République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 30 novembre 2001 à 21h
55e législature - 1re année - 2e session - 7e séance
PL 8545
Préconsultation
M. Jean-Michel Gros (L). Il n'est évidemment pas question pour le groupe libéral de contester le renvoi en commission de ce projet. Nous avons sans nul doute besoin d'une loi d'application de la loi fédérale sur les casinos.
Ce que nous souhaiterions, c'est que la commission tienne compte des événements qui se sont produits depuis le dépôt de ce projet.
Le casino de Genève devra fermer... Comme aiment à le proclamer beaucoup de nos adolescents: c'est la honte ! Oui, Mesdames et Messieurs, chers collègues, c'est la honte, parce que Genève n'a pas été à la hauteur de l'enjeu. Et maintenant que nous avons sinon la chance au moins l'avantage de compter parmi nous deux représentants de l'exécutif de la Ville de Genève, il est temps de témoigner de notre déception, et le terme est faible.
Le dossier du casino de Genève est jugé par la commission fédérale comme étant de «faible qualité» et «indigne d'une telle capitale»... Je ne fais que citer la presse, n'ayant pas connaissance de la lettre officielle du Conseil fédéral, mais quand on connaît le langage châtié des commissions fédérales, une telle qualification nous fait souci.
Quoi qu'il en soit, la décision prise aura certainement un effet désastreux pour la Genève touristique. Le choix de Meyrin, même si comme ancien magistrat communal je ne peux que souhaiter bon vent à cette nouvelle implantation riche de promesses fiscales...
M. Claude Blanc. Merci !
M. Jean-Michel Gros. ...apparaît un peu ridicule, lorsqu'il s'agit de transformer une discothèque appréciée en une maison de jeu.
Cet échec total incombe en premier lieu à la Ville de Genève, et il était utile de l'affirmer. Sa volonté absolue de ne vouloir qu'un casino municipal avec des recettes uniquement municipales a conduit à la mise au chômage de soixante-cinq employés. J'espère qu'une solution à leur sujet sera trouvée.
Mais, Mesdames et Messieurs, nous sommes au Grand Conseil et nous sommes en droit de dire ici que le Conseil d'Etat, lui non plus, n'a pas été à la hauteur...
Dans ses prises de position, il n'a fait que soutenir des solutions étatiques, alors que l'on s'est bien rendu compte, mais un peu tard - mais un peu tard... - que la commission fédérale a systématiquement donné la préférence à des projets conduits par des professionnels des maisons de jeu. Le Conseil d'Etat a même jugé utile, en 1997, de participer à la création de la Romande des jeux, sorte de nébuleuse para-étatique davantage destinée à accueillir en son conseil des politiciens à la retraite qu'à remplir son rôle...
Le résultat est là, lui aussi: il est désolant ! Pas un seul casino de la Romande des jeux n'a été accepté par la commission fédérale !
Au vu de ce triste bilan, la commission devra se poser la question du maintien du canton de Genève dans cette organisation. Par exemple, on parle, à l'article 6, de coordination intercantonale en matière de politique des jeux, voire même de péréquation des bénéfices... On devra bien se demander si la Romande des jeux est bien l'organe le plus efficace pour remplir cette mission !
C'est en tout cas dans cet esprit très critique que les libéraux étudieront ce projet en commission. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous demande un tout petit peu de calme, de manière à ce que l'on puisse entendre les orateurs !
Vous avez la parole, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Contrairement à vous, Monsieur Gros, je ne suis pas un admirateur des casinos et des bandits-manchots...
Cela étant dit, il est vrai qu'il y avait - il y a encore pour quelque temps... - un casino à Genève, pour lequel la Ville de Genève s'est beaucoup engagée. En effet, vous semblez oublier, Monsieur Gros, dans votre hâte à critiquer la Ville de Genève, que ce casino était exploité sous les auspices d'un hôtelier privé qui était en état de faillite et que la Ville de Genève a précisément réussi à sortir ce casino de l'ornière, dans des conditions ô combien difficiles, et à le faire fonctionner.
