République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 juin 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 10e session - 32e séance
GR 285-1 et objet(s) lié(s)
9. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
Mme M. O. V. G. R. , 1973, Equateur, secrétaire.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Il s'agit du recours en grâce de Mme M. O. V. G. R. , ressortissante équatorienne, qui recourt contre son expulsion pour trois ans, intervenue fin 1999.
Mme M. O. V. G. R. a été arrêtée alors qu'elle se trouvait employée au noir dans un bar des Pâquis et qu'elle exerçait l'un des plus vieux métiers du monde. Malheureusement, ce n'était pas la première fois qu'elle avait été expulsée de Suisse. C'était la seconde fois. La première fois, elle avait fait usage d'un faux passeport, si bien qu'elle a déjà été expulsée en 1998. Expulsée fin décembre 1999, Mme M. O. V. G. R. a présenté un certificat de mariage équatorien avec un ressortissant helvétique, datant de février 2000. Après examen du dossier, nous sommes d'avis de ne pas accepter cette demande de grâce, étant donné que les deux époux n'ont eu que des contacts téléphoniques depuis.
M. Claude Blanc. C'est l'amour virtuel !
M. Bernard Lescaze, rapporteur. Nous ne pensons pas forcément qu'il s'agisse d'un mariage blanc, bien que le mariage ait eu lieu six semaines après l'expulsion de Mme M. O. V. G. R. à Quito.
D'autre part, la fin de la période d'expulsion se termine d'ici une année.
Mme Jeannine de Haller (AdG). M. Lescaze a manqué de précision dans son rapport en disant que « nous » ne sommes pas d'accord avec la grâce, puisque la moitié de la commission, quatre personnes contre quatre, a demandé la grâce. Deux personnes se sont abstenues. Nous ne sommes donc pas tous d'accord avec le rejet de la grâce, Monsieur Lescaze !
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Je réponds simplement, Madame la présidente, à Mme de Haller qu'elle sait bien que je donne, en tant que rapporteur de la commission, la décision de la commission. Je n'ai pas dit que la décision avait été prise à l'unanimité. La décision de la commission est de refuser la grâce.
M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur. Une question, Monsieur le rapporteur ! Est-ce que cette dame a purgé la peine « locale » de son irrespect ? A-t-elle été condamnée à la prison, à des amendes ? A-t-elle payé cela ?
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Je réponds volontiers à M. le député Hodgers à l'intention de l'ensemble du Grand Conseil. Mme M. O. V. G. R. a été bien entendu condamnée à quelques jours de prison qu'elle a effectués, ainsi qu'à une amende qui a été payée sur la somme d'argent qu'elle conservait chez elle et qui était le résultat de ses activités. En conséquence, elle a effectivement payé l'amende à laquelle elle a été condamnée.
Mme Jeannine de Haller (AdG). Je fais donc la contre-proposition de gracier Mme M. O. V. G. R..
La présidente. Je mets aux voix la proposition de la majorité de la commission, à savoir le rejet du recours...
Une voix. D'abord la proposition la plus favorable !
La présidente. Non, d'abord la proposition de la commission !
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est rejeté. La grâce est accordée.
Mme S.-O. N. , 1979, Argovie, vendeuse, étudiante.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Il s'agit du recours en grâce de Mme S.-O. N., de nationalité suisse, âgée de 26 ans. Elle a été condamnée à deux ans d'emprisonnement pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. En effet, en janvier 1998, elle s'est rendue en Jamaïque dans le but de ramener une quantité de cocaïne comprise entre 500 grammes et 1 kilo. L'opération a échoué. En mai-juin 1998, elle est retournée en Jamaïque et a ramené, cette fois-ci, 900 grammes de cocaïne. En mars 1999, Mme Scheller est arrêtée pour le premier voyage effectué en février 1998 et qui avait donc échoué. Dès le début de l'instruction, Mme S.-O. N. a avoué les faits. Elle a également avoué, de son propre chef, le deuxième voyage, fait dont les autorités d'instruction ne pouvaient avoir connaissance à ce moment-là. Sa collaboration a permis le démantèlement du réseau, dont sa mère et sa soeur faisaient aussi partie. L'organisateur et l'instigateur du réseau a finalement écopé d'une peine compatible avec le sursis, alors qu'elle, simple « mule », a été condamnée à deux ans fermes.
