République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 novembre 2001 à 20h30
55e législature - 1re année - 2e session - 5e séance
PL 8414-A
Premier débat
M. Pierre Vanek (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, vous avez pu constater que ce projet de loi, qui sera bientôt une loi, a été voté en commission à l'unanimité avec quelques abstentions du côté de l'Alliance de gauche. En effet, cette loi est relativement importante. On a pensé qu'elle pourrait passer ici très rapidement et sans problème, et ce sera sans doute le cas. J'aimerais cependant attirer l'attention de cette assemblée sur quelques points.
Tout d'abord, nous avons, à travers la mise à disposition d'emplacements d'affichage gratuit pour les partis et les groupements, une disposition légale particulièrement importante qui vise à égaliser les chances des uns et des autres indépendamment de l'argent dont ils disposent. Cela permet à chacun de faire campagne, de faire entendre sa voix et ses arguments face aux citoyens. Il s'avère en effet que ce ne sont pas forcément les mots d'ordre des partis présents dans cette enceinte qui sont suivis, mais souvent ceux des associations ou de comités ad hoc. Il est parfaitement légitime dans le cadre de notre démocratie semi-directe que des comités ad hoc, constitués après le vote par le parlement d'une disposition législative sujette à référendum, puissent décider de se lancer dans la bataille sans disposer de moyens importants. Cela est rendu possible par la mise à disposition gratuite d'emplacements d'affichage. Cette possibilité n'est pas banale, elle n'existe pas dans tous les cantons; je tenais à le souligner.
Nous nous apprêtons à modifier une disposition qui fonctionnait relativement bien. La raison invoquée par les auteurs du projet de loi était sans doute honorable: ils ont constaté que, lors d'une votation récente, une série de groupements très «ad hoc» a déposé tant de prises de positions qu'il y avait dix-neuf fois la même affiche sur les murs de notre ville. On aurait pu considérer que la réponse avait été donnée par les citoyens, puisque l'objet promu par ces groupements a été rejeté. Mais il faut considérer qu'il y avait un inconvénient pour les autres partis, groupements et associations, puisque leurs affiches étaient «squeezées» et avaient un degré de visibilité moindre que le groupement ou la série de groupements en question. En l'occurrence, ce qui a été prévu par la commission, c'est d'accorder un espace réservé aux partis représentés dans ce Grand Conseil, aux comités d'initiative et aux comités référendaires. J'attire votre attention sur le fait que cela limite la possibilité d'expression pour des groupements ad hoc dont certains ont peut-être abusé. Mais, cela ne règle pas le fait que, dans l'enveloppe restant pour ces groupements, il puisse y avoir à nouveau le type d'abus que vous avez constaté. Cette modification ne répond donc que partiellement à la préoccupation qui était celle de ses auteurs.
Ces observations étant faites, on ne peut pas être sûr des effets de ce projet de loi - on ne peut pas simuler tous les cas de figure - mais si nous sommes prêts à accepter ce projet de loi, nous demandons que son application soit observée entre autres par le Conseil d'Etat. Il nous faudra veiller à ce que cette modification n'entraîne pas de restrictions trop importantes de la liberté dont nous disposons. Le cas échéant, nous nous réservons le droit de vous proposer une solution qui soit plus équitable.
Je souhaiterais intervenir sur un deuxième point, mais je le ferai peut-être après que nous aurons eu le débat général, car j'ai une petite proposition d'amendement, modeste, à vous soumettre.
M. Alain Charbonnier (S). Je voulais préciser un point. M. Vanek a parlé de la préférence donnée aux partis politiques par ce projet de loi. Cette priorité est aussi accordée aux comités d'initiative et référendaires. Cela laisse tout de même une place à des avis ne provenant pas des partis politiques.
Le président. Bien, la parole n'est plus demandée... Monsieur Vanek ?
M. Pierre Vanek (AdG). Après ce qui a été dit, j'aimerais proposer un amendement...
Le président. Si vous avez un amendement, Monsieur Vanek, je souhaiterais que vous nous le transmettiez. Et seriez-vous d'accord de le présenter en deuxième débat ?
