République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 août 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 10e session - 40e séance
PL 8536
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur les poursuites pour dettes et faillites, du 16 mars 1912, est modifiée comme suit :
Art. 1, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le territoire du canton de Genève est divisé en 3 arrondissements de poursuites pour dettes et d'administration des faillites soumis à l'autorité d'un directeur général et d'un organe de contrôle interne dont le cahier des charges est soumis à l'approbation de l'autorité de surveillance.
Art. 2 (nouvelle teneur)
Chaque office des poursuites et des faillites est dirigé par un préposé soumis à l'autorité du directeur général. Il est assisté d'un ou de plusieurs substituts, du nombre nécessaire de chefs de service, d'huissiers et de commis.
Art. 3 (nouvelle teneur)
1 Ces fonctionnaires sont nommés par le Conseil d'Etat. Ils sont soumis aux dispositions légales et réglementaires applicables au personnel de l'Etat.
2 L'autorité cantonale de surveillance donne au Conseil d'Etat un préavis sur la nomination et la confirmation des préposés et des substituts et des membres de l'organe de contrôle interne.
Art. 4, al. 3 (nouveau)
3 Les sommes d'argent encaissées ou gérées par les offices sont versées à la caisse de l'Etat ou sur un compte ouvert par celle-ci auprès de la Banque cantonale du canton de Genève.
Art. 5 (nouveau)
Les réalisations d'actifs par les offices doivent être entreprises dans le cadre de ventes aux enchères publiques, à l'exclusion de ventes de gré à gré. Des ventes aux enchères restreintes peuvent être mises sur pied avec l'accord de l'autorité de surveillance lorsque des circonstances particulières le justifient.
Art. 6 (nouveau)
1 Les gérances légales sont confiées selon un tournus à des agents immobiliers et des gérants sélectionnés sur la base d'appel d'offres et agrées par l'autorité de surveillance.
2 Il en est de même pour la désignation des administrations spéciales et des administrateurs. Les administrations spéciales ne peuvent être mises en place sans l'agrément de l'autorité de surveillance qui fixe les tarifs de rémunération des administrateurs.
Art. 10 (nouvelle teneur)
Les fonctions d'autorité cantonale de surveillance, au sens de l'article 13 de la loi fédérale, pour les offices des poursuites et des faillites, sont exercées par un conseil élu tous les 4 ans par le Grand Conseil et formé par un membre désigné par chacun des partis siégeant dans ce Conseil, ayant une formation de juriste ou de comptable. Celui-ci siège tous les 15 jours au moins. Il désigne chaque année son président et son vice-président. Il élabore son règlement interne qui est approuvé par le Conseil d'Etat
Art. 11 (nouvelle teneur)
L'autorité de surveillance engage le personnel nécessaire à l'exécution de ses tâches. Il procède à des inspections régulières des offices. Il analyse les rapports de l'organe de contrôle interne dont il fixe le cahier des charges. Il s'entretient régulièrement avec le directeur général et les préposés des offices. Il prend toutes mesures nécessaires pour le bon fonctionnement de ceux-ci. Il sélectionne, sur la base d'appels d'offres les gérants légaux et les responsables d'administrations spéciales. Il approuve la mise en place d'administrations spéciales et l'organisation de ventes aux enchères restreintes. Il présente un rapport annuel de ses activités au Conseil d'Etat et au Grand Conseil.
Art. 14 (nouvelle teneur)
1 Le Conseil désigne une délégation de trois de ses membres qui exerce les fonctions de l'autorité de surveillance pour statuer en instance unique sur les plaintes. Les débats ont lieu à huis clos. L'autorité décide, dans chaque cas, s'il y a lieu d'ordonner la comparution des parties ou d'autres mesures d'instruction.
2 Un juriste, faisant fonction de greffier, peut être chargé de rédiger les projets de décisions. Il peut également être chargé de procéder à l'instruction des plaintes.
