République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 août 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 10e session - 38e séance
PL 8537
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, est modifiée comme suit :
Art. 15, al. 2 (nouvelle teneur)
2 L'aide de l'Etat est subordonnée à des critères d'économie des coûts de production et d'exploitation, de qualité des logements et de leur environnement, ainsi qu'à l'application du standard « Minergie » relatif à l'utilisation d'énergies renouvelables et à une consommation mesurée d'énergie.
Article 2 Modification à une autre loi
La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit :
Art. 113 Principes (alinéa 2 nouveau)
2 Les constructions de bâtiments publics doivent être conçues et maintenues de manière à satisfaire au standard « Minergie ».
Article 3 Dispositions d'application
Le Conseil d'Etat édicte les dispositions nécessaires à l'application de la présente loi.
Article 4 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.
Le présent projet de loi a pour objet d'assurer à la population genevoise que les constructions, tant de bâtiments publics que d'immeubles bénéficiant d'aides publiques, répondent aux standards techniques actuels qui garantissent une utilisation rationnelle de l'énergie et des énergies renouvelables.
Cette modification législative vise à l'application du standard « Minergie » tant pour les bâtiments administratifs de l'Etat que pour les constructions des fondations immobilières de droit public
Le canton de Genève, à l'instar de la Confédération et de la plupart des cantons suisses, est membre de l'association « Minergie », qui est à l'origine du concept dont ce projet de loi demande l'application. Les directeurs cantonaux de l'énergie ont par ailleurs décidé que le standard « Minergie » sera le standard du futur dans le domaine du bâtiment.
Le concept « Minergie » allie l'utilisation rationnelle de l'énergie et des énergies renouvelables à l'amélioration de la qualité de vie, au maintien de la compétitivité et à la diminution des atteintes causées à l'environnement. La technique « Minergie » réduit la consommation d'énergies non renouvelables à un bas niveau compatible avec le développement durable. « Minergie » est une marque déposée appartenant à l'association « Minergie ». Le label « Minergie » récompense des objets qui remplissent certaines exigences en matière de rentabilité économique, de confort et de consommation d'énergie.
Aujourd'hui, plus de 300 bâtiments ont déjà reçu le label « Minergie » en Suisse.
A Genève cependant, le standard « Minergie » a du mal à s'imposer, que ce soit au sein de l'administration ou dans le privé. Il est dès lors du devoir du législateur d'intervenir énergiquement pour que les promoteurs publics et privés exercent leur art dans un cadre permettant à la construction de s'accorder aux principes du développement durable en matière d'énergie. C'est l'objectif de ce projet de loi qui fixe le concept « Minergie » comme standard des constructions publiques ou bénéficiant d'aides publiques.
Le changement d'orientation vers une utilisation plus rationnelle de l'énergie et le recours aux énergies renouvelables paraissent irréversibles aujourd'hui. Des multinationales du pétrole, comme Shell et BP, pensent que le besoin d'énergie dans le monde doublera jusqu'en l'an 2050 et ce même si nous utilisons l'énergie de manière beaucoup plus rationnelle. Le scénario de Shell prévoit cependant que la moitié de ces besoins futurs en énergie pourra être produite à des prix plus élevés mais raisonnables au moyen des énergies renouvelables comme les énergies solaire, éolienne et de la biomasse.
Les bâtiments construits selon le standard « Minergie » nécessitent beaucoup moins d'énergie que les bâtiments traditionnels. Les technologies appropriées existent et ont déjà été utilisées en Suisse à de multiples reprises. En plus de l'économie d'énergie, un bâtiment « Minergie » apporte à son utilisateur des avantages significatifs en matière de confort et pour le maintien de la valeur de la construction.
Le standard « Minergie » définit pour des constructions existantes et pour des constructions nouvelles un but de consommation à atteindre. Mais il laisse aux maîtres d'oeuvre le choix des matériaux et des mesures pour atteindre ce but.
Le standard « Minergie » n'interdit pas l'emploi de matériaux souvent utilisés chez nous tels que l'aluminium, le PVC et le béton, parce qu'il néglige l'énergie grise correspondante
Par « énergie grise », il faut comprendre notamment l'énergie utilisée pour la construction, le transport et la fabrication d'un matériau de construction. Des analyses montrent que l'énergie grise, en comparaison avec l'énergie d'exploitation consommée durant la durée de vie du bâtiment, ne représente pas une part essentielle par rapport à la consommation actuelle des bâtiments.
Par les différentes manières d'atteindre le standard « Minergie », il importe que les maîtres d'oeuvre puissent réaliser ce standard avec le plus faible surcoût possible et tirent simultanément le plus grand profit de la conversion à ce standard.
Un standard uniforme est un avantage considérable pour tous les partenaires concernés par une construction.
Les maîtres d'oeuvre du secteur public ou privé peuvent dès le début prévoir, dans leurs contrats avec les architectes, ingénieurs, entreprises générales et autres entreprises, que l'ouvrage à réaliser ou à rénover doit être conforme au standard « Minergie ».
Tous les fournisseurs d'appareils ou d'éléments de construction peuvent requérir le label « Minergie » pour leurs produits.
Dès l'élaboration des plans et jusqu'à l'exécution de l'ouvrage, tous les partenaires connaissent les objectifs qu'ils doivent atteindre, mais ils conservent toute liberté quant au choix des moyens nécessaires.
Il n'existe pas actuellement au niveau international d'objectifs semblables clairement formulés. Les cantons suisses font oeuvre de pionnier dans ce domaine.
