République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1167-B
28. Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier la pétition : Action Patrimoine Vivant. ( -) P1167
 Mémorial 2000 : Rapport 4242.
Rapport de Mme Jeannine de Haller (AG), commission de contrôle de gestion

La Commission de contrôle de gestion a examiné la pétition 1167 « Action patrimoine vivant » portant sur la démolition de la Villa Blanc lors de ses séances du 19 juin, des 6, 13, 20 et 27 novembre 2000, du 30 avril et du 28 mai 2001, sous la présidence successive de M. Michel Balestra et Mme Salika Wenger. Nous remercions Mmes Meyer et Schaefer, ainsi que MM. Constant et Orjales qui ont pris de précieuses et fort utiles notes de séances. Nos remerciements vont également à toutes les personnes membres du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (DAEL) qui ont bien voulu accepter de se faire auditionner par la commission, soit M. Laurent Moutinot, président, Mme Sylvie Bietenhader, directrice à la police des constructions, M. Pierre Staehelin, chef de la division technique à la direction de la police des constructions, M. Pierre Baertschi, directeur du patrimoine et des sites, M. Didier Mottiez, secrétaire adjoint et M. Michel Buergisser, juriste délégué à la coordination du service juridique.

La pétition 1167, déposée par « Action patrimoine vivant » (APV) le 26 juin 1997, a été renvoyée à la Commission de contrôle de gestion lors de la séance du Grand Conseil du 25 mai 2000. Ce renvoi en commission a été voté par la majorité des député-e-s, parce qu'ils/elles ne pouvaient se satisfaire du contenu du rapport de M. Chaïm Nissim, rapporteur de la Commission des travaux chargée à l'origine d'étudier ladite pétition (annexe No 13). Alors que la pétition 1167 demande précisément de faire toute la lumière sur les circonstances qui ont abouti à la démolition de la Villa Blanc, cette pétition a été traitée par la Commission des travaux en moins d'une séance, le 18 avril 2000, les membres de l'Entente ayant refusé de procéder à des auditions par 4 voix contre 4 et 1 abstention

La Commission des travaux avait trois points à l'ordre du jour le 18 février 2000. Suite au traitement des deux premiers points, elle a procédé à l'audition de signataires de la pétition 1167, Mme Erica Deuber-Ziegler et M. Yves Jeanmairet, tous deux membres d'APV. Elle a ensuite délibéré pour savoir si elle allait auditionner d'autres personnes impliquées dans cette affaire. L'Entente, choquée par la diffusion des notes confidentielles annexées à la pétition, a alors exprimé ses réticences et refusé de poursuivre les travaux.

Le Conseil d'Etat n'a jamais répondu aux lettres d'« Action patrimoine vivant » (APV) lui demandant des explications concernant la démolition de la Villa Blanc. C'est la raison pour laquelle, de guerre lasse, l'association APV a déposé une pétition en juin 1997. Jointes à cette pétition, cinq pièces qui n'ont pas été annexées au rapport de M. C. Nissim, mais qui le sont au présent rapport. Il s'agit de la note de Mme Sylvie Bietenhader à M. Philippe Joye du 28 juin 1995 (annexe No 1), d'une note relatant la rencontre du 4 juillet 1995 entre le Département des travaux publics et de l'énergie (DTPE, actuel DAEL) et APROFIM (Agence de Promotion et Financement Immobilier S.A.) (annexe No 2), de la lettre d'APROFIM à M. Philippe Joye du 26 juillet 1995 (annexe No 3), et enfin des deux lettres d'APV au Conseil d'Etat datées respectivement du 2 novembre 1995 et du 15 janvier 1997 demandant des explications (annexes Nos 4 et 5).

24 février 1987 : note interne au DTPE de M. Pierre Baertschi à Mme Marie-José Wiedmer concernant notamment la valeur de la Villa Blanc : « Ce bâtiment a en tout cas valeur d'inscription à l'inventaire, vraisemblablement de classement. » (annexe No 6)

9 novembre 1989 : Visite de délégué-e-s de la sous-commission monuments et antiquités de la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) concernant l'aménagement de la parcelle Sécheron (rapport de visite descriptif, daté du 3 avril 1990 : annexe No 8)

29 mars 1994 : note interne au DTPE de M. Pierre Baertschi à M. Raymond Schaffert émettant un préavis défavorable au projet de déplacement de la Villa Blanc (annexe No 7)

16 novembre 1994 : Publication dans la Feuille d'avis officielle (FAO) de la demande d'autorisation de démolir portant sur la Villa Blanc

Requérant : Noga Invest S.A. ; mandataire : Bureau d'architectes IDEA S.A. ; propriétaire de la parcelle : Noga Invest S.A. ; parcelle : 2129.

16 novembre 1994 : Publication dans la FAO de la requête en autorisation de construire portant sur la maison Europa

14 décembre 1994 : Séance de la sous-commission nature et monuments de la CMNS : selon son procès-verbal, elle ne s'oppose pas à la démolition de la Villa Blanc, sous réserve de la constitution d'un dossier particulièrement étoffé (annexe No 9)

11 mai 1995 : Autorisation de démolir portant sur la Villa Blanc (décision publiée le 19 mai 1995 dans la FAO)

19 mai 1995 : La qualité pour agir d'Action patrimoine vivant (APV) est reconnue par la Commission de recours LCI dans le cadre du recours déposé par APV contre l'autorisation de construire définitive portant sur le bâtiment Europa : cette décision n'est pas contestée par le DTPE

23 juin 1995 : Demande de classement de la Villa Blanc par APV

28 juin 1995 : Note de Mme Sylvie Bietenhader à M. Philippe Joye concernant le recours interjeté contre l'autorisation de construire définitive portant sur le bâtiment Europa (annexe No 1)

4 juillet 1995 : Rencontre entre la direction de la police des constructions et le conseil d'APROFIM concernant notamment la démolition de la Villa Blanc (voir note du 5 juillet 1995 : annexe No 2)

11 juillet 1995 : Lettre de M. Philippe Joye à APV en réponse à sa demande de classement du 23 juin 1995 (annexe No 12)

13 juillet 1995 : Entretien téléphonique entre APROFIM et M. Philippe Joye, en présence de Mme Sylvie Bietenhader et d'autres fonctionnaires du département, portant notamment sur l'autorisation de démolir la Villa Blanc

26 juillet 1995 : Lettre d'APROFIM à M. Philippe Joye le remerciant d'avoir confirmé, lors de l'entretien téléphonique du 13 juillet 1995, qu'APROFIM était en droit de faire usage de l'autorisation de démolir et de procéder d'ores et déjà à cette démolition (annexe No 3)

28 juillet 1995 : Démolition de la Villa Blanc

2 novembre 1995 : 1re lettre d'APV au Conseil d'Etat concernant l'ex-Villa Blanc (annexe No 4)

15 janvier 1997 : 2e lettre d'APV au Conseil d'Etat concernant l'ex-Villa Blanc (annexe No 5)

26 juin 1997 : dépôt de la pétition 1167 d'APV

18 avril 2000 : Séance de la commission des travaux sur la pétition 1167 (procès-verbal No 81)

25 mai 2000 : Renvoi par le Grand Conseil de la pétition 1167 à la Commission de contrôle de gestion

Dans un premier temps, la Commission de contrôle de gestion a souhaité qu'une sous-commission, formée de M. Charles Seydoux et Mme Jeannine de Haller (désignée ensuite comme rapporteure), procède à quelques investigations et vérifications avant de donner son avis aux autres membres de la commission sur la méthode de travail à adopter. Ces deux personnes ont rencontré le président du Département de l'aménagement, équipement et logement (DAEL), M. Laurent Moutinot, en compagnie de Mme Sylvie Bietenhader, de M. Denis Dufey et d'un quatrième collaborateur le 25 juillet 2000. La totalité des documents concernant la Villa Blanc en main du DAEL a alors été mise à la disposition de la sous-commission. Dans un rapport intermédiaire, celle-ci a fait part de ses premières conclusions aux autres membres de la commission : étant donné que le Conseil d'Etat n'a jamais répondu aux lettres d'APV, il est du devoir de la Commission de contrôle de gestion de faire en sorte que les pétitionnaires soient entendus dans leurs demandes réitérées d'obtenir des explications. Il appartient du reste à notre commission d'enquêter sur les dysfonctionnements qui nous sont signalés. L'idée est avant tout de clarifier toute cette affaire pour que le droit des pétitionnaires soit reconnu et que la loi qui a semble-t-il été bafouée ne le soit plus à l'avenir.

Dès lors et dans un réel souci de transparence, la sous-commission propose l'audition des différentes personnes qui ont eu un lien avec la prise de décision de démolir la Villa Blanc. Elle souhaite également auditionner les juristes du département pour se faire une idée plus précise des avis juridiques pertinents que M. Joye, non juriste, a pu recevoir à cette époque. Elle ne pense pas nécessaire de réauditionner les pétitionnaires, la Commission des travaux l'ayant déjà fait. Par contre, l'audition du chef actuel du DAEL peut s'avérer utile pour voir quelles sont les mesures, sanctions et autres, dont le département dispose - ou ne dispose pas - aujourd'hui en cas d'infractions commises sur le canton dans le domaine du patrimoine bâti. Dans l'intention clairement exprimée qu'il s'agit de répondre le plus exhaustivement possible aux pétionnaires et de faire en sorte que de tels événements ne puissent plus se reproduire, la commission, par 10 oui (2 R, 3 S, 2 Ve et 3 AdG), 3 non (3 L) et 1 abstention (DC), vote la poursuite des travaux et les auditions prévues.