Article 2 Entrée en vigueur
Comme notre députation l'a écrit au Conseil d'Etat en date du 7 juin, nous estimons qu'une série de mesures doivent être prises quant à l'organisation des offices des poursuites et faillites à la suite des graves manquements mis en évidence à la suite des investigations menées par la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil. A ce sujet nous avons relevé ce qui suit dans notre lettre au Conseil d'Etat :
La décentralisation de l'Office des poursuites et faillites en trois services chargés de trois secteurs géographiques était probablement une réforme justifiée, vu l'explosion du travail de cet office. Par contre, nous sommes moins convaincus de la décision de créer trois offices indépendants ayant chacun ses propres pratiques dans un canton comme le nôtre. Nous estimons que, face à la désorganisation actuelle, il convient de mettre ces trois offices sous la responsabilité d'un seul directeur général.
Le public et les personnes faisant appel aux offices des poursuites et faillites se plaignent à juste titre des lenteurs et des retards inacceptables dans le cadre des interventions des offices. Il en résulte un préjudice économique très important au niveau local. Il est indispensable de doter les offices du personnel permanent dont ils ont besoin pour mener leurs tâches à bien.
Le Conseil d'Etat monocolore, qui a réduit le personnel de ces offices au moment où leurs activités augmentaient de façon exponentielle, porte une très lourde responsabilité quant aux graves dysfonctionnements de ces offices à l'instar de la gabegie qui existait à l'administration fiscale, que nous avions également dénoncée à réitérées reprises. Il est évident que le manque de personnel n'excuse en rien les infractions commises dans le cadre de la gestion des offices.
La surveillance des offices est totalement insuffisante. Nous estimons qu'il faut décharger la Cour de justice de cette tâche. Cette juridiction n'est pas outillée pour faire le véritable travail de surveillance des offices et elle devrait se consacrer à trancher uniquement des recours, conformément à ses attributions habituelles.
Les ventes de gré à gré, tout particulièrement pour des immeubles et des objets de valeur, doivent être proscrites. Des ventes aux enchères sur invitation pourraient être appliquées dans des cas particuliers avec l'accord de l'autorité de surveillance.
Les gérances légales doivent être confiées par rotation à des agences immobilières ou des gérants agréés par l'autorité de surveillance sur la base d'un appel d'offres périodique. Les gérances légales déjà attribuées doivent être redistribuées.
Les fonds consignés auprès des offices doivent être déposés auprès de l'Office de consignation de l'Etat ou auprès de la Banque cantonale de Genève.
Les administrations spéciales ne doivent être mises en place qu'avec l'accord de l'autorité de surveillance et pour des affaires présentant une complexité avérée. Les administrateurs doivent être choisis sur la base d'un tournus et sur une liste dressée par l'autorité de surveillance.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.
Préconsultation
M. Christian Grobet (AdG). La députation de l'Alliance de gauche a déposé ce projet de loi visant à modifier l'organisation de l'office des poursuites et faillites et surtout l'autorité de surveillance, en raison de tous les problèmes qu'ont connus les offices de poursuites et faillites depuis un certain temps déjà. Ce ne sont pas simplement les affaires mises en exergue ces derniers mois qui sont en cause, mais bien un fonctionnement défaillant de ces offices depuis de nombreuses années. En temps que praticien en droit qui traite avec les offices des poursuites et faillites, j'ai été le témoin d'un certain nombre de dysfonctionnements et les praticiens, de manière générale, ne sont effectivement pas satisfaits de la manière dont ces offices fonctionnent.
Sans entrer dans le détail de ce projet de loi - dont nous demandons le renvoi en commission de contrôle de gestion, puisque celle-ci étudie précisément un certain nombre de réformes des offices et faillites - je voudrais insister sur la proposition que nous faisons en ce qui concerne l'autorité de surveillance. Il est notoire, depuis longtemps, que l'autorité de surveillance, représentée dans notre canton par la Cour de justice, n'est pas en mesure d'assumer les tâches qui lui sont assignées par la loi fédérale sur les poursuites pour dettes et faillites. L'autorité de surveillance, en vertu de la loi fédérale, doit assumer un certain nombre de tâches de surveillance générale, ce qui implique, entre parenthèses, d'avoir des gens qui connaissent les problèmes traités par les offices, qui vont de la gestion du personnel à des problèmes de comptabilité et des problèmes juridiques.
