République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 20 septembre 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 11e session - 41e séance
IU 1110
M. Michel Halpérin (L). Cette interpellation urgente s'adresse à M. le conseiller d'Etat Gérard Ramseyer. Exceptionnellement elle ne concerne pas le sujet que nous traiterons ce soir, mais elle vise une question qui intéresse de manière désormais presque pathologique notre population.
Outre le sentiment d'insécurité croissant qui tient à un certain nombre de dégénérescences de comportement dans notre ville et dans notre République que, souvent déjà, nous avons porté à votre attention, les événements qui se sont produits la semaine dernière à New York donnent le sentiment à la population et à un certain nombre d'entre nous qu'une révision attentive des ressources à disposition du Conseil d'Etat et de la République pour assurer la sécurité publique est indispensable.
Cette impression est encore renforcée s'agissant de la protection des milieux diplomatiques et notamment des missions et des représentations étrangères à Genève, de sorte que l'objectif de cette interpellation urgente est de demander à M. Ramseyer si, premièrement, des mesures sont envisagées et, sans en demander le détail naturellement, de quelle envergure, pour rassurer la population sur ces trois questions, et si, particulièrement s'agissant des missions internationales, les moyens nécessaires à la police sont mis à sa disposition.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Gérard Ramseyer. Monsieur le député, j'aimerais vous remercier d'avoir eu la délicatesse de m'informer du sens de la question que vous alliez poser. J'aimerais d'abord juste vous brosser un très rapide tableau de ce qui s'est passé le 11 septembre 2001, à Genève.
Sitôt que nous avons été informés de cet attentat, c'était à 15 h 35, nous avons lancé un certain nombre d'opérations d'urgence. En particulier, nous avons haussé le niveau d'alerte en ce qui concerne les sites sensibles. Nous avons renforcé la surveillance de ces sites sensibles. Je précise qu'il y a à Genève 280 sites sensibles, seulement pour les USA. Ensuite, nous avons activé la cellule d'accueil à l'aéroport parce que des avions, partis de Genève, devaient revenir sur Genève, ne pouvant se poser à New York.
A 21 h 30, nous avons pu démobiliser ce dispositif d'accueil, eu égard au fait que l'avion qui revenait de New York s'était posé sans problème, que les passagers, l'avion et les bagages avaient été fouillés de manière extrêmement attentive. Ce dispositif d'accueil a fonctionné de manière professionnelle; c'était le même que celui que nous avions utilisé en 1998 lors du crash du SR 111.
Que pouvons-nous faire face à des menaces terroristes de ce genre ?
La première série de mesures concerne les mesures aéroportuaires préventives, actives, au sol. C'est tout le problème du contrôle frontière, de la fouille bagages.
La deuxième mesure est celle qui tient à la mise en place de la police de sécurité internationale, en charge des sites sensibles. Je rappelle que j'ai initié cette police en 1997 déjà, qu'elle comprend 145 gardes d'aéroport, 45 gardes de sécurité diplomatique et 24 collaborateurs attachés aux contrôles frontière. Cette police de sécurité internationale fonctionne déjà, à satisfaction. Je reviendrai sur les effectifs ensuite. J'aimerais par contre rappeler que tout ce qui concerne la surveillance de l'espace aérien est du ressort exclusif de la Confédération.
De manière plus générale, le concept global de sécurité à l'intérieur de la Suisse est à l'étude. La composante militaire, vous le savez sans doute, est sous toit, mais elle est contestée. La composante police est en cours d'étude et j'y suis demain toute la journée. Là, le débat avec la Confédération et entre cantons est un débat relativement riche. La sécurité civile est sous toit. L'adhésion de notre pays à Schengen est en cours de discussion. On prépare une entrée en matière de la Confédération, mais les cantons ne sont pas tous d'accord entre eux à ce sujet.
Monsieur le député, une tragédie comme celle de New York a deux conséquences immédiates. D'abord l'influence d'une telle tragédie sur le sentiment d'insécurité qui agite notre population. Ensuite et surtout, la vérification de nos concepts de sécurité. Pour le sentiment d'insécurité, j'aimerais rappeler que les palliatifs sont connus. Ils sont encore insuffisants. C'est le concept de police de proximité. C'est la création des agents de sécurité municipaux. C'est la création, il y a trois ans, d'un poste de directeur des études stratégiques qui a pour mission non seulement de poser des diagnostics, mais d'aller étudier le plus en amont possible l'évolution de ce type de délinquance ou de criminalité.
