République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 octobre 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 12e session - 48e séance
M 1375-A et objet(s) lié(s)
La Commission des affaires communales, régionales et internationales, sous la présidence de Mme Erica Deuber Ziegler, s'est réunie à partir du 13 février 2001 à 10 reprises, pour examiner la motion 1375 déposée par Mmes et M. Christian Brunier, Françoise Schenk-Gottret et Laurence Fehlmann Rielle. Le procès-verbal a été tenu par M. Christophe Vuilleumier.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 3
Actionnariat, présidence et chiffre d'affaires 4
Caractéristique du tunnel avant l'incendie 6
Chronologie de la catastrophe 6
Conséquences 7
Travaux pour la mise en normes du tunnel 8
Exploitation future du tunnel 9
Etude d'impact 10
Facteurs aggravants du sinistre 10
Accusation et mise en examen 10
Prises de position 11
Impact sur l'environnement 12
TRAVAUX DE LA COMMISSION 13
Auditions 13
Discussion et vote 27
Vote d'entrée en matière 28
Dernière lecture et vote final 34
Texte final soumis au vote 40
ANNEXES 43
Le 24 mars 1999, l'opinion publique découvrait le drame qui venait de se dérouler dans le tunnel du Mont-Blanc, 39 morts étaient dénombrés. On découvrait que la sécurité de cet ouvrage faisait défaut et que les infrastructures n'étaient pas adaptées à une intervention des services de sécurité et des pompiers. A ces 39 morts, il faut ajouter les 25 morts et 250 blessés résultant des accidents de poids lourds dans les 17 km de pente d'accès au tunnel du côté français depuis son ouverture.
Cette comptabilité devrait inciter les responsables des 2 sociétés concessionnaires française (ATMB) et italienne (SITMB), où toutes les autorités sont représentées (italiennes, françaises et genevoises) à plus de prudence. Enfin, il faut souligner qu'à l'origine ce tunnel a été conçu pour le trafic touristique et pas pour le passage de camions.
Immédiatement, sous la pression des médias et de la population, les autorités françaises et italiennes annonçaient qu'elles allaient prendre des mesures adéquates pour rénover l'ouvrage et l'adapter aux normes de sécurité.
A l'heure actuelle, le chantier de remise en état est en voie d'achèvement et un bras de fer, avec un débat nourri, s'est engagé entre les autorités enclines à donner l'autorisation de son exploitation et de son ouverture au passage des quarante tonnes et les habitants de la vallée de Chamonix, côté français, et ceux de la vallée d'Aoste et de Courmayeur, côté italien.
Alors que nous pensions que les travaux allaient être conformes à la circulaire interministérielle française de 1981 qui régit la sécurité des tunnels et qui contient des normes sécuritaires reconnues, nous savons maintenant que cette rénovation sera bien en-deçà de ces directives. A titre d'exemple, le percement d'une galerie parallèle de sécurité, évoqué au lendemain de la catastrophe, est abandonné sur l'autel de la rentabilité. Plus grave encore, puisque ces travaux ne correspondent pas aux normes définies, les autorités ont décidé désormais de revoir ces dispositions à la baisse. On est bien loin des promesses des responsables qui annonçaient que cette rénovation allait être à la pointe de la sécurité.
Les raisons qui sont invoquées par les auteurs de la motion obéissent à des considérations telles que :
le silence des autorités cantonales sur cette affaire ;
le devoir pour la République et canton de Genève de tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité de cet ouvrage, notamment parce que de nombreux Genevois en sont les usagers ;
le souci lié aux aspects environnementaux afin de préserver les vallées de Chamonix et d'Aoste, patrimoine naturel exceptionnel.
Par ailleurs, la santé de notre planète concerne l'ensemble de l'humanité, et de ce fait nous devons faire usage de notre droit d'ingérence en invoquant le principe de précaution environnementale afin de limiter la pollution et préserver l'environnement dans la région. Cet objectif ne sera atteint qu'à partir d'une limitation du trafic des poids lourds et de la promotion du rail comme moyen de transport et, plus concrètement, du transfert du transport des marchandises de la route vers le rail par le moyen du ferroutage.
C'est aussi un des aspects, et non des moindres, que les motionnaires ont voulu soulever au travers du dépôt de cette motion, afin d'inviter les autorités cantonales à agir dans ce sens au moyen d'une prise de position.
Deux sociétés concessionnaires, l'une italienne et l'autre française, se partagent la concession d'exploitation du tunnel du Mont-Blanc. La gestion est unique et solidaire.
Le contrôle de l'exploitation, l'entretien et le maintien de l'ouvrage ainsi que la sécurité sont confiés à une commission intergouvernementale italo-française de contrôle dont la présidence est assurée par les ministres des affaires étrangères des deux pays.
Le canton de Genève et la Ville, en tant qu'actionnaires minoritaires, sont présents au sein des conseils d'administration des deux sociétés concessionnaires.
En ce qui concerne les résultats financiers, si l'on prend l'année 1998 comme référence (comptes clôturés au 31.12.1998), les chiffres sont les suivants pour les deux têtes italienne et française :
Chiffre d'affaires : env. 680 mios de F
Résultat net après impôt sur les sociétés : environ 140 mios de F
1) Actionnariat genevois:
au sein de l'ATMB (Société Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc)
Capital social 139'490'000 FF (1.394.900 actions ordinaires de 100 FF chacune)
Ville de Genève 54.000 actions (100FF) 3,87 % du total
Canton de Genève 21.484 actions 1,54 % du total
Total participation Ville et canton 5,41 %
soit pour le canton 537'000 FS (1'350'000 FS pour la Ville)
au sein de la SITMB (Società Italiana per Azioni per il Traforo del
Monte Bianco)
Capital social 211'200'000'000 lires - 211 mios FS (211.200.000 actions
de 100'000 lires chacune)
Ville de Genève 66.000 actions (100'000 lires) 3,25 % du total
Canton de Genève 66.000 actions 3,25 % du total
Total participation Ville et Canton 6,50 %
soit 6'600'000'000 lires par entité (6,6 mios FS)
2) Représentations genevoises dans les Conseils d'administration
ATMB
Ville de Genève M. Alain VAISSADE
Canton de Genève M. Claude HAEGI
SITMB
Ville de Genève M. Pierre MULLER
Canton de Genève M. Laurent MOUTINOT
En ce qui concerne la société italienne, les administrateurs sont nommés pour une période de trois ans (en italien « triennio »)
Caractéristiques du tunnel avant l'incendie
(voir fig. en annexe)
Trafic : 5600 véhicules par jour, 765 000 poids lourds par année.
Pointe de trafic commercial : 835 000 poids lourds dans l'année en 1993.
Objectifs en cas de réouverture aux poids lourds : 500 à 600 000 poids
lourds par année.
Longueur 11 km 600
Largeur 8,6 m
Un seul tube bi-directionnel
Opacimètres tous les 15 000 mètres
36 garages de secours disposés tous les 300 mètres
34 niches permettant de faire demi-tour
Niches de téléphones tous les 100 mètres
Défauts : sa caractéristique d'être monotube et bidirectionnel augmente le risque des chocs frontaux et, en cas d'incendie, empêche de repousser les fumées dans un sens dépourvu d'usagers.
24 mars 1999, à 10h 46, un camion belge (semi-remorque frigorifique Volvo Turbo FH12) conduit par Gilbert Degrave transportant de la farine et de la margarine, pénètre dans l'ouvrage. Quatre kilomètres plus loin, son camion commence à émettre des volutes de fumée blanche. Peu après, le poids lourd cale et prend feu brutalement après avoir parcouru 6 kilomètres depuis l'entrée du tunnel.
Entre 10h 51 et 10h 52, des augmentations d'opacité sont enregistrées aux garages 14 et 18 (4,5 km et 5,6 km de l'entrée).
A 10h 52 les pompiers de Chamonix quittent leur caserne et arrivent sur place à 11h 09. Soit 19 minutes pour rejoindre l'entrée du tunnel. Les pompiers italiens de Courmayeur mettront 20 minutes.
Entre 10h 53 et 10h 55, le camion cale et s'enflamme au-delà de la moitié du tunnel, garage 21 sur sa gauche (km 6,845, zone exploitée par l'Italie).
Entre 10h 46 et 10h 55, soit durant 9 minutes, 26 véhicules ont pénétré dans le tunnel, soit 1 moto, 10 voitures légères dont une camionnette et dix-huit poids lourds.
4 poids lourds ont doublé le camion en feu, et 26 véhicules sont restés prisonniers de l'incendie.
Fermeture du tunnel à 10h 55. Malgré la signalisation des feux les conducteurs ne les aperçoivent pas ! A ce moment, la température dans le tube du tunnel atteint les 1000º C.
11h 09 arrivée des pompiers de Chamonix
11h 12 arrivée des pompiers de Courmayeur
Un camion, avec son carburant, en fonction des produits transportés, représente une puissance calorifique de 30 à 300 mégawatts. Avec la vingtaine de camions dans le tunnel, on avait la puissance équivalente à une tranche de centrale nucléaire ! Selon le rapport remis au juge d'instruction par le lieutenant-colonel Jean-François Schmauch, membre de la commission technique de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, « la somme des puissances calorifiques mises en jeu peut être de l'ordre de 2500 MW, ce qui correspond à la puissance thermique totale d'une tranche nucléaire de 900 MW ». La chaleur est telle que l'asphalte s'enflamme et précipite l'asphyxie de la plupart des victimes. Jean-Claude Landry, écotoxicologue, appelé sur les lieux de la catastrophe, évoquant la chaleur qui dépassera les 1000º C, ajoute, après avoir pu inspecter quelques jours plus tard le tunnel : « Les verres encore existants des pare-brise avaient fondu et s'étaient écoulés comme des gouttes d'eau, des ossements calcinés comparables à ceux que l'on sort d'un four crématoire ont été trouvés sur les sièges des véhicules de manière parfaitement symétrique. Les gens n'ont pas eu le temps de bouger ».
39 personnes périssent.
Seuls 10 corps présentant une forme humaine seront retrouvés.
Les pompiers, dans l'impossibilité d'intervenir à des températures supérieures à 70° C, doivent pulvériser de l'eau pour pouvoir refroidir le tunnel peu à peu.
Près de 600 mètres de section de tunnel, où se trouvaient les victimes, sont restés longtemps inaccessibles.
Travaux prévus pour la mise aux normes du tunnel
Fin des travaux prévue pour septembre 2001.
Abris prévus
37 abris pour les usagers, tous les 300 mètres à gauche dans le sens France-Italie ; ils sont reliés par des escaliers à la gaine d'évacuation. 116 niches pour les usagers, tous les 100 mètres en quinconce. 78 niches pour les pompiers, tous les 150 mètres dans le sens France-Italie.
1 poste central de 45 m2 pour les équipes de secours, comprenant 3 pompiers en permanence, 1 véhicule lourd bidirectionnel et un autre léger.
Ventilation
Logées au plafond, des trappes télécommandées tous les 100 mètres devraient assurer un désenfumage avec un débit d'aspiration de 150 m3 sur 600 mètres.
Les postes de secours
Des moyens stationnés en permanence à chaque bout du tunnel avec un poste central au milieu du tunnel.
Equipement de détection d'accidents et d'incendies
120 caméras de détection d'incidents couvrant chacune 100 m linéaires.
232 opacimètres disposés tous les 50 mètres.
116 extincteurs, 78 bouches d'incendie et 77 vannes.
Equipement gestion trafic
20 panneaux à messages variables disposés tous les 600 mètres ainsi
que 40 mini-panneaux.
40 feux rouges.
39 feux clignotants disposés tous les 300 mètres.
37 visiophones/caméras.
40 demi-barrières disposées tous les 600 mètres.
A la vue de ces nouveaux équipements, on est en droit de s'interroger sur le pourquoi d'une telle carence, et le manque de prévision dans la politique visant la sécurité et la prévention à l'intérieur du tunnel ! On est surtout en droit de se dire que si les panneaux d'espacement des véhicules et de limitation de vitesse disposés dans le tunnel à l'origine ont été enlevés assez rapidement, c'est pour pouvoir augmenter la cadence des passages, donc les recettes des deux sociétés d'exploitation.
Une structure d'exploitation unique agissant pour le compte des deux sociétés concessionnaires du tunnel vient d'être mise en place. C'est le Groupement européen d'intérêts économiques (GEIE), actuellement en charge de la réhabilitation du tunnel.
A la demande de la commission, M. Zanasco, collaborateur de M. Moutinot, conseiller d'Etat, a adressé à M. Rémy Chardon, président de l'ATMS, une série de questions concernant les futures conditions d'exploitation du tunnel. Les réponses ont été les suivantes :
Distance de sécurité : le règlement de circulation qui sera adopté pour la réouverture du tunnel limitera la vitesse de circulation à 70 km/h. Par ailleurs, les véhicules devront respecter une interdistance de 150 m en roulant et 100 m à l'arrêt. La constatation et la répression des infractions dépendront des moyens de police mis en place par les Etats français et italien. Les poids lourds seront espacés au minimum de 1,2 km et une gestion de leur flux sera coordonnée entre les deux têtes afin de limiter le nombre de poids lourds présents en même temps dans une section du tunnel.