Mme S.-O. N. a eu une enfance et une adolescence extrêmement instables. C'est le moins que l'on puisse dire ! Ses parents ont divorcé alors qu'elle était toute petite et son enfance a été ballottée entre Zurich et Johannesburg. Prostitution et toxicomanie ont gâché son adolescence, qu'elle a passée de foyer en foyer. Après son deuxième voyage en Jamaïque, une année donc avant son arrestation, elle a 19 ans et décide de rompre complètement avec le milieu de la toxicomanie. Elle ne voit plus sa famille, trouve un emploi de vendeuse, qu'elle occupe d'ailleurs toujours actuellement, entame une formation afin d'obtenir une maturité et se marie en automne 1998. Elle a donc réussi à rompre avec la criminalité et à se réinsérer socialement, ce qui est attesté par les services sociaux zurichois qui la suivent actuellement. Son jugement de janvier 2000 à Genève a été confirmé en cassation en août 2000, puis par le Tribunal fédéral en novembre 2000. Au début de l'année 2001, le réseau auquel elle appartenait a été démantelé au Canada. Il a été prouvé à cette occasion qu'elle n'avait plus aucun lien avec ce dernier.
Les faits reprochés et pour lesquels elle a été condamnée remontent donc maintenant à trois ans. Depuis, Mme S.-O. N. a démontré et prouvé sa volonté de démarrer une nouvelle vie. La majorité de la commission est convaincue qu'un emprisonnement de deux ans à partir d'aujourd'hui pourrait s'avérer catastrophique par rapport aux efforts qu'elle a consentis. Mais les faits qui lui sont reprochés sont toutefois graves et la commission ne pense pas que l'on puisse, par la grâce, aller à l'encontre de la décision de justice. Le sursis aurait été le choix que nous aurions souhaité. Malheureusement, il n'est pas de la compétence de notre Grand Conseil d'octroyer ce bénéfice. Par contre, la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève permet, en son article 208, alinéa 1, lettre b, l'ajournement temporaire de son exécution. La commission, dans sa grande majorité, sans opposition, vous propose donc un ajournement de deux ans de l'exécution de la peine de deux ans d'emprisonnement - à condition qu'aucun nouveau fait n'entache le parcours de cette dernière - dans le but que la grâce, après un retour en commission à ce moment-là, lui soit octroyée. Je vous remercie d'avance et vous demande de suivre la commission.
Mis aux voix, le préavis de la commission (ajournement temporaire de l'exécution de la peine à 2 ans) est adopté.
M. N.-E. M. , 1948, Cameroun, sans emploi.
M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur. M. N.-E. M. fait actuellement l'objet de jugements ou de décisions concernant 88 contraventions. Il nous fait demande de grâce ou de lui accorder d'autres facilités appropriées à sa situation exceptionnelle.
Sa situation est effectivement bien particulière. Cet homme de 52 ans est venu à Genève en 1972, à l'âge de 24 ans. Etudiant à l'université en sciences économiques et sociales, il a fini sa formation à l'IUED pour travailler comme fonctionnaire à l'ONU de 1977 à 1999, avec une interruption de quelques années pour travailler dans d'autres services. Il s'est marié avec une femme camerounaise, avec laquelle il a eu trois enfants, trois filles âgées de dix à quinze ans. En 1999, il a quitté l'ONU pour travailler dans une structure humanitaire, Cheap Switzerland, qui organise l'import et l'export depuis le Cameroun de fruits et légumes de petits producteurs camerounais. Cette structure était en contact avec un distributeur suisse de Soleure, Frucht AG, qui a fait faillite. M. N.-E. M. avait avancé la somme de 44 517 F à la structure humanitaire Cheap Switzerland qui, par ailleurs, offre des fruits et légumes aux structures caritatives genevoises. L'affaire concernant Frucht AG est encore pendante devant le Procureur général de Neuchâtel. Une procédure de plainte est toujours en cours. Ce qui fait que M. N.-E. M. est actuellement sans activité lucrative. Il vit de quelques mandats et n'a donc pas de revenus fixes.
Sa situation particulière nous a amenés à suspendre, avec ajournement temporaire, la mesure de payement de ses amendes. Comme il a déjà fait un petit geste, nous voudrions l'encourager dans ce sens en lui demandant de verser 100 F par mois. C'est la raison pour laquelle la commission vous propose d'accepter l'ajournement temporaire et le versement de 100 F par mois et de réexaminer sa situation dans une année.
Mis aux voix, le préavis de la commission (ajournement temporaire de l'exécution à une année, à charge pour le recourant de verser 100 F par mois) est adopté.
La présidente. Nous en avons terminé avec les demandes de grâce de la compétence du Grand Conseil, nous passons à la suite de notre ordre du jour. Les points 11 et 12 sont reportés, les deux élections n'ayant pas fait l'objet de propositions de candidatures de la part de l'AdG.