En préambule, M. Moutinot observe qu'il n'a pas grand-chose à dire à la commission, que cette affaire ne le concerne pas directement et qu'il a décidé une fois pour toutes de ne pas critiquer ses prédécesseurs. Mais il reconnaît qu'il est du devoir des commissaires d'enquêter partout où ils estiment que l'activité de l'Etat n'est pas conforme à la légalité ou aux principes qui régissent un Etat de droit tel que le nôtre. De ce point de vue, il est prêt à participer aux travaux de la commission et se montre disposé à délier ses fonctionnaires du secret de fonction, tout en acceptant de remettre toutes pièces utiles à la commission.

Les commissaires souhaitent que M. Moutinot indique la position actuelle du DAEL quant à la poursuite des infractions portant en particulier sur des objets dont la valeur est reconnue pour le patrimoine collectif. Tout d'abord, le président du département signale qu'il se préoccupe des moyens dont dispose la direction du patrimoine et des sites et de son avenir : un audit a précisément été demandé dont les résultats devraient être connus sous peu ; cet audit devrait permettre d'améliorer la situation dudit service afin qu'il soit mieux en mesure d'anticiper les situations complexes qu'il doit gérer. Venant aux infractions, il évoque les immeubles squattés pour lesquels il existe effectivement une vraie difficulté de gestion. Mis à part cet aspect, il ne voit pas dans quelles situations le DAEL aurait fait preuve de laxisme.

M. Moutinot estime par ailleurs avoir adopté une posture plutôt légaliste, et pense que d'une manière générale, dans le domaine de la protection du patrimoine, les lois sont respectées par la plupart des entreprises et citoyens genevois. Il explique qu'on ne peut pas toucher à un immeuble classé sans un arrêté du Conseil d'Etat, mais que par ailleurs, les travaux mineurs d'entretien ont été soustraits à cette procédure pour l'alléger. Pour lui, les contrevenants sont identifiés et sanctionnés conformément à la législation en vigueur. Le montant des amendes est fixé par la loi, mais le montant maximum n'est peut-être plus très dissuasif. En la matière, on s'en réfère à la jurisprudence du Tribunal administratif. Or force est d'admettre qu'elle se présente sous des traits plutôt laxistes.

Une autre question se pose également aujourd'hui : jusque dans les années 1960, on classait des biens ayant au moins 250 ans d'âge. Or, on assiste de nos jours à un élargissement de l'intérêt porté au patrimoine, et ce tant au niveau du genre - on ne s'intéresse plus seulement aux cathédrales et aux châteaux - qu'au niveau de la date - on classe des objets de plus en plus récents. D'un côté, on protège le patrimoine en sa qualité de témoignage rare d'une époque et de l'autre, on attache beaucoup d'importance au maintien du cadre bâti dans lequel nous sommes nés et évoluons aujourd'hui. Deux conceptions s'affrontent ici : l'une étant l'apanage des historiens d'art, l'autre relevant de l'intérêt de tout un chacun.

En conclusion, M. Moutinot constate que ni le rapport de M. Nissim, ni le rapport intermédiaire de la sous-commission ne remettent en cause l'administration du DAEL, mais les décisions personnelles de son prédécesseur. Dans ces conditions, il ne voit pas bien quelles mesures organisationnelles on voudrait qu'il prenne alors que rien n'est reproché à l'administration.

Mme Bietenhader confirme que la Villa Blanc a été démolie alors qu'une demande de classement avait été déposée. Mais il faut savoir qu'une autorisation de démolir était entrée en force après consultation des services compétents. Elle rappelle que la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) n'avait émis aucune objection à cette démolition, sous réserve de procéder à un relevé de la construction assorti d'un reportage photographique.

Lorsqu'une demande de classement est déposée par une association ayant la qualité pour agir, il est interdit de procéder à de quelconques travaux sur le bâtiment concerné. Or Mme Bietenhader rappelle qu'à l'époque, le département contestait cette qualité à Action patrimoine vivant (APV) : le climat politique, la contestation de la qualité pour agir et le moment de la demande de classement, intervenue après l'entrée en force de l'autorisation de démolir, sont autant de paramètres qui ont contribué à rendre la situation plutôt floue.

Mme Bietenhader reconnaît que le département contestait à APV sa qualité pour agir en s'appuyant à tort sur la loi fédérale ad hoc : ce type de décision ressort effectivement de la compétence exclusive du Conseil d'Etat, avec voie de recours au Tribunal administratif. C'est dans ce contexte qu'elle a évoqué, dans sa note du 28 juin 1995 (annexe No 1), la question des articles 146 et 148 LCI qui, en l'occurrence, n'étaient pas applicables au cas d'espèce. Par ailleurs, Mme Bietenhader tient à préciser que ladite note ne valait pas opposition à M. Joye, contrairement à ce qui a été dit. Ce mémo portait sur la question de savoir si le recours dirigé contre l'autorisation de construire portant sur le bâtiment Europa était assorti d'un effet suspensif ou non. Sa note n'avait donc strictement rien à voir avec la démolition de la Villa Blanc, et si son avis n'était pas clair, c'est tout simplement parce que la situation ne l'était pas.

Ainsi, Mme Bietenhader estime qu'à l'époque, un certain nombre de décisions politiques ont été prises dans un contexte juridique peu limpide. Elle souligne les oppositions très claires entre le chef du DTPE et les milieux de protection du patrimoine : il est évident qu'une nette volonté de pousser la construction de la Maison Europa se dessinait. Dans le vif du sujet, on est parfois amené à prendre des décisions qui ne sont pas toujours légales, un constat qui vaut également pour aujourd'hui. Cela résulte de la nature du droit public voulant qu'à un moment donné, on doive trancher, alors même que les juristes évoluent dans une zone de flou. Toute la question consiste à se demander jusqu'où on peut aller... Mme Bietenhader ne sait pas si M. Joye avait connaissance de l'article 5 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS) (L 4 05)

Art. 5 de la LPMNS : Mesures conservatoires

Alinéa 1 : « En cas d'atteinte ou de danger imminent, l'autorité compétente prend les mesures de sauvegarde appropriées. Elle peut notamment ordonner l'arrêt immédiat des travaux et, le cas échéant, le rétablissement de l'état antérieur des lieux. »

Il est difficile à Mme Bietenhader de se rappeler la chronologie exacte des événements de juillet 1995. Elle est toutefois certaine d'avoir recommandé la prudence à M. Joye et l'a rendu attentif, relativement à la qualité pour agir d'APV, au fait qu'il existait une certaine incohérence à ce sujet. Elle se souvient ainsi vaguement que le DTPE avait pourtant reconnu la qualité pour agir à APV lors d'une précédente affaire. Ce qui n'empêche que la demande de classement d'APV intervenait un peu comme la grêle après les vendanges et que sur ce dossier, il n'y avait aucune opposition brutale entre M. Joye et elle-même.

Répondant à la question de savoir si M. Joye craignait que le projet de la Maison Europa risque de ne pas se réaliser à cause d'un éventuel retrait de l'Union Européenne, Mme Bietenhader estime qu'il s'agissait bien d'une donnée à l'ordre du jour de l'époque. Mais de toute manière, le chef du département savait exactement ce qu'il voulait faire dans ce dossier. L'administration devait donc aussi faire face à la volonté du magistrat de tout mettre en oeuvre pour faire avancer ce projet. C'est sûr qu'il fallait démolir la Villa Blanc pour aller de l'avant, faute de quoi on s'embarquait dans des années de procédure autour de la demande de classement.

Mme Bietenhader ne se souvient plus très bien des personnes présentes à la réunion du 4 juillet 1995 entre le département et la société APROFIM. Cette séance, relatée dans une note datée du lendemain (annexe No 2), a réuni une dizaine de personnes, mais pas M. Joye. Elle ne sait plus qui a pris le procès-verbal, il pourrait s'agir de M. Michel Buergisser, juriste délégué à la coordination de la police des constructions.

En conclusion, la Villa Blanc suscitait à l'époque toute une série de questions au sujet desquelles les réponses à apporter n'étaient pas claires. Ce qui l'était en revanche, continue Mme Bietenhader, c'est que M. Joye voulait pousser ce projet et qu'il aurait dû se montrer plus prudent. En l'occurrence, c'est autour du fait que le département a décidé de son propre chef qu'APV n'avait pas qualité pour agir que tourne le problème. Dans le doute, il aurait été préférable de se montrer plus prudent et ne pas démolir la Villa Blanc, en attendant qu'une autorité judiciaire tranche expressément sur la question.

M. Staehelin indique qu'il n'était pas mêlé de très près à cette affaire, qui relevait davantage de la compétence du président que des simples collaborateurs. Il a surtout participé à l'amélioration du projet de la Maison Europa et aux discussions qui tournaient autour de sa conception architecturale.

Le premier projet, qui maintenait la Villa Blanc, a été modifié parce que M. Joye accordait une certaine importance, pour ne pas dire une importance certaine, à la qualité architecturale du futur projet. Or, le chef du DTPE considérait l'architecture du premier comme passe-partout et peu spectaculaire. M. Staehelin pense que c'est la raison pour laquelle le magistrat a pris l'initiative de solliciter une contre-étude qui ne prévoyait pas le maintien de la Villa Blanc. Au demeurant, le premier projet préconisait de déplacer la Villa, si bien qu'il n'entrait pas véritablement dans les vues d'une conservation telle qu'on l'entend aujourd'hui. En clair, le premier projet visait à sortir l'objet de son contexte pour l'injecter dans un nouvel environnement, ce qui va plus loin qu'une simple conservation.