Quotas journaliers de passage : mise en place d'un dispositif de régulation de trafic tenant compte des impératifs de sécurité et de protection de l'environnement. Les pistes actuellement poursuivies sont :
la limitation des gabarits autorisés ;
l'interdiction des matières dangereuses ;
une limitation horaire des poids lourds admis.
Normes de sécurité européennes : pas de normes concernant le trafic dans les tunnels. Le programme des travaux actuellement en cours est conforme à la dernière instruction technique française sur la sécurité dans les tunnels routiers et publiée en août 2000. Le gouvernement italien a accepté de prendre en compte le texte français pour garantir l'unicité de l'ouvrage et de ses équipements.
L'Etat français, responsable de ces études, n'a pas jugé utile de déclencher cette procédure dans le cadre de cette réhabilitation. Les importants travaux ne visent aucunement à augmenter la capacité de l'ouvrage, mais sont exclusivement consacrés à sa sécurisation. La loi française impose de telles études pour la création d'infrastructures nouvelles ou pour des modifications d'ouvrages existants.
Selon le lieutenant-colonel Jean-François Schmauch, trois facteurs ont aggravé les conséquences et conduit à un sinistre majeur:
la réaction trop lente dans les salles de régulation, française et italienne, pour déclencher l'alerte ;
l'extracteur des fumées fonctionnait à l'envers - soufflage au lieu d'extraction - et propulsait les fumées vers l'arrière de la colonne des véhicules ;
les véhicules n'ont pas été stoppés aux feux rouges à l'intérieur du tunnel et sont venus tous, sans exception, s'arrêter les uns derrière les autres derrière le poids lourd en feu ;
selon le rapport remis au juge par M. Guichard, expert en incendies, « le décalage de neuf minutes existant entre la mise en fonction des feux rouges à l'entrée et celle des feux à l'intérieur est la cause aggravante du sinistre... Sans ce décalage, le sinistre aurait pu être contenu et le nombre de victimes aurait pu être réduit ou même complètement évité. »
L'association des familles des victimes a révélé l'existence d'un rapport mettant gravement en cause les gestionnaires d'ATMB. Le rapport est une synthèse émanant de la brigade financière du SRPJ de Lyon. Le document démontre que les gestionnaires ont privilégié la rentabilité sur la sécurité. La marge brute au sein d'Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc était de 91,4 %, tandis que la part dévolue à la sécurité était infime !
En juillet 2000, le président de la Société française d'exploitation du tunnel du Mont-Blanc, M. Rémy Chardon, est mis en examen.
Le 13 juin 2001, la société ATMB (Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc) est mise en examen en tant que personne morale dans le cadre de l'enquête sur l'incendie du tunnel du Mont-Blanc.
Le 23 octobre 2000, le régulateur du tunnel du Mont-Blanc est mis en examen.
Le 14 octobre 1999, le chauffeur du camion belge qui a pris feu dans le tunnel est mis en examen.
Le 22 novembre 2000, ont lieu trois nouvelles mises en examen dans le cadre de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc
Le 16 novembre 2000, les officiers sapeurs-pompiers de Haute-Savoie dénoncent les nouvelles conditions de sécurité qui sont prévues dans le cadre des travaux pour la réouverture du tunnel.
Le 12 mars 2001, lors d'une conférence de presse en présence, notamment, de S.A. le Prince Sadruddin Aga Khan, président de la Fondation de Bellerive, M. Alain Vaissade, maire de la Ville de Genève, annonçait la décision du Conseil municipal de la Ville de Genève d'adhérer à l'Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB), présidée par M. Georges Unia et ayant pour but d'agir pour le développement du ferroutage et pour la préservation du site naturel que représente la région du Mont-Blanc et d'améliorer la qualité de vie dans la vallée de l'Arve. Par ailleurs, la Ville de Genève décidait de se joindre à la procédure juridique contre le gouvernement français afin d'obtenir l'interdiction du trafic des poids lourds dans le tunnel.
Le référendum organisé dans le courant du mois d'août par les maires des communes de Chamonix, des Houches et de Servoz a donné 97,23 % de non à la circulation des poids lourds avec une participation de 53,23 %.
Le 30 août, les élus de quatorze communes des Hautes-Alpes annonçaient à leur tour leur intention d'organiser un référendum sur le passage des poids lourds dans les vallées alpines.
Le 7 septembre, réunis à Annecy, les responsables franco-italiens des syndicats CFDT Rhône-Alpes et de la CISL du Val d'Aoste, déplorent l'absence de concertation depuis la catastrophe du 24 mars 1999. Par ailleurs, la date de la réouverture du tunnel n'est non seulement pas encore fixée, mais sa réouverture, prévue pour la fin de l'année, risque d'être retardée si d'aventure les conditions de remise en exploitation de l'ouvrage s'avéraient insuffisantes du point de vue de la sécurité. La CFDT et la CISL ne s'opposent pas à l'ouverture du tunnel à condition que l'on garantisse la sécurité et que celle-ci soit étendue aux autres ouvrages de l'arc alpin. Les responsables insistent sur les régulations concertées de chaque côté du tunnel et sur les moyens qui seront mis à disposition pour l'acheminement et l'exécution des secours en cas d'accident. Au sujet de la régulation des poids lourds, ils se déclarent prêts à exercer un contrôle très vigilant pour éviter que ne se reproduisent les abus constatés au tunnel du Fréjus où le flux des camions dépasse souvent le double de la valeur maximale établie pour la sécurité. Enfin, regrettant la faiblesse du dialogue social, ils réclament de réelles négociations sur les conditions de travail et de sécurité et considèrent inacceptables les atermoiements des entreprises privées concernant la plate-forme de ferroutage. Ils déclarent : « On ne peut plus se permettre de perdre du temps sur le ferroutage ».
La conclusion d'une étude comparative réalisée par l'Air des 2 Savoies entre l'hiver 1997-1998 et 1999-2000, évoque à la fois une baisse de la pollution à proximité de la RN 205 et une rémanence de la pollution de fond dans le centre de Chamonix, sans parvenir à expliquer si ces phénomènes résultent de la baisse du trafic, des variations météo entre les deux hivers comparés ou de facteurs externes tels que la désulfurisation des carburants ou l'évolution du parc automobile.
« Les Chamoniards goûtent leur paradis retrouvé, titre Libération (2 sept. 2001). Depuis un peu plus de deux ans, Chamonix (Haute-Savoie) redécouvre sa vallée… Chacun y va de son exemple. « On revoit les papillons et on réentend les cascades…Mes amis ne sont plus obligés de laver leurs chaises et tables de jardin tous les trois jours…Les paysans qui ramassent les prunes et les pommes à Servoz… n'ont plus les mains noires à la fin de la journée…Dans la vallée on dit que les poules pondent beaucoup plus d'oeufs…Les hommes sont devenus plus vigoureux…on a plein de femmes enceintes… les effets ne sont guère quantifiables, mais tout le monde en profite.
Le bruit tout d'abord. Le bourdonnement se répercutait d'un flanc à l'autre de la montagne, dans la vallée très encaissée. La vue ensuite. Un nuage bleuté, qui flottait à mi-hauteur, a brusquement disparu. Quelques vieilles vidéos diffusées aux bureaux des guides l'attestent…».
Audition de M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat en charge du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL) et de M. Fabio Zanasco, secrétariat général du DAEL
Exposé de M. Laurent Moutinot
M. Moutinot déclare qu'il a succédé à M. Philippe Joye en tant que représentant du Conseil d'Etat au sein du conseil d'administration de la société italienne et accepte la motion tout en suggérant quelques modifications. Il explique que la structure d'exploitation du tunnel est juridiquement compliquée car il s'agit de deux sociétés concessionnaires, soit une société italienne et une société française. M. Muller est le représentant de la Ville de Genève auprès de la société italienne et M. Vaissade l'est auprès de la société française. Ensuite, il déclare avoir demandé un rapport, en 1998, sur la sécurité du tunnel et s'être entretenu de cette question avec M. Rossetti et Mme Burnand, conseillers administratifs de la Ville de Genève et ex-administrateurs des sociétés. Il affirme, au sujet des questions touchant à la sécurité, que jamais un crédit n'a été refusé. Au sujet du suivi des travaux au conseil, M. Moutinot souligne que du fait qu'il n'existe pas un calendrier annuel des séances et que, par ailleurs, elles se déroulent à Rome, il est extrêmement difficile d'y prendre part systématiquement.
M. .
d'une séance qui s'est tenue en urgence au lendemain de la catastrophe, à la demande du Conseil d'Etat genevois au cours de laquelle il a rappelé la politique fédérale en matière de ferroutage, jusqu'à présent taboue dans les pays voisins (en Italie surtout) ;
qu'à présent, le pouvoir dépend des ministères italien et français des transports, que les deux sociétés ont été vidées de leur substance et que la gestion échappe au conseil d'administration des deux sociétés ;
qu'un organe commun chargé de la gestion et de la sécurité a été mis sur pied : le Groupement européen d'intérêt économique (GEIE) où M. Haegi représente les autorités genevoises (Ville et canton).
Au sujet des invites de la motion, M. Moutinot explique que la directive dont il est fait mention précise des normes pour les nouveaux tunnels. S'agissant de quotas, il pense qu'il est difficile d'établir une appréciation, mais il précise qu'il est possible de limiter le trafic.
La présidente fait la remarque que la règle qui espaçait les véhicules a été levée, élément qui est confirmé par M. Zanasco qui indique que ces contrôles, confiés à l'origine à des agents motorisés, n'existent plus depuis longtemps.
Au sujet du financement du mémorial aux victimes du drame du Mont-Blanc, M. Moutinot déclare que cela ne pose pas de problème et que la contribution de Genève a déjà été octroyée. Intervenant au sujet de la pertinence des interventions qui pourraient être envisagées, M. Moutinot pense plutôt à celle consistant à solliciter la Confédération pour faire pression sur les gouvernements français et italien. Enfin, sur l'adéquation entre les normes de sécurité adoptées pour le tunnel et les normes européennes, M. Moutinot est convaincu que la solution est dans ce dernier cadre et que le tunnel n'est ni le plus mauvais exemple ni le meilleur au niveau de la sécurité.
Répondant à un des commissaires sur la position du Conseil d'Etat, M. Moutinot ne pense pas que la position genevoise soit de maintenir fermé ce tunnel. Il explique qu'il est nécessaire de limiter les poids lourds mais que c'est l'application qui pose problème. Il ignore s'il faut limiter à 900 ou à 1200 camions par jour et à partir de quel degré il est possible d'estimer que ce tunnel est un mouroir, mais il est clair que ce tunnel ne sera pas réutilisé comme par le passé. Enfin, il semble que les autorités italiennes redoutaient un drame économique du fait de la fermeture, ce qui n'a pas vraiment été le cas. En contrepartie, un drame écologique est en train de se dérouler au Fréjus.
Audition de M. Jean-Claude Landry, du service d'écotoxicologie
Exposé de M. Jean-Claude Landry
M. Landry indique être intervenu le premier jour de l'incendie du tunnel, le 24 mars 1999 et d'en avoir réalisé l'expertise quatre jours plus tard. Il déclare donc ne pas avoir eu d'approche environnementale mais plutôt de risques. Il rappelle en premier lieu, bien que l'accident soit un hasard de circonstances, que la galerie est sous-dimensionnée pour permettre un tel trafic de poids lourds. Il évoque ensuite les décisions prises concernant la sécurité et affirme qu'il y a deux éléments à prendre en compte pour une analyse de risques. Le premier demeure celui de l'infrastructure qui présente des probabilités d'événements qu'il est possible de déterminer, alors que le second relève de l'utilisation qui est faite de cette infrastructure. Ainsi, les propriétés des véhicules entrent en ligne de compte tout autant que les matières transportées. Il déclare ensuite que les propositions de directives actuelles du Conseil de l'Europe suggèrent trois cas :
une libre utilisation du tunnel ;
une interdiction des marchandises dangereuses ;
une autorisation restreinte aux véhicules légers.
Il ajoute ne pas avoir connaissance d'études d'impact sur l'environnement et donc ne pas pouvoir en parler, mais il pense que la question ne s'est simplement pas posée jusqu'à présent. M. Landry explique ensuite avoir pris contact avec M. Frédy Wittwer (directeur de l'OTC) afin d'évaluer les répercussions du trafic du Mont-Blanc sur le trafic à Genève. Il déclare que celles-ci sont insignifiantes puisque ce sont les autoroutes françaises qui sont utilisées. Il précise que le trafic des poids lourds au pied du Salève est supérieur à celui du Gothard ! Quant à la pollution atmosphérique, elle semblerait être supérieure à celle admise par les normes suisses. Il rappelle que les normes européennes sont différentes des normes suisses, mais que la pollution n'est guère inférieure à ce que l'on connaît en Suisse. Il déclare par contre ignorer les effets météorologiques de ce trafic, car la rive gauche de Genève est sous l'effet de la vallée de l'Arve et il est possible qu'il y ait une dispersion des gaz d'échappement plus grande dans la vallée du Mont-Blanc qu'à Genève même. Il évoque ensuite « L'Air des 2 Savoies » dont une station de mesure de la qualité de l'air est en fonction à Annemasse et confirme travailler en adéquation avec les responsables de cette station. Il déclare encore que les charges polluantes peuvent être estimées semblables à celles en Suisse, mais mentionne cependant que sur des pentes comme celles qui mènent à Chamonix les charges polluantes sont plus élevées simplement du fait de la plus grande sollicitation des moteurs.
En réponse aux questions des commissaires sur la rapidité de la combustion lors d'accident dans les tunnels et les risques encourus dans les ouvrages genevois, M. Landry explique qu'en 1977, il n'existait pas de procédure pour les études d'impact. Il déclare avoir fait alors une étude d'environnement paysager avec des variantes de tracé ainsi que des études de contamination des sols et de météorologie. Il ajoute qu'au moment de la construction du tunnel de Vernier, sur l'autoroute de contournement de Genève, la Confédération a demandé une étude d'impact qui a été effectuée en reprenant les éléments de l'étude précédente, et il précise que c'est une étude d'impact très connue car elle a été publiée aux Archives des Sciences. Par ailleurs, il déclare qu'il était convaincu qu'il fallait construire des bi-tubes pour les tunnels afin de limiter les risques. Il mentionne encore que le système de ventilation a été testé dans le tunnel de Carouge puis adopté pour les autres tunnels genevois. Il affirme alors que l'incendie du tunnel du Mont-Blanc et celui de Vernier sont trop différents pour être comparés.
M. Landry expose encore que dans le cas de Vernier l'incendie était à l'entrée du tunnel. Etant sur place dès le début de l'incendie, il a pu constater un trafic extrêmement dense et un comportement inadéquat des usagers. Il cite en exemple des gens qui faisaient demi-tour sur l'autoroute si bien que les pompiers ne pouvaient pas avoir accès au site. Les fumées à l'intérieur du tunnel ont été entraînées par la ventilation jusqu'à la sortie sur le Rhône et des gens impliqués dans l'accident ont parcouru tout le tube dans le sens Lausanne-France, alors que, dans le sens inverse, les voitures continuaient leur route sur les voies interdites à la circulation par les feux rouges. Dans le cas du tunnel du Mont-Blanc, les gens ont été totalement surpris par les événements et n'ont pu réagir. Les corps ont été complètement calcinés. M. Landry précise qu'un camion représente une masse énergétique de dix à quinze voitures et lorsque le verre fond et qu'on le retrouve en gouttes, on conclut que les températures ont dépassé 1300o C, ce qui a été le cas. Il donne en exemple de cette température, un camion de pompiers se trouvant à quatre kilomètres du sinistre qui s'est enflammé spontanément.
Par ailleurs, M. Landry remarque que le péage fut une chance dans le cas du sinistre, puisqu'il a fonctionné comme régulateur de trafic.
La présidente déclare que Genève appartient à un territoire solidaire et il serait dommage de ne pas prendre de position politique sur la réouverture du tunnel. Elle rappelle que Genève est actionnaire et utilisatrice du tunnel et qu'il est donc nécessaire de savoir quel est le degré d'exigence de notre Parlement. Elle rappelle encore que les normes de 1999 sont les mêmes que celles de 1981 et que certaines mesures de sécurité ont été levées. Elle se demande s'il ne faut pas demander des temps d'arrêt pour les camions au sommet de la pente. Elle évoque ensuite les méthodes de comptage qui diffèrent entre l'Italie et la France et se demande finalement s'il serait possible d'accroître les mesures de sécurité.
M. Landry répond que les espacements obligatoires n'ont pas été levés suite à une décision officielle, mais ils ont plutôt été abandonnés par laisser-aller. Il pense que la gestion de ces mesures de sécurité doit être mieux réglementée et surveillée. Il déclare ensuite ne pas être persuadé qu'il faille arrêter les camions au sommet de la pente. En contrepartie, il ne faut absolument pas laisser entrer de véhicules en cas d'alarme. Il explique que si un véhicule entre dans le tunnel toutes les trente secondes, ce laps de temps permettrait d'obtenir une distance de sécurité suffisante entre les véhicules ; encore faut-il surveiller le respect de cette marge ainsi que la vitesse prescrite. Il rappelle que les caméras n'ont pas fonctionné et qu'il serait possible d'installer des radars dans le tunnel.
Audition de M. Alain Vaissade, maire de la Ville de Genève
Exposé de M. Alain Vaissade
En préambule, M. Vaissade déclare représenter la Ville de Genève au sein de l'ATMB, alors que M. Muller est le représentant de la Ville dans la société italienne.
Il indique que le Conseil municipal de la Ville de Genève souhaite empêcher par tous les moyens le retour des poids lourds dans le tunnel, mais qu'il n'est pas de la compétence des conseils d'administration des deux sociétés d'autoriser ou d'interdire le trafic des camions, car ce sont les gouvernements italien et français qui ont ce pouvoir. Informant sur le sentiment de peur qu'il a éprouvé à chaque fois qu'il a eu à emprunter ce tunnel, il tient à rappeler que le président de Gaulle disait que ce tunnel devait favoriser le tourisme.
M. Vaissade déclare qu'à la suite du vote d'une résolution du Conseil municipal, la Ville de Genève a adhéré à l'Association pour le respect du site du Mont-Blanc qui s'est lancée dans des procédures judiciaires contre le gouvernement français. Il évoque l'exemple de Creys-Malville. Il signale que la pollution est visible, notamment sur les glaciers. Cette pollution est insistante dans les vallées. Par ailleurs, le bruit est également une pollution qui n'existe plus depuis une année. Nombre d'habitants de Chamonix sont fermement opposés au retour des poids lourds.
M. Vaissade est convaincu que la solution demeure le ferroutage et qu'il est non seulement important de défendre cette position, mais qu'il faut réaliser des études afin de canaliser les poids lourds sur les chemins de fer. Il termine en disant qu'il est impossible de remplacer le Mont-Blanc par le Fréjus.
Audition de M. Claude Haegi, délégué de l'Etat de Genève au conseil d'administration de la Société française d'exploitation du tunnel du Mont-Blanc ATMB
Exposé de M. Claude Haegi
En préambule, M. Haegi déclare faire partie de la fondation FEDRE (Fondation pour l'Economie et le Développement de l'Europe) et rappelle qu'elle est née en 1996, soutenue par le Conseil de l'Europe, la Confédération ainsi que l'Etat de Genève. Par ailleurs, il représente l'ATMB, le tunnel du Grand-Saint-Bernard et le Lyon-Turin au GEIE (Groupement européen d'intérêt économique) depuis le début de l'année. Il mentionne que M. Béguelin préside le groupe romand des traversées alpines.
M. Haegi explique que, selon une étude sur les effets de la fermeture du tunnel du Mont-Blanc sur la pollution hivernale de la vallée de Chamonix réalisée par l'Air des 2 Savoies, il n'y a pas d'effet sur la ville même de Chamonix. Il rappelle alors que le GEIE et les conseils d'administration n'agissent que sur ordre des gouvernements. Il affirme qu'une date de réouverture a été fixée au mois de septembre 2001 dans le respect de la sécurité et de l'environnement. M. Haegi explique que le GEIE a défini la sécurité comme primordiale puis précise travailler en totale harmonie avec M. Moutinot. Le tunnel n'est pas simplement réparé, mais sera bien un nouvel ouvrage avec des normes de sécurité répondant à ce qui a été souhaité. Les routes du côté italien ne sont pas adaptées à la circulation de tant de poids lourds. Il y a actuellement 1'750'000 camions sur le Fréjus, ce qui représente une surcharge de 250'000 poids lourds. Sur la limitation du trafic, M. Haegi est d'avis que le quota est une mesure raisonnable et affirme que si certains gabarits de camion étaient interdits, il serait alors possible de réduire de 20 à 25 % le trafic. M. Haegi déclare que de telles restrictions étaient difficiles à imaginer avant l'accident et mentionne encore l'idée d'introduire des contrôles de marchandises ainsi que l'existence d'autres mesures, telles que la distance à respecter entre les véhicules. Si la police n'intervenait pas dans le tunnel avant l'accident, il y a, à l'heure actuelle, une volonté d'exercer un tel contrôle. Les travaux entrepris sont ceux voulus par les gouvernements, se basant sur les expertises réalisées. Et chacun est invité à respecter son rôle. Sa remarque sur la motion 1375 est qu'elle n'est pas un acte de rébellion mais une volonté d'influencer positivement la situation. M. Haegi évoque la proposition faite par M. Béguelin après l'accident, soit que la Suisse reprenne une part du trafic en améliorant la ligne du Simplon. Pour ce faire, M. Haegi précise que des travaux ont été menés, concluant que cela permettrait d'augmenter le transport traditionnel des marchandises en doublant la ligne. Le coût de ce projet serait de 100 millions et le début des travaux prévu pour 2007. A cet effet, un appui du Grand Conseil genevois serait appréciable.
Au sujet du croisement des véhicules, M. Haegi précise que de nos jours il est interdit de construire un tunnel bidirectionnel monotube si le trafic est trop grand. Il avait été justement craint que le doublement du tunnel augmente le trafic. Par ailleurs, si cette mesure venait à être appliquée, cela signifierait que tous les tunnels d'un certain âge devraient être fermés. Abordant la question des conséquences économiques, M. Haegi informe que les villes de Chamonix et de Courmayeur se sont restructurées et que ces conséquences, pour Genève et la Suisse, ne sont pas très importantes puisqu'il y a des transferts de charges. Enfin, pour M. Haegi, ce tunnel est un problème européen. Il explique que la sécurité d'acheminement des marchandises par la route est supérieure à celle du rail ou à celle du transport maritime et déclare que la SNCF ne possède pas la sensibilité commerciale pour ce faire. Par conséquent le rail peut s'améliorer en matière de logistique et de prestations. Pour ce qui est des traversées alpines, M. Haegi ajoute que le peuple lui a semblé être cohérent lorsqu'il a voté le financement nécessaire au Lötschberg et au Gothard et rappelle ensuite que le Lyon-Turin concerne la Suisse et que celle-ci doit continuer à être présente dans le débat. La décision française concernant le Lyon-Turin n'était pas aussi évidente qu'il n'y paraît. C'est un dossier ouvert depuis douze ans qui est en train d'aboutir et il n'y a pas de raison de douter de sa réalisation.
Audition de M. Michel Charlet, maire de Chamonix et de Mme Catherine Berthet, chef de cabinet
Exposé de M. Michel Charlet
M. Charlet, tout en remerciant la commission, déclare qu'il est important pour la commune de Chamonix d'être reçue par le Grand Conseil genevois et rappelle que l'histoire de Chamonix est liée à celle de Genève, évoquant notamment l'expédition de Saussure. Il explique ensuite que le tunnel a été créé, avec la participation de Genève, par le général de Gaulle pour le rapprochement des peuples.
M. Charlet affirme que Chamonix était en faveur de ce projet jusqu'en 1989, date à laquelle le président Mitterrand annonçait la création d'un second tunnel du Mont-Blanc. Les nuisances étaient déjà insupportables, la commune de Chamonix s'opposa à cette densification du trafic et le projet avorta peu de temps après. Un réveil plus fort eut lieu en août 1998 lorsque Bruxelles publia un rapport sur le développement des transports, en septembre 1998, parallèlement à l'ouverture des pays de l'Est. Un ingénieur, M. Brossier, indiquait quelque temps plus tard que le tunnel du Mont-Blanc pouvait doubler sa circulation qui était déjà de 2400 camions par jour. M. Charlet informe la commission que son Conseil municipal a rejeté à l'unanimité la perspective du retour des camions sous le Mont-Blanc et déclare que pour ce faire c'est l'aspect sécuritaire plus qu'environnemental qui est mis en avant bien que la réalité soit légèrement différente. Quelles que soient les réfections, le tunnel demeurera dangereux et nuisible, car la largeur du boyau, le système des prises d'air, les moteurs de camions qui sont chauffés à rouge au sommet de la pente ainsi que le manque de galerie de sécurité sont des aspects qui rendent cet ouvrage dangereux. M. Charlet précise que les travaux de réhabilitation ont permis de transformer une des gaines d'aération en galerie de sécurité, mais que la largeur de ce conduit le rend inefficace en cas d'accident. Par ailleurs, M. Charlet déclare qu'en tant que maire il est responsable de la sécurité sur son territoire et de ce fait il s'opposera à l'arrêté préfectoral pour le retour des camions et le portera devant le tribunal administratif. Répétant que ce tunnel a été créé pour le rapprochement des peuples, il insiste sur le fait qu'il ne faut absolument pas revenir dans la situation antérieure pour des raisons économiques, car il existe des palliatifs, la solution demeurant le rail. Enfin, tout en rappelant que le patrimoine de la vallée de Chamonix est unique et qu'il risque d'être détruit à terme en cas de retour des camions, M. Charlet affirme qu'il se battra jusqu'au bout afin d'empêcher leur retour. Il termine son exposé en disant combien il est honoré par son accueil au sein d'une des commissions du Grand Conseil genevois car cela lui donne l'impression d'être moins seul dans son combat.
La présidente remercie M. Charlet et rappelle que Genève a une opinion à émettre pour trois raisons, d'une part en tant qu'actionnaire des sociétés concessionnaires et utilisatrice de ce tunnel, d'autre part en tant qu'instance de protection des populations utilisatrices et en tant qu'entité territoriale régionale solidaire.
En réponse à un certain nombre de questions, M. Charlet indique qu'évoquer le terme de quota est dangereux. Il mentionne le cas de la Maurienne où le dernier quota est demeuré en vigueur quinze jours avant d'être abandonné, et pense qu'il faut plutôt restreindre les gabarits. S'agissant de la position de Genève, M. Charlet considère que contrairement à la commune de Chamonix qui doit adopter des positions extrêmes afin de faire évoluer la situation, la position genevoise ne doit pas être aussi intransigeante. Au sujet de la plainte contre le gouvernement français introduite par une association de protection du patrimoine à laquelle la Ville de Genève s'est jointe, M. Charlet déclare que son grief est dirigé contre le Ministère des transports et non contre la Société du tunnel. Il ajoute qu'en tant que maire de la commune de Chamonix il ne s'est pas joint à l'association bien qu'il la subventionne. Au sujet de l'environnement, M. Charlet répond voir à nouveau des papillons dans le ciel de Chamonix et des femmes pendre leur linge à l'extérieur. Il déclare cependant que la seule preuve tangible demeure la qualité de l'air. Il explique que les relevés sur le Pellerin montrent une grande amélioration alors qu'au centre de Chamonix, rien n'a changé.
En réponse aux questions des commissaires ayant trait aux véhicules et normes, M. Charlet indique que le maire de Chamonix n'a aucun pouvoir sur le tunnel puisqu'il s'agit d'une route nationale. Il déclare que les gros pollueurs sont les camions qui ne répondent plus aux normes européennes, comme ceux que les Balkans rachètent ou ceux qu'une société allemande immatricule en Bulgarie afin d'éviter à avoir à respecter ces normes. Et de citer le cas d'un routier qui s'est adressé à lui pour lui expliquer qu'il avait transporté pendant quinze ans du TNT et des détonateurs sans le savoir et en parfaite illégalité. Cette personne a été licenciée après avoir fait cet aveu. Enfin, M. Charlet indique que limiter les gabarits aux 28 tonnes signifie diminuer de 80 % le trafic. Il remarque enfin que des projets de camions de plus de 48 tonnes existent à l'heure actuelle.
Sur les aires d'attente afin de refroidir les véhicules, M. Charlet répond que des turbos brûlent sur des camions neufs. Il explique alors la complexité de ces systèmes de transport, déclarant que si une cabine appartient à une société, celle-ci peut louer en leasing la remorque. Il ajoute que la place manque pour construire un parking suffisant et que le seul qui existe et qui pourrait être agrandi est exposé aux risques d'avalanches.
Audition de M. Olivier Légeret, colonel au SIS (Service d'incendie et de secours) et de M. Francis Le Comte, capitaine au SIS
Exposé de M. Olivier Légeret
Le capitaine Le Comte se trouvait sur le terrain le mercredi soir de l'accident et lui-même a rallié le site le jeudi soir. Plusieurs difficultés sautaient aux yeux : « la conduite bicéphale des opérations entre la France et l'Italie, ainsi que le manque de communication entre les deux entités ». Il pense que des exercices auraient pu mettre au jour ces carences et déclare ensuite que la direction des secours appartient en France au préfet qui ne peut réagir, dans le cadre d'une société privée, sans l'accord du président de cette société. Il mentionne donc qu'au vu de cette situation il a été décidé d'intervenir du côté italien qui, en outre, disposait d'une avancée des secours plus efficace. Il précise avoir mis 15 heures pour convaincre les Français de passer sur le versant italien. Il explique alors qu'ils trouvèrent une cathédrale minérale dans laquelle les cadavres étaient réduits en cendre. Les os les plus longs ne mesuraient que 20 cm. Il évoque la chaleur montée à plus de 1000° C.
M. Légeret déclare encore être revenu une semaine après sur le site, à l'occasion de la venue de M. Chirac. Il s'est alors renseigné et a appris que la première vague de pompiers était mal équipée. Il ajoute que les pompiers italiens pouvaient quant à eux ressortir sous le tunnel grâce à une gaine de sécurité. Il remarque donc que la conception du tunnel diffère d'un versant à l'autre. En outre, les Italiens bénéficiaient de l'eau de la vallée d'Aoste alors que les Français utilisaient de l'eau stockée dans des réservoirs vite épuisés. Il évoque la mauvaise conception du système de ventilation.
Il explique ensuite avoir suivi le congrès de la FEDRE par curiosité. Le président de l'ATMB avait alors annoncé des mesures de sécurité qui n'étaient pas suffisantes à son avis. Un tunnel bidirectionnel demeure très dangereux. L'idéal peut être représenté par le tunnel sous la Manche qui possède trois tubes, celui du milieu étant dévolu à la sécurité. Or, la galerie de sécurité créée dans le tunnel du Mont-Blanc mesure 1,30 de large sur 1,80 mètre de haut et se prolonge sur 11 kilomètres. Il considère cette mesure ridiculement insuffisante et ajoute que les sas ont été doublés. Il y en avait à l'origine seulement tous les 700 mètres. Les seuls cadavres reconnaissables ont été trouvés dans les niches qui n'offraient cependant pas de sorties de secours. Le tunnel du Mont-Blanc ne connaît en outre plus qu'un seul poste de contrôle. Les raccords des tuyaux des secours français et italiens n'étaient pas compatibles.
M. Légeret déclare encore qu'il a été prévu d'engager neuf sapeurs-pompiers, dont le tiers serait positionné de chaque côté du tunnel, les derniers demeurant au centre du tunnel dans une salle de garde de 50 m2. Il rappelle que les heures de travail de cette profession sont de 24 heures et qu'un tel délai passé dans un local fermé à ne faire que de la surveillance est une tâche qui n'est pas viable. Il suppose qu'à terme ces hommes perdront de leur efficacité et termine en disant qu'il serait également nécessaire d'améliorer la ventilation ainsi que le réseau de caméras.
M. Le Comte affirme que la carence fondamentale demeure l'éducation des gens et rappelle que la majorité des victimes sont mortes dans leur voiture et qu'aucune n'a cherché à utiliser les issues de secours. Cela n'aurait certes rien changé à leur chance de survie dans ce cas particulier, mais il est remarquable que ces gens n'aient eu aucune information pour se défendre. Il évoque alors l'incendie du tunnel de Vernier et explique que dans ce cas également les comportements des gens n'ont pas été pertinents. Il pense que les automobilistes sont victimes des préjugés distillés par la télévision et informe avoir commencé avec les Italiens une réflexion sur l'éducation des usagers du tunnel. Il reste persuadé que les tunnels d'une certaine longueur doivent avoir plusieurs tubes. Concernant le tunnel du Mont-Blanc, les feux rouges dont parlent les journaux n'auraient pas été suffisants. Les Etats, y compris la Suisse, ne prennent pas leur responsabilité. Il termine en disant qu'il est nécessaire de faire passer la sécurité avant les seuls facteurs économiques.
A une question portant sur un tube d'arrosage de type Sprinkler courant tout au long du tunnel, M. Légeret répond que cette solution est discutable à cause des différents produits qui peuvent se trouver sous le jet. Il ajoute qu'il est par contre possible de travailler avec des rideaux d'eau qui cloisonnent l'espace.
Sur ce sujet, M. Le Comte déclare qu'il a été envisagé avec les Italiens et les Français d'établir un Sprinkler s'actionnant à la main. Il ajoute cependant que ce n'est pas la seule solution et que la fumée peut être rabattue plus rapidement avec ce système. Il explique que la fumée avance de 12 m/sec. dans un tunnel. Il pense qu'il serait nécessaire de faire des expériences avec des fumées chaudes qui se comportent de manière différente que les fumées froides.
M. Zanasco remarque que le manque de coordination entre les deux sociétés de gestion avait conduit les pompiers professionnels engagés par les sociétés concessionnaires à démissionner. Aussi les premiers secours ne comportaient-ils qu'un seul pompier professionnel.
M. Légeret remarque que les Anglais ont fermé un jour le tunnel sous la Manche parce qu'un pompier était manquant et M. Le Comte explique qu'une intervention dans un tunnel nécessite l'élite des sapeurs-pompiers. Il pense que des pompiers professionnels engagés par la société qui ne feront que de la garde perdront à terme leur compétence faute d'exercice.
La présidente demande quels sont les liens des SIS avec la France, et s'il sera nécessaire de réaménager le tunnel de Vernier.
M. Le Comte répond que des modifications ont eu lieu sur l'autoroute de contournement après l'incendie du Mont-Blanc. Il évoque notamment les indicateurs de secours qui n'étaient pas adéquats à cause de leur positionnement dans le tunnel et répète que le plus important demeure l'éducation des gens. Il pense que le tunnel de Vernier ou le tunnel de Carouge ne doivent pas avoir les mêmes structures que le tunnel du Mont-Blanc et affirme que les personnes qui ont trouvé la mort dans le tunnel du Mont-Blanc seraient, quelles que soient les mesures, décédées. M. Velasco remarque que cette carence d'informations pourrait générer un accident similaire à Genève. M. Le Comte acquiesce et pense qu'il serait possible de donner des renseignements au niveau du permis de conduire. Il déclare que personne ne songe à quitter sa voiture en cas d'arrêt dans un tunnel.
M. Légeret explique ensuite que les accords franco-suisses n'existent que dans les cas d'hydropollution. Il mentionne cependant qu'il existe des accords tacites et anciens qui fonctionnent sur la solidarité. Les pompiers genevois interviennent si le commandant des pompiers français demande de l'aide. Il évoque le cas à Collonge-sous-Salève d'un cheval tombé dans une piscine. Une grue fut nécessaire pour le sortir de ce piège. Or, l'outil était disponible à Genève alors que les Français devaient en faire venir une de Grenoble. Dans ce cas, M. Légeret a demandé l'autorisation d'une autorité, en l'occurrence celle du maire de la commune. Il ajoute que les Français demandent rarement de l'aide pour des feux. Il évoque encore l'aide française apportée lors de l'incendie de Bernex et affirme que cette manière tacite est préférable à des accords écrits qui demandent souvent des procédures longues et peu efficaces.
M. Le Comte relate être monté avec un commandant du SSA en tant qu'observateur sur les lieux du sinistre. Ils ont rapidement constaté que du matériel disponible à Genève était nécessaire et ont alors proposé l'aide genevoise. Il rappelle qu'il aurait pu y avoir plus de victimes et qu'il a fallu aller chercher la première vague de secours coincée dans le tunnel pendant six heures de temps alors que l'autonomie de leur appareil respiratoire leur aurait permis d'y rester tout au plus une demi-heure.
Quant à l'origine du feu, M. Légeret répond qu'il y a plusieurs hypothèses et que certains pensent que le camion est rentré dans le tunnel alors qu'il était déjà en train de brûler. C'est l'enquête pénale qui définira ce point.
Audition de M. Michel Mooijmann, président de la section genevoise de l'ASTAG (Association suisse des transporteurs) et de M. Olivier Balissat secrétaire de la section genevoise de l'ASTAG
Exposé de M. Michel Mooijmann
M. Mooijmann rappelle que le tunnel du Mont-Blanc avait été créé pour les échanges touristiques. Il déclare ensuite que la sécurité ne peut être que préconisée et que la remise en état doit tenir compte des normes. Il précise cependant que de nombreux tunnels ont de sérieux problèmes concernant la sécurité comme celui de la Vue des Alpes. Il explique ensuite que le tunnel du Mont-Blanc est très important pour les transporteurs au vu des échanges Nord-Sud. Il évoque encore la RPLP (redevance poids lourds pour prestations : 50 centimes pour tout kilomètre supplémentaire). Il en vient ensuite à la question du ferroutage qui est préconisé mais qui ne connaît, à l'heure actuelle, pas d'installations nécessaires. Il rappelle alors que les passages dans les Alpes sont peu nombreux pour les transporteurs et que les camions actuels ont des moteurs beaucoup moins polluants que les véhicules plus anciens. Il pense qu'une interdiction pure et simple des poids lourds au Mont-Blanc n'est pas souhaitable et qu'il faudrait mettre sur pied une solution comme le ferroutage, mais ajoute que pour l'instant celui-ci demeure très cher sur de courtes distances.
A la question de savoir dans quel état arrive un camion au sommet de la pente au Mont-Blanc, M. Mooijmann répond que les camions sont construits de nos jours pour monter des cols. Il ajoute qu'il est par contre évident que les véhicules des pays de l'Est sont désuets. M. Velasco rappelle alors l'idée de limiter aux 28 tonnes l'entrée du tunnel du Mont-Blanc. On lui répond qu'il n'y a pas de différence entre un 28 tonnes et un 40 tonnes puisqu'ils ont le même gabarit. Il pense que cette mesure accroîtra le nombre de véhicules. La présidente remarque que la masse thermique est plus importante pour un 40 tonnes que pour un 28 tonnes. M. Mooijmann répond que cela dépend du chargement. Il rappelle qu'il y a peu de 28 tonnes en Suisse et que l'encombrement de ce véhicule est le même que celui d'un 40 tonnes. Les châssis sont les mêmes. La largeur permise en Suisse est de 2,5 m. M. Mory affirme que les gros camions sont dangereux.
La présidente demande si des concertations ont lieu avec les CFF et ce qu'il en est du Simplon. Non, les transporteurs ne sont jamais consultés. La présidente remarque que les entreprises de transport n'ont donc pas de projets pilotes pour le ferroutage. Ils attendent, répond M. Mooijmann, une offre performante de la part des CFF. La présidente remarque que les transporteurs subiront des contraintes si les notions de sécurité passent avant celles de l'économie. M. Velasco insiste sur le fait que le transport de marchandises est exponentiel et que le ferroutage devra tôt ou tard s'imposer. Oui, dit M. Mooijmann, des décisions doivent être prises.
A Mme Humbert, qui demande si une distance entre les véhicules doit être imposée, M. Mooijmann répond que des responsables de tunnel ont préconisé cette mesure après l'accident. Il rappelle que l'ASTAG n'a jamais pu entrer en contact avec l'ATMB et ajoute que la distance minimale est déjà imposée par la loi mais que c'est une affaire de spécialistes. L'ASTAG n'a pas été invitée à la conférence de la FEDRE.
La présidente remarque ensuite que les causes de l'accident ne sont toujours pas connues. L'auditionné répond qu'il y a une hypothèse qui incriminerait un mégot de cigarette.
En réponse à la question de Mme Humbert qui s'inquiète de l'existence de directives quant aux réactions à avoir dans un pareil cas pour les chauffeurs de camions, M. Mooijmann répond que ce n'est sans doute pas le cas au niveau du permis de conduire. Il ajoute cependant que des papillons ont été distribués sur l'autoroute après l'accident.
Audition de M. Paul Ingold, fonctionnaire du service des automobiles
La présidente déclare que la question qui préoccupe la commission touche aux conditions dans lesquelles sont passés les permis de conduire ainsi que les contrôles des camions, notamment étrangers, et les comportements de sécurité que les chauffeurs doivent avoir dans les tunnels.
M. Ingold répond que les contrôles techniques ont lieu en Suisse tous les quatre, trois et deux ans, alors qu'en Europe ces contrôles ont lieu tous les ans. Il déclare ensuite qu'il n'y a pas de directives spécifiques pour les risques d'incendie sauf pour les véhicules qui transportent des matières dangereuses. Il rappelle que ce type de transport est interdit dans les tunnels sauf dérogation. Il ajoute qu'il y a une obligation d'avoir des extincteurs dans les cars et les transports de matières dangereuses.
Il affirme encore qu'il n'y a pas d'instructions prévues pour les chauffeurs concernant les comportements à avoir dans les tunnels.
Le rapporteur rappelle le comportement irrationnel des gens lors de l'incendie du tunnel de Vernier. Il se demande s'il n'est pas possible d'instruire les gens sur ce genre de questions lors du passage du permis. Cette information est un point capital pour les pompiers.
M. Ingold acquiesce et répète qu'il n'y a rien concernant les attitudes à avoir dans ce genre de cas. Il explique qu'un apprentissage existe concernant la maintenance technique et la législation des horaires de travail. Pour M. Ingold, toutes ces réflexions relèvent d'une problématique fédérale: Genève a les mêmes permis et les mêmes mesures que Zurich ou le Tessin. Il lui paraît difficile d'appliquer à Genève des mesures plus strictes que les prescriptions fédérales. A une question de M. Dessuet concernant l'obligation pour les chauffeurs de visites médicales, M. Ingold répond que c'est une obligation uniquement pour les chauffeurs d'ambulance et les transporteurs de bovins. Protestations de MM. Dessuet et Mory qui ont un permis de poids lourds et doivent passer une visite médicale tous les trois ans. M. Ingold lit la loi : « la visite médicale est effectivement obligatoire tous les cinq ans jusqu'à l'âge de 50 ans et au-delà le délai est de trois ans ».
M. Dessuet demande si le turbo des camions peut brûler. C'est une possibilité en cas de fuite de carburant, dit M. Ingold. Quant à l'échauffement de la montée au tunnel, les camions actuels ont de telles démultiplications de vitesse que celui-ci n'entre guère en ligne de compte pour le danger. L'extincteur n'est pas une obligation légale dans les camions, d'ordinaire équipés de manomètres de température.
La présidente demande si le gabarit d'un 28 tonnes est le même que celui d'un 40 tonnes. M. Ingold acquiesce et précise que la largeur peut être de 2,55 mètres, exceptionnellement de 2,60 mètres. Il pense que plus la largeur est grande plus les gens conduisent lentement.
La présidente remarque que la vitesse dans le tunnel du Mont-Blanc est souvent de plus de 100 km/h.
A la suite de l'audition de M. Vaissade et de M. Charlet, Mme Cohen, représentant le Département des affaires extérieures, déclare, dans le cadre des travaux de la commission, que le préfet a fortement réagi quant à la prise de position de la Ville de Genève. Le maire de Turin a fait de même alors que le quai d'Orsay a fait savoir son intention de ne pas réagir mais de s'informer.
La commission discute ensuite sur l'opportunité pour Genève de s'immiscer dans cette affaire. Tout en étant surpris que le Conseil général n'ait pas pris position, M. Dessuet déclare savoir que ce conseil a débattu de cette problématique et qu'il n'est pas du même avis que le maire de Chamonix. Il ajoute que si les politiques français de la région ne prennent pas position, cela ne promet rien de bon. M. Brunier répond que Genève a son mot à dire tant pour des raisons historiques que pour des raisons environnementales. Il souligne que l'environnement ne s'arrête pas aux frontières des Etats. Avis qui est partagé par d'autres commissaires.
La présidente déclare qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question de politique, mais qu'elle est convaincue que le facteur économique joue également un rôle. Elle rappelle ensuite que personne n'a passé ce tunnel sans avoir peur et affirme qu'il est nécessaire que les victimes de l'accident ne l'aient pas été en vain. Elle termine en disant qu'en tant qu'actionnaire il est possible de se mêler de ce problème et qu'il est envisageable de développer le débat plus loin que la position suisse du ferroutage.
Revenant sur la proposition faite par M. Béguelin concernant la reprise par la Suisse d'une part du trafic du transport traditionnel des marchandises, en améliorant la ligne par un doublement de la ligne du Simplon, ainsi que sur l'opportunité d'un appui du Grand Conseil sous forme de motion, M. Spinucci déclare avoir pris les dispositions pour sa rédaction. Il précise ensuite que cette motion concerne en fait un tunnel de 1908 mètres qui se trouverait entre Vallorbe et le Simplon.
A la suite des différentes auditions et de ce premier débat, la présidente déclare procéder au vote d'entrée en matière sur la motion 1375 avant la poursuite des travaux de la commission. Elle rappelle que la commission a conclu que cette motion paraissait pertinente pour des raisons déjà évoquées. Et, tout en rappelant la position de la Ville de Genève sur le sujet, elle déclare que les invites de la motion sont ciblées. Considérant que la mesure consistant à imposer des quotas semble impossible, les propositions à étudier sont soit l'interdiction pure et dure soit une limitation à certains gabarits. Elle évoque encore le projet de ferroutage ainsi que celui du Simplon qui fera l'objet d'une proposition de motion de la part de M. Spinucci et procède au vote d'entrée en matière.
Soumise au vote, l'entrée en matière de la motion 1375 est acceptée à l'unanimité (3 S, 1 Ve, 2 AdG, 3 L, 2 R, 1 DC)
La présidente lit ensuite les invites :
Ensuite, elle rappelle que M. Moutinot et M. Haegi ont déclaré que les sociétés de gestion sont chargées de gérer le tunnel et se conforment aux directives ministérielles et qu'il n'y a pas de discussions au sein de ces sociétés concernant la sécurité. Enfin, la présidente met en discussion la proposition de MM. Moutinot et Haegi qui proposent de passer par le Conseil fédéral afin d'accéder aux ministères français et italien.
Certains commissaires soulignent que des tunnels suisses ne sont pas conformes aux normes de sécurité et que, dans cette situation, il n'est guère possible de donner aux autres des leçons sur la sécurité. La majorité des commissaires considèrent au contraire, en se basant sur les propos tenus par M. Légeret, que même si les mesures de sécurité sont insuffisantes dans les tunnels suisses, il faut saisir cette occasion afin de les améliorer, en saisir les autorités fédérales et leur communiquer l'appréciation de la commission.
Deuxième invite
« se désolidariser publiquement de la majorité du Conseil d'administration de ces sociétés en cas de non-respect des normes de sécurité ».
Au sujet de la deuxième invite, la présidente rappelle l'autonomie des deux sociétés et les particularismes de chaque versant. Elle rappelle, par exemple, que la levée des distances obligatoires afin d'accroître le rythme des passages, donc le rendement financier du tunnel, dépend de l'autorité de gestion du tunnel. Il paraît donc légitime que des représentants genevois se désolidarisent de décisions qui iraient à l'encontre de la sécurité.
Mme Frei affirme qu'il est nécessaire de prendre ses responsabilités au sein des conseils d'administration. En réponse à certaines déclarations sur la reproductibilité de cet accident, elle explique que si l'application des normes de sécurité n'est pas respectée, la présente invite obligerait nos représentants à se désolidariser des décisions prises dans les conseils.
M. Zanasco explique qu'il n'existe pas de normes européennes régissant la sécurité dans les tunnels bien que cela soit en cours d'étude. Il ajoute que l'accident a créé une prise de conscience en France. Il évoque alors les directives territoriales d'aménagement pour la région Rhône-Alpes visant le développement d'une politique globale des transports et souligne que les facteurs qui étaient occultés sont apparus au grand jour dans l'esprit des gouvernements.
Le rapporteur, tout en soulignant que les conseils d'administration sont responsables de la gestion et à ce titre également de la sécurité, confirme que l'invite précise que la désolidarisation a lieu en cas de non-respect des règles de sécurité.
M. Spinucci remarque que toutes les mesures notées dans le document relatif à la sécurité des tunnels remis par M. Zanasco paraissent insuffisantes et rappelle que le tunnel sous la Manche connaît trois tubes, ce qui est impossible au Mont-Blanc. Il pense qu'il est nécessaire d'activer le ferroutage, évoque ensuite la réponse du troisième paragraphe du document en question et considère que l'absence de responsabilité qui y est notifiée est édifiante.
La présidente rappelle alors que la France est propriétaire du tunnel.
M. Zanasco remarque que le traité qui parlait de la mise en concession prévoyait un organe commun chargé de gérer la sécurité. Cet organe ne s'est réuni que très rarement au point d'avoir perdu sa raison d'être. Il explique qu'il y a une grosse lacune et que l'irresponsabilité demeure du côté des Etats. Il reconnaît cependant que les administrateurs ont une certaine marge de manoeuvre. Toutefois, il ajoute ensuite que les informations sont difficilement accessibles du côté italien et qu'il n'y a pas dans ce pays de procédure pénale engagée contre les dirigeants de la société concessionnaire. La lecture des pièces comptables ne permettait pas de constater d'éventuelles lacunes car les rubriques concernant des investissements en matière de sécurité existaient bel et bien. Les réunions du conseil d'administration ont lieu à Rome ou à Paris pour les débats sur les contrôles techniques, ce qui paraît aberrant, alors que dans d'autres sociétés chargées de la gestion de tels ouvrages, les réunions ont lieu au siège des directions opérationnelles, généralement à proximité de l'ouvrage. Ensuite, en réponse à une remarque de M. Velasco indiquant l'absence de question sur le sujet de la part des administrateurs et sur le fait que l'acceptation d'un mandat nécessite une prise de responsabilité, M. Zanasco répond que les documents relatifs à la sécurité sont demeurés inaccessibles, à l'exception du rapport sollicité et obtenu par M. Moutinot à son entrée en fonction dans le conseil d'administration de la société italienne. Ce rapport portant sur l'organisation de la sécurité dans le tunnel sous le Mont Blanc, datant de 1998, ne contenait aucune information alarmante. Il ajoute que la question se pose à un niveau supranational et indique que le groupe européen d'intérêt économique mis en place ne comportera pas de représentant de la Ville de Genève. Le canton de Genève sera représenté uniquement par M. C. Haegi.
Troisième invite
. .
« Effectuer ou faire effectuer, en collaboration avec la Confédération et les autorités françaises et italiennes compétentes, des études permettant un report dans des délais aussi brefs que possible du trafic de marchandises vers des solutions de ferroutage en limitant l'usage de ce tunnel aux véhicules privés à la place de : encourager les autorités françaises »... .