Mais que s'est-il passé? Vous avez bien fait, dans la seconde partie de votre intervention, de relever que les différents projets qui ont été préparés en Suisse romande par les pouvoirs publics répondaient à un objectif très précis, à savoir que le produit des jeux serve à des causes d'utilité publique, contrairement à ce qui se fait dans un pays qui nous est voisin, et qu'il y ait un contrôle strict sur l'utilisation de l'argent. Eh bien, le Conseil fédéral a infligé à la Suisse romande un camouflet ignoble. Parce que la Suisse alémanique n'a pas voulu entendre la voix des cantons suisses romands qui était parfaitement claire: ils voulaient effectivement un type de casinos totalement différents des casinos des affairistes suisses alémaniques qui estiment que l'argent du jeu doit profiter aux milieux privés, avec tous les problèmes que cela peut poser en matière de blanchiment d'argent et d'autres questions de ce genre.
Par voie de conséquence, ce n'est pas du tout, comme vous essayez de le prétendre, un échec pour la Ville de Genève... C'est un échec pour l'ensemble de la Suisse romande !
Il est vrai qu'on peut regretter que Genève n'ait pas été unie dans cette affaire face à Berne, en ce sens que le Conseil d'Etat n'a pas appuyé le projet du seul casino qui existait à Genève - le casino de la Ville de Genève - quand bien même la Ville de Genève a fait un effort important pour qu'une partie du produit du bénéfice des jeux du casino de Genève soit rétrocédée au canton pour des activités culturelles, sociales et caritatives.
Vous avez raison sur un autre point encore, Monsieur Gros... C'est vrai, qui eût pensé que la commission fédérale retiendrait des critères différents, alors que l'une des plus grandes préoccupations du Conseil fédéral au début des années 90, lorsqu'il s'était agi de mettre sur pied un concept pour les casinos, portait sur le contrôle des casinos, en raison justement des activités mafieuses qui sont souvent liées aux casinos dans d'autres pays? On pouvait donc justement penser légitimement que la Berne fédérale souhaitait avoir des casinos strictement contrôlés par les pouvoirs publics.
Or, j'ai le sentiment que les choses ont changé avec le changement de conseiller fédéral chargé du dossier des casinos. M. Koller, je crois, avait une vision rigoureuse de la chose, et son successeur, Mme Metzler, empreinte des principes du libéralisme, a effectivement souhaité donner cette affaire au secteur privé, avec le paradoxe que ce sont finalement des sociétés françaises qui vont venir exploiter les casinos en Suisse...
Eh bien, vous me permettrez de dire que pour moi la politique qui a été voulue par le Conseil fédéral ou, du moins, par la commission fédérale et les gens qui ont été placés...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. ...est une politique qui fait fausse route, et je pense que nous devons plutôt critiquer la politique du Conseil fédéral dans ce domaine. Le dossier de la Ville de Genève était parfaitement correct ! (Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Hediger, s'il vous plaît ! Votre première intervention, faites-la au micro, s'il vous plaît ! (Rires.)
Madame Fehlmann, vous avez la parole.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Avant de parler du Casino de Genève, j'aimerais quand même souligner le fait que la loi fédérale sur les maisons de jeu exige maintenant que les cantons qui accordent une concession de type A ou B mettent en place une palette de mesures destinées à prévenir les problèmes de dépendance du jeu excessif et à soutenir les personnes dépendantes.
Je relèverai au passage que des enquêtes épidémiologiques estiment qu'environ 3% de la population vivant en Suisse serait dépendante du jeu. Ces mesures d'accompagnement, qui sont la contrepartie de la libéralisation autorisée par la loi, peuvent prendre différentes formes, notamment des campagnes de sensibilisation de la population en général, des programmes thérapeutiques ainsi que des programmes de formation du personnel qui travaille dans les casinos.
A cet égard, Genève s'est dotée d'une association qui remplit en partie les missions décrites et qui existe depuis environ deux ans, qui s'appelle «Rien ne va plus»... Ironie du sort, son existence est effectivement menacée depuis l'annonce de la fermeture du Casino de Genève, puisque son fonctionnement est lié, précisément, aux revenus du casino.
Je relèverai encore que le Conseil municipal de la Ville de Genève a instauré une commission d'enquête pour analyser ce qui s'est passé dans le cadre du dossier du casino et pour éclaircir les faits qui ont conduit à la fermeture du casino que nous déplorons tous. Mais, même si le dossier de Genève comportait quelques faiblesses, on peut imaginer que la Confédération préférait une gestion privée du casino. Et, à cet égard, je ne suis pas sûre que la leçon de morale de M. Gros vienne tout à fait à propos.