A l'époque, on se demandait si les droits à bâtir (densité proprement dite) étaient supérieurs dans le cadre du nouveau projet Europa par rapport au précédent, qui avait été autorisé à APROFIM sous forme de préalable. En conclusion, il avait été reconnu que la densité était identique et que le nouveau projet n'impliquait pas de droits à bâtir supplémentaires. Pour M. Staehelin, la problématique ne dépendait pas tant de la façon de calculer les surfaces, il s'agissait en réalité de faire passer un projet plutôt que l'autre.

A la question de savoir si, dans le cadre de la procédure, M. Staehelin avait été amené à lire quelque chose relativement aux intentions de l'Union Européenne, lors de l'examen des documents provenant du mandataire du requérant, il explique qu'il était essentiellement associé à l'aspect technique du projet, pour l'examen et le contrôle de la conformité aux dispositions en vigueur de la LCI en matière de gabarits et distances.

M. Staehelin se souvient que le préavis pour la démolition de la Villa, délivré par la Commission des monuments, de la nature et des sites. Il n'a par contre plus la moindre idée de qui a participé à la réunion du 4 juillet 1995, mais suppose néanmoins qu'un représentant de la société APROFIM devait y assister également.

Les notes personnelles de M. Baertschi relatives à ce dossier remontent à 1994. Le 24 février 1987, il avait toutefois adressé à une collaboratrice du DTPE une note pour souligner l'intérêt de la Villa Blanc (annexe No 6). Il estime que les gens étaient donc avertis, à l'époque de la démolition, de la situation de la Villa. Le 29 mars 1994, dans une note à la direction de l'aménagement où il est question du projet de déplacer le bâtiment, il avait alors émis un préavis favorable (annexe No 7 : relevons que cette déclaration est en contradiction avec le contenu de ladite note). Ce dossier a par la suite été traité en haut lieu et il n'a pas été prioritairement tenu compte de ses remarques.

Les rumeurs de démolition sont intervenues au mois de juillet 1995, au moment où un audit d'organisation venait d'être effectué au sein du département. En ce qui concerne M. Baertschi, il a appris les différents éléments de l'été 1995 par la presse, alors qu'il se trouvait à l'étranger. Il a toujours eu l'impression que ce dossier était traité au niveau du Conseil d'Etat, en tous les cas pas au niveau d'un seul service. C'était le directeur de l'aménagement, M. Raymond Schaffert, qui avait un accès direct au chef du DTPE, et c'est également lui qui avait alerté M. Joye de la situation de la Villa Blanc suite à la note de M. Baertschi du 29 mars 1994 (annexe No 7).

M. Baertschi se souvient que la Commission des monuments, de la nature et des sites. Elle avait alors estimé que le bâtiment avait valeur d'inscription à l'inventaire, vraisemblablement en classe 1 (annexe No 8 : Trois membres de la sous-commission monuments et antiquités ont effectué cette visite. A noter que ce rapport de visite, tel qu'il nous a été transmis, est uniquement descriptif). La CMNS, dans le cadre de la requête en démolition, a ensuite pris une position difficilement explicable pour M. Baertschi. En effet, selon son procès-verbal du 14 décembre 1994, la sous-commission (devenue entre temps « nature et monuments ») de la CMNS a « pris connaissance du rapport de visite établi en novembre 1989 » et « regretté que la parcelle de cette ancienne propriété Mirabaud, de qualité remarquable, ait été retenue comme site de la future maison de l'Europe. Elle demande qu'en cas de démolition un dossier particulièrement étoffé soit constitué. » Ce dossier devait comprendre entre autres « un relevé d'architecte, un rapport historique et un reportage photographique » (annexe No 9). (Le rapport historique a été effectué par M. Bernard Lescaze, qui n'était plus membre de la sous-commission architecture de la CMNS depuis avril 1994. L'avant-propos, l'introduction et la conclusion de cette étude se trouvent en annexe de ce rapport : annexe No 10)

Selon M. Baertschi, la raison du changement de position de la CMNS doit peut-être être cherchée dans la composition de la sous-commission nature et monuments, composition qui s'est modifiée avec le temps

M. Joye a souhaité, après son arrivée à la tête du département, réduire le nombre de délégations de la CMNS. Il n'est resté que deux sous-commissions, « architecture », ainsi que « nature et monuments ». Les trois sous-commissions qui existaient préalablement, soit « architecture », « nature » et « monuments », ont été rétablies il y a trois ans.

En préalable, M. Mottiez souhaite rappeler quelques éléments en matière de demande de classement. La loi prévoit en l'occurrence deux procédures. Dans l'hypothèse d'une demande de classement provenant d'une association d'importance cantonale ou d'une commune, la procédure est ouverte d'office. Le département transmet la demande au propriétaire, qui a dès lors interdiction légale de toucher au bâtiment concerné pendant les six mois suivants. Le Conseil d'Etat est quant à lui tenu de se prononcer dans les six mois. La deuxième hypothèse concerne une proposition de classement émanant d'un citoyen ou d'une association dont l'importance cantonale n'est pas reconnue, c'est-à-dire n'ayant pas qualité pour déposer une demande de classement. La procédure de classement est alors ouverte sur décision du Département. Dans ce cas, la proposition de classement est préalablement soumise à la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) pour examen, conformément à l'article 22, alinéa 2, lettre b) du règlement d'exécution de la Loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (RLPMNS). Ces deux procédures ont été confirmées par le Tribunal administratif dans son arrêt rendu le 27 avril 1993 dans la cause opposant la SI Mail Cirque au Conseil d'Etat.

M. Mottiez est personnellement entré en scène le 10 juillet 1995. M. Joye lui avait alors donné instruction de préparer une détermination écrite au nom du département sur la demande de classement du 23 juin 1995 de l'association Action patrimoine vivant (APV). Cette détermination écrite est contenue dans la lettre adressée par M. Joye à APV le 11 juillet 1995 (annexe No 12).

Le premier point de cette lettre explique les raisons pour lesquelles le DTPE conteste la qualité pour agir de l'association. Il est notamment précisé qu'une association poursuivant des buts de protection du patrimoine ne saurait se voir reconnaître le statut d'une association d'importance cantonale si les critères de régularité et de longévité font défaut. L'association Action patrimoine vivant (APV) n'avait à l'époque du dépôt de la demande de classement de la Villa Blanc, soit plus précisément le 23 juin 1995, que trois ou quatre mois d'existence. A l'époque, il était possible d'estimer qu'APV ne remplissait pas les critères en question. Toutefois, la police des constructions et la commission de recours avaient eu l'occasion, dans la procédure d'autorisation de construire, de se prononcer au printemps de l'année 1995 sur la question de la qualité pour agir d'APV et ne l'avait alors pas contestée. Même si la notion de qualité pour agir ne se recoupe pas dans les deux procédures ouvertes dans ce dossier, il aurait dû être tenu compte de la décision prise dans la première des procédures ouvertes. Cela paraît évident sous l'angle de la bonne foi, étant précisé que M. Joye connaissait bien la question des critères de longévité et de régularité. C'est néanmoins un autre tournant que celui pris devant la Commission de recours qui a été choisi. Quant au Tribunal administratif, par arrêt du 17 décembre 1996, il a reconnu de manière définitive à APV le statut d'association d'importance cantonale (dans le sens de l'article 63 LPMNS

Art. 63 de la LPMNS : Recours des communes et des associations

« Les communes et les associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir. »

Le deuxième point de la lettre du 11 juillet 1995 réserve expressément le suivi de la requête de l'association et la décision du département quant à l'ouverture d'une éventuelle procédure de classement. Il est précisé que la proposition de classement émanant d'APV est, dans l'immédiat, soumise à la CMNS pour examen. Il s'agit là du minimum que le DTPE pouvait en l'occurrence faire.

Une copie de la lettre adressée à APV a été envoyée à tous les conseillers d'Etat (cf. note de bas de page 3 de l'annexe No 12) et, comme il se pratique habituellement, à la direction du patrimoine et à la police des constructions. M. Mottiez a pris la précaution supplémentaire d'inviter, le 12 juillet 1995, la direction du patrimoine et des sites à suivre la procédure indiquée sous chiffre 2 de la lettre à APV, c'est-à-dire à soumettre la demande de classement à la CMNS avant que le département ne se détermine par rapport à une éventuelle ouverture de procédure de classement. M. Mottiez relève qu'il a alors été dit qu'il n'était pas nécessaire de solliciter à ce moment le préavis de la CMNS, sous prétexte que cette commission avait déjà pris position lors de la requête en démolition. Or, la CMNS ne s'était en fait pas formellement prononcée sur un éventuel classement de la Villa Blanc.

M. Mottiez se souvient que M. Baertschi est parti en vacances le 13 juillet 1995. De son côté, M. Joye s'est montré surpris par la teneur du courrier du 11 juillet 1995, pourtant signé de sa main. M. Mottiez a alors expliqué la situation à M. Joye, insistant sur le minimum que le département devait faire même si la qualité pour agir d'APV était contestée par le DTPE. Le magistrat lui a alors précisé qu'il était nécessaire d'attendre une lettre de l'avocat des propriétaires avant de prendre contact avec la direction des constructions chargée de piloter ce dossier.