M. Pierre Vanek. J'y reviendrai volontiers en deuxième débat, mais j'en présente brièvement l'objet si vous le voulez bien... (L'orateur est interpellé.)Monsieur Dupraz, vous aurez le texte après ! C'est comme cela que procèdent les pédagogues: si on distribue le texte avant de prendre la parole, les auditeurs n'écoutent plus l'orateur... (Brouhaha.)L'article 30 prévoit une mise à disposition gratuite - et j'ai insisté sur l'importance de cette gratuité - des emplacements d'affichage, dont la répartition est réglée comme je l'ai expliqué tout à l'heure, avec la précision d'Alain Charbonnier, que j'avais indiquée moi-même mais qui est utile.
Cependant, nous constatons que si certains partis et associations utilisent uniquement ces emplacements mis à disposition, d'autres ont un très large recours - et donc les moyens nécessaires - à un affichage à caractère commercial sur les emplacements de la SGA. On en a vu durant la campagne pour le Conseil d'Etat où s'étalaient les portraits de candidats dans des formats qui dépassent de loin celui qui est mis à disposition par la loi: des affiches au triple format R4 et d'autres dont j'ignore même le nom tellement elles étaient grandes. On peut se poser la question, Mesdames et Messieurs les députés, de savoir s'il est bien nécessaire de mettre à disposition de partis ou d'associations qui ont les moyens d'une débauche d'affichage commercial - tant mieux pour la SGA - des emplacements gratuits. A mon avis, la réponse est non. Il n'y a pas de raison que les pouvoirs publics mettent des emplacements d'affichage gratuitement à disposition de gens qui ont les moyens financiers de s'afficher publiquement, ce qui ne reflète d'ailleurs pas forcément l'appui qu'ils ont dans l'opinion. En offrant des espaces à ces partis, on subventionne - pour reprendre une vieille scie libérale - des gens qui n'en ont pas besoin.
Je propose donc l'amendement suivant à l'article 30 alinéa 1:
«Les pouvoirs publics mettent gratuitement à disposition des partis politiques, autres associations ou groupements ayant déposé une prise de position et ayant pris l'engagement de renoncer à l'affichage commercial payant dans le cadre de la votation concernée, au moins 3000 emplacements d'affichage...»
Il s'agit ainsi de ne subventionner que ceux qui en ont besoin et d'arrêter cette politique de l'arrosoir lorsqu'il s'agit d'arroser des gens qui n'ont pas besoin de cet argent public. (Applaudissements.)En outre, cet amendement répond à l'intention des auteurs du projet de loi, parce que cela dégage de la place pour les autres qui seront moins «squeezés». Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir ce très modeste amendement que je dépose à l'instant sur le bureau du Grand Conseil.
M. Florian Barro (L). S'il s'agit de renoncer à utiliser certains supports, je crois que M. Vanek a oublié un mode d'affichage: pour ma part, je recommanderai à certains groupements et à certains partis de prendre l'engagement de renoncer à utiliser le verso de la signalisation routière. A de nombreuses reprises, en effet, nous avons vu certains partis représentés dans ce Grand Conseil utiliser ces supports-là également pour leur affichage. Si cet affichage a le mérite d'être gratuit, le nettoyage, lui, ne l'est pas. Et je suis persuadé que ce ne sont pas ces partis qui ont eu à le supporter... Voilà, Monsieur Vanek: quand vous prétendez introduire de l'équité, vous devriez commencer par l'introduire chez vous.
M. Christian Brunier (S). Je pense que l'on peut comprendre la théorie de M. Vanek. Néanmoins, je crois qu'il n'est pas juste d'utiliser cette loi pour imposer une limitation des frais de campagne. Nous sommes favorables à cette limitation, nous l'avons dit et nous défendrons tous les projets qui iront dans ce sens. Il y a en effet une débauche d'argent dans certains partis politiques durant les campagnes et je suis convaincu qu'il faut limiter les frais. Pourtant, on ne peut pas utiliser n'importe quelle loi pour imposer des pseudo-limitations des frais de campagne. L'amendement de M. Vanek met en danger toute la loi qui a été modifiée par la commission, nous ne soutiendrons donc pas cette proposition.
M. Antonio Hodgers (Ve). Je crois effectivement que l'amendement de notre collègue Vanek mélange deux débats. Si nous sommes d'accord, du moins pour cette partie de la salle, pour dire qu'il faut le plus d'équité possible entre les partis politiques, je pense qu'une limitation telle que la propose M. Vanek créerait un déséquilibre entre le monde politique et le monde commercial qui, lui, a beaucoup plus de moyens que nous tous réunis. Pour cette raison, il convient d'en rester au texte voté par la commission et de revenir éventuellement, dans le cadre d'un projet de loi sur la limitation des frais de campagne, sur le problème que vous soulevez, Monsieur Vanek, et qui est réel.