M. Spinucci se déclare d'accord sur le principe, mais remarque qu'il semble difficile que le Conseil fédéral travaille seul sur ce sujet. Il suggère de nuancer et de dire : « demande d'effectuer... ».
Portier propose :
« encourager vivement les autorités françaises et italiennes à effectuer...»
La présidente déclare qu'il n'est pas envisageable d'inviter le Conseil d'Etat à être aussi direct. Elle ajoute qu'il est cependant possible de lui demander d'intervenir à Berne. Elle remarque en outre que la notion d'immédiateté n'est pas claire.
M. Brunier, considérant qu'il faut passer à des mesures concrètes, propose : « à favoriser l'élaboration d'études et des mesures en collaboration... ».
La présidente propose quant à elle :
« intervenir auprès de la Confédération pour que soient favorisées l'élaboration d'étude et la mise en place de mesures en collaboration... ». .
M. Zanasco suggère de mettre un point final après « ferroutage ».
La présidente soumet au vote la troisième invite telle qu'amendée :
« intervenir auprès de la Confédération pour que soient favorisées l'élaboration d'étude et la mise en place de mesures, en collaboration avec les autorités françaises et italiennes compétentes, permettant un report dans des délais aussi brefs que possible du trafic de marchandises vers des solutions de ferroutage ».
La troisième invite telle qu'amendée est acceptée à l'unanimité, 3 S, 1 Ve, 1 AdG, 1 L, 2 R, 2 DC
Quatrième invite:
Mme Frei propose un amendement consistant en la suppression de cette invite.
M. Brunier, qui suggère aussi la suppression de cette invite en évoquant l'avis de M. Charlet, maire de Chamonix, sur l'impossibilité d'établir un quota, propose donc l'amendement suivant :
« à s'engager, dans l'attente d'une solution de ferroutage, par tous les moyens politiques et juridiques, à limiter le passage des poids lourds, en définissant des tranches horaires et en interdisant les poids lourds ne respectant pas les normes techniques et environnementales européennes ».
M. Spinucci indique que selon M. Chardon, président de l'ATBM, le trafic devrait être régulé. Il explique encore qu'un groupe de travail doit être constitué pour ce faire.
M. Zanasco explique que c'est lors des négociations en vue de la réouverture du tunnel que la France avait proposé de fixer des quotas pour les camions. Les Italiens ont refusé cette option et proposé une limitation par objectif. Les quotas sont donc maintenant abandonnés et l'on s'achemine vers un système de contrôles tels que la vitesse, l'état des camions, ainsi que les distances de sécurité. Il déclare ensuite que le 9 avril 2001 le ministre italien, M. Nesi, a visité le chantier de réhabilitation à Courmayeur. M. Zanasco a représenté M. Moutinot lors de cette visite. Il précise que la réouverture du tunnel est ostensiblement vitale pour les Italiens, qui sont conscients de la solution du ferroutage. Il ajoute que le gouvernement italien a décidé d'engager un plan général des transports sur 10 ans (Piano Generale dei Trasporti) d'un montant total de 200'000 milliards de lires (env. 180 mias de FS) afin de développer les transports en Italie. Cette évolution doit se faire sur 10 ans et la route reste favorisée. Le rapporteur n'est pas convaincu de l'efficacité des mesures, et ce d'autant plus que les amendes seront aisément intégrées dans les coûts de transport et que le nombre de camions continuera allègrement à augmenter. M. Zanasco précise qu'il existe à présent une forte impulsion des gouvernements sur la gestion de ce tunnel et il ajoute que le groupe européen d'intérêt économique sera responsable de la sécurité et effectuera un contrôle plus fort. Il ajoute que si les amendes ne suffisent pas à réguler le trafic, il n'est pas impossible que les gouvernements interdisent le tunnel aux camions en cas de non-respect des prescriptions de sécurité. Par ailleurs, il déclare qu'il considère l'amendement de M. Brunier fragile car la disparition d'un 40 tonnes verra l'apparition de deux 28 tonnes.
La présidente remarque ensuite qu'il n'y a pas d'alinéa général concernant la sécurité. Elle pense que cela pourrait faire l'objet de la première invite qui, en l'état, concerne seulement la sécurité en rapport avec les travaux mais pas avec la gestion du trafic.
Un débat s'engage ensuite au sein de la commission sur l'origine des camions, car selon certains commissaires les camions en provenance des pays de l'Est sont plus polluants que les camions occidentaux. Une proposition est faite de limiter l'accès au tunnel pour les poids lourds qui ne répondraient pas aux normes édictées par la Communauté européenne. Craignant les effets pervers de cette mesure, certains commissaires aimeraient s'assurer que celle-ci ait une réelle efficacité.
La présidente rappelle que les invites sont d'ordinaire loin d'atteindre leurs buts et qu'en conséquence elles peuvent être assez fortes. Elle ajoute que la conformité des véhicules, la sécurité générale du trafic et la question du comportement des chauffeurs sont des points qui ne figurent pas dans le texte.
Après quoi, elle suggère une nouvelle rédaction :
« à s'engager dans l'attente d'une solution de ferroutage, par tous les moyens politiques et juridiques, à limiter le passage des poids lourds, par la définition d'un débit horaire et par l'interdiction des poids lourds ne respectant pas les normes techniques de sécurité et environnementales européennes »
Pour s'assurer que cette question ne ressorte pas dans la suite du débat, elle pose encore une fois la question sur la possibilité de demander la fermeture du tunnel aux poids lourds. M. Brunier déclare que cette mesure aurait comme conséquence de détourner le trafic poids lourds sur d'autres passages tel que le Fréjus. Par ailleurs, les commissaires seraient divisés sur cette proposition, ce qui empêcherait d'avoir un vote unanime sur la rédaction finale de cette motion, une unanimité qui aurait symboliquement un poids certain. Se déclarant d'accord sur le principe, la présidente insiste cependant sur le fait qu'une telle pression pourrait favoriser le développement du transport par ferroutage.
Evoquant la situation au Gothard, M. Zanasco cite un article publié dans un hebdomadaire local qui indique que le transport de marchandises par la route est à l'heure actuelle très bon marché. Le rapporteur estime que tant que les externalités économiques (par ex. atteinte à l'environnement et autres facteurs) ne seront pas répercutées sur le coût des marchandises facturées, le transport par rail aura de la peine à être concurrentiel et à se développer.
La présidente se déclare en faveur de cette proposition et une majorité se rallie à la proposition de M. Brunier et suggère la rédaction suivante pour la quatrième invite :
« à s'engager à tout mettre en oeuvre pour que d'ici dix ans le trafic des poids lourds soit interdit dans le tunnel du Mont-Blanc ».
La quatrième invite telle qu'amendée est acceptée à l'unanimité, 3 S, 1 Ve, 1 AdG, 1 L, 2 R, 2 DC
Cinquième invite
« demander une étude impartiale d'incidences de cet ouvrage sur l'environnement conformément à la Directive européenne du 3 mars 1997 »
La présidente, à la suite des commentaires sur cette invite, propose la rédaction suivante:
« demander une étude impartiale d'incidences de ce tunnel sur l'environnement conformément à la Directive européenne du 3 mars 1997 ».
La cinquième invite telle qu'amendée est acceptée à l'unanimité, 3 S, 1 Ve, 1 AdG, 1 L, 2 R, 2 DC
Sixième invite
Au sujet de cette invite qui concerne le mémorial, la présidente rappelle qu'elle n'a plus de raison d'être, puisque le Conseil d'Etat a donné suite et insiste sur l'opportunité de faire inscrire l'aspect concernant la formation des chauffeurs.
M. Spinucci propose une nouvelle formulation de cette invite, notamment en invitant à compléter celle-ci par une indication de la publication des prescriptions de sécurité.
La présidente suggère la formulation suivante :
« tout entreprendre afin de s'assurer de la mise en conformité de ce tunnel en matière de sécurité pour ce qui concerne la construction, les équipements et la régulation du trafic et de faire connaître publiquement le degré de leur application totale ou partielle ».
. .
« la réalité de leur application totale ou partielle ».
Après quoi, la présidente soumet au vote la première invite ainsi formulée :
« tout entreprendre afin de s'assurer de la mise en conformité de ce tunnel en matière de sécurité pour ce qui concerne la construction, les équipements et la régulation du trafic et de faire connaître publiquement la réalité de leur application totale ou partielle ».
Soumise au vote, elle est acceptée à l'unanimité
(1 DC, 2 R, 1 L, 3 S, 3 AdG, 1 Ve)
Le terme « se désolidariser » figurant sur cette invite, amène les observations suivantes de la part des commissaires :
Quelle est l'implication de cette invite ? Informer les conseils d'administration ? Le faire savoir publiquement ?
La présidente remarque que la première invite est très forte et qu'en cas d'échec il existe plusieurs options comme quitter le conseil d'administration, le boycotter ou se déclarer opposé aux décisions prises. Elle ajoute qu'il serait opportun pour les citoyens, le cas échéant, que le représentant de la collectivité publique genevoise se désolidarise publiquement.
Mme Filipowski répond qu'il serait alors préférable de commencer l'invite par : en cas de non-respect des normes de sécurité...
Après quoi, la présidente soumet au vote la deuxième invite ainsi formulée :
« en cas de non-respect des normes de sécurité, à se désolidariser publiquement de la majorité du Conseil d'administration de ces sociétés ».
Soumise au vote, elle est acceptée à l'unanimité
(1 DC, 2 R, 1 L, 3 S, 3 AdG, 1 Ve)
M. .
..........favorisées, en collaboration avec les autorités françaises et italiennes compétentes, l'élaboration d'études et la mise en place de mesures, permettant un report................
Après quoi, la présidente soumet au vote la troisième invite ainsi formulée :
« intervenir auprès de la Confédération pour que soient favorisées, en collaboration avec les autorités françaises et italiennes compétentes, l'élaboration d'études et la mise en place de mesures permettant un report dans des délais aussi brefs que possible du trafic de marchandises vers des solutions de ferroutage ».
Soumise au vote, elle est acceptée à l'unanimité
(1 DC, 2 R, 1 L, 3 S, 3 AdG, 1 Ve)
La présidente suggère une virgule après « juridiques » et le rajout du verbe « faire » : s'engager,... et juridiques, à faire ...techniques et environnementales européennes.
Après quoi, la présidente soumet au vote la quatrième invite ainsi formulée :
« à s'engager, dans l'attente de ce transfert modal, par tous les moyens politiques et juridiques, à faire diminuer le passage des camions par une limitation horaire des véhicules lourds admis ainsi qu'à faire interdire le passage de véhicules lourds ne respectant pas les normes techniques et environnementales européennes ».
Soumise au vote, elle est acceptée à l'unanimité
(1 DC, 2 R, 1 L, 3 S, 3 AdG, 1 Ve)
A la suite d'une intervention faisant remarquer que c'est le trafic dans le tunnel qui a une incidence et non pas le tunnel lui même,
la présidente propose :
« intervenir auprès de la Confédération pour que soit réalisée une étude impartiale concernant l'incidence de l'exploitation de ce tunnel sur l'environnement conformément à la Directive européenne du 3 mars 1997 ».
La présidente donne lecture de l'invite en remarquant toutefois que les mots soulignés font partie de l'amendement proposé par le département.
« s'engager à tout mettre en oeuvre afin que d'ici 10 ans, le trafic des véhicules lourds soit interdit dans le tunnel sous le Mont-Blanc, sous réserve du trafic régional ».
M. Spinucci se demande si le délai de 10 ans est raisonnable et ce qui se passera à cette échéance.
Les commissaires débattent sur l'opportunité de ce délai de 10 ans ainsi que de la discrimination économique qui est faite aux autres régions en avantageant ainsi les transports régionaux.
Mme Frei remarque que les entreprises qui travaillent sur toute l'Europe ont les moyens de passer par le ferroutage, ce qui n'est pas le cas des entreprises régionales.
M. Lescaze pense que l'amendement, outre qu'il est irréaliste, demeure imprécis et indique qu'il supprimerait le délai sur lequel n'existe aucune possibilité d'emprise. Il se demande ensuite ce que signifie le terme de « région ». Est-ce la vallée d'Aoste ou les échanges Genève-Turin. Il affirme que ce terme est ambigu. Il propose donc le mot « local » ainsi que « à terme ». Une commissaire rappelle que le maire de Chamonix, M. Charlet, entendait par régional les zones de Courmayeur et de Chamonix.
M. Brunier précise que le débat ne porte pas sur une approche protectionniste de la région. Il explique qu'il ne faut pas interdire les produits siciliens par exemple, mais bien les camions en provenance de Sicile. Il remarque, en tant qu'auteur de la motion, que celle-ci a deux vocations, la sécurité et l'environnement, et il ajoute qu'elle doit aussi manifester un souci d'équilibre par rapport aux autres passages comme le Fréjus. Ensuite, considérant l'impossibilité de tout interdire et que la limitation doit suffire, il suggère la formulation suivante « le trafic des marchandises et des poids lourds... »
A la demande de la présidente, M. Zanasco précise que les autocars sont comptés dans les véhicules lourds et fait la remarque que toutes les invites parlent de trafic de marchandises.