M. Mottiez précise qu'il a personnellement « disparu » de ce dossier le 13 juillet 1995. Il a ensuite entendu parler de la mise à exécution de l'autorisation de démolir, démolition qui a eu lieu le 28 juillet 1995. Plusieurs responsables du DTPE, dont lui, ont été convoqués ce jour-là par la direction générale, à 09h00 exactement. Il a lui-même proposé de faire appliquer l'article 5 LPMNS

Art. 5 de la LPMNS : Mesures conservatoires

Alinéa 1 : « En cas d'atteinte ou de danger imminent, l'autorité compétente prend les mesures de sauvegarde appropriées. Elle peut notamment ordonner l'arrêt immédiat des travaux et, le cas échéant, le rétablissement de l'état antérieur des lieux. »

Dès lors que la procédure légale n'a pas été respectée, M. Mottiez estime qu'il y a eu tromperie de l'association APV en premier lieu, puis de l'opinion publique, qu'il s'agit en l'occurrence d'un cas exemplaire d'un manquement aux règles de la bonne foi et qu'il y a eu, dans ce dossier, une violation caractérisée de la loi. En annonçant à APV, avec copie à tout le Conseil d'Etat, que sa proposition de classement était soumise à la CMNS préalablement à une décision du département quant à l'ouverture d'une éventuelle procédure de classement, il aurait fallu temporairement prendre une mesure de suspension de l'autorisation en force de démolir, comme le permet l'article 5 de la LPMNS. Ce d'autant au vu de l'arrêt rendu en 1983 par le Tribunal fédéral dans l'affaire de la Villa Edelstein

La juridiction fédérale avait alors précisé que l'autorité compétente pouvait modifier ou révoquer une décision passée en force s'il s'agissait de sauvegarder un intérêt public particulièrement important qu'il n'était pas possible de préserver autrement, ajoutant que le classement de l'immeuble répondait à un intérêt public prépondérant, ce qui suffisait seul, selon la jurisprudence, à révoquer la décision de démolition.

L'affaire remontant à plusieurs années, M. Buergisser craint de ne pouvoir être extrêmement précis dans ses réponses à la commission. Il précise cependant qu'il a commencé à travailler au DTPE au mois de juillet 1995. Le premier dossier dont il avait alors été saisi était celui de la Villa Blanc et de l'autorisation de construire. Sa première activité a été la rédaction d'un mémoire sur ce sujet, déposé le 27 juillet 1995. Pour le reste, il a le souvenir d'une rencontre entre la direction du Service de la police des constructions et Me Ducret-Burger, conseil de Noga Invest S.A., au cours de laquelle il a surtout été question d'une coordination des écritures (il s'agit de la réunion du 4 juillet 1995). M. Buergisser estime assez vraisemblable qu'il ait été lui-même l'auteur de la note servant de procès-verbal à cette rencontre (annexe No 2). Il ne se souvient par contre pas d'avoir assisté à d'autres réunions.

L'analyse juridique de M. Buergisser, lors de la rencontre du 4 juillet 1995, se basait sur une autorisation de démolir en force. Il était alors question de la qualité pour agir d'Action patrimoine vivant (APV), association qui commençait à l'époque à intervenir sur la scène locale. Un débat avait été lancé pour savoir si APV était ou non une association d'importance cantonale. Selon les souvenirs de M. Buergisser, les premières décisions de la Commission de recours relatives à cette association remontent au mois d'octobre 1995. La situation n'était donc pas claire au début de l'été 1995. Le débat a finalement été tranché ultérieurement par le Tribunal administratif.

Au sein du DTPE, il y a une certaine forme de spécialisation. Ainsi la police des constructions a son propre service juridique. Les problèmes d'aménagement du territoire sont plutôt gérés par les services généraux. Ils ne sont en principe pas traités sur le plan juridique par la police des constructions. La problématique qui intéressait M. Buergisser à l'époque, en tant que juriste à la police des constructions, concernait l'autorisation de construire. La question de la qualité pour agir dans la procédure de classement était intéressante à résoudre sur le plan professionnel, mais il n'avait pas d'avis à donner à ce sujet. M. Buergisser a l'impression que le conseil de la société Noga, Me Ducret-Burger, n'avait pas exprimé, à l'occasion de la rencontre du 4 juillet 1995, une urgence au niveau de la démolition. Pour le reste, il n'a pas le souvenir précis d'avoir été associé à la question de la démolition.

En date du 3 mars 1997, le Conseil d'Etat avait chargé M. Schmidt, ancien juge à la Cour de justice, de rechercher et de rassembler les éléments de faits pour répondre à la motion 1115 qui avait été déposée le 4 février 1997. Cette motion invitait entre autres le Conseil d'Etat à présenter un rapport au Grand Conseil sur la politique dérogatoire du DTPE. L'un des cas évoqués par la motion concernait la Villa Blanc. La Commission de contrôle de gestion a finalement obtenu réponse du Conseil d'Etat à ses demandes des mois de novembre 2000 et début mai 2001 de recevoir le rapport de M. Schmidt. En fait, l'intégralité de ce rapport se trouve dans le mémorial No 34/V de la séance du Grand Conseil du 26 juin 1997, aux pages 5088 et suivantes, annexé à la réponse du Conseil d'Etat à la motion 1115. Sous chiffre 8 de la note 1 concernant les dérogations évoquées par la motion 1115, on peut lire : « VILLA BLANC : La motion 1115 parle de ‘démolition illégale', alors que l'autorisation de démolition a été publiée, sans susciter la moindre opposition. » Point. Sans un mot de plus.

Suite aux auditions et sur la base des documents fournis par les différentes personnes auditionnées, la commission s'interroge et constate ce qui suit :

Dans ses lettres du 2 novembre 1995 et 15 janvier 1997 (annexes Nos 4 et 5), APV revendiquait clairement sa qualité pour agir. Dès lors, selon les pétitionnaires, il y a bel et bien eu dérapage en ce qui concerne l'appréciation relative à sa qualité pour agir. C'était au Conseil d'Etat in corpore, et non à l'un de ses magistrats, de prendre une décision sur la demande de classement présentée par APV (article 10 de la Loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS)

Art. 10 de la LPMNS : Arrêté

Alinéa 2 : « Si une demande de classement lui est faite en une requête motivée par la commune du lieu de situation du monument ou par une association au sens de l'article 63, le Conseil d'Etat est tenu de statuer. La décision est motivée. »

Or, sur la base du droit en vigueur en 1995, il était sans doute raisonnablement soutenable de dénier à l'association Action patrimoine vivant (APV) le statut d'association d'importance cantonale. En effet, en juillet 1995, APV, qui n'était constituée que depuis quelques mois, pouvait ne pas répondre au critère de longévité fixé par la LPMNS.

L'on se souviendra toutefois qu'en mai 1995, lorsque la qualité pour agir d'APV avait été admise par la Commission de recours LCI dans le cadre du recours déposé par APV contre l'autorisation de construire portant sur la maison Europa, le département ne l'avait pas contestée. Dans sa note à M. Joye du 28 juin 1995 (annexe No 1), Mme Bietenhader précise au deuxième point qu'elle a bien pris note du fait que le président souhaitait que le département conteste avec force la qualité pour agir d'APV. Elle ajoute : « Dans cette mesure, je m'étonne que dans le cadre de la procédure portant sur l'autorisation de construire préalable, vous ayez signé un mémoire dans lequel le département s'en rapportait à la justice en ce qui concerne la qualité pour agir des recourants. Si nous avions souhaité défendre valablement la thèse inverse, il aurait évidemment été nécessaire de le faire dès la première procédure. A noter, par ailleurs, que la décision de la Commission de recours sur la préalable confirme la qualité pour agir des recourants, ce qui n'a pas non plus été contesté dans les écritures au Tribunal administratif.... ».

Malgré cela, le département a décidé de contester la qualité pour agir d'APV en se basant sur le critère de longévité exigé par la LPMNS. Le traitement de la demande de classement déposée par APV le 23 juin 1995 aurait alors dû impérativement être soumis à la procédure applicable aux propositions de classement émanant de personnes n'ayant pas qualité expresse pour déposer une telle demande. Ceci implique que la procédure de classement est ouverte sur décision du département et qu'elle est susceptible de recours, après consultation préalable de la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) (article 22, alinéa 2, lettre b) du règlement d'exécution de LPMNS). En ne soumettant pas cette demande à ladite commission et en ne prenant pas de décision quant à l'ouverture ou non d'une procédure de classement alors qu'il y était tenu, le département a violé à double titre cette disposition réglementaire.

L'existence d'une autorisation de démolir en force faisait courir le risque que celle-ci soit mise à exécution par le propriétaire de la Villa Blanc. Afin de prévenir ce risque et dans l'attente qu'une décision soit prise quant à l'ouverture ou non d'une procédure de classement, le chef du DTPE avait l'obligation de prendre une mesure conservatoire appropriée, fondée sur l'article 5 de la Loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS)

Art. 5 de la LPMNS : Mesures conservatoires

Alinéa 1 : « En cas d'atteinte ou de danger imminent, l'autorité compétente prend les mesures de sauvegarde appropriées. Elle peut notamment ordonner l'arrêt immédiat des travaux et, le cas échéant, le rétablissement de l'état antérieur des lieux. »

L'application de cette disposition s'imposait d'office, puisque l'interdiction légale de toucher à un immeuble dont le classement est demandé, instituée par l'article 13 LPMNS

Art. 13 de la LPMNS : Effets

Alinéa 1 : « Pendant un délai de 6 mois, à compter de la communication de l'avis de la procédure de classement, le propriétaire ne peut apporter aucun changement à l'état primitif ou à la destination de l'immeuble sans l'autorisation de l'autorité compétente. Ce délai est prolongé d'une nouvelle durée de 6 mois en cas de recours au Tribunal administratif contre l'arrêté du Conseil d'Etat. »

Alinéa 2 : « De simples travaux ordinaires d'entretien sont assimilés à une modification de l'immeuble. »

Alors même que, dans sa lettre du 11 juillet 1995 (annexe No 12), dont une copie avait été adressée à tous les conseillers d'Etat, M. Joye annonçait à l'association APV qu'en application de l'article 22 du règlement d'exécution de la LPMNS, il soumettait la demande de classement à la CMNS et réservait sa décision sur l'ouverture éventuelle d'une procédure de classement, le département confirmait par téléphone, le 13 juillet 1995, aux représentants de la société propriétaire que celle-ci était en droit de faire usage de son autorisation de démolir.

