République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 juin 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 10e session - 37e séance
P 1328-A
Lors de ses séances des 8 et 29 janvier 2001, la Commission des pétitions sous la présidence de M. Hubert Dethurens s'est penchée sur l'étude de la pétition 1328 dont voici la teneur :
Pétition(1328)
Mesdames etMessieurs les députés,
Par la présente, et faisant suite à la pétition sur le même sujet (la Vieille-Ville devient non seulement inhabitable mais le nombre croissant d'établissements nocturnes qui s'y implantent porte atteinte à son patrimoine) déposée devant la commission des pétitions de la Ville de Genève et actuellement étudiée par cette dernière, les soussignés demandent :
que soient mis en oeuvre les moyens administratifs et légaux pour assurer le respect des normes en matière de bruit et de tranquillité publique, de sécurité et des normes d'évacuation ainsi que de maintenance des bâtiments et du patrimoine.
Nous sommes disponibles pour une audition et tenons à votre disposition, le cas échéant, le dossier envoyé (au mois de mai 2000) au Département de justice et police et des transports, au Département de l'aménagement, équipement et logement ainsi qu'à divers services de la Ville.
D'avance nous vous remercions de l'attention que vous voudrez bien porter à notre demande.
Mmes Géraldine Veyrat, Anne-Marie Bianchi-Segond, Alessandra Bernasconi, Barbara Belghoul et MM. Bernaouda Belghoul et Hervé Findeisen nous décrivent la situation actuelle des habitants de la Grand-Rue où la prolifération des établissements nocturnes, bars, dancing, pubs et terrasses, attirent de nombreux noctambules ; ces derniers génèrent un bruit incessant devenant intolérable aux habitants des immeubles se situant à proximité de ces établissements.
L'une des personnes auditionnées nous signale que depuis le mercredi au dimanche soir ce quartier devient une véritable jungle. Outre le verre cassé qui jonche le sol, les jeux avec des canettes vides, les bagarres, la saleté, les hurlements, les habitants doivent subir diverses déprédations et vivre dans une certaine insécurité au point que ce quartier devient aujourd'hui invivable. Le seuil des nuisances est dépassé et compromet gravement la santé des habitants par le manque de sommeil.
Une autre pétitionnaire nous explique que les chaînes fermant la Grand-Rue à la circulation automobile ne sont pratiquement plus mises en place ce qui permet le passage de nombreux véhicules.
Par ailleurs, le ventilateur du Spring's Brother's Pub situé à la hauteur du rez-de-chaussée, sous une des fenêtres d'une locataire, expulse la fumée de l'établissement dans la ruelle alors que ce genre d'appareil devrait dégager cet air peu respirable sur le toit de l'immeuble.
Les pétitionnaires indiquent encore qu'un véritable flux migratoire de consommateurs souvent éméchés a lieu entre la Clémence sise au Bourg-de-Four et les établissements de la Grand-Rue.
Il nous est encore signalé qu'un collaborateur du Service cantonal d'écotoxicologie est venu sur place mais dans un premier temps, en raison de la puissance du bruit ambiant, il n'a pu faire aucune mesure. Nous ne connaissons pas les résultats des mesures faites le jour suivant. Les pétitionnaires auraient préféré que cette personne vienne le matin à 3 heures.
En outre, nous apprenons que les pétitionnaires ont rencontré un responsable du Département de justice et police qui leur a expliqué qu'une dizaine de réunions avec les propriétaires de ces établissements avaient été organisées ; toutefois on assiste à une rocade de gérants de bars, ces derniers accumulant quelques centaines de francs d'amendes à la tête d'un établissement le quittent pour en reprendre un autre.
Les habitants de la Grand-Rue sont peut-être privilégiés par la situation de leur logement dans un lieu historique au coeur de la ville mais il y a tout de même une limite entre l'animation d'une rue et le tapage nocturne tel qu'il se produit actuellement. Tout en admettant qu'ils ne désirent pas vivre dans une ville morte, ils estiment qu'il y a une limite en tout.
M. Chatelain nous signale qu'il a déjà eu l'occasion de s'entretenir à plusieurs reprises avec notre commission sur ce type de pétition. Il reconnaît que ce secteur est effectivement un lieu d'amusement où règne une forte concentration d'établissements sur un lieu géographique restreint et compte tenu de la nature des anciennes bâtisses, il faut admettre que le bruit se transmet facilement, d'où certaines tensions émergeant entre les noctambules qui fréquentent la Vieille-Ville pour s'y amuser et les habitants qui entendent y vivre et y dormir en paix.