Depuis le 11 septembre, le gros problème que nous affrontons concerne les concepts de sécurité helvétique. En quelque sorte, après l'effondrement du mur de Berlin en 1989 et l'éclatement du bloc soviétique, un contexte a été donné. Nous avons le sentiment, malheureusement inquiétant, que ce contexte s'est modifié, que nous sommes maintenant dans un nouveau concept de guerre, une guerre de religions qui oppose les intégristes de partout au reste de la planète.
Toutes nos réformes, celles auxquelles je participe depuis plusieurs années, sont basées sur un contexte qui vient de se modifier brutalement. D'autre part, cette nouvelle donne nous conduit à prendre un certain nombre de mesures à Genève, et c'est la raison pour laquelle, le 26 octobre prochain, j'aurai le privilège de rencontrer, à Genève, le procureur général de la Confédération et le chef de l'Office fédéral de la police pour évoquer un cas qui, en Suisse, est quasiment unique, celui de Genève capitale européenne de l'ONU.
J'ai pris, dans l'immédiat, quatre mesures que je vous communique maintenant :
1. A la police judiciaire se trouve un groupe d'investigations spéciales, en charge de la sécurité de l'Etat pour le compte de la Confédération. Ce groupe ne nous coûte rien, puisque son salaire est payé par la Confédération. Je demande donc que les effectifs de ce groupe soient augmentés de dix unités.
2. Dans la réforme Police XXl, j'ai déjà demandé au Conseil fédéral de nous fournir une nouvelle appréciation de situation. Nous pouvons, bien sûr, avec nos moyens, évaluer comment les choses devraient évoluer, mais c'est à la Confédération de dire comment elle envisage le futur. Je répète qu'à mon avis ce futur ne ressemblera pas totalement à ce que nous avons connu.
3. La troisième mesure concerne les gardes de sécurité diplomatique. Lundi, il y a une semaine, le jour même de cet attentat épouvantable, Mme Metzler a confirmé qu'elle donnerait à Genève à terme 120 gardes de sécurité diplomatique. Nous en avons actuellement quanrante-cinq et il est prévu que, chaque année, nous recevions de la Confédération dix, quinze, parfois vingt gardes supplémentaires, en fonction des budgets. Je demande que nous atteignions plus rapidement que prévu ce total de cent vingt, sans quoi nous ne pourrons pas faire face aux besoins. Nous avons eu le cas de l'attentat de New York et nous avons pris les mesures qui dépendaient de cet attentat. Si - je souhaite ardemment, sincèrement, que ce ne soit jamais le cas - les Etats-Unis devaient riposter, ce n'est pas seulement les Etats-Unis mais tout l'OTAN qui serait visé, ce qui représente beaucoup de pays, beaucoup de sites ici à Genève. S'il devait y avoir une riposte, alors il faudrait prendre des mesures pour protéger à nouveau ces pays et nous n'avons pas les effectifs. Nous devrons les demander à Berne et c'est la raison pour laquelle je demande que ce chiffre de 120 gardes soit atteint plus rapidement que prévu.
4. Vous avez voté, Mesdames et Messieurs les députés, la motion 1296. Dans cette motion, vous me demandez chaque année de prendre un certain nombre d'agents de police, de policiers, de gendarmes attelés à des tâches administratives et de les remettre sur le terrain. C'est ce que nous faisons. J'ai demandé à la police genevoise de me faire le tableau de la situation actuelle pour accélérer, hâter ce transfert, de manière à libérer encore plus vite ces collaborateurs et les remplacer par des administratifs. Il y a une dernière mesure qui vous concerne très directement. La loi sur la police du 26 octobre 1957 doit être remaniée en fonction de nos propres réformes. Ce sujet sera proposé au prochain Grand Conseil. Voilà, en gros, Monsieur le député, ce que je pouvais vous dire.
J'aimerais ajouter que j'ai reçu hier à midi la visite de M. l'ambassadeur de Suisse, responsable de la mission permanente près les organisations internationales, venu m'exprimer son inquiétude devant le fait qu'à Genève les objectifs à protéger sont très nombreux, me demandant dans quel délai nous serions capables de passer à la protection de ces sites. Je lui ai répondu deux choses. La première, c'est que nos plans d'engagements sont permanents, préexistants. Nous savons ce que nous devons défendre, ce que nous devons surveiller. Nous savons qui fait quoi. Les réseaux radio sont établis. A ce sujet, je n'ai aucun souci. Le souci concerne les effectifs, c'est la seconde chose. Il reste à savoir dans quels délais et en quelle quantité la Confédération peut nous envoyer des renforts. Ce sera l'objet de la démarche que je ferai demain matin à Berne. Merci de votre question, Monsieur le député.
Cette interpellation urgente est close.