La confirmation du DTPE contrevenait de manière choquante aux termes de la lettre envoyée seulement deux jours auparavant. Cette attitude contradictoire du département est constitutive d'une violation caractérisée du principe de la bonne foi.

On peut par ailleurs se demander pourquoi la société propriétaire, qui a reçu confirmation le 13 juillet 1995 de la possibilité de faire usage de son autorisation de démolir, a attendu le 26 juillet pour donner acte de cette confirmation, dans une correspondance parvenue au département le 28, après l'achèvement des travaux de démolition (annexe No 3). Faut-il voir dans l'acheminement différé de cette confirmation l'expression d'un doute de la société propriétaire quant à la possibilité de mettre en oeuvre l'autorisation de démolir, vu l'existence d'une demande de classement dont elle était manifestement informée ? La question se pose ainsi de savoir si l'article 13 de la LPMNS n'a pas lui aussi été violé.

La Commission de contrôle de gestion constate d'une part que le changement de position de la CMNS par rapport à la valeur de la Villa Blanc n'est pas le fruit du hasard, mais bien le résultat d'une volonté politique délibérée de M. Joye. La modification de la composition des membres de la commission, dès son arrivée à la tête du département, répond ainsi parfaitement à sa détermination de mettre fin à tout blocage dans la construction.

D'autre part, la commission relève que plusieurs articles de loi ou de règlement ont été transgressés dans cette affaire. En ne reconnaissant pas à Action patrimoine vivant (APV) la qualité pour agir - alors qu'il ne l'avait pas contestée quelques semaines auparavant -, le Département des travaux publics et de l'énergie (DTPE) aurait dû soumettre la demande de classement d'APV à la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) pour préavis, avant de prendre ensuite une décision sur une éventuelle demande de classement. Or le chef du DTPE, M. Joye, n'a pas consulté la CMNS sur cette demande et n'a pas non plus pris de décision à ce sujet, malgré le fait qu'il avait expressément écrit à APV qu'il allait procéder ainsi. De plus, le chef du département aurait dû prendre aussitôt une mesure de suspension temporaire de l'autorisation en force de démolir, selon la Loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS) qui oblige le magistrat à prendre les mesures conservatoires appropriées.

Par ailleurs, les commissaires remarquent la mauvaise foi évidente de M. Joye et de ses collaborateurs à la direction du Service de la police des constructions et du Service du patrimoine et des sites, qui ont signé ou pris connaissance de la lettre adressée à APV en réponse à sa demande de classement, et ont affirmé deux jours plus tard à APROFIM lors d'un entretien téléphonique que l'agence pouvait sans autre aller de l'avant et procéder à la démolition. Ils relèvent également que les conseillers d'Etat alors en place avaient tous reçu copie de la lettre à APV, mais que le conseiller d'Etat M. Claude Haegi, chargé de remplacer M. Joye en son absence, a prétendu suite à la démolition et face à la presse, que son collègue avait agi en toute légalité.

Enfin, la commission s'étonne que les directions des différents services du département n'aient pas attiré plus énergiquement l'attention de M. Joye, non juriste, sur le risque d'illégalité de certains de ses actes, mais aient au contraire tenté de réfléchir avec lui pour trouver des solutions lui permettant de contourner la loi. Tout au plus lui a-t-on recommandé la prudence et fait remarquer l'incohérence de certaines de ses décisions. Mais comme il fallait absolument éviter les années de procédure que la demande de classement d'APV n'allait pas manquer d'entraîner, il devenait nettement plus intéressant pour le département de ne pas empêcher la démolition de la Villa Blanc, afin de pouvoir commencer au plus vite la construction de la Maison Europa. Et cela malgré le fait que le propriétaire, Noga Invest, ne voyait, semble-t-il, aucune urgence à procéder à cette démolition. Tout le monde connaît la suite… Il n'y a plus de Villa Blanc et la Maison Europa n'a, à ce jour, pas encore été construite.

En conclusion, la commission relève que la volonté très forte de M. Joye de tout mettre en oeuvre pour que la construction de la Maison Europa puisse se réaliser, l'a amené à contrevenir au principe de bonne foi, et à violer la loi ainsi que les dispositions réglementaires y relatives.

Pour toutes ces raisons, la Commission de contrôle de gestion vous propose, par 6 voix pour (2 AdG, 3 S, 1 Ve), 3 voix contre (1 DC, 2L) et 1 abstention (1 R) le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse enfin répondre aux lettres d'APV en y joignant le texte du présent rapport.

Mesdames etMessieurs les députés,

ANNEXES

Table des matières

Annexe No 1 : Note de Mme Sylvie Bietenhader à M. Philippe Joye du 28 juin 1995

Annexe No 2 : Note du 5 juillet 1995 relatant la réunion du 4 juillet 1995 entre la direction de la police des constructions et le conseil d'APROFIM

Annexe No 3 : Lettre d'APROFIM à M. Philippe Joye du 26 juillet 1995

Annexe No 4 : Lettre d'APV au Conseil d'Etat du 2 novembre 1995

Annexe No 5 : Lettre d'APV au Conseil d'Etat du 15 janvier 1997

Annexe No 6 : Note de M. Pierre Baertschi à Mme Marie-José Wiedmer du 24 février 1987

Annexe No 7 : Note de M. Pierre Baertschi à M. Raymond Schaffert du 29 mars 1994

Annexe No 8 : Rapport de visite des délégué-e-s de la sous-commission monuments et antiquités de la CMNS du 9 novembre 1989

Annexe No 9 : Procès-verbal de la séance du 14 décembre 1994 de la sous-commission nature et monuments de la CMNS

Annexe No 10 : Rapport historique sur la Villa Blanc de M. Bernard Lescaze : avant-propos, introduction et conclusion

Annexe No 11 : Arrêtés du Conseil d'Etat des 12 mars 1990, 28 septembre 1992 et 20 avril 1994 relatifs à la désignation des sous-commissions de la CMNS

Annexe No 12 : Lettre de M. Philippe Joye à APV du 11 juillet 1995

Annexe No 13 : Rapport du 20 avril 2000 de la Commission des travaux chargée d'étudier la pétition « Action patrimoine vivant »

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ANNEXE 13

Secrétariat du Grand Conseil

Date de dépôt: 20 avril 2000Messagerie

Rapportde la Commission des travaux chargée d'étudier la pétition « Action patrimoine vivant »

Rapporteur: M. Chaïm Nissim

Mesdames etMessieurs les députés,

Comment doit réagir une commission du Grand Conseil, lorsqu'il s'avère qu'un ancien conseiller d'Etat a transgressé la loi ?

C'est de cette question grave, pour l'avenir de notre système démocratique, que s'est occupée notre Commission des travaux le mardi 18 avril, assistée comme à l'accoutumée par MM. Haegler et Reinhart, fonctionnaires du département. Le procès-verbal était pris par Mme Meyer.

1. La Villa Blanc, bref rappel des faits :

Le 26 juillet 1996, au petit matin, la Villa Blanc, située sur les terrains de Sécheron, était démolie. M Joye, alors conseiller d'Etat, prétendit tout d'abord dans la presse que cette démolition avait été décidée par Aprofim tout seul (une société de M. Nessim Gaon, qui était propriétaire de cette villa).

Il faut savoir que les membres d'Action patrimoine vivant avaient déposé le 23 juin 1995 une demande de classement de cette villa. Que cette demande valait effet suspensif selon la loi, et que le département n'avait pas le droit d'autoriser cette démolition - du moins est-ce là l'impression de notre commission.

Par la suite, lorsque la lettre d'Aprofim à M. Joye, envoyée deux jours avant la démolition, et remerciant celui-ci d'avoir autorisé la démolition, fut publiée, M. Joye se contorsionna péniblement et prétendit que cette association - APV - n'avait pas qualité pour agir, alors que son département venait de reconnaître celle-ci, explicitement, dans une autre affaire deux mois auparavant, une demande de classement de deux immeubles à Chêne-Bourg. Ces tergiversations pénibles, ces mensonges gênants par leur candeur, abondent dans le court règne de M. Joye. Au total, celui-ci peut se résumer ainsi : une longue suite d'échecs pénibles tout au long des 4 ans qu'il dura, démontrant par l'absurde son incapacité à diriger un département.

Un peu plus tard, il s'avéra qu'une note, émanant de Mme Sylvie Bietenhader, cheffe de la police des constructions, désapprouvant son chef autant qu'elle l'osait, avait été préparée le 25 juin 1995. Cette note - tombée sans doute d'un camion ? - est fort opportunément parvenue à Mme Deuber Ziegler, membre d'APV, qui s'empressa de la publier. Dans cette note Mme Bientenhader analyse froidement la situation juridique, constate que le projet de maison Europa de M. Gaon n'est pas prêt, qu'APV a bien qualité pour agir, que l'effet suspensif est donc en force, et que faute de changer la loi la démolition n'est pas possible.

Or M. Joye n'avait ni le temps, ni les compétences pour changer la loi, ses fonctionnaires étaient contre lui, il décida de passer en force, de mépriser la loi, qu'il comprenait mal et désapprouvait de toutes façons, et d'autoriser la démolition.

Il est clair aujourd'hui aux yeux de notre commission que M. Joye n'a pas respecté la loi. La Commission des travaux a eu l'occasion de s'occuper assez souvent de changements importants de programmes constructifs, qui entraînaient des dépassements de crédits, qui avaient été autorisés par un précédent conseiller d'Etat, sans repasser devant le Grand Conseil. Ces dépassements de crédits ont atteint parfois plusieurs dizaines de millions, et plombent encore notre budget actuellement, par les frais financiers qu'ils ont entraînés. La loi ne précise pas ce qu'il faut faire lorsque ceux qui sont chargés de la faire respecter ne le font pas. Au surplus, la loi contient en son sein des contradictions et des lourdeurs, qui font que parfois même un conseiller d'Etat de bonne foi est bien obligé dans sa gestion ordinaire de transgresser tel article, pour éviter de transgresser tel autre !

Notre Commission des travaux était bien embarrassée pour s'occuper des dépassements de crédit de M. Grobet, elle l'est tout autant pour s'occuper des illégalités de M. Joye.

Comprenez-moi bien Mesdames et Messieurs les députés : de mon point de vue, le bon gestionnaire est parfois obligé de transgresser la loi, qui s'avère occasionnellement un corset trop serré pour vivre à l'aise. Si je reprends les exemples ci-dessus, on peut aussi les voir autrement :

1. L'exemple du dépassement de crédit du Bachet, 50 millions perdus :

Le chantier a duré 5 ans ; en 5 ans les utilisateurs ont changé plusieurs fois de point de vue, ils ont demandé à rajouter un étage pour les trams, à changer l'emplacement du parking ; 5 ans c'est long, l'essentiel des hausses est d'ailleurs dû à cette durée importante ; s'il avait fallu rédiger un projet de loi et demander l'aval du Grand Conseil pour chacun de ces changements mineurs, le chantier n'aurait jamais été terminé ! (certes pour les changements majeurs la loi impose la consultation du Grand Conseil, mais où est la limite ?)

2. L'exemple de la maison Europa, démolition illégale :

Imaginez un instant que le projet de Maison Europa, une grande maison pour les chancelleries européennes, une institution internationale de grand prestige pour Genève, d'un intérêt capital pour l'avenir international de Genève, imaginez que ce projet de Maison Europa ait été sérieux, qu'il ait un financement achevé et sûr, et que le seul obstacle à ce beau projet soit l'acharnement d'un ancien conseiller d'Etat, jaloux de son successeur, et qui s'ingénie à déposer recours téméraire sur recours téméraire, pour bloquer toute construction à Genève. L'intérêt collectif de Genève ne pèserait-il pas plus lourd à vos yeux que l'intérêt d'un jaloux isolé ? N'ordonneriez-vous pas vous aussi la démolition, au mépris de la lettre d'une loi trop étroite et dans l'intérêt de l'avenir de Genève ?

(Dans les faits le projet de Maison Europa n'avait aucune consistance, mais ça, Ph. Joye ne voulait pas le voir, je vous parle de son point de vue, pas de la réalité.)

2. Villa Blanc, les discussions en commission :

En commission les attitudes des députés face à ce problème furent diverses : M. Blanc, éminence blanche du PDC, était gêné, par divers aspects. D'abord il aurait pu être candidat au poste de M. Joye, et il devait peut-être regretter par la suite de ne s'être pas lancé, devant l'incapacité patente de celui-ci. Ensuite, l'échec retentissant de certains dirigeants - PDC eux aussi - de la Banque cantonale, est encore sur toutes les lèvres, et cette longue série d'échecs tend à démontrer que les partis de l'Entente n'arrivent pas à gérer un Etat qu'ils n'aiment pas, dont ils se méfient et qu'ils veulent affaiblir.

En face, MM. Pagani et Velasco voulaient instruire le procès de M. Joye en commission, interviewer M. Joël Herzog, d'Aprofim - le gendre de M. Gaon - Mme Sylvie Bietenhader et M. Joye. La commission a voté sur ce point, et elle a refusé cette audition par 4 voix contre 4 et une abstention, celle du rapporteur.

L'idée du rapporteur sur ce point était que Mme Sylvie Bietenhader ne pouvait être tenue pour responsable d'une décision à laquelle elle s'était courageusement opposée, que M. Joye ne viendrait pas ou alors viendrait nous montrer une attitude contradictoire et des contorsions pénibles, dont notre commission ne pourrait tirer aucun enseignement, et que M. Joël Herzog ayant reçu l'autorisation de démolir, n'a transgressé aucune loi !

Après ce premier vote, notre commission devait se déterminer sur l'issue à donner à cette pétition. Sur la base d'arguments politiques et non juridiques, nous ne sommes pas des juges mais des politiciens. Cette pétition nous demande de constater que le Conseil d'Etat de l'époque a transgressé la loi. Que M. Diego Schmidt, juge, a blanchi un peu vite le département. Et c'est tout, elle ne demande rien d'autre. Ce qui est un peu court.

La commission, en votant le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, va plus loin que ne nous le demande la pétition : elle demande au Conseil d'Etat d'enquêter plus sérieusement sur la question de la légalité de cette démolition. S'il devait s'avérer que celle-ci était bien illégale, comme le pressent notre commission, d'envisager toutes les voies de droit pour punir les coupables. Non par esprit de vengeance, mais pour marquer clairement, par ce précédent, les limites de la loi et ce faisant renforcer celle-ci, qui en a bien besoin. Sans cette nécessaire clarification en effet, il est à craindre que nos petits cantons glissent tout doucement et sans s'en apercevoir dans le régime de la république bananière !

La commission demande également au Conseil d'Etat de se mettre sans tarder à la tâche de simplification de la loi, au moins sur le volet bâtiment - LGL, LCI, LDTR - , pour simplifier et rendre plus facile la compréhension de la loi. Et pour prévoir quelque chose pour les cas où le Conseil d'Etat ne la respecte pas.

Le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat a été accepté par les députés de l'Alternative, les autres se sont abstenus. Notre commission vous prie donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.

Débat

Mme Jeannine de Haller (AdG), rapporteuse. En préambule, je voudrais vous lire une lettre que j'ai reçue concernant les conclusions de ce rapport.

« Madame la députée,

»J'ai pris connaissance de votre rapport cité en marge en page 19 des conclusions de ce document. Il est relevé que les commissaires remarquent la mauvaise foi évidente de M. Joye et de ses collaborateurs du service du patrimoine et des sites qui ont signé ou pris connaissance de la lettre adressée à Action Patrimoine Vivant, en réponse à sa demande de classement et ont affirmé deux jours plus tard à APROFIM, lors d'un entretien téléphonique, que l'agence pouvait sans autre aller de l'avant et procéder à la démolition. Cette affirmation donne clairement à penser que des collaborateurs de la direction du patrimoine et des sites auraient été associés à la confirmation donnée par l'ancien chef du département quant à la possibilité de mettre à exécution l'autorisation de démolir la Villa Blanc. Il n'en est rien.

»Ainsi qu'il a eu l'occasion de vous le préciser lors de son audition du 27 novembre 2000, le soussigné était absent du département le mois de juillet 95, notamment lors des événements litigieux. Il n'était donc par présent lors de l'entretien téléphonique du 13 juillet 95 entre M. Philippe Joye et les représentants d'APROFIM.

»Pareillement, ni l'ancien chef du service des monuments et des sites qui me suppléait alors ni aucun de ses collaborateurs, à la connaissance de l'intéressé et selon confirmation de celui-ci, n'ont assisté à cet entretien. Ce n'est qu'à réception de la lettre de la société APROFIM datée du 26 juillet 95, parvenue au département le 28 juillet 95 après la démolition de la Villa Blanc, que les collaborateurs de la direction du patrimoine et des sites ont pris connaissance de l'existence de cet entretien et de la confirmation, plus haut citée, donnée à cette occasion.

»Ainsi les reproches de mauvaise foi évidente adressés aux collaborateurs du service des monuments et des sites sont totalement infondés. Pour des motifs identiques, il est également erroné de prétendre que ces mêmes collaborateurs, qui ignoraient tout de la volonté de M. Joye de mettre à exécution l'autorisation de démolir en particulier au moment où ce magistrat avait assuré l'association Action Patrimoine Vivant qu'il soumettait sa demande de classement à la commission des monuments de la nature et des sites en vue d'une décision ultérieure, auraient tenté de réfléchir avec lui pour trouver des solutions lui permettant de contourner la loi.

»Dès lors, je vous saurais gré de bien vouloir donner lecture de la présente en début de présentation de ce rapport agendé à la séance du Grand Conseil - c'était le 14 juin dernier - et vous en remercie par avance. »

Une voix. C'est qui ?

Mme Jeannine de Haller, rapporteuse. Ah oui, excusez-moi ! C'est M. Baertschi, directeur du service des patrimoines et des sites.

Ainsi, M. Baertschi conteste sa participation et celle de ses collaborateurs à tous les événements liés à la démolition de la villa Blanc qui ont eu lieu à partir du 13 juillet 1995, puisqu'ils n'étaient plus à Genève à partir de ce moment-là. Dont acte ! Je vous prie donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir tenir compte des remarques de M. Baertschi concernant cette affaire.

La pétition 1167... (Brouhaha dans la cour de l'Hôtel de Ville.) ...déposée par Action Patrimoine Vivant le 26 juin 1997 a été renvoyée à la commission de contrôle de gestion lors de la séance du Grand Conseil du 25 mai 2000. Ce renvoi en commission a été voté par notre parlement suite à un premier rapport particulièrement inadéquat issu de la commission des travaux. La pétition d'Action Patrimoine Vivant a fait suite à deux lettres datées de novembre 1995 et de janvier 1997, adressées au Conseil d'Etat et restées sans réponse à ce jour. Ces deux lettres, ainsi que la pétition, demandent que toute la lumière soit faite sur les circonstances qui ont abouti à la démolition de la villa Blanc le 28 juillet 1995.

Pour répondre le plus exhaustivement possible aux demandes d'explication contenues dans les lettres et dans la pétition d'Action Patrimoine Vivant, la commission de contrôle de gestion a auditionné plusieurs personnes membres du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Suite à ces auditions et sur la base des documents fournis, la commission constate ce qui suit.

Premièrement, la qualité pour agir d'Action Patrimoine Vivant a été fortement contestée par M. Joye, chef du département des travaux publics, lors de la demande de classement de la villa Blanc en juin 1995. Alors que la qualité pour agir de cette même association n'avait pas du tout été contestée le mois précédent par le même M. Joye, lorsqu'Action Patrimoine Vivant avait déposé un recours contre l'autorisation de construire la maison Europa.

Deuxièmement, la commission des monuments, de la nature et des sites n'a pas exprimé d'objection réelle à la démolition de la villa Blanc, lorsqu'elle a été consultée sur l'autorisation de démolir en décembre 1994. Or, cet avis ne correspond pas à celui qu'elle avait émis les années et les mois précédents. Il semblerait en fait que le changement de position de la commission, par rapport à la valeur de la villa Blanc, ne soit pas le fruit du hasard, mais bien le résultat d'une volonté politique délibérée du chef du département des travaux publics. La modification de la composition des membres de la commission, dès son arrivée à la tête du département, répond parfaitement à sa détermination de mettre fin à tout blocage dans la construction.

Troisièmement, il est vrai qu'Action Patrimoine Vivant a demandé le classement de la villa Blanc alors que l'autorisation de démolir était déjà en force. Néanmoins, et quel que soit le moment de la demande, lorsqu'une association dépose une demande de classement, la loi prévoit une procédure tout à fait spécifique selon que la qualité pour agir est reconnue ou non à ladite association. En l'occurrence, le département ayant décidé de contester la qualité pour agir d'Action Patrimoine Vivant, il aurait fallu que M. Joye décide de l'ouverture d'une procédure de classement après consultation de la commission des monuments, de la nature et des sites. Or, cette procédure spécifique n'a pas été appliquée. Il est vrai que la commission avait été consultée six mois auparavant concernant l'autorisation de démolir. Mais elle n'a pas été consultée sur la demande de classement, quand bien même M. Joye s'était engagé à le faire dans sa lettre du 11 juillet 1995 à Action Patrimoine Vivant. En ne soumettant pas cette demande de classement à la commission et en ne prenant pas de décision quant à l'ouverture ou non d'une procédure de classement, alors qu'il y était tenu, le département a violé à double titre le règlement.

Quatrièmement, puisque l'autorisation de démolir était entrée en force, on courrait le risque qu'elle soit mise à exécution avant même qu'une décision ne soit prise quant à l'ouverture ou non d'une procédure de classement. Dans ce cas, le chef du département avait l'obligation légale de prendre les mesures conservatoires appropriées. En ne prenant pas une mesure de suspension temporaire de l'autorisation de démolir la villa Blanc, l'autorité a donc violé la loi.

Cinquièmement, dans sa lettre du 11 juillet 1995, dont une copie a été adressée à tous les conseillers d'Etat, M. Joye annonçait à Action Patrimoine Vivant qu'il soumettait la demande de classement à la commission des monuments, de la nature et des sites et réservait sa décision sur l'ouverture éventuelle d'une procédure de classement. Or, deux jours plus tard, M. Joye confirmait par téléphone aux représentants de la société propriétaire qu'ils étaient en droit de faire usage de l'autorisation de démolir. Cette confirmation du chef du département contrevient de manière particulièrement choquante aux termes de la lettre qu'il venait d'envoyer à Action Patrimoine Vivant. L'attitude contradictoire du chef du département est constitutive d'une violation caractérisée du principe de la bonne foi.

En conclusion, la commission de contrôle de gestion s'étonne que les directions de certains services du département n'aient pas attiré plus énergiquement l'attention de M. Joye, non-juriste, sur le risque d'illégalité de ses actes, même si l'on a pu lui faire remarquer l'incohérence de certaines de ses décisions ou lui recommander la prudence. Certes, le chef du département des travaux publics voulait à tout prix pousser ce projet. Il lui fallait donc absolument éviter les années de procédure que la demande de classement d'Action Patrimoine Vivant n'allait pas manquer d'entraîner. La commission relève également que les conseillers d'Etat alors en place avaient tous reçu copie de la lettre du 11 juillet à Action Patrimoine Vivant, mais que le conseiller d'Etat, M. Claude Haegi, chargé de remplacer M. Joye en son absence, a prétendu, suite à la démolition et face à la presse, que son collègue avait agi en toute légalité.

Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs articles de lois ou de règlements ont été transgressés dans cette affaire. C'est pourquoi la majorité de la commission vous propose de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse enfin répondre aux lettres d'Action Patrimoine Vivant, en y joignant le texte du présent rapport. 

Mme Janine Hagmann (L). Cette pétition, traitée par deux commissions à la suite, comme vous l'a expliqué Mme de Haller, laisse un peu perplexe. Que demande-t-elle exactement ? Je cite : « Notre demande d'explication étant toujours restée sans réponse, notre association a décidé d'adresser une pétition à votre Grand Conseil pour que toute lumière soit faite sur cette « tragique affaire. » Que dit le dictionnaire au sujet de l'adjectif « tragique » ? Il précise que « tragique » est relatif à la tragédie, « funeste, terrible, qui exprime de l'angoisse, qui inspire une émotion intense par son caractère effrayant ou funeste ». J'ai vraiment l'impression, malgré le fait que les personnes concernées sont encore bien vivantes sur terre, que la commission a voulu sortir des cadavres d'un placard. En fait, la commission de contrôle de gestion, qui prend maintenant l'habitude de faire le travail du Conseil d'Etat, a fait, je le reconnais, un excellent travail. Le rapport de Mme de Haller est totalement factuel. Que veut de plus Action Patrimoine Vivant ? Que pourra dire le Conseil d'Etat en plus de tout ce que Mme de Haller vient de dire dans son rapport et dans sa longue explication ? Vraisemblablement rien ! Le travail a été fait, il a été répondu à la demande des pétitionnaires ; c'est réel. Alors, voulez-vous vraiment, Mesdames et Messieurs de la majorité, refaire sans arrêt le passé ? La villa Blanc va-t-elle ressortir de terre, en punissant, en faisant tomber des têtes qui sont déjà, quelque part, un peu tombées ?

Erreur il y a eu, tout le monde l'a reconnu. Mais l'erreur a quand même été commises des deux côtés. Je vous rappelle une chose que je ne peux pas admettre. Action Patrimoine Vivant s'est basée sur des notes de travail qui sont sorties comme cela, comme par enchantement, de l'ancien DTP. Est-ce vraiment habituel que des notes de travail arrivent, on ne sait pas par quel enchantement, dans les mains d'une association qui entend déposer une pétition ? Je vous informe que tout le monde a, dans ma commune, un devoir de réserve par rapport aux notes de travail et personne ne peut les transmettre. Ici, il me semble que l'on se met vraiment à prendre l'habitude d'organiser des fuites. Encore ce matin, les journaux, parlant d'un autre cas concernant cette fois le département de M. Cramer, disaient : « Fuite il y a eu ». N'y a-t-il pas là quelque chose d'anormal ? Les fonctionnaires ne sont-ils pas en train de ne pas respecter leur devoir de réserve ? Comment peut-on, à la suite de documents qui sont arrivés comme cela, par enchantement, qui ont vraisemblablement été donnés, n'est-ce pas... (L'oratrice est interrompue.) S'il vous plaît, Madame Wenger, on sait très bien que vous êtes présidente de la commission de contrôle de gestion et que les fuites passent souvent par vous ! Cela, je ne l'admets pas !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.) 

Mme Janine Hagmann. C'est scandaleux ! Vous n'avez pas à m'interrompre maintenant !

J'estime que vous ne regardez que le passé et que vous voulez tuer des gens qui le sont déjà à moitié. L'Entente vous propose donc le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Le Conseil d'Etat ne pourra rien faire de plus que ce que la commission a fait !

