendu dire que M. Ascheri souhaite de son côté faire quelque chose, j'espère que ce sera le cas pour les prochaines votations, mais je me permets de suggérer au Conseil d'Etat de nommer une commission avec un représentant de chaque parti pour aborder ces questions et examiner des solutions. Les partis sont en effet les premiers à bien connaître ces questions et je crois qu'il faut travailler en collaboration avec eux.

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. A partir du 1er janvier, les enveloppes n'auront plus besoin d'être affranchies. Un montant de 400000 F est inscrit au projet de budget 2002 pour ce faire. Pour ce qui est du deuxième point, je me ferai un plaisir de transmettre votre suggestion à M. le chancelier.

Le budget de fonctionnement de la chancellerie d'Etat est adopté.

Le budget d'investissement de la chancellerie d'Etat est adopté.

CHAPITRE 2: FINANCES

Budget de fonctionnement

M. Jean Spielmann (AdG). Je souhaiterais avoir une réponse du Conseil d'Etat en ce qui concerne la nouvelle péréquation financière entre Confédération et cantons telle qu'elle a été mise en place et qui pose un certain nombre de problèmes. Le versement que le canton de Genève doit faire à ce fonds va entraîner une charge supplémentaire pour l'Etat. J'aimerais aussi demander à l'ensemble des partis présents ici qu'ils interviennent au niveau de la Confédération par rapport à la logique de ce qui a été mis en place. Je m'explique. Dans cette nouvelle péréquation financière, un certain nombre de paramètres sont pris en compte pour déterminer l'indice de capacité financière des cantons. Parmi ces paramètres, l'un des plus importants est la charge fiscale, l'indice définissant la charge fiscale des contribuables du canton concerné. Dans l'application de ces lois et dans les nouvelles charges qui en résultent, il y a, à mon avis, une série d'anomalies graves qui sont en train de se passer. En effet, des cantons qui procèdent à des diminutions d'impôts et qui ont des charges fiscales réduites sont considérés par la Confédération, dans le cadre de cette péréquation, comme étant des cantons plus pauvres que les autres. Partant de là, les cantons qui, comme le nôtre, équilibrent leurs comptes, réduisent la dette et participent donc à un assainissement financier, sont appelés à passer à la caisse et à verser de l'argent à des cantons qui perçoivent moins d'impôts, qui accumulent une dette et qui politiquement conduisent la collectivité publique dans les chiffres rouges.

Je pense qu'il n'est pas normal qu'un citoyen genevois, qui accepte par son vote les contributions financières qui sont les siennes, qui participe à la réduction de la dette du canton comme c'est le cas aujourd'hui, doive voir son canton payer des sommes importantes par exemple au canton de Berne, qui a des charges fiscales inférieures et donc une situation financière plus mauvaise en raison de ces charges inférieures. Bien sûr, si on écoutait les partis d'en face et que nous votions leur projet de loi - Mme la conseillère d'Etat l'a expliqué tout à l'heure - nous réduirions de 350 millions les impôts. Alors, nous serions considérés comme un canton pauvre et nous recevrions de l'argent des autres cantons. Mais où est la logique? Si nous dépensons plus que les recettes que nous encaissons et que nous continuons à cumuler les dettes, les autres cantons sont appelés à nous venir en aide. C'est vrai que la majorité fera cette proposition de réduction des impôts. Cela changera d'ailleurs complètement les paramètres pour l'élaboration du budget et je n'ai pas entendu le rapporteur de minorité s'exprimer sur les conséquences de cette réduction de la charge fiscale sur le budget.

En l'état, comment comprendre une péréquation qui s'appuie sur de telles injustices et qui pousse les cantons à avoir davantage de déficit pour obtenir une contribution supplémentaire? Je trouve cela aberrant et je demande au Conseil d'Etat et aux responsables d'intervenir à ce sujet pour obtenir des corrections et, en tout cas, pour que soient pris en compte la situation financière, la surface de routes à entretenir, le nombre d'enfants dans les écoles, bref, les dépenses réelles auxquelles chaque canton doit faire face. Qu'il soit tenu compte de la situation financière, du niveau d'endettement, de l'équilibre financier des cantons, d'accord, mais au moins que ceux qui baissent les impôts, qui provoquent des déficits et donc l'augmentation de la dette, ne soient pas favorisés par rapport aux autres ! Il n'est pas normal que les contribuables des autres cantons versent de l'argent aux cantons qui gèrent mal leurs finances. Je trouve cela aberrant et je souhaiterais une réponse du Conseil d'Etat.

