République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 juin 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 10e session - 36e séance
M 1411
Art. 160C Principes
1 La politique cantonale en matière d'approvisionnement, de transformation, de distribution et d'utilisation de l'énergie est fondée, dans les limites du droit fédéral, sur la conservation de l'énergie, le développement prioritaire des sources d'énergie renouvelables et le respect de l'environnement.
2 Cette politique est réalisée par les autorités cantonales et communales, l'administration et les établissements publics dans le cadre de leurs attributions.
4 Le développement des sources d'énergie renouvelables est obtenu notamment :
d) par l'encouragement de recherches et d'expériences dans le domaine des énergies renouvelables.
6 Les investissements énergétiques des collectivités publiques s'inscrivent dans les objectifs du présent article. Les établissements publics sont liés par ces objectifs dans l'utilisation de leurs droits sociaux.
Résolution R 417 acceptée par le Grand Conseil le 18 février 2000 et approuvant la conception générale en matière d'énergie
EXPOSÉ DES MOTIFS
Notre canton a la chance d'être traversé par des cours d'eau et de ce fait de posséder des ressources en énergie dite hydraulique. Cette ressource naturelle, nos prédécesseurs l'utilisaient déjà au Moyen Age. En effet, des moulins à eau avaient été installés le long du Rhône et en particulier sur le Pont de l'Ile au centre de notre cité. Mais c'est à partir de la fin du siècle dernier que les aménagements hydroélectriques de l'Usine de Chèvres (1892), de la Coulouvrenière (1903) et de l'usine de Chancy-Pougny (1925), voient le jour afin de satisfaire les besoins énergétiques de notre économie. Il est en effet chanceux pour une économie de posséder en tant que ressource un potentiel hydraulique exploitable. Ce potentiel, à l'heure où l'énergie d'origine nucléaire est de plus en plus décriée, où les problèmes liés à l'effet de serre, tels que les changements climatiques, se font de plus en plus insistants, doit être impérativement exploité si l'on veut être cohérent avec les dispositions constitutionnelles et notre attachement aux principes du développement durable.
Il est vrai qu'à l'heure de la libéralisation du marché de l'électricité, l'argument principal pour la construction ou la rénovation de tels aménagements n'est pas la nécessité d'approvisionner en énergie notre canton, mais son coût de production. Or, actuellement, si l'on devait construire les aménagements hydrauliques réalisés en tenant compte des prix du kWh sur le marché, ceux-ci seraient tout simplement financièrement irréalisables.
En effet, si l'on prend le cas de la centrale de Chancy-Pougny, pour pouvoir amortir le coût de sa rénovation, le prix du kWh produit en fonction de la solution qui serait choisie oscillerait entre 7, 6 et 8, 7 ct/kWh durant les premières années d'exploitation. Ensuite, logiquement, ce coût tend à diminuer. Le prix moyen du kWh, compétitif, en cas de libéralisation du marché serait selon des prévisions d'étude de marché de 4 ct/kWh. Dans ces conditions, en prenant comme seul critère le marché, la rénovation de la centrale de Chancy-Pougny est, à l'heure actuelle, financièrement insoutenable. Mais, ce serait faire fi de toutes les dispositions juridiques et volontés environnementales votées par notre Grand Conseil.
Ce fameux 4 ct/kWh est un chiffre hypothétique, dont on ne sait sur quelle base scientifico-économique il a été établi. Dans tous les cas, il fait fi de facteurs économiques devant être internalisés. Cependant, quand on voit les vicissitudes de l'Etat de Californie, où le prix de l'électricité s'est envolé par manque de prévision dans les investissements, et peut-être parce que l'on s'était remis, sur la base d'une étude, au facteur marché à l'heure de décider des investissements futurs, il est de notre devoir de chercher d'autres alternatives.
La production d'électricité selon des critères respectueux de l'environnement peut difficilement s'accommoder d'un marché libéralisé et dont les critères de production varient d'un pays à l'autre.
La question à laquelle on se doit de répondre est d'ordre politique. Doit-on, oui ou non, respecter les volontés politiques affichées dans la constitution, la conception générale et d'autres engagements pris ? Dans ce cas, l'Etat a le devoir de promouvoir une production indigène respectueuse de l'environnement et renouvelable.
