République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8528
4. Projet de loi de Mme et MM. Pierre Ducrest, René Koechlin, Olivier Vaucher, Florian Barro, Jean-Marc Odier, Michel Ducret, Nelly Guichard, Michel Parrat et Pierre Marti modifiant la loi pour un plan d'urgence-logements (I 4 40). ( )PL8528

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi pour un plan d'urgence-logements, du 21 juin 1991, est modifiée comme suit :

Art. 2 (abrogé)

Art. 3, al. 2 et 3 (nouveaux)

2 Lorsque les logements ne sont pas exploités par un organisme à but non lucratif, le propriétaire peut bénéficier des aides prévues par la loi pour les organismes à but non lucratif. De plus, l'état locatif agréé de l'immeuble varie également en raison de l'adaptation des fonds propres à l'évolution du coût de la vie.

3 En aucun cas le propriétaire ne peut être contraint, dans le cadre de l'application des dispositions de la loi générale sur les zones de développement, de contribuer à la concrétisation des objectifs de la présente loi.

Le canton de Genève a retrouvé une situation de pénurie de logements. Cette situation est due à la conjonction de plusieurs facteurs.

En premier lieu, depuis 3 ans, la population du canton augmente de 5000 personnes environ chaque année. Si une partie de cette croissance découle d'un rapport naissances/décès positif, elle est principalement due à l'arrivée de nouvelles entreprises attirées par la qualité de vie de notre région.

Les employés de ces entreprises ont dû trouver à se loger. S'agissant souvent de familles, les grands logements disponibles ont rapidement trouvé preneur, asséchant ainsi ce marché. Les autres catégories de logement ont également subi le phénomène, puisque, pour la première fois, même la catégorie des studios et des deux pièces est en situation de pénurie.

En parallèle, le nombre de logements mis sur le marché est en stagnation depuis 4 ans. La rigidité de la législation genevoise, de même que des autorités chargées de l'appliquer, sont à l'origine des blocages de tous ordres (longueur des procédures, recours, demandes de classement, remise en cause de plans en vigueur, mais aussi renoncement d'investisseurs).

Il s'avère que les victimes principales de la pénurie de logement, comme c'est souvent le cas, sont les personnes disposant des plus bas revenus, soit de revenus correspondant au régime HBM. La loi du 21 juin 1991 pour un plan d'urgence-logements prévoit que dans les 8 ans suivant son entrée en vigueur, l'Etat ait créé « au moins 3000 logements à loyer bon marché » (article 1). Or, il apparaît que cet objectif n'a pas été atteint, malgré les déclarations et les promesses électorales de la majorité. A peine plus de la moitié de ces logements ont été créés. Nous sommes loin du compte. En 2000, à peine 24 logements soumis au régime HBM ont été mis sur le marché.

Vu la situation de pénurie décrite ci-dessus, il convient, afin de venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin, de prendre des mesures sérieuses pour réaliser les objectifs de la loi pour un plan d'urgence-logements.

En l'état actuel de cette loi, seuls des organismes à but non lucratif peuvent construire ou acquérir des logements HBM. C'est l'une des causes principales de la faillite de cette loi.

En effet, deux désavantages les empêchent de répondre à la demande : le manque de terrains à disposition et l'assujettissement aux règles sur les marchés publics.

En premier lieu, dans un canton aussi exigü que celui de Genève, les terrains à disposition pour y construire du logement sont rares. Il est dès lors difficile pour des organismes dont le but est de construire des logements bon marché d'acquérir la maîtrise de terrains en suffisance.

En second lieu, les fondations immobilières de droit public, principales pourvoyeuses de HBM, sont soumises aux procédures régissant les marchés publics. Celles-ci allongent considérablement les procédures, les renchérissent et rendent ainsi encore plus difficile l'exécution de la mission de construire du logement bon marché.

Le présent projet de loi propose de faciliter la mise sur le marché de logements d'utilité publique en ne réservant plus la construction et l'acquisition de logements HBM aux organismes à but non lucratif.

Des propriétaires privés doivent pouvoir contribuer à résoudre la pénurie de logements de ce type. Ils permettront d'offrir un plus grand choix de terrains. Par ailleurs, ils ne sont pas soumis aux procédures régissant les marchés publics.

L'ouverture prososée par le présent projet de loi doit s'accompagner de modifications de la pratique financière liée à la construction de HBM. En effet, la rentabilité de ce type d'immeubles est usuellement très faible, dans la mesure où seuls des organismes à but non lucratif peuvent en être détenteurs. Il conviendra dès lors d'offrir aux investisseurs privés qui souhaiteront produire des logements HBM des rendements comparables à ceux qui sont proposés pour des logements HLM.