Le standard « Minergie » n'opère pas avec des prescriptions fixées pour chaque élément de construction ou pour les installations techniques. Ce qui est important, c'est que l'ensemble des mesures contribue à une basse consommation d'énergie, à une augmentation du confort et à une meilleure conservation de la valeur.
Cette stratégie ne peut être couronnée de succès que si elle est comprise à tous les niveaux par un maximum de partenaires. Si les ordres de grandeur et les notions sont clairement définis, le débat s'en trouve facilité.
La consommation d'énergie dans le domaine du bâtiment est souvent définie par des indices de dépense d'énergie. On comprend par là l'énergie finale consommée (par ex. mazout, gaz, chaleur à distance, électricité, bois) rapportée à la surface de plancher brute chauffée (surface de référence énergétique ou SRE).
Un indice de dépense d'énergie s'exprime en kilowattheures par mètre carré de surface de référence énergétique et par année, en abrégé : kWh/m2 a.
L'indice de dépense d'énergie thermique est constitué de la demande d'énergie pour le chauffage, l'eau chaude et les pertes pour la production et la distribution de chaleur.
Coefficients de conversion :
Le contenu énergétique de 1 litre de mazout ou de 1 m3 de gaz naturel correspond à environ 10 kilowattheures (kWh)
Consommation d'énergie des bâtiments :
Les constructions des années septante ont un indice de dépense d'énergie thermique de 150 à 200 kWh/ m2 a, soit l'équivalent de 15 à 20 litres de mazout par mètre carré SRE et par an.
Les bâtiments d'habitation actuels ont un indice de dépense d'énergie thermique de 100 à 120 kWh/m2 a, soit l'équivalent de 10 à 12 litres de mazout par mètre carré SRE et par an.
Le standard « Minergie » veut abaisser la consommation et atteindre un indice de dépense d'énergie thermique de 90 kWh/m2 a pour les constructions existantes et de 45 kWh/m2 a pour les nouvelles constructions, ce qui correspond respectivement à 9 et 4,5 litres de mazout par mètre carré SRE et par an.
Pour que le standard « Minergie » soit respecté, trois conditions préalables sont décisives :
une bonne isolation thermique, l'étanchéité de l'enveloppe et un système d'aération optimal.
La réalisation d'une bonne isolation d'une part, et de l'étanchéité du bâtiment d'autre part ne posent aujourd'hui plus de gros problèmes.
Isolation et étanchéité sont souvent confondues. En réalité :
une bonne isolation et une bonne étanchéité d'un bâtiment sont deux choses différentes ; un bâtiment peut être extrêmement étanche, mais malgré tout mal isolé, ce qui conduira à des problèmes de condensation dus à une trop grande humidité ;
les bâtiments « Minergie » doivent d'une part être bien jusqu'à très bien isolé et, d'autre part, être bien étanches ; c'est la meilleure manière de maîtriser la consommation d'énergie et d'assurer une aération optimale ;
les bâtiments étanches doivent être aérés et ce, même dans le climat sec valaisan, sinon ils encourent le risque des dégâts dus à l'humidité et donc d'offrir un confort médiocre
La qualité de l'air à l'intérieur d'un appartement et d'un bureau est grandement améliorée. Selon la qualité des filtres, il en résulte également d'énormes avantages pour les personnes souffrant d'allergies et d'asthme.
Des constructions avec une aération contrôlée peuvent aussi être érigées dans des régions exposées au bruit, car il n'est plus indispensable d'ouvrir les fenêtres pour dormir ou pour travailler.
Il y a beaucoup moins de dommages au bâtiment et, partant, ceci évite à moyen terme des dépenses importantes.
Si une récupération de chaleur est réalisée au moyen d'un échangeur de chaleur ou d'une pompe à chaleur, la consommation d'énergie sera ainsi réduite et le standard « Minergie » sera plus rapidement et plus aisément atteint.
Quel est le renchérissement d'une construction respectant le standard « Minergie » ?
Les optimistes pensent qu'un bâtiment « Minergie » bien conçu ne devrait pas être plus cher qu'un bâtiment respectant les valeurs cibles de la SIA.
On peut admettre cela dans certains cas. De manière plus réaliste, il faut compter avec des surcoûts inférieurs à 5 %, avec une bonne planification, pour un bâtiment de standing moyen.
Pour ces surcoûts, le maître d'oeuvre reçoit une bonne contre-valeur :
confort et santé : une bonne qualité d'habitation est obtenue par un chauffage à basse température, par la maîtrise des températures ambiantes et de surface, de l'aération, de l'humidité, des polluants intérieurs, du bruit ;
absence de dégâts et conservation de la valeur de l'immeuble : la durée de vie des bâtiments est prolongée, étant donné que les dégâts dus à l'humidité ainsi que les ponts thermiques sont éliminés ;
une basse consommation d'énergie et donc des coûts d'exploitation inférieurs durant toute la durée d'utilisation.
Tous ces avantages sont toutefois insuffisants, au prix actuel de l'énergie et vu la situation économique, pour engendrer un fort mouvement en direction de ce standard.
C'est pourquoi il est nécessaire aujourd'hui de légiférer afin qu'au moins la collectivité publique montre l'exemple, que les praticiens se forment à des techniques durables en matière de construction et qu'à terme, et à force d'expériences, le privé y trouve son intérêt.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous accueillerez favorablement cette proposition.
La parole n'est pas demandée en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.