M. Christian Grobet (AdG). En relation avec les problèmes de l'harmonisation fiscale que nous avons dû appliquer, avec le passage du praenumerando au postnumerando, j'aimerais évoquer le problème des recettes fiscales de l'année à venir. En effet, il m'a été signalé qu'un certain nombre de contribuables, profitant de «l'année blanche» qui se termine, ont augmenté leur revenu, je ne dirais pas de manière fictive, mais avec des revenus qui n'étaient pas forcément intervenus en 1999. Cette opération devrait leur permettre de réduire les revenus à déclarer sur la prochaine feuille d'impôt. Il risque donc d'y avoir une baisse des recettes fiscales, compte tenu du fait que les déclarations d'impôt de l'année prochaine présenteront des diminutions de revenus. Ce que j'aimerais savoir, c'est quelles sont les vérifications que le service des taxations va effectuer sur les exercices 2000 et 2001 pour voir quelle est la réalité des revenus déclarés et si certains n'ont pas fait des déclarations fictives pour diminuer leurs revenus sur la prochaine déclaration d'impôt.

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. En ce qui concerne la nouvelle péréquation financière, l'indice de charge fiscale du canton de Genève est de 103 et il est vrai qu'à partir de l'indice des ressources qui a été mis en place et de la redistribution des recettes y afférente, le contribuable genevois serait amené à payer pour des contribuables d'autres cantons dont l'indice de charge fiscale est inférieur au nôtre. C'est une des raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat s'est opposé à la nouvelle péréquation financière. A partir de cet argument, j'ai indiqué que je ne voyais pas comment justifier auprès des contribuables genevois une pareille injustice.

Le second point concerne l'harmonisation fiscale. Vous avez raison, Monsieur Grobet, de dire que les éléments de l'année 2000 ne comptent pas puisque c'est une année blanche; nous étions conscients de la possibilité d'effectuer certaines planifications fiscales. Nous avons émis des règles et des directives, du côté de l'administration fiscale, pour clarifier au maximum la notion de revenu extraordinaire, de façon à contrôler ces planifications ou à pouvoir les éviter au maximum. Je pourrais vous transmettre, si vous le souhaitez, les règles que nous avons édictées, mais il m'est difficile de vous assurer que personne n'a fait de planification fiscale. Je suppose que la perfection n'existe pas en ce bas monde, mais nous avons essayé de réduire ce phénomène.

Présidence et secrétariat général (Rub. 21.02.00)

30 Charges de personnel

M. David Hiler (Ve). J'aimerais profiter de ce premier poste «charges de personnel» lié à un département pour demander au Conseil d'Etat d'expliquer dans le détail à ce Grand Conseil les mesures qui ont été prises pour éviter d'éventuelles dérives constatées dans le premier projet de budget qui nous a été fourni concernant les auxiliaires. Contrairement à ce qui a été dit, ce n'est pas un problème lié à la loi B 5 05. Le problème réside dans la confusion entre le terme de régularisation, qui concerne des personnes au travail - nous sommes alors dans le cadre du droit du travail tel qu'il a été régi par la collectivité publique - et l'utilisation éventuellement astucieuse de cette clause pour décaler la décision de création de postes permanents de l'endroit où elle doit s'inscrire, c'est-à-dire le budget, à l'enveloppe du personnel auxiliaire, et de cela nous ne voulons pas.

Nous savons que dans certains services ou institutions, et notamment à l'hôpital, cela fonctionne relativement bien. Il y a des besoins forts en personnel auxiliaire pour des raisons que tout le monde comprendra. En revanche, ce que nous avons constaté, c'est que, dans le petit Etat, il y avait une augmentation manifestement abusive. L'augmentation correspond dans certains cas, il est vrai, à des besoins spécifiques liés par exemple à l'informatique. Souvent le personnel informatique est engagé temporairement, encore que... On pourrait en discuter puisque, les projets se succédant, un projet cédant sa place au suivant, il ne devrait pas y avoir d'augmentation. Mais bon, admettons !