Par ailleurs, le contrôle de l'Etat sur les loyers étant permanent, les fonds propres investis dans un HBM par un propriétaire privé devront être indexés à l'évolution du coût de la vie, sous peine de voir la rentabilité réelle de l'investissement être réduit à néant du simple fait de l'écoulement du temps. Une telle situation annulerait de fait l'ouverture proposée par le présent projet de loi, dans la mesure où il ne se trouvera personne pour s'intéresser à du HBM dans ces conditions.

L'aide à l'exploitation fournie par l'Etat sera plus importante dans le système proposé par le présent projet de loi que dans le HBM « classique » que nous connaissons aujourd'hui. Elle sera toutefois compensée par le fait que, contrairement à la situation actuelle, l'Etat n'aura pas à doter un organisme à but non lucratif des moyens lui permettant de construire. Le terrain, comme les fonds propres, seront en effet apportés par le constructeur privé lui-même, allégeant de cette manière l'effort à consentir par l'Etat au début de l'opération.

La proposition faite ici est originale. Elle bouscule une pratique bien ancrée dans le système du logement social genevois. Toutefois, à bien y regarder, il n'y a pas de raison de réserver la détention de logements HBM à des organismes à but non lucratif dès lors que le contrôle de l'Etat sur l'exploitation de ces logements demeure.

Dès lors que le présent projet de loi permettra d'offrir plus de logements bon marché à nos concitoyens qui en ont besoin, il mérite le soutien de tous.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous lui réserverez un bon accueil.

Préconsultation

M. Alberto Velasco (S). Les collègues qui ont présenté ce projet de loi invoquent la loi du 21 juin 1991, qui avait prévu, à l'époque, que 3 000 logements à loyer bon marché devaient être construits. Ils écrivent que, dans notre programme, nous avions parlé de ces 3 000 logements et que nous n'avons pas fait grand-chose. Je tiens ici à rappeler, Mesdames et Messieurs, que dès 1993 vous aviez la majorité au Conseil d'Etat et au Grand Conseil et que vous auriez donc pu faire avancer ce programme. Cela étant, vous conviendrez que les projets de lois qui sont actuellement en commission et les diverses prises de position de M. Moutinot devraient permettre d'aller de l'avant avec ces 3 000 logements.

Mais revenons au projet lui-même. Vous demandez que des privés puissent obtenir des subventions pour réaliser des HBM : nous n'y voyons pas d'inconvénient, à condition que les terrains de l'Etat restent à la disposition des organismes à but non lucratif. Par contre, une disposition nous pose problème, c'est celle figurant à l'alinéa 2 qui dit : «De plus, l'état locatif agréé de l'immeuble varie également en raison de l'adaptation des fonds propres à l'évolution du coût de la vie.» Nous ne pouvons pas admettre cela, car il n'est pas concevable que ce soient les locataires, à travers leur loyer, qui financent la réactualisation des fonds investis par les promoteurs. D'abord, je doute que ces loyers puissent être adaptés au régime HBM. Ensuite, on verrait sans doute les loyers prendre l'ascenseur, année après année, justement pour permettre la réactualisation du capital des investisseurs. J'avoue que cela pose un problème. Du reste, c'est peut-être pour cela que les logements HBM sont en grande partie réalisés par des fondations à but non lucratif et ne peuvent être réalisés par des organismes à but lucratif.

Le groupe socialiste est d'accord de renvoyer ce projet de loi en commission pour qu'il soit débattu et travaillé, mais nous disons d'ores et déjà que nous ne pourrons pas accepter la disposition concernant l'adaptation des fonds propres.

M. Michel Parrat (PDC). Le PDC soutient le renvoi de ce projet de loi en commission, car il nous paraît intéressant - sans pouvoir vraiment juger de l'impact réel - de permettre à tous les investisseurs, et non seulement aux organisations à but non lucratif, de réaliser des logements HBM. L'adaptation des fonds propres est aussi une voie importante qui devra être développée en commission, car ceci a énormément d'incidence et il convient d'être assez prudent en ce domaine.

En l'état, ce projet de loi soulève des pistes qui pourront donner d'intéressants développements en commission. Nous nous réservons la possibilité d'y apporter notre contribution, toujours dans l'esprit de créer ce fameux climat favorable - qui est le but des quatre projets de lois 8526 à 8529 - à la réalisation d'un maximum de logements.

Ce projet est renvoyé à la commission du logement.