Pour en venir au problème de la fermeture du casino, je pense qu'il faut, dans le cadre de ce projet de loi, attirer l'attention sur l'article 2, alinéa 2, du projet qui mentionne notamment que le Conseil d'Etat peut subordonner l'octroi d'une concession à au moins deux conditions, à savoir l'affectation de l'essentiel du bénéfice des jeux à des projets d'intérêt général et la participation financière à un programme cantonal ou intercantonal de prévention et de traitement du jeu pathologique.
Je crois qu'il faut vraiment attribuer une grande importance à cet aspect et, à mon sens, il faudrait que ces conditions soient obligatoires.
Je pense donc que les commissaires socialistes auront à coeur d'examiner ce projet de loi avec toute l'attention qu'il mérite.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Il est exact de dire que la décision fédérale au sujet des casinos nous a paru, par plusieurs aspects, particulièrement renversante...
C'est un point de vue qui est en tout cas partagé par les cantons romands qui ne comprennent pas le vrai fondement des décisions prises.
J'aimerais vous rappeler, Monsieur le député Gros, qui pourfendez la Romande des jeux, ce qui a motivé les cantons romands à imaginer la Romande des jeux - qui n'est pas du tout une «nébuleuse» comme vous l'avez dit ! C'est le fonctionnement exemplaire de la Loterie romande, qui a été conçue par un organisme romand, qui la dirige. Elle a fait ses preuves et elle est considérée comme la meilleure loterie du pays. Elle rend des services inestimables à tous les cantons, en particulier à tous ceux qui en ont besoin sur le plan des subsides, et c'est donc cette idée qui a été calquée pour servir à la Romande des jeux.
Je vous précise, Monsieur Gros, que M. Olivier Vodoz était un fervent supporter de cette notion de la Romande des jeux, parce que, précisément, elle visait des objectifs d'utilité publique et qu'il y avait une coordination romande.
Cela étant, je n'ai pas de critique à formuler sur le projet de la Ville de Genève. Je dois simplement dire que, lorsque la commission fédérale est venue à la salle des Fiefs, elle a été accueillie par trois conseillers d'Etat: M. Cramer, Mme Calmy-Rey et moi qui présidais la délégation. Et, lors de ce contact, nous avons été surpris - désagréablement surpris - par les critiques extrêmement vives que cette commission émettait par rapport au projet de la Ville de Genève. Et nous avons informé la Ville de Genève de ces prémisses qui n'étaient pas particulièrement enthousiasmantes.
Je reviens maintenant au projet de loi dont nous avons débattu pour dire que règne une «incertitude certaine» sur la pérennité de la Romande des jeux, qui a tenu une séance hier matin et qui se reverra avant la fin de l'année.
Mais le projet de loi doit être renvoyé en commission. C'est une décision qui s'impose. Car il s'agit de savoir en particulier comment percevoir l'impôt cantonal sur les casinos B, car je rappelle qu'à Genève cet impôt correspond à ce qui reste du droit des pauvres.
Et puis, enfin, dans la mesure où le canton de Genève aura un casino B à Meyrin, il est important de modifier l'article 445 de la loi générale sur les contributions publiques, comme le prévoit ce projet de loi, afin de préciser clairement que le taux applicable correspond au maximum admis par la loi fédérale, soit 40% de l'impôt fédéral perçu. Déjà à ce titre, il est nécessaire de renvoyer ce projet de loi en commission, mais - je le confirme - sans acrimonie.
La décision fédérale, telle qu'elle a été prise et, surtout, telle qu'elle n'a pas été motivée - car la motivation de la décision fédérale est pour l'instant curieusement lacunaire - est une décision qui nous paraît surprenante. Je n'ai pas d'autre commentaire à faire à propos de cette décision, et surtout pas sur le projet de la Ville de Genève qui méritait autre chose qu'un intérêt à peine poli.
Le président. Merci ! Je profite d'avoir la parole pour demander à notre collègue Jeannerat de regagner sa place. Le règlement ne permet pas aux députés d'être à la tribune. Ce n'est pas grave, mais vous pouvez demander à votre ancien collègue de venir boire un verre avec vous à la buvette.
Ce projet est renvoyé à la commission législative.