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Je ne partage évidemment pas l'avis qui vient d'être exprimé ! Je voudrais d'abord remercier Jeannine de Haller pour son excellent rapport et la commission pour le travail extrêmement attentif qu'elle a consacré à cette affaire, une affaire qui se situe en apparence derrière nous. On a perdu là un élément précieux du patrimoine. La plupart d'entre vous, qui ignorez superbement les éléments de ce patrimoine, n'accordez pas de valeur à ce genre de maison du XVIIIe siècle, même quand elles ont été des hauts lieux de la culture genevoise, à l'époque où Voltaire y fréquentait son imprimeur Cramer. C'était un élément que tout les spécialistes s'accordaient à reconnaître comme étant extrêmement intéressant pour le XVIIIe siècle à la périphérie de la ville. On a perdu un grand nombre de ces maisons de maître. A l'époque de notre défense de la villa Blanc, un de nos collègues historiens de l'art a dressé la liste de ces demeures en perdition dans la périphérie immédiate de la ville. Il est assez tragique, Madame la députée, de voir le peu de cas que l'on fait dans cette ville, et dans ce canton, de ces éléments patrimoniaux, tout simplement parce que des appétits autrement supérieurs guident et commandent les affaires.

Dans cette affaire-ci, la loi et les dispositions de cette loi ont été violées à divers niveaux. Elles l'ont été délibérément par un conseiller d'Etat qui avait décrété, honnêtement, aussitôt son élection acquise et, peut-être même avant son élection, qu'il allait en finir avec le blocage des lois sur la construction et en particulier de la célèbre LPMNS. Ayant formulé cette pétition de principe, il l'a mise en application en mettant bien sûr ses fonctionnaires au pas. Ces fonctionnaires se sont plus ou moins accommodés de ses directives. Lorsque, à la tête de l'Etat, on viole la loi délibérément, en en annonçant le principe et que l'on a en plus le soutien d'un certain nombre de membres de ce parlement et d'une partie de la population qui partage son point de vue, on se sent fondé - rappelez-vous l'euphorie de ce début de législature du gouvernement monocolore - à violer les lois.

Il s'agit bien sûr, Madame la députée Hagmann, de ne plus le faire ! Mais on continue à le faire... Récemment par exemple, on a démoli une villa, certes de moindre valeur, mais qui jouait un rôle dans un ensemble, à la Roseraie, et dont les conditions de remplacement ne sont pas assurées, parce qu'il y a des servitudes qui s'opposent pour l'instant à la réalisation de l'immeuble prévu en PPE. Je prétends pour ma part que l'on ne peut pas procéder à une démolition lorsque les conditions ne sont pas réunies pour le remplacement de l'élément détruit et que le projet de remplacement ne dépasse pas en valeur l'élément que l'on détruit.

C'est bien pour éviter que ce genre de procédure ne se répète que ce rapport doit être envoyé au Conseil d'Etat, qui devrait pour le moins dire que cela ne se reproduira plus, que la loi a été violée, qu'il le reconnaît et qu'il le regrette. 

Mme Alexandra Gobet (S). Si la commission de contrôle de gestion avait voulu exhumer des cadavres, il y aurait d'autres mots dans le rapport de Mme de Haller. Les termes de ce rapport ont été discutés en commission, je n'y reviens pas. Néanmoins, ce rapport a une valeur de précédent. C'est la désapprobation de la commission de contrôle de gestion à l'égard des gouvernants qui, en étant devenus gouvernants, pensent pouvoir se dispenser de l'application de la loi. Alors, il est précisément utile et même extrêmement opportun de faire appel à un exemple tiré du passé pour rappeler au présent Conseil d'Etat et aux Conseils d'Etat ultérieurs, s'il y a lieu, qu'ils sont les premiers garants et gardiens de la loi, que le Grand Conseil y tient et que lorsque des représentations de citoyens, qu'il s'agisse d'Association Patrimoine Vivant ou d'autres, demandent des explications, il incombe au gouvernement de se référer à la loi et de leur répondre. C'est la raison pour laquelle il ne faut pas que cette affaire s'arrête sur le bureau du Grand Conseil, mais que le Conseil d'Etat délibère et rende réponse à Action Patrimoine Vivant, comme il aurait dû le faire, et que ceci marque notre volonté pour le futur. C'est en tous cas la position du groupe socialiste.

M. Christian Grobet (AdG). Je regrette que Mme Hagmann soit sortie entre-temps, parce que je voulais lui dire que j'ai été déçu de ses propos. Je sais que Mme Hagmann est sensible, en tant que maire de la commune de Vandoeuvres, de la préservation de nos sites cantonaux, tout particulièrement dans sa commune où il y a des éléments de patrimoine particulièrement marquants. C'est la raison pour laquelle je m'étonne quand même qu'elle suggère simplement de classer cette pétition comme si rien ne s'était passé. Cela n'est visiblement pas possible dans une affaire de l'ampleur de celle de la démolition de la villa Blanc, qui a véritablement choqué l'opinion publique à l'époque. Je m'en souviens encore. J'étais à Genève au moment où est survenue cette affaire. Je me souviens des articles et de la photo où l'on voit le trax en train de démolir cette maison. Nos concitoyennes et concitoyens ont été profondément marqués par cela, mais aussi, il faut le dire, par les contrevérités qui ont été prononcées à ce moment-là par le président du Conseil d'Etat. Il est vrai qu'il n'était pas en charge du dossier. Il en ignorait peut-être les tenants et les aboutissants, mais il aurait mieux fait de se taire.

Comme membre d'Action Patrimoine Vivant, je suis très sensible au fait, pour les arguments que Mme Gobet-Winiger a développés, que cette pétition a été traitée. Rien n'a été exhumé. Que s'est-il passé ? Action Patrimoine Vivant envoie une lettre au Conseil d'Etat pour demander des explications. Pas de réponse. On relance quelques mois plus tard. Toujours pas de réponse. Au bout d'une année, on envisage finalement de déposer une pétition, puisque le Conseil d'Etat ne daigne pas répondre au courrier d'Action Patrimoine Vivant. Il est vrai que cette pétition, Mme de Haller a bien fait de le rappeler, n'avait malheureusement pas été traitée de façon approfondie avant que la commission de contrôle de gestion ne s'en occupe. Un rapport parfaitement désagréable avait d'ailleurs été déposé à l'époque, qui nous avait amené à renvoyer ce dossier à la commission de contrôle de gestion, laquelle a accompli le travail de manière très approfondie. Je me rallie donc personnellement aux remerciements qui ont été adressés à la commission de contrôle de gestion pour avoir pris cette affaire au sérieux et tout particulièrement à Mme de Haller en ce qui concerne la qualité de son rapport !

Juste deux observations encore, si vous me le permettez ! Dans son rapport, Mme de Haller a repris une indication donnée par des collaborateurs du département. J'aimerais dire à M. Moutinot, qui, je pense, nous écoute, que je suis quand même inquiet par rapport à l'interprétation qui a été donnée par certains juristes du département. C'est pour cela que le renvoi au Conseil d'Etat sera utile, parce qu'il appartiendra au Conseil d'Etat de préciser cette chose. Des juristes du département ont donc parlé d'un critère de longévité en ce qui concerne la qualité pour agir d'une association de protection du patrimoine. Ce critère de longévité n'a jamais figuré dans la LPMNS. Il n'y figure toujours pas aujourd'hui pour des organisations d'importance cantonale. Le critère de longévité qui figure, il est vrai, dans la loi fédérale et qui ne peut pas s'appliquer ipso facto à la législation cantonale, comme M. Moutinot le sait, a été uniquement introduit pour des associations d'importance locale. On a modifié la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites pour étendre la qualité pour agir à des organisations d'habitants de quartier ou autre. C'est pour ces organisations-là qu'il y a la nécessité d'une durabilité, d'une existence de plus de trois ans, mais pas pour les organisations d'importance cantonale. Je tenais à le souligner, parce que je ne voudrais pas que cette méprise continue.

Maintenant, dernier point sur lequel je tenais à intervenir. C'est le problème soulevé par Mme Hagmann. Action Patrimoine Vivant a mentionné dans sa pétition des pièces qui sont, si je me souviens bien, des procès-verbaux internes au département des travaux publics, qui feront vraisemblablement partie, je tiens à le dire, des documents qui seront accessibles à tout citoyen en vertu de la Lipad, actuellement en cours de discussion devant la commission judiciaire, et qui ont été communiqués de manière anonyme, effectivement, à Action Patrimoine Vivant. Je voudrais dire ici à Mme Hagmann, en tant que représentant de l'Alliance de gauche, que nous avons reçu depuis huit ans maintes communications, parfois confidentielles, parfois de la part de personnes qui demandaient, on peut le comprendre, que leur identité ne soit pas révélée, ou des documents qui nous ont été envoyés sans que l'on sache qui en était l'expéditeur. En ce qui nous concerne, nous l'avons dit et nous continuerons à le faire, chaque fois que nous avons la conviction qu'il y a eu des dysfonctionnements au sein de l'administration, quelles que soient les sources d'où proviennent les documents qui nous sont adressés, nous demanderons que des investigations soient menées. Nous ne pouvons pas accepter qu'une affaire soit étouffée parce qu'un document nous a été communiqué, peut-être de manière non réglementaire. J'aimerais dire que celles et ceux, ou celui ou celle qui nous a communiqué ces documents a eu raison de le faire, parce que l'on s'aperçoit, maintenant que la commission de contrôle de gestion a mené son enquête, qu'il y a eu des faits graves. Par voie de conséquence, on ne peut pas reprocher à quelqu'un de nous avoir fait parvenir un document et encore moins à celui qui l'a reçu de l'utiliser. 

 

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous levons la séance et reprendrons nos travaux à 20 h 30. Ont d'ores et déjà demandé la parole M. Hiler et M. Blanc.