République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 octobre 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 12e session - 47e séance
IU 1126
M. Jean-Marc Odier (R). Mon interpellation urgente s'adresse au Conseil d'Etat. Il semblerait que le Conseil d'Etat ait approuvé une proposition de Mme la ministre des finances d'acquérir des billets de théâtre pour un montant de 30 000 F, afin de les offrir aux collaborateurs de l'Etat... (Exclamations et brouhaha.)
La présidente. Monsieur le député Velasco !
M. Jean-Marc Odier. A cet effet les collaborateurs de l'Etat ont reçu une information à l'entête du département des finances avec leur feuille de salaire de septembre expliquant qu'ils pouvaient retirer gratuitement des places de spectacle auprès du service des ressources humaines de leur département.
Interrogée à ce sujet, Mme Calmy-Rey déclarait hier dans un quotidien de la place que cette opération présentait un avantage double. Le premier étant, je cite, «d'améliorer la situation des employés de l'Etat».
Ma première question est la suivante :
Pensez-vous réellement que les collaborateurs de l'Etat, qui souhaitent voir leur situation améliorée, attendent de vous comme de nous qu'on leur offre des places de spectacle ?
Voici ma deuxième question :
Alors que l'on attend de l'Etat qu'il observe une stricte égalité de traitement envers chacun, ne pensez-vous pas légitime que la population et les contribuables soient choqués que Mme la ministre des finances propose d'attribuer 30 000 F pour distribuer 1240 billets aux collaborateurs de l'Etat ?
Voilà le deuxième avantage dont parle Mme Calmy-Rey, je cite : «Plutôt que de subventionner des théâtres à vide, on incite les gens à s'y rendre.» Ma troisième question est la suivante :
Proposez-vous de subventionner une première fois le fonctionnement des théâtres et qu'ensuite le Conseil d'Etat les subventionnent une deuxième fois pour qu'ils ne soient pas vides ?
Quant au choix des théâtres, les directeurs des autres théâtres genevois sont en droit de se poser des questions quant au processus et ses critères. Faut-il avoir des affinités particulières avec Mme Calmy-Rey pour bénéficier de ce subventionnement ou ne s'agit-il que du fait de l'appartenance d'un directeur du département des finances au conseil de fondation auquel sont rattachés ces deux théâtres ?
Quoi qu'il en soit, s'il s'agit de la deuxième hypothèse, je pense que le poste de directeur au département des finances exige une extrême neutralité et qu'il est particulièrement mal perçu qu'il use de sa position pour proposer de faire bénéficier la fondation à laquelle il participe d'avantages de ce type.
En attendant vos réponses, et puisqu'il s'agit d'une opération expérimentale, permettez-moi de vous dire, avec tout le respect que j'ai pour les prérogatives du Conseil d'Etat - et l'ensemble du groupe radical partage cet avis - qu'à tous points de vue, que ce soit l'équité entre contribuables ou l'équité entre théâtres, cette expérience, qui tient du clientélisme préélectoral, représente un travers beaucoup trop discutable pour qu'elle soit répétée. (Applaudissements.)
Réponse du Conseil d'Etat
Mme Micheline Calmy-Rey. Monsieur Odier, je n'aime pas vos insinuations; elles ne sont pas dignes d'un député. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous réponds de manière factuelle : nous finançons l'acquisition de billets de spectacle pour la saison 2001-2002 au Théâtre de Poche et au Théâtre de la Comédie. C'est un processus expérimental qui a été accepté par le Conseil d'Etat.
La première raison est d'inciter les collaborateurs et les collaboratrices de l'Etat à fréquenter les théâtres et à accéder à la culture. Il s'agit de personnes qui peut-être iront au théâtre pour la première fois et je trouve qu'il est important de leur donner l'envie d'aller au théâtre ou de se rendre dans d'autres institutions culturelles. C'est en ce sens que cette opération a été conçue. Cela fait aussi partie du rôle de l'Etat et devrait conduire à terme à diminuer les subventions aux institutions culturelles dans la mesure où elles augmentent leurs recettes propres.
La deuxième raison est d'améliorer les conditions non salariales du personnel de l'Etat. En ce qui concerne les conditions salariales, nous appliquons la loi. Votre parti est un des premiers à mettre en cause l'application normale de la loi sur la fonction publique et la loi sur les traitements de la fonction publique. Nous avons envie non seulement d'appliquer la loi et les conditions normales qui sont données au personnel de l'Etat, mais aussi de leur accorder quelques avantages non salariaux, comme c'est le cas dans le secteur privé.
Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'une opération pilote - 1240 places sont mises à disposition des collaborateurs et collaboratrices de l'Etat et deux théâtres ont été choisis pour cette première saison. Il est évident que si cette opération est un succès, Mesdames et Messieurs, elle sera reconduite. Cela coûte à l'Etat 29 800 F, prélevés sur le fonds disponible de la Loterie suisse à numéros et franchement il n'y a pas de quoi en faire une histoire telle que vous la faites et telle que vous la présentez. (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente est close.
La présidente. Je salue à la tribune du public la présence de notre ancien collègue Luc Gilly. (Applaudissements.)