M. Pierre Vanek (AdG). Je souhaite intervenir brièvement pour répondre à mes excellents amis du parti socialiste et des Verts. Je ne réponds pas à ce qui m'a été opposé en face, parce qu'on ouvre un autre débat encore plus éloigné du projet de loi qui nous occupe, mais dont il pourrait tout à fait être question une fois ou l'autre dans cette enceinte, Monsieur Barro.
J'aimerais vous dire, Messieurs Brunier et Hodgers, que mon amendement participe d'un souci démocratique que j'ai exposé tout à fait franchement. (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)Eh oui, Monsieur Dupraz, j'ai le souci que la démocratie puisse s'exercer dans ce canton.
Une voix. La démocratie populaire, oui !
M. Pierre Vanek. Oui, la démocratie populaire dans le sens où le peuple a les moyens d'entendre tous les arguments et de s'exprimer le mieux et le plus possible. C'est quelque chose que le parti radical a un peu oublié et qu'il a payé ces derniers temps...
Mais je souhaiterais revenir à l'objet de mon intervention. Mes excellents collègues vert et socialiste me disent que je mélange deux débats: l'un sur le financement des campagnes politiques et l'autre sur les emplacements d'affichage. Ce projet de loi ne serait pas le lieu pour évoquer ces deux problèmes simultanément. Au contraire ! Ce projet de loi est très exactement le lieu d'évoquer cette affaire-là, puisqu'il s'agit de savoir à qui et comment on attribue les emplacements d'affichage gratuit. Si on estime que certains, pour tel ou tel motif, n'ont pas à avoir droit à ces emplacements, c'est dans cette loi qu'il faut l'inscrire. Je crois donc avoir visé juste.
Ensuite, on prétend que je veux ouvrir à nouveau le débat sur le plafonnement des dépenses de campagne. Ce n'est absolument pas le cas: je n'ai certainement pas dit qu'il était illégitime, voire illégal de placarder, sur ces grands formats et dans ces belles couleurs, les portraits de ces splendides candidats au Conseil d'Etat ! Les partis peuvent bien dépenser ce montant, le double de ce montant s'ils le souhaitent: je ne propose en aucun cas, avec cet amendement, un plafonnement des dépenses. Pourtant, ma proposition permettrait de vivre un peu mieux avec la situation actuelle. En outre, un argument qui avait été opposé au plafonnement des dépenses consistait à dire qu'il s'agissait surtout d'assurer le minimum pour tous, plutôt que de fixer une limite vers le haut. Eh bien, c'est justement ce que je propose: donner à ceux qui en ont vraiment besoin des moyens supplémentaires. Donc, Monsieur Brunier, je me suis peut-être exprimé peu clairement, mais votre réponse, toute intelligente qu'elle soit, était à côté de l'objet que je soumets à vos suffrages.
M. David Hiler (Ve). Sans prolonger, la proposition de M. Vanek apparaît comme tout à fait négative pour de petits groupes comme le nôtre. En ce qui nous concerne, nous pouvons utiliser l'affichage mis à disposition gratuitement et éventuellement mettre ici ou là une affiche sur un tram. Avec la proposition de l'Alliance de gauche - qui part d'un bon sentiment - le résultat sera que ceux qui ont de l'argent utiliseront les emplacements extrêmement bien situés de la SGA et se passeront sans aucun problème des panneaux publics. Mais pour notre part, ne pouvant pas nous payer exclusivement des panneaux payants, nous devrons y renoncer totalement. Pour cette raison exacte, nous ne pouvons aller dans le sens de l'Alliance de gauche.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 30, alinéa 1. Cet amendement est formulé ainsi:
«Les pouvoirs publics mettent gratuitement à la disposition des partis politiques, autres associations ou groupements ayant déposé une prise de position et ayant pris l'engagement de renoncer à l'affichage commercial payant dans le cadre de la votation concernée, au moins 3000 emplacements...»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 30 est adopté, de même que les articles 1 et 2( soulignés).
Troisième débat
La loi 8414 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble.