République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8263-A
12. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale (E 4 10) (cautionnement préventif). ( -) PL8263
Mémorial 2000 : Projet, 5023. Renvoi en commission, 5029.
Rapport de Mme Juliette Buffat (L), commission judiciaire

En date du 31 mai 2000, le Conseil d'Etat a déposé devant le Grand Conseil un projet modifiant l'article 2 de la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale.

Ce projet, traitant du cautionnement préventif, a été renvoyé à la Commission judiciaire le 22 juin. Celle-ci l'a examiné lors de sa séance du 29 mars 2001, sous la présidence de notre collègue Rémy Pagani et en présence de M. Bernard Duport, secrétaire adjoint du DJPT.

1. Le cautionnement préventif est une mesure prévue par le code pénal (art. 57), permettant d'agir à l'encontre d'une personne qui a menacé de commettre un crime ou un délit. Il vise, sur requête de la personne menacée, à obtenir de l'auteur de la menace la promesse qu'il ne passera pas à l'acte. Des sûretés peuvent être exigées, il s'agit généralement d'une caution financière. Si la promesse est refusée ou si les sûretés ne sont pas versées, le juge - à Genève, le juge d'instruction - peut mettre l'intéressé en détention pour une durée maximale de 2 mois, dans le but de l'amener à de meilleurs sentiments et de protéger la ou les personnes menacées. Dès que la promesse est donnée ou les sûretés versées, il doit être remis en liberté. Les sûretés sont acquises à l'Etat si l'infraction est commise dans les 2 ans.

2. A Genève, il n'existe pas d'autorité de recours contre la décision du juge d'instruction en matière de cautionnement préventif. Saisi d'un recours, le Tribunal fédéral a jugé que la procédure cantonale n'était pas conforme à la CEDH, dont l'article 6 § 1 prescrit qu'une peine privative de liberté ne peut être valablement prononcée que par un tribunal indépendant et impartial, à l'issue de débats publics et contradictoires.

3. Le but de ce projet de loi est de rendre notre procédure cantonale genevoise conforme aux exigences du droit supérieur fédéral, en offrant à la personne astreinte à un cautionnement préventif la possibilité de faire opposition devant le Tribunal de police, à l'instar de ce qui est prévu pour les ordonnances de condamnations rendues par le juge d'instruction ou le procureur général.

M. Bertossa indique que l'institution du cautionnement préventif sera reprise dans le nouveau texte, partie générale du code pénal suisse, actuellement discuté devant les Chambres. C'est pourquoi il est utile de légiférer, quand bien même le pouvoir judiciaire n'intervient pas souvent dans ce domaine. Il a été constaté, à l'occasion d'un récent cas d'application, que le droit cantonal ne prévoyait pas un système adéquat pour mettre en oeuvre cette institution. Rapportant brièvement les faits, M. Bertossa explique qu'il s'agissait d'un quidam qui harcelait un citoyen genevois en divulguant dans toute l'Europe que ledit citoyen était membre de l'Ordre du temple solaire (OTS). Alors que l'état de santé du plaignant s'était fortement dégradé à la suite de telles accusations et que le coupable persistait dans ses insinuations, il a demandé au juge d'instruction de soumettre l'intéressé à un cautionnement préventif. On s'est rendu compte que notre droit ne prévoyait rien d'autre que de confier cette compétence au juge d'instruction. Or, d'après le Tribunal fédéral (TF), une telle procédure n'est pas possible, dans la mesure où un tel juge n'est pas indépendant et impartial au sens de la CEDH. En l'occurrence, il faudrait pouvoir faire une opposition devant un tribunal, mais la législation cantonale ne le prévoit pas.

M. Bertossa précise que le texte soumis à l'attention des commissaires a reçu l'approbation du pouvoir judiciaire car la solution préconisée est la plus simple qui soit pour remédier à la lacune du texte actuel. Si le juge d'instruction reste l'autorité compétente, explicite le procureur général, ses décisions doivent pouvoir être soumises au Tribunal de police.