Mme Filipowski prend la parole et propose pour la quatrième invite : « s'engager, dans l'attente de ce transfert modal, par tous les moyens politiques et juridiques, à faire interdire le passage des camions par une limitation horaire des véhicules lourds admis ainsi qu'à faire interdire le passage de véhicules lourds ne respectant pas les normes techniques et environnementales européennes ». Les invites suivantes seraient dès lors inutiles.
Considérant le consensus de la commission après de longs débats afin d'avoir un vote unanime de celle-ci, la majorité de la commission rejette l'opportunité de cet amendement.
Mme Cuénod propose ensuite l'amendement suivant : « intervenir auprès de la Confédération pour que soit interdit le trafic des poids lourds dans le tunnel sous réserve du trafic régional ».
Sans autre commentaire de la part des commissaires, la présidente soumet cette proposition au vote.
Soumis au vote, cet amendement est refusé par :
1 oui (AdG), 6 abstentions (3 S, 2 AdG, 1 Ve), 4 non (2 R, 1 L, 1 DC)
La présidente propose ensuite de passer au vote de l'amendement de Mme Filipowski.
Soumis au vote, cet amendement est refusé par :
7 non (2 R, 1 L, 1 DC, 3 S), 1 oui (AdG), 3 abstentions (1Ve, 2 AdG)
La présidente passe alors au vote de la sixième invite :
« s'engager à tout mettre en oeuvre afin que d'ici 10 ans, le trafic des poids lourds soit interdit dans le tunnel sous le Mont-Blanc, sous réserve du trafic local ».
Soumis au vote, cet amendement est accepté par :
9 oui (3 S, 1Ve, 1 AdG, 2 R, 1 L, 1 DC), 1 non (AdG), 1 abstention (AdG)
La présidente soumet alors l'amendement de M. Lescaze :
« s'engager à tout mettre en oeuvre afin qu'à terme, le trafic des poids lourds soit interdit dans le tunnel sous le Mont-Blanc, sous réserve du trafic local ».
Soumis au vote, cet amendement est refusé par :
4 oui (1 S, 2 R, 1 L), 4 non (1 DC, 2 AdG, 1 Ve), 3 abstentions (2 S, 1 AdG)
Sans autres commentaires de la part des commissaires, la présidente propose de voter la motion dans son ensemble, avec les six invites telles que formulées par nos travaux. Elle remarque que dans les textes votés ne figurent pas de mesures concernant le comportement des chauffeurs.
« à tout entreprendre afin de s'assurer de la mise en conformité de ce tunnel en matière de sécurité pour ce qui concerne la construction, les équipements et la régulation du trafic et de faire connaître publiquement la réalité de leur application totale ou partielle ».
« en cas de non-respect des normes de sécurité, à se désolidariser publiquement de la majorité du Conseil d'administration de ces sociétés ».
« à intervenir auprès de la Confédération pour que soient favorisées, en collaboration avec les autorités françaises et italiennes compétentes, l'élaboration d'études et la mise en place de mesures, permettant un report, dans des délais aussi brefs que possible, du trafic de marchandises vers des solutions de ferroutage ».
« à s'engager, dans l'attente de ce transfert modal, par tous les moyens politiques et juridiques, à faire diminuer le passage des camions par une limitation horaire des véhicules lourds admis, ainsi qu'à faire interdire le passage de véhicules lourds ne respectant pas les normes techniques et environnementales européennes ».
« à intervenir auprès de la Confédération pour que soit réalisée une étude impartiale concernant l'incidence de l'exploitation de ce tunnel sur l'environnement conformément à la Directive européenne du 3 mars 1997 ».
« à s'engager à tout mettre en oeuvre afin que d'ici 10 ans, le trafic des poids lourds soit interdit dans le tunnel sous le Mont-Blanc, sous réserve du trafic local ».
Soumis au vote, le texte final tel qu'amendé par la commission est accepté par :
9 oui (3 S, 2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 L), 1 abstention (AdG)
Aussi la commission vous invite-t-elle, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter la présente motion.
ANNEXE 1
Proposition présentée par les députés:Mmes et M. Christian Brunier, Françoise Schenk-Gottret et Laurence Fehlmann Rielle
Date de dépôt: 21 novembre 2000Messagerie
M 1375
Proposition de motionpour un tunnel du Mont-Blanc moins dangereux et moins polluant
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Pétitionpour la non-réouverture du Mont-Blanc dans les conditions actuelles !
Mesdames etMessieurs les députés,
Nous ne pouvons et nous ne devons pas oublier que 39 personnes ont perdu la vie ce tragique 24 mars 1999 et par conséquent, nous devons faire en sorte que cela ne se répète pas.
A quelques mois de la réouverture du Mont-Blanc, quelques modifications ont été réalisées mais même si celles-ci se révèlent importantes, elles ne permettront pas d'assurer une sécurité à 100%, ni même une intervention aisée et immédiate des secours compte tenu de la configuration d'un tunnel monotube d'une largeur de 7 mètres.
Les travaux exécutés ne prévoient toujours pas :
Nous exigeons une vraie galerie de secours.
Débat
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Je vais ajouter quelques mots à mon rapport pour les nombreux citoyens qui ne savent pas de quoi il s'agit, du fait qu'ils n'ont pas ce document à disposition.
La motion 1375 fait suite au terrible accident du tunnel du Mont-Blanc, qui s'est soldé par 39 morts. Très vite, on découvrit que non seulement la sécurité de cet ouvrage faisait défaut, mais que les infrastructures étaient inadaptées aux différentes interventions de sécurité et que, surtout, cet ouvrage, à l'origine, avait été construit pour le trafic touristique et non pour les poids lourds. En l'occurrence, en quoi cela concerne-t-il notre canton ? Il se trouve que la Ville de Genève et le canton possèdent 5,4% des actions de la société Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc et 6,5% de la société italienne du même tunnel. Le Conseil d'Etat et la Ville sont respectivement représentés par MM. Claude Haegi et M. Vaissade au conseil d'administration de l'ATMB, et par MM. Laurent Moutinot et Pierre Muller au conseil d'administration de la société italienne.
Concernant l'accident lui-même, lors de nos travaux, nous avons auditionné M. Laurent Moutinot, qui nous précisa les éléments suivants. Il rappela que notre politique en matière de ferroutage était en quelque sorte taboue dans les pays voisins. Les deux conseils d'administration... (Brouhaha.) Madame la présidente, ce n'est pas possible, on ne s'entend plus ici... Les deux conseils d'administration, à l'heure actuelle, ont été vidés de leur substance et dépendent des ministres italien et français. Un organe commun a été chargé de la gestion, à savoir le Groupement européen d'intérêts économiques GEIE. C'est M. Claude Haegi qui nous y représente.
Nous avons aussi auditionné M. Légeret et M. Le Comte du SIS. Ceux-ci soulignèrent les difficultés inhérentes à la conduite bicéphale de la société et le manque de communication entre les deux entités. Ils précisèrent que la majeure partie des victimes périrent dans leur véhicule sans chercher à utiliser les issues de secours. En l'état, le SIS invite notre commission à se pencher sur l'éradication des risques dans les tunnels.
Concernant les prises de position, il faut savoir que la Ville de Genève a adhéré, le 12 mars, à l'Association pour le respect du site du Mont-Blanc. Elle s'est jointe à la procédure contre le gouvernement français afin d'obtenir l'interdiction du trafic. Par ailleurs, en août, un référendum a eu lieu du côté des Ouches et de Chamonix : la participation a été de 53,2% et la population s'est prononcée à 97% contre le trafic des poids lourds. Enfin, les syndicats italien et français de la vallée d'Aoste et de Chamonix déplorent l'absence de concertation depuis l'accident. Quant à l'impact de la fermeture du tunnel sur l'environnement, il semble, selon une étude comparative effectuée, qu'il y ait une baisse de la pollution et une amélioration réelle de la qualité de la vie pour les populations concernées.
A l'heure actuelle, le chantier semble fini et un bras de fer s'est engagé entre les autorités, enclines à autoriser l'ouverture et l'exploitation du tunnel, et les habitants des deux vallées, soit Chamonix et Courmayeur. On sait que cette rénovation sera en deçà des directives figurant sur la circulaire interministérielle française de 1981, qui régit la sécurité des tunnels et qui contient les normes sécuritaires. Certains aménagements ont en effet été abandonnés sur l'autel de la rentabilité. La date prévue pour la réouverture du tunnel se situe entre le 15 et le 30 novembre de cette année, selon le ministre italien en charge du dossier. Aucune mesure en faveur du transfert des marchandises de la route vers le rail, qu'il s'agisse de ferroutage ou de transport combiné, n'a été offerte en contrepartie aux habitants des deux vallées. Selon un sondage effectué le 21 septembre, seuls 22% des habitants de Haute-Savoie souhaitent l'interdiction pure et simple des poids lourds sous le Mont-Blanc. En revanche, 60% veulent une limitation du trafic et 96% se déclarent favorables au ferroutage.
Quant aux conclusions de nos travaux, le point qui a divisé le plus la commission fut l'interdiction éventuelle du trafic poids lourds. Il y eut un débat entre les commissaires pour savoir s'il fallait interdire le transit des poids lourds sous le Mont-Blanc. Certains pensaient qu'il fallait patienter un certain nombre d'années, soit dix ans, afin de permettre la mise en place de la solution du ferroutage. Entre temps, des mesures telles que la limitation du trafic et le respect des normes environnementales devraient être mises en place. Vous verrez, dans les invites amendées de la motion, qu'il est demandé à la Confédération d'intervenir dans ce sens.
Pour le reste, Mesdames et Messieurs les députés, je vous renvoie au rapport qui vous a été adressé.
M. Pierre-Louis Portier (PDC), rapporteur. C'est après que M. Velasco eut déposé son rapport sur la motion 1375 que la commission des affaires communales, régionales et internationales s'est penchée sur la pétition 1367. Elle a travaillé sur ce sujet les 22 septembre et 2 octobre derniers. Nous avons auditionné l'auteur de cette pétition, M. Pasquale d'Amelio, qui n'est autre que le père de la victime genevoise. Il était accompagné de la soeur de la victime. Incontestablement, nous avons, à cette occasion, vécu certaines émotions fortes, comme nous les avions d'ailleurs vécues lors des différentes auditions concernant la catastrophe elle-même, tout au long de nos travaux sur la motion.
La pétition que vous avez sous les yeux traite des conditions de sécurité et exige surtout une vraie galerie de secours. Durant les travaux concernant la motion, nous avons dû composer pour trouver la plus large unanimité, de façon à faire des propositions qui puissent être retenues ce soir par tous les groupes, et certains d'entre nous en ont été un peu frustrés. Ils auraient voulu aller un peu plus loin dans les invites et cette pétition était donc une bonne occasion d'aller dans ce sens. En effet, nous étions unanimes à reconnaître que les différentes installations de sécurité mises en oeuvre, évoquées par notre collègue Velasco, notamment concernant la galerie de secours, étaient insuffisantes. Ainsi, la galerie de secours, qui est également la galerie d'amenée d'air frais, ne mesure que 1,4 m de large. C'est dire que le trafic routier et notamment le trafic des camions qui va reprendre dans les prochaines semaines, comme l'a annoncé le ministre Gayssot hier, ne se fera de toute évidence pas dans d'excellentes conditions.
Alors, encore une fois, si nous devions faire preuve de mesure dans les invites de la motion, nous pouvons en revanche être un peu plus impératifs concernant les demandes de cette pétition, dont j'ai oublié de dire qu'elle a été signée par 2400 personnes. L'exemplaire qui nous avait été remis en commission était signé d'une seule personne, M. D'Amelio Pasquale, mais celui-ci, lors de son audition, nous a révélé qu'il agissait au nom de l'Association de défense des familles des victimes de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc du 24 mars 1999. Et, cet après-midi même, les 2400 autres signatures ont été déposées auprès du secrétariat du Grand Conseil.
La commission a donc été unanime à reconnaître l'insuffisance des mesures de sécurité, particulièrement en ce qui concerne la gaine de secours. Elle a fait sienne l'exigence des pétitionnaires et vous propose à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Nous l'assortissons même, par ma voix, d'une demande d'action rapide dans ce domaine. Si, concernant les autres exigences, nous avons laissé aux différentes autorités concernées une période de dix ans pour mettre en route le fameux ferroutage, il nous semble qu'en matière de creusement d'une nouvelle gaine de secours nous pourrions agir très directement. Il est vrai que nos différents représentants au sein des sociétés du tunnel du Mont-Blanc n'ont que des moyens limités, mais nous souhaitons que, dès qu'ils en auront l'occasion, ils martèlent cette demande. C'est surtout cette notion d'immédiateté qui caractérise la position des commissaires sur cette pétition et qui la différencie de celle concernant la motion 1375. Pour l'instant, j'en ai terminé.