Il y a environ 8 ans, un important travail de fond a visé à informer tous les responsables des établissements publics pour les sensibiliser au fait que des habitants vivaient au-dessus de leurs locaux et se plaignaient des nuisances sonores. Ces établissements correspondaient aux normes d'isolation phonique si bien que tout rentra dans l'ordre.
Toutefois, on ne peut nier que 200 personnes concentrées au même endroit génèrent des nuisances sonores. Dans les parages du 21 Grand-Rue, on assiste à des sorties en masse des établissements. Si les fêtards sont joyeux, il serait en revanche exagéré de dire que la police se fait agresser, celle-ci se rendant régulièrement sur les lieux à la fermeture pour demander aux intéressés de faire moins de bruit et les inciter à partir. Le problème se résume essentiellement à l'importante concentration d'établissements dans la Vieille-Ville.
La police travaille beaucoup avec les portiers dont la présence n'est pas obligatoire pourtant, tout en reconnaissant que lorsqu'on a affaire à de vrais professionnels, la situation s'améliore dans la mesure où le portier peut aller vers les fêtards en leur demandant de faire moins de bruit.
Quant aux normes de bruit à l'intérieur des établissements, les discothèques sont autorisées à 93 décibels tandis que les cafés-restaurants sont tenus de passer une musique d'ambiance. Quand la police constate que les normes ne sont pas respectées, elle inflige une amende administrative qui malheureusement prend plusieurs semaines avant d'arriver au destinataire. Les situations problématiques se situent au niveau des cas de prête-noms et le problème réside alors dans le fait que ces responsables ne s'intéressent tout simplement pas à autrui.
M. Châtelain insiste sur la notion de dialogue placée au centre de son activité afin de désamorcer les tensions, toutefois la police ne peut pas tout faire.
Qu'en est-il des chaînes mises en place dans la Vieille-Ville ? Les agents municipaux étaient compétents en la matière et la Ville gérait la question des clés. Or, on sait qu'à un moment donné, la police municipale n'a plus été autorisée à verbaliser, si bien que les chaînes n'ont plus été fermées. A l'heure actuelle, certains prônent un retour à la situation antérieure, tandis que d'autres s'y opposent arguant du fait qu'elles présentent des dangers. On comprend mieux pourquoi on déplore une circulation sauvage dans le périmètre. Au surplus, l'îlotier trouve que les zones piétonnes de la Vieille-Ville sont mal indiquées, raison pour laquelle une majorité de personnes ne réalisent même pas qu'elles y pénètrent.
Les forces sont-elles suffisantes pour surveiller un tel quartier ? Ne faudrait-il pas une personne en plus ? A ces questions, M. Châtelain répond que tout est relatif et qu'en période hivernale, il y a peu de nuisances mais en période estivale, il est prévu une permanence, toutefois une personne supplémentaire ne serait pas de trop. Quant aux ASM, une structure vient de se mettre en place et notre intervenant verrait d'un bon oeil qu'un ASM soit affecté aux problèmes de circulation dans la Vieille-Ville. Il revient sur le bien-fondé de prévoir des amendes de type dissuasif et effectives plus rapidement. Infliger une amende ne doit pas être un but en soi, mais servir à dissuader les potentiels contrevenants.
Tout en soutenant les démarches judicieuses des îlotiers, certains commissaires relèvent aussi les interventions utiles des portiers à l'extérieur des établissements nocturnes, toutefois il faudrait rester attentif à ne pas faire de délégation de compétences en matière d'autorité et plutôt soutenir des méthodes dissuasives.
En résumé, les pistes suivantes sont esquissées :
Eviter une trop grande concentration d'établissements publics nocturnes dans le même quartier.
Vérifier la conformité des établissements aux normes de bruit et d'hygiène en vigueur.
Eviter de loger des personnes juste au-dessus desdits établissements à moins qu'il ne s'agisse éventuellement de leurs propres employés.
Prévoir l'obligation d'engager un portier de nuit.
Faire respecter le statut de la zone piétonne en Vieille-Ville.
C'est à l'unanimité (11 oui : 2 AdG, 1 DC, 1 L, 2 R, 3 S, 2 Ve) que la Commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Débat
La présidente. Est-ce qu'un député libéral pourrait prendre la place de Mme Humbert ? La parole n'est pas demandée... Je mets au vote les conclusions de la commission.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.