M. Bertossa, revenant sur son exemple précédent, constate qu'il s'agissait en l'occurrence de calomnie, mais que le cautionnement préventif est utile pour tout crime ou délit. Il peut être utilisé à chaque fois qu'il y a menace de commettre un crime ou un délit et qu'il existe un soupçon, une crainte que l'auteur va mettre sa menace à exécution. Le procureur général rappelle que l'infraction de menace constitue déjà une infraction en tant que telle si bien qu'il est possible de sanctionner quelqu'un qui a proféré des menaces. Pour remplir les conditions du cautionnement préventif, non seulement faut-il qu'un individu soit l'auteur de menaces, mais encore que l'on ait de bonnes raisons de penser qu'il va les mettre à exécution, par exemple parce qu'il a déjà passé à l'acte précédemment (cas du mari violent). Dans un tel contexte, le juge peut mettre cet individu en détention pour le contraindre à fournir des sûretés ou éviter qu'il ne passe à l'acte, pour une durée de détention qui ne peut dépasser deux mois.

Or, pour aller au bout d'un tel processus, il n'est pas possible de s'en référer à une autorité d'instruction (Parquet ou juge d'instruction), à moins qu'il soit prévu une opposition auprès d'une autorité comme le Tribunal de police.

En réponse à la remarque d'une commissaire, M. Bertossa reconnaît que l'institution du cautionnement préventif est peu connue dans la population et qu'il faudrait mieux l'en informer.

A la question d'un commissaire demandant s'il serait opportun de prévoir que la décision du juge d'instruction, traitée en urgence, soit déclarée immédiatement exécutoire, M. Bertossa répond qu'une telle éventualité n'est pas concevable. Il est difficile d'imaginer que l'on puisse rendre ce type de décision immédiatement exécutoire avant même qu'un juge impartial ait été saisi. Le procureur général ne nie pas que cette possibilité soit souhaitable, mais il précise qu'elle ne serait pas conforme aux exigences de la CEDH. M. Bertossa pense que, lorsque des individus profèrent des menaces, il est impossible de supprimer totalement le risque de passage à l'acte. En revanche, il faut évaluer le type de menace auquel on est confronté. Ainsi, le cautionnement préventif est un outil qui a toute son utilité pour combattre la petite criminalité, mais il est clair qu'il n'est pas approprié face à une menace terroriste par exemple.

Une commissaire remarque que ce projet de loi s'impose, puisqu'il intervient à la suite d'un arrêt du Tribunal fédéral. Elle souhaiterait néanmoins que l'institution du cautionnement préventif soit mieux connue, notamment par l'intermédiaire de la LAVI.

Il est certain que les femmes et les enfants victimes de violence et de maltraitance ne sont pas au courant de cet outil juridique et qu'il serait important et indispensable d'en faire connaître l'existence.

Il est également relevé qu'il n'est pas évident de vouloir mettre des gens en prison sous le couvert qu'ils vont peut-être un jour perpétrer une infraction et que le principe du respect de la liberté individuelle sur lequel est bâti notre ordre juridique implique que l'on accepte de vivre avec le risque d'une infraction qui aurait pu être prévenue.

Au terme de cet échange, l'entrée en matière est acceptée à l'unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 R, 3 L, 3 S, 1 Ve).

Après que le représentant du département ait rappelé les raisons qui ont conduit le Conseil d'Etat à privilégier l'ouverture d'une opposition devant le Tribunal de police plutôt que l'introduction d'un recours devant la Chambre d'accusation (cf. l'exposé des motifs du projet de loi), l'article 2 tel que proposé par le Conseil d'Etat est voté à l'unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 R, 2 L, 2 S, 1 Ve).

L'article 5, al. 1, lettre d (nouvelle) qui énonce la compétence du Tribunal de police de statuer en cas d'opposition à une ordonnance de cautionnement préventif est accepté à l'unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 R, 2 L, 2 S, 1 Ve).

Au vote d'ensemble, le projet de loi 8263 est accepté à l'unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 R, 2 L, 2 S, 1 Ve).

La Commission judiciaire vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter à votre tour ce projet de loi.