Mme Anita Frei (Ve). Le tragique accident du 24 mars 1999 a mis en évidence la dangerosité du tunnel du Mont-Blanc, les lacunes manifestes et criminelles au niveau de la sécurité, dont les auditions effectuées par la commission des affaires communales, régionales et internationales ont montré toute l'ampleur.
Ce tunnel, M. Velasco l'a souligné, n'était pas prévu pour le passage des camions, mais était destiné à un usage touristique. Dans ces conditions, la sécurité ne pouvait pas être assurée : elle ne l'est toujours pas. En effet, les dispositifs de sécurité mis en place après l'accident sont peut-être plus au goût du jour mais, bardé d'électronique, le tunnel n'est pas plus adapté aujourd'hui qu'hier au passage des camions. Rappelons tout de même que la chaussée fait toujours 7 m de largeur, alors que les camions gonflent de jour en jour, que le tunnel du Mont-Blanc ne dispose toujours pas d'une vraie galerie de secours permettant une évacuation rapide et efficace en cas d'accident. Les conditions de sécurité ne sont pas remplies au tunnel du Mont-Blanc, elles ne le seront jamais tant que les poids lourds seront autorisés à emprunter cet ouvrage.
Les Verts s'opposent à la réouverture du tunnel du Mont-Blanc aux poids lourds. Ils soutiennent la lutte menée par l'Association pour le respect du site du Mont-Blanc et les habitants de la vallée de Chamonix, qui se battent avec énergie pour que le Mont-Blanc demeure épargné par la noria de camions qui augmentent constamment, qui, depuis des années, font subir des nuisances inacceptables à la population et portent grandement atteinte à cet environnement unique. La lutte des habitants de la vallée du Mont-Blanc est celle de tous les habitants de toutes les vallées alpines et pyrénéennes contre la spirale infernale du trafic des poids lourds. Les alternatives existent. En Suisse, nous sommes bien placés pour le savoir. S'il y a une chose dont nous pouvons être fiers ces jours-ci, c'est bien du choix de miser sur le ferroutage, sur une solution durable pour le transport des marchandises à travers les Alpes.
Enfin, si comme parti nous nous opposons à la réouverture du tunnel aux poids lourds, comme membres de ce parlement nous soutenons pleinement la proposition de motion telle qu'elle ressort des travaux de la commission. Cette motion va peut-être moins loin que nous aurions pu le souhaiter, mais elle a le mérite d'énoncer clairement les préoccupations de notre Grand Conseil et notre souhait de voir le Conseil d'Etat s'engager auprès des gouvernements français et italien pour la mise en place réelle et effective du transfert de la route au rail.
Le canton de Genève doit manifester sa solidarité avec la population de la vallée du Mont-Blanc dont nous sommes si proches. Je vous invite donc vivement, Mesdames et Messieurs les députés, à donner un signe clair, à renvoyer la motion 1375 et la pétition pour la non-réouverture du Mont-Blanc dans les conditions actuelles, au Conseil d'Etat.
M. Pierre Vanek (AdG). J'adhère à l'essentiel de ce que vient de dire ma préopinante, ainsi qu'à ce qu'a dit M. Portier, dans son rapport oral. Il a eu raison de souligner la gravité de la question et cette pétition doit être renvoyée au Conseil d'Etat. M. Portier l'a dit, nous avons des moyens limités, mais, pour reprendre ses termes, il s'agit de marteler cette demande de non-réouverture du tunnel du Mont-Blanc dans les conditions actuelles. Il a insisté sur l'immédiateté de cette exigence : notre groupe y souscrit évidemment.
Nous souscrivons également aux considérations sur la motion, sur le nécessaire transfert de la route au rail, sur les problèmes de sécurité de ce tunnel, énoncées par Mme Frei à l'instant et par le rapporteur, M. Velasco. Il faut un transfert du trafic de marchandises de la route vers le rail. C'est non seulement une exigence soutenue dans ce parlement - à travers lequel, comme cela a été justement dit, nos moyens d'influence sont limités - mais également une exigence des habitants de la région. Alberto Velasco l'a souligné dans son intervention : ceux-ci se sont prononcés, avec leurs autorités locales, par voie de référendum, même si cette procédure, bien connue dans notre pays, est contestée par le pouvoir central en France.
Dans ce sens, je pense que nous devons effectivement nous prononcer. Mais faut-il nous prononcer en votant une motion dont la dernière invite dit : «s'engager à tout mettre en oeuvre afin que d'ici dix ans le trafic des poids lourds soit interdit dans le tunnel sous le Mont-Blanc, sous réserve du trafic local» ? En l'occurrence, ni moi ni mon groupe ne pouvons voter une telle invite. Cette invite consistant à dire que, dans dix ans, il faudra voir, que ce trafic devra être interrompu dans dix ans - alors qu'il l'est de fait aujourd'hui et qu'il s'agit de se prononcer sur son rétablissement ou non - est à mon avis de nature à saborder complètement le peu de moyens que nous avons dans ce parlement. En effet, on est en train de nous demander de voter une invite qui signifie que, pendant dix ans, le trafic poids lourds peut continuer à travers ce tunnel. En toute logique, c'est ce que veut dire cette invite. En conséquence de quoi, je ne comprends pas bien - je n'ai peut-être pas l'esprit assez subtil - la distinction que fait Mme Frei entre la position de son parti et la position de ses parlementaires dans cette enceinte...
Ce soir, il s'agit d'envoyer un signal politique et, comme l'a dit M. Portier, autant que ce signal politique soit franc et clair. En l'état, comme nous n'avons pas l'intention de prolonger ce débat en proposant toutes sortes d'amendements, notre groupe ne votera pas cette motion à cause de cette invite.
M. Christian Brunier (S). Un mot caractérise notre sentiment depuis le début de cette affaire, c'est le mot «scandalisé». Nous étions scandalisés, bien sûr, au moment de la catastrophe. Nous étions scandalisés ensuite quand nous avons appris que, pendant des années, la sécurité avait été bafouée, que des gens le savaient et qu'ils n'avaient rien fait, provoquant la mort de plusieurs personnes. Nous sommes scandalisés aujourd'hui parce que toutes les belles promesses faites au lendemain de la catastrophe n'ont pas été tenues et sont parties en poussière. On peut l'affirmer, d'autres l'ont fait avant moi : la sécurité de ce tunnel n'est pas assurée et une réouverture serait scandaleuse dans ce contexte. Evidemment le risque zéro n'existe pas, mais là nous sommes face à une totale négligence et nous devons réagir. C'est pourquoi nous avons présenté cette motion il y a quelques mois.
En l'occurrence, il y avait deux façons de la traiter. Au début, nous avons eu, en commission, un vrai débat, je dirais idéologique, entre la gauche et la droite, entre autres sur la fermeture de ce tunnel au trafic des camions. Puis, le maire de Chamonix nous a convaincus qu'il était important que cette motion soit votée à l'unanimité de notre parlement. C'est pourquoi, aussi bien à droite qu'à gauche, nous avons tous fait des concessions, pour arriver à une motion qui n'est certes pas fantastique, suite à toutes ces concessions, mais qui est néanmoins claire et qui devrait émaner de l'ensemble du parlement.
L'Alliance de gauche, durant les travaux en commission, a poussé dans ce sens. D'ailleurs, la présidente elle-même, qui est membre de l'Alliance de gauche, a tout fait pour trouver une unanimité sur ce sujet délicat. Je suis donc peiné de voir ce soir un député tout casser, un député qui ne siégeait pas en commission, qui n'a pas suivi toute la dynamique qui s'y est développée, appuyée par les gens qui se battent à Chamonix, appuyée par le maire de Chamonix... Si, aujourd'hui, seule une partie du parlement vote cette motion - certes une partie importante, puisqu'un seul parti ne la votera pas - ce sera dommage et nous raterons là une bonne occasion. En effet, le fait que l'unanimité du parlement vote ces invites, qui sont quand même claires et qui vont dans le bon sens, aurait un autre poids au niveau régional.
Je suis donc très déçu de cette attitude. Je rappelle que nous avions même décidé de n'accepter aucun amendement qui ne vienne pas de la commission et que les six groupes étaient d'accord - même s'il y a eu un dérapage, en dernière minute, d'une députée de l'Alliance de gauche qui n'avait pas non plus suivi les travaux de commission, la dynamique constructive qui s'y était développée. Aujourd'hui, en plénière, M. Vanek revient sur ces décisions. C'est dommage, je trouve que certains sujets ne devraient pas donner lieu à des bagarres politiques inutiles!
La La présidente. Avant de passer la parole à M. le conseiller d'Etat Moutinot, j'aimerais saluer la présence, à la tribune du public, de trois classes d'apprentis de 2e année de l'Ecole de commerce André-Chavanne, sous la conduite de M. Jean-Jacques Liengme. (Applaudissements.)
Je salue également la présence de deux de nos anciens collègues, M. Luc Gilly et M. Alain Saracchi. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord une information : j'ai représenté le canton, samedi dernier, lors de l'inauguration du Mémorial aux victimes, et cette présence genevoise a été, je crois pouvoir le dire, très appréciée. J'ai par ailleurs profité de cette circonstance pour avoir un certain nombre de discussions avec les autorités municipales de Chamonix et avec l'association des parents des victimes.
Je partage le sentiment selon lequel il est important que votre parlement se prononce, de façon unanime si possible, comme une suite à cette catastrophe que nous ne voulons pas voir se reproduire.
Il est vrai que la problématique est forcément délicate. Ainsi, faute du délai de dix ans dans la dernière invite, que M. Vanek voit comme une autorisation de trafic, ce serait aussi dix ans de souffrances pour la Maurienne! En effet, que cela plaise ou non, les camions ne vont pas disparaître d'un coup de baguette magique : leur nombre devra être réduit, ils devront disparaître, mais, dans l'intervalle et tant qu'ils existent, il faut essayer d'accommoder la situation en tenant compte de l'ensemble des populations touchées par ces flux de camions.
Je dois rappeler que, dès la catastrophe, le Conseil d'Etat genevois avait demandé une réunion d'urgence des conseils d'administration des deux sociétés. J'ai été à Rome à cette occasion. A ce moment-là, parler de rail en Italie relevait de la gageure : on ne m'a absolument pas pris au sérieux l'ombre d'une seconde! Aujourd'hui, deux ans et demi après, il y a encore des progrès à faire, mais manifestement, en France, d'immenses progrès ont été faits dans l'idée qu'il fallait passer de la route au rail pour le fret. Si, en Italie, les progrès sont moins nets, il y a tout de même, à l'heure actuelle, une prise de conscience du fait que le tout aux camions n'est plus possible. A cet égard, les représentants genevois dans ces instances ont toujours insisté sur la politique fédérale de transfert de la route au rail, pour le transport du fret à travers les Alpes.
S'agissant de vos préoccupations au niveau de la sécurité, j'ai demandé à l'association des parents des victimes s'ils connaissaient des normes qu'ils souhaitaient voir appliquer dans ce tunnel. Tel n'était pas le cas, sans doute parce que la sécurité est un concept extraordinairement compliqué. Dans un tunnel, la sécurité dépend bien entendu de l'infrastructure. Elle dépend, en deuxième lieu, de l'organisation du trafic et de l'organisation des secours, en troisième lieu des types de véhicules qui traversent le tunnel et, en quatrième lieu, de la formation des conducteurs de ces véhicules. Ce sont ces quatre facteurs réunis qui, s'ils sont tous optimaux, peuvent donner une sécurité maximale. Même les meilleures infrastructures ne suffisent pas, si l'organisation est déficiente. De même, une organisation parfaite dans un tunnel dangereux du point de vue structurel n'amène pas la sécurité. C'est dire que, compte tenu de la complexité de la sécurité, on ne peut pas la juger sur un seul paramètre, par exemple la distance existant entre deux abris. On peut installer des détecteurs avancés de chaleur, de fumée, d'opacité ou d'arrêt de véhicules : si l'employé dans la salle de contrôle s'endort, les meilleurs systèmes ne servent plus à rien. Ou s'il n'est pas formé pour prendre la bonne décision lorsqu'il constate une alarme, ces systèmes ne servent plus à rien non plus. Nous devons donc tous insister sur la sécurité, mais en évitant le dogmatisme qui consisterait à dire, par exemple, que la sécurité est égale à la distance entre deux téléphones de secours. C'est une facilité à laquelle nous ne devons pas céder.
Alors, Mesdames et Messieurs, même si certaines des invites posent quelques problèmes, il est souhaitable que vous adoptiez cette motion comme un signe politique. L'essentiel du pouvoir maintenant, bien entendu, appartient aux ministères des transports italien et français et les contacts avec ces ministères nécessitent donc un passage par la Confédération, pour des raisons diplomatiques évidentes. Mais sachez déjà qu'au niveau des conseils d'administration nous ferons ce que nous pourrons en faveur du transfert de la route au rail et, en mémoire de cette tragédie qui ne doit pas se reproduire, en faveur de la sécurité dans le tunnel. (Applaudissements.)
M 1375-A
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
P 1367-A
Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires communales, régionales et internationales (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.