Par conséquent, soit l'installation bénéficie d'une subvention de la part des pouvoirs publics afin de produire des kWh au prix du marché, soit ces derniers s'engagent ou incitent les établissements publics à acheter en priorité leur énergie à Chancy-Pougny, « courant bleu ». Car n'oublions pas que certains établissements étant éligibles en cas de libéralisation du marché, ils pourraient s'approvisionner en courant sur le marché libéralisé.
Puisqu'il s'agit de Chancy-Pougny, rappelons qu'à la page 50 du plan directeur cantonal de l'énergie, point 1.2, sur la modernisation de la production hydroélectrique, le début de l'action de rénovation, prévue en deux étapes, débutait en 1998.
1re étape
2e étape
Période
2001 - 2004
2005 - 2010
Augmentation de puissance
6 MW
6 MW
Objectif
20 GWh
15 GWh
Investissement
69 Mio
74 Mio
Nous serons bientôt à la fin 2001, et nous doutons, malheureusement, que ces objectifs puissent être tenus.
Avec la libéralisation du marché de l'électricité en Suisse et ses conséquences sur les modes et origines d'approvisionnement, il est important, si nous voulons valoriser nos ressources énergétiques, de leur accorder le juste soutien qu'elles méritent. Par conséquent, nous pensons qu'il est important que le Conseil d'Etat s'engage dans la recherche d'une solution. La sécurité et la garantie de l'approvisionnement énergétique, à terme, sont cruciales pour notre canton et les SIG si l'on veut garantir, aux différents consommateurs, les contrats d'approvisionnement souscrits.
C'est dans cet esprit que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de renvoyer la présente motion au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Morgane Gauthier (Ve). Cette motion va dans le sens toujours préconisé par les Verts qui est de favoriser l'approvisionnement en énergies renouvelables. Sur le fond, nous sommes acquis à cette motion, mais la forme mérite d'être affinée. C'est pourquoi nous vous proposons de renvoyer cette motion à la commission de l'énergie et des Services industriels. En effet, certains mots utilisés dans les invites peuvent être mal interprétés et interprétés notamment comme un soutien aveugle aux microcentrales, dont on sait les effets dévastateurs sur l'environnement. Dans le but d'éviter d'opposer les partisans des énergies renouvelables et les défenseurs de l'environnement, nous souhaitons faire une toilettage superficiel du texte sans en modifier le fond. C'est pourquoi nous vous proposons un renvoi en commission de l'énergie.
M. Alberto Velasco (S). Au sein de notre parlement tous les partis se sont prononcés sur le développement durable et ont adhéré au principe du développement durable. Seulement voilà, ce développement durable, il faut le mettre en place, en respectant entre autres l'article 160C de notre constitution, qui prévoit justement de substituer des énergies renouvelables à l'énergie d'origine nucléaire.
Par ailleurs, on sait qu'une libéralisation des marchés de l'électricité est en marche - qui n'aura peut-être pas lieu puisqu'il y a référendum - mais reste que, malgré la programmation prévue dans la conception cantonale de l'énergie, la rénovation de la centrale de Chancy-Pougny n'a pas eu lieu, parce que si on la faisait telle quelle, la centrale produirait des kilowatts entre 7,6 et 8,7 ct/kWh. Or, des études faites par des fiduciaires prédisent qu'en dessus de 4 ct/kWh, ce courant ne trouverait pas preneur, ce qui signifie que la production de Chancy-Pougny serait remise en question et que l'amortissement des investissements serait impossible. En l'occurrence, ce que propose cette motion, c'est effectivement de permettre la rénovation de cette centrale.
Mesdames et Messieurs les députés, sachez qu'une centrale hydraulique ne se rénove pas en deux ou six mois : la rénovation, ou la construction d'une centrale prend des années. Quand la crise sera là et que le marché sera demandeur d'énergie hydroélectrique, il nous faudra des années pour la remettre en marche. Par ailleurs, le rendement actuel de cette centrale est bas, parce que son équipement est vétuste. Une des raisons d'investir est donc d'obtenir des rendements en conséquence, puisque nous sommes tous pour le développement durable et que nous n'avons pas le droit de gaspiller une telle énergie.