Ce que nous souhaiterions savoir pour notre part, après les amendements du Conseil d'Etat sur ces rubriques dont nous avons pris bonne note et qui nous satisfont, c'est quelles sont les mesures réglementaires, ou quel est l'arrêté du Conseil d'Etat qui a été pris maintenant pour éviter le processus de titularisation systématique, où, de façon manifeste, on dit à la personne qu'on engage qu'elle va être titularisée alors qu'on l'engage en temporaire et comme auxiliaire, ce qui n'est clairement pas admissible dans l'esprit des lois genevoises. Je sais que vous avez pris un certain nombre d'arrêtés dont j'avoue n'avoir pas compris la substance exacte. Je pense que ce sont des choses importantes et nous pouvons peut-être prendre quelques minutes pour que vous nous les expliquiez, de sorte que la confiance soit pleinement rétablie avec le Conseil d'Etat sur ce point.

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. J'espère que la confiance n'a jamais été brisée... La préoccupation qui a été évoquée par toutes les formations politiques à la commission des finances était la suivante: l'Etat de Genève engage des auxiliaires, les garde pendant trois ans et, ensuite, il y a de façon subreptice un coulissement vers la régularisation, c'est-à-dire la transformation de postes d'auxiliaires en postes permanents. Il est vrai que cela existe, je ne peux pas le nier. La raison de ces régularisations est simple: certains services ont de la peine à fonctionner avec les dotations en personnel qui leur sont octroyées. Nous en avons parlé longuement en commission des finances et nous avons élaboré deux directives qui peut-être ne suffiront pas. Il faudra peut-être aller plus loin, mais je peux vous expliquer d'ores et déjà ce qui a été fait pour répondre au souhait de la commission des finances.

La première chose, c'est que les personnes engagées dans le cadre du fonds de mobilité ne peuvent pas voir leur statut régularisé. Vous savez en effet que nous avons maintenant un fonds de mobilité destiné à engager des auxiliaires pour une durée maximum d'une année, pour des raisons bien précises. Ces postes-là ne peuvent donc pas être régularisés. Cette disposition est très claire, il s'agit d'un extrait de procès-verbal adopté par le Conseil d'Etat lors de sa dernière séance.

La deuxième décision est d'appliquer strictement la loi B 5 05. Cette loi permet l'engagement d'auxiliaires, mais précise que ces contrats ne peuvent pas excéder trois ans. Il est clair que, pour certaines catégories d'auxiliaires, on pourrait souhaiter les engager au-delà des trois ans. Je pense par exemple aux grands projets informatiques: si le projet dure quatre ans, il y a quelque chose d'illogique à engager en poste permanent des personnes qui travailleront quatre ans à l'Etat de Genève et non pas trois. De la même façon, si un projet dure plus longtemps que prévu, il n'est pas normal d'être contraint de déborder sur les postes permanents. Ces postes restent fondamentalement des postes d'auxiliaires. Dans ces cas, la volonté du Conseil d'Etat est d'appliquer strictement la loi. Cela signifie que, sauf cas répertoriés, il n'y a pas de régularisation au-delà des trois ans.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je souhaiterais avoir un peu plus de détails sur ce statut d'auxiliaires. Je sais que le taux d'absence dans la fonction publique est de l'ordre de 5%. Ce taux d'absence comprend bien sûr, entre autres, les maladies, accidents, maternités, service militaire, etc. Si je tiens compte du nombre de postes à l'Etat, soit environ 24 000, le nombre de postes correspondants est donc de 5%, soit 1200 postes. Alors, lorsque je lis dans la rubrique des auxiliaires un montant équivalant à 700 postes, je ne peux que constater une différence de 500 postes avec le total des postes vacants. Cette constatation m'amène à dire que, si toutes ces absences étaient remplacées, on aurait besoin d'environ 500 postes d'auxiliaires supplémentaires. Je voudrais savoir par exemple ce qui explique cette différence. Y a-t-il une volonté de remplacer les absents? L'Etat fait-il des bénéfices lorsque des personnes accidentées ne sont pas remplacées, puisque les assurances-accident paient les pertes de gain? Il en va de même du service militaire et du congé maternité, puisque nous avons heureusement une assurance-maternité. J'aimerais donc avoir quelques précisions sur ces éléments-là. Je voudrais aussi avoir quelques précisions sur la répartition de ces auxiliaires, puisque, par exemple, je vois, au niveau de l'instruction publique, qu'il y aurait quelque chose comme 8 millions de francs consacrés à la masse salariale des auxiliaires. J'aimerais savoir ce que cela recouvre au niveau du département de l'instruction publique, par exemple, et également au niveau du DASS.

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Monsieur Mouhanna, je vous propose de formuler précisément vos questions et je vous répondrai ultérieurement.