Or, la Cour de justice, en fait, ne fonctionne que comme autorité juridictionnelle pour statuer sur des plaintes dont elle est saisie : elle ne fonctionne pas comme une véritable autorité de surveillance. On sait qu'elle ne procède qu'à une visite annuelle rapide, ce qui évidemment ne lui permet pas d'examiner le fonctionnement des offices. En ce qui concerne le traitement des plaintes, ce n'est pas un grief que je fais à la Cour de justice, mais il faut savoir que les magistrats de cette juridiction sont surchargés de travail et qu'ils n'ont matériellement pas le temps de s'occuper d'une manière suffisamment approfondie du contenu des plaintes qui leur sont adressées. Les juges de la Cour de justice ont, du reste, été tout à fait honnêtes à ce sujet, puisque, dans une interview publiée durant l'été, Mme Pfister-Liechti a admis qu'ils consacraient une après-midi par semaine à s'occuper des plaintes. Il est évident que ce temps est insuffisant, mais on ne peut pas non plus demander aux juges de travailler quinze heures par jour...
Par conséquent, nous proposons la création d'une nouvelle autorité de surveillance, totalement indépendante des juridictions existantes, avec des gens qualifiés et surtout représentatifs. Nous estimons que cette autorité doit être formée de personnes proposées par chacun des partis siégeant au Grand Conseil pour dépolitiser le système actuel, sachant qu'aujourd'hui le pouvoir judiciaire est surtout l'apanage des trois partis de l'Entente. Nous voulons donc dépolitiser l'autorité de surveillance et lui donner des gens compétents et surtout disponibles : il faudra que cette autorité de surveillance travaille entre 30 et 50%, en tout cas au début, pour faire face à tous les problèmes que l'on connaît. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi en commission.
M. Walter Spinucci (R). Il n'est pas nécessaire d'en dire long pour reconnaître la nécessité de mettre en place une structure différente pour la gestion des offices de poursuites et faillites. Le projet de loi 8536 va dans le sens d'une gestion différente et nous le soutiendrons. Des changements profonds et importants sont envisagés : il est notamment décidé d'instaurer un contrôle interne, de revoir les structures de l'autorité de surveillance, de revoir la répartition géographique des offices et j'en passe. Il est toutefois nécessaire de ne pas oublier le travail actuellement en cours effectué par la commission paritaire, afin de ne pas se retrouver en porte-à-faux avec les demandes de cette dernière. En l'état, nous soutiendrons le renvoi de ce projet de loi en commission.
M. Gérard Ramseyer. En septembre 1996, le rapport Arthur Andersen disait qu'une analyse approfondie de la question d'une centralisation des cellules faillites se posait et que l'autonomisation des OPF, sur la base d'un contrat de prestations avec contrôle des activités et des OPF par l'autorité de surveillance, s'imposait. Une année auparavant, la commission de contrôle de gestion préconisait la création d'un seul office des faillites, mais un rattachement des OPF au pouvoir judiciaire.
A l'époque, le Conseil d'Etat avait rejeté ces propositions et ces modifications. Il souhaitait en effet donner à la réforme initiée par le conseiller d'Etat Bernard Ziegler en 1987 la possibilité d'aller à son terme. Comme cette réforme en restera très vraisemblablement à sa troisième phase et que la division en trois arrondissements subsistera, avec cependant, selon ce projet de loi, une organisation toute différente au niveau faîtier, la discussion en commission s'impose et sera intéressante. Pour ma part, je m'y rallie volontiers.
Ce projet est renvoyé à la commission de contrôle de gestion.