Maintenant, concernant cette fameuse phrase au début de l'invite qui dit : «...en utilisant au maximum le potentiel de production à disposition», je ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit ma collègue Morgane Gauthier. Le terme qu'elle a employé est trop dur : contrairement à ce qu'elle a dit, il n'est pas vrai que les petites centrales sont dévastatrices pour l'environnement. La Suisse est un des pays qui a un des règlements les plus draconiens en matière de débits d'étiage. Ces débits d'étiage qu'on doit laisser passer, qu'on n'a pas le droit de turbiner, vont jusqu'à 25% et c'est la raison pour laquelle notre pays ne construit pratiquement pas de petites centrales. Dans le canton de Genève, vous constaterez que, sur le Rhône et sur l'Arve, il n'y a plus de possibilités de construire des centrales. Le seul lieu où on pourrait, comme vous dites, dévaster la faune et la flore - encore que je ne le croie pas, puisqu'il faut des dérivations pour construire ces centrales - ce serait la Versoix. Mais même là, il serait sans doute impossible d'en construire, puisque, d'une part, il n'y a pas les chutes nécessaires et que, d'autre part, je doute que le département donne une autorisation de construire pour une nouvelle centrale hydroélectrique. Cette phrase de l'invite visait à inciter notre chef du département à pousser la rénovation de la centrale, à aller de l'avant, et non pas à utiliser chaque mètre de dénivellation pour installer une centrale hydroélectrique.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que, pour construire une centrale, il faut que celle-ci puisse être amortie. Il faut donc qu'il y ait le débit nécessaire, la chute nécessaire, sinon l'investissement est impossible à amortir. C'est dire qu'il faut des conditions hydrauliques bien précises et qu'on ne peut pas faire des centrales partout. Mais si d'aventure, Monsieur le président, vous vouliez un jour récupérer l'énergie d'une station d'épuration - ce qui est possible, des pays l'ont fait - cette phrase vous serait alors bien utile. Pour ma part, je veux bien envoyer cette motion en commission, mais on perdra du temps et c'est dommage, car sachez, Monsieur le président, que la phrase en question tendait plutôt à vous aider qu'à vous créer des ennuis.
J'avais prévu que cette motion serait renvoyée au Conseil d'Etat. Puisque tant les Verts que l'Alliance de gauche et les radicaux désirent qu'elle aille à la commission de l'énergie, je ne m'y opposerai pas, bien qu'effectivement j'eusse préféré qu'elle aille tout de suite au Conseil d'Etat, afin que la centrale de Chancy-Pougny soit mise en route le plus rapidement possible.
M. John Dupraz (R). Notre collègue Roger Beer, coauteur de cette motion, n'est malheureusement pas là. J'aurais préféré que ce soit lui qui s'exprime, mais permettez-moi tout de même d'émettre quelques réserves, quelques bémols.
Tout d'abord, je dirai à Mme Morgane Gauthier que les microcentrales ne sont pas forcément des installations qui détruisent l'environnement, si elles sont bien intégrées dans le paysage et si elles respectent les débits minimum d'étiage. En Suisse, dans les Alpes, il y a énormément de possibilités de construire des petites centrales et je vous invite à prendre contact avec l'association Milab qui fait un excellent travail à cet égard - je peux vous donner ses coordonnées.
Pour revenir au texte de cette motion et à l'allusion qui est faite à la centrale de Chancy-Pougny, j'espère que les opposants à la loi sur le marché de l'électricité ont lu cette loi. En effet, cette loi, à laquelle vous vous opposez, contient des dispositions pour soutenir financièrement la rénovation d'installations hydroélectriques existantes qui ne seraient pas rentables dans un marché libéralisé. Pour ma part, je trouve un peu étonnant que les mêmes qui battent le tam-tam pour s'opposer à cette loi et la faire capoter, demandent par ailleurs au Conseil d'Etat de trouver les moyens de rénover Chancy-Pougny - rénovation qui mettrait, les premières années, le coût du kilowatt à 6 ou 7 centimes - alors que les dispositions adéquates figurent dans la loi fédérale sur le marché de l'électricité. Il est quand même un peu piquant que les gens qui s'opposent à cette loi réclament maintenant, par d'autres voies, exactement les mesures contenues dans ladite loi fédérale.