M. Rémy Pagani (AdG). S'agissant des auxiliaires, j'ai fait une interpellation hier soir, mais je me réjouis que l'on y revienne maintenant. En fait, il y a quelque chose que je ne comprends pas. On prétend que le statut d'auxiliaire, donc précaire, serait plus adapté à la situation qu'un travail temporaire. On part de l'idée qu'en promettant trois ans de ce statut précaire à une personne, elle pourra effectuer son travail convenablement et offrir la pleine mesure de ses capacités. Je crois que c'est faire une erreur que d'imaginer cela. D'ailleurs, certains services - et là aussi je ne comprends pas du tout la politique qui est menée concernant les auxiliaires - se passent très bien d'auxiliaires puisque le statut de la fonction publique offre en fait deux possibilités: être employé pendant trois ans et être titularisé ensuite en fonction de la pérennité du travail.

Je ne vois pas pourquoi certains services se débrouillent sans recourir aux auxiliaires et d'autres, sous prétexte de limiter je ne sais quels frais financiers à long terme, utilisent largement ce statut. On arrive d'ailleurs à des situations complètement aberrantes où, dans certains services, des employés travaillent deux, trois ou quatre ans, voire plus, en ayant un statut stable, qui permet à l'employeur, selon le code des obligations, de mettre fin à ces contrats avec un délai de deux, voire trois mois, tandis que d'autres employés, qui font peut-être le même travail, sont soumis à un statut complètement précaire et pourraient être licenciés du jour au lendemain. Je ne comprends pas ce que l'on recherche avec ce statut, ce d'autant que ces gens ne peuvent pas donner la pleine mesure de leurs capacités, puisque chaque jour ils se demandent quelles conditions de travail ils auront dans les mois à venir. Je voudrais que l'on nous explique une fois pour toutes quel avantage, moral ou financier, a ce statut d'auxiliaire. S'agit-il de rendre précaires psychologiquement les travailleurs et de les utiliser sans leur donner l'espoir d'un avenir, ou s'agit-il de stabiliser une série de personnes pour qu'elles fournissent un travail de manière correcte sans être angoissées par l'incertitude du lendemain?

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, vous avez constaté que le Conseil d'Etat travaille en pool: en l'occurrence, je vais répondre à la question de M. Pagani en donnant un exemple bien connu, celui de l'informatique. Monsieur Pagani, vous décrivez le statut d'auxiliaire comme étant misérable et affreusement triste, mais j'aimerais vous dire que les exemples évoqués par Mme Calmy-Rey comme étant des exemples d'auxiliaires dont il serait souhaitable de ne pas régulariser le statut après les trois ans et pour lesquels des projets pourraient durer plus de trois ans, sont précisément des postes d'informaticiens.

En l'occurrence, Monsieur le député, ce sont rarement des statuts désagréables pour ceux qui les occupent pour la raison suivante: ils sont détenteurs de compétences et de connaissances qu'ils mettent au service de l'Etat, sans pour autant souhaiter rester une fois le projet terminé. Ce sont des gens qui apportent leurs compétences à d'autres projets dans des grandes entreprises ou dans d'autres cantons. Pour ce qui les concerne, il n'est pas raisonnable de souhaiter qu'ils soient systématiquement mis au bénéfice du statut de fonctionnaire. Je dirais même autre chose: ces compétences très pointues risquent de disparaître et de se scléroser une fois que la régularisation intervient. C'est une des raisons pour lesquelles Mme Calmy-Rey a souligné qu'il s'agissait d'avoir des listes limitées, précises et connues du Conseil d'Etat pour éviter les dérapages que vous craignez. Cependant, il est tout aussi absurde de limiter à trois ans des gens qui, par leur métier, ont l'habitude de s'engager par projet et non pas dans la durée.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais lever la séance, mais auparavant j'aimerais rappeler que les chefs de groupe sont convoqués à 13h45, ainsi que le Bureau. Si l'un ou l'autre député ne peut être présent, il peut être remplacé par un de ses collègues; je souhaite que tous les groupes soient représentés.

Par ailleurs, nous reprendrons un quart d'heure plus tard que d'habitude, soit à 14h15.

Enfin, c'était l'information la plus importante que j'avais à vous donner: nous avons appris ce matin que Michèle Künzler fête aujourd'hui ses 40 ans. (Applaudissements. Le président remet des fleurs à Mme Michèle Künzler.)

La séance est levée à 11h30.