Premier débat

Mme Juliette Buffat (L), rapporteuse. Le cautionnement préventif est une mesure prévue par le code pénal suisse qui permet d'agir à l'encontre d'une personne qui a menacé de commettre un crime ou un délit. Il vise, sur requête de la personne menacée, à obtenir de l'auteur de la menace la promesse qu'il ne passera pas à l'acte. Des sûretés peuvent être exigées, il s'agit généralement d'une caution financière. Si la promesse est refusée ou si les sûretés ne sont pas versées, le juge peut mettre l'intéressé en détention pour une durée maximale de deux mois, dans le but de l'amener à de meilleurs sentiments et de protéger la ou les personnes menacées. A Genève, il n'existe pas d'autorité de recours contre la décision du juge d'instruction en matière de cautionnement préventif et le Tribunal fédéral, saisi d'un recours, a jugé que la procédure cantonale n'était pas conforme, car une peine privative de liberté ne peut être prononcée par un tribunal qui n'est ni indépendant ni impartial. Le but de ce projet de loi est de rendre notre procédure cantonale genevoise conforme aux exigences du droit supérieur fédéral. M. Bertossa, notre procureur général, a précisé que le texte soumis à l'attention de notre Grand Conseil a reçu l'approbation du pouvoir judiciaire et que la solution préconisée est la plus simple pour remédier à la lacune actuelle.

Le cautionnement préventif est utile pour tout crime ou délit, il peut être utilisé à chaque fois qu'il y a menace de commettre un crime ou un délit et qu'il existe un soupçon ou une crainte que l'auteur va mettre ses menaces à exécution. La menace constitue déjà une infraction en tant que telle, si bien qu'il est possible de sanctionner quelqu'un qui a proféré des menaces. Pour remplir les conditions du cautionnement préventif, il faut non seulement que l'auteur soit l'auteur de menaces, mais encore que l'on ait de bonnes raisons de penser qu'il va les mettre à exécution, par exemple parce qu'il a déjà passé à l'acte précédemment, comme dans le cas, habituel, d'un mari violent. Dans un tel contexte, le juge peut mettre cet individu en détention ou il peut le contraindre à fournir des sûretés pour éviter qu'il ne repasse à l'acte. Pour aller au bout d'un tel processus, il n'est possible de s'en référer qu'à une autorité d'instruction, à moins qu'il soit prévu une opposition auprès d'une autorité comme le Tribunal de police, ce que propose ce projet de loi.

Ce projet de loi s'impose, puisqu'il intervient à la suite d'un arrêt du Tribunal fédéral, qui souhaiterait que l'institution de cautionnement préventif soit mieux connue dans notre canton. Les femmes et les enfants victimes de violence et de maltraitance ne sont souvent pas au courant de cet outil juridique : il serait important et indispensable d'en faire connaître l'existence, en particulier auprès de la LAVI ou des autres services ou associations concernés. Au vote d'ensemble, ce projet de loi a été accepté par l'unanimité de la commission judiciaire, qui vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter à votre tour ce projet.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8263)

modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédéralesen matière pénale (E 4 10) (cautionnement préventif)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est modifiée comme suit :

Art. 2 (nouvelle teneur, sans modification de l'intitulé de la note)

1 Le juge d'instruction est l'autorité compétente pour prendre les mesures prévues à l'article 57 du code pénal. Il informe le requérant de ses décisions.

2 L'astreinte à fournir des sûretés et la mise en détention sont décidées par voie d'ordonnance sommairement motivée en fait et en droit, signée par le juge d'instruction et le greffier et notifiée à l'auteur de la menace et à son défenseur, s'il en est pourvu.

3 L'ordonnance mentionne le délai d'opposition, la forme, la juridiction compétente et précise qu'elle deviendra exécutoire à défaut d'opposition.

4 Dans le délai de 14 jours à compter de la notification, l'auteur de la menace peut faire opposition à l'ordonnance par déclaration non motivée au greffe du Tribunal de police. Les articles 218 D à 218 F du code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, sont applicables par analogie.

5 Les sûretés sont déposées en main du greffier-juriste des juges d'instruction.

Art. 5, al. 1, lettre d (nouvelle)

d) pour statuer après opposition en matière d'ordonnance de cautionnement préventif (art. 57 du code pénal).