Mesdames et Messieurs les députés, dans un Etat confédéral, il doit y avoir une certaine complémentarité entre communes, cantons et Confédération. Je trouve regrettable qu'on ne veuille pas saisir l'opportunité que donne la loi sur le marché de l'électricité pour rénover Chancy-Pougny et qu'on choisisse d'émettre des dispositions cantonales qui nous coûteront fort cher, alors que les dispositions fédérales seraient financées par des fonds de la Confédération. Voilà ce que je tenais à dire en l'état du débat. Nous ne nous opposerons ni au renvoi en commission ni au renvoi au Conseil d'Etat, estimant que cette motion, pour autant que la loi sur le marché de l'électricité soit acceptée par le peuple, a un côté superfétatoire.
M. Pierre Vanek (AdG). Je rebondis sur ce qu'a dit John Dupraz à l'instant, car je fais effectivement partie de ceux qui s'opposent à cette loi sur le marché de l'électricité. M. Dupraz devrait la connaître...
M. John Dupraz. Oui, je la connais mieux que toi!
M. Pierre Vanek. Non, Monsieur Dupraz, vous venez de manifester, en public, que vous connaissiez mal cette loi! En effet, les dispositions que vous invoquez, qui permettraient d'appuyer la rénovation de Chancy-Pougny, sont purement des dispositions alibi, qui laissent un pouvoir discrétionnaire entier au Conseil fédéral, le pouvoir de décider ou de ne pas décider ce type de soutien, selon son envie. Ledit soutien - qui s'exprimerait simplement sous forme de crédit à taux d'intérêt un peu réduit - est en outre conditionné au fait que ces investissements améliorent la rentabilité économique, en termes de logique de marché, des installations en question. Or, l'entreprise qu'il s'agit de mener aujourd'hui - et que vous remettez en cause, Monsieur Dupraz - correspond, comme le disent très justement les auteurs de la motion, y compris un éminent représentant de votre parti, aux intentions de ce Grand Conseil, notamment quand il a voté, à l'unanimité, le concept cantonal de l'énergie qui prévoit précisément cette rénovation, non pas pour des raisons de marché, mais pour des raisons d'augmentation significative de la production. Il s'agit ainsi de passer en puissance de 38 à 48 MW, ou en production annuelle de 210 à 250 GWh, d'augmenter une production hydroélectrique locale que nous contrôlons. Cette production indigène, renouvelable, présente toutes les qualités pouvant nous inciter à appuyer cette substitution, dans un pourcentage non négligeable, de l'approvisionnement extérieur de notre canton qui, on le sait, est d'origine nucléaire.
Aujourd'hui la centrale de Chancy-Pougny a une rentabilité parfaite, puisqu'elle est complètement amortie depuis des années - elle a été construite il y a quatre-vingts ans - et il s'agit d'investir des sommes considérables, de l'ordre d'une centaine de millions, pour augmenter la production hydroélectrique. S'agissant des microcentrales, elles peuvent être une très bonne ou une très mauvaise solution, selon les endroits, mais le débat essentiel autour de cette motion porte sur Chancy-Pougny. Je discuterais volontiers des microcentrales, mais Chancy-Pougny n'est en l'occurrence pas une microcentrale. Sans être une mégacentrale, c'est une installation substantielle et conséquente. Or, les investissements que nous allons faire vont paradoxalement dégrader sa rentabilité économique, parce que le kWh après rénovation va coûter plus cher. C'est pourquoi, d'un point de vue marchand, d'un point de vue économique strict, d'un point de vue commercial, du point de vue de la LME que vous défendez, cette rénovation ne devrait pas se faire. Et c'est bien pour cela - entre autres - que nous nous opposons à la LME. Le rapport que nous avons reçu du Conseil d'Etat sur la LME et que nous aurons l'occasion de débattre contient des indications utiles dans ce sens, montrant que la LME entre en conflit avec une logique de défense de l'environnement et avec une logique démocratique de politique de l'énergie voulue, en principe, par tous dans ce canton et voulue, en tout cas, comme l'ont rappelé les auteurs de la motion, par la constitution.
Mesdames et Messieurs les députés, j'appuie cette motion, j'appuie son esprit, j'appuie les solutions qu'elle propose. J'accorde volontiers à Mme Gauthier qu'il s'agit de discuter les problèmes qui se posent, mais pas simplement de faire un toilettage des mots, car les mots ne sont pas toujours si importants dans une motion dont le Conseil d'Etat peut faire ce qu'il veut. Il s'agit donc de discuter des problèmes qui se posent, de discuter des microcentrales et de la question du soutien à Chancy-Pougny. La solution proposée dans cette motion passe par l'achat par les collectivités publiques du kWh à un prix permettant l'amortissement des nouveaux investissements. D'autres voies pourraient être explorées, y compris celle que justement, Monsieur Dupraz, la LME ne prévoit pas, à savoir d'octroyer des crédits garantis par le canton, à des taux d'intérêt nuls ou avantageux, pour la rénovation de cette centrale. Je crois que le principe général est acquis et qu'on peut donc se permettre de ne pas renvoyer aujourd'hui cette motion au Conseil d'Etat. Je suis sûr que le Conseil d'Etat dans son ensemble, dans sa grande sagesse, et M. Robert Cramer en particulier sauront aller dans le bon sens en attendant. Le fait de renvoyer cette motion en commission nous permettra de travailler concrètement sur un certain nombre de propositions qui pourraient se matérialiser, par hypothèse, non seulement sous forme d'une motion - où, comme je l'ai dit, les mots ont moins d'importance que dans une loi - mais peut-être aussi sous forme d'un projet de loi qui irait dans le sens général de cette motion.
M. John Dupraz (R). Il y a des choses qu'on ne peut pas laisser dire. Prétendre que les dispositions sur l'aide à la rénovation des centrales hydroélectriques figurant dans la loi sur le marché de l'électricité sont des dispositions alibi, Monsieur Vanek, c'est insulter le travail des parlementaires à Berne, purement et simplement! Tout ceci est écrit texto dans la loi et une loi, une fois entrée en vigueur, s'applique. Dire que ces dispositions sont des dispositions alibi, ce sont des propos inacceptables. C'est comme si nous disions que la loi que nous avons votée hier sur la motion communale est une disposition alibi. Est-ce que nous disons cela ?
Je trouve, quant à moi, scandaleux que vous teniez de tels propos. C'est d'autant plus scandaleux que, par votre combat, vous risquez de mettre en péril l'étalement dans le temps de la libéralisation du marché de l'électricité. On risque d'assister, en cas de réussite de votre référendum, à une ouverture abrupte du marché, décidée par la Commission de la concurrence, qui se fera du jour au lendemain, entraînant le chaos sur le marché de l'électricité et mettant gravement en péril les énergies provenant de centrales hydroélectriques. C'est votre responsabilité, ce n'est pas la mienne : je ne suis pas un terroriste politique et je ne joue pas à ce jeu-là!
M. Pierre Vanek (AdG). M. Dupraz tient à infirmer les propos de M. Grobet d'hier : effectivement, ce n'est pas à partir d'une certaine heure, mais à toute heure qu'il tient des propos inacceptables... (Protestations.) M. Dupraz vient de me traiter de «terroriste» politique, Monsieur! J'ai fait une intervention claire, fondée sur une connaissance de l'article de la LME en question, qui dit que le Conseil fédéral peut octroyer ces prêts. Je ne dis pas que le travail des parlementaires fédéraux a été mauvais : ce travail a simplement était fait dans l'esprit que l'essentiel, c'est le marché, c'est la dérégulation, et on a ajouté quelques petites mesures d'accompagnement, qui sont effectivement, je le maintiens, des mesures alibi.
Maintenant, si la loi était si bien faite, Monsieur Dupraz, le Conseil fédéral l'aurait mise en votation en septembre, suite au référendum que nous avons fait aboutir et qui va dans le sens de la résistance citoyenne au courant néolibéral, résistance qui s'est manifestée à Zurich, récemment, par le refus de la privatisation de la régie cantonale électrique zurichoise. Mais non, le Conseil fédéral a décidé d'attendre le mois de décembre, disant qu'il fallait préciser une ordonnance d'application et essayer de ficeler quelque chose pour que la loi soit un peu plus passable. En l'occurrence, les questions que nous débattons ici doivent encore être traitées dans l'ordonnance d'application de la loi. Nous apprenons même aujourd'hui, en lisant le «Temps», que ceci est si compliqué que le Conseil fédéral n'ose pas mettre la LME en votation sans avoir trafiqué toutes sortes de choses dans l'ordonnance d'application et qu'il est probable que la votation n'aura lieu qu'en mars de l'année prochaine!
Ce point-là est donc tout à fait clair et M. Dupraz, je le regrette, ne connaît apparemment pas la lettre exacte de la loi sur laquelle il a pourtant rapporté aux Chambres fédérales. Nous aurons, d'ici la votation, l'occasion de relire ce qu'il a dit, dans le Mémorial, et j'aurai alors l'occasion de discuter amicalement avec lui et de lui montrer que, dans ce débat-là, c'est moi qui ai raison et c'est lui qui a tort. Et le fait d'avoir raison contre John Dupraz ne m'apparente pas forcément à un terroriste politique!
M. Alberto Velasco (S). Cette loi LME, et vous le savez, Monsieur Dupraz, a un grand défaut, c'est qu'elle ne garantit pas l'approvisionnement, contrairement aux dispositions actuelles. On voit aujourd'hui que des pays comme le Brésil ou les Etats-Unis connaissent ou ont connu des problèmes d'approvisionnement. Par ailleurs, l'énergie hydroélectrique n'est pas inépuisable et les sites ne sont pas illimités. Il vaut donc mieux exploiter les quelques sites que nous avons à bon escient. C'est la raison pour laquelle nous poussons le Conseil d'Etat à aller de l'avant. On dit déjà que cette loi LME ne sera votée qu'au mois de mars, peut-être même qu'elle ne passera pas et que ce sera pour beaucoup plus tard. Au niveau de l'Union européenne, vous savez, Monsieur Dupraz, qu'on revient un peu en arrière sur cette libéralisation des marchés de l'électricité. J'ai appris hier, par EOS, que l'Union est en train de mettre des bémols concernant les dispositions européennes sur la libéralisation des marchés de l'électricité. Cela veut dire que cette libéralisation ne se fait pas aussi facilement qu'on l'attendait. Nous avons donc raison de vouloir utiliser notre énergie hydraulique dans notre canton et de la mettre en avant.
M. Robert Cramer. Tout d'abord, il me paraît bienvenu que les motionnaires proposent de renvoyer cette proposition de motion en commission. Le débat assez vif qui s'est engagé montre, en effet, deux choses. La première, c'est qu'on gagnerait à préciser les intentions des motionnaires et à focaliser réellement l'objet de la motion, c'est-à-dire la question de la rénovation de Chancy-Pougny, qui fait, si j'ai bien compris, l'essentiel du désir des motionnaires.
La seconde chose qu'a montrée ce débat, c'est que, même si on se limite à cet objet, il y a énormément de choses à dire et je serai en mesure, en commission, de vous en dire un certain nombre, puisque pas plus tard qu'hier j'étais à Bienne, où se trouve le siège de l'Office fédéral des eaux et de la géologie. Celui-ci est, d'une part, l'autorité compétente pour délivrer les concessions et les autorisations de construire portant sur des installations hydrauliques transfrontalières. D'autre part, à teneur du projet, ou de l'avant-projet de ce qui pourrait être l'ordonnance d'application de la loi sur le marché de l'électricité, l'OFEG pourrait également être l'autorité chargée de juger les projets et de distribuer les subventions ou d'accorder les prêts sans intérêt pour des rénovations d'installations hydrauliques. J'ai interpellé mes interlocuteurs sur ce dernier point et je dois dire que, pour le moment, on ne sait pas du tout comment cette ordonnance pourrait être rédigée, ni surtout quelle pourrait être la pratique de l'administration.
Il y a donc là un intérêt particulier à ce que nous ayons un échange en commission, étant précisé, bien sûr et pour le surplus, que le Conseil d'Etat est lié par la conception générale de l'énergie que vous avez adoptée et dont vous vous souvenez certainement qu'elle prévoit la rénovation de Chancy-Pougny. C'est du reste la raison pour laquelle j'étais hier à l'OFEG : j'essayais de coordonner nos travaux respectifs et surtout d'accélérer le rythme auquel les autorisations nécessaires devraient être délivrées. J'espère pour ma part qu'au plus tard au premier trimestre de l'année prochaine nous nous verrons délivrer tout à la fois une concession et une autorisation de construire.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.