République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 juin 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 9e session - 30e séance
IUE 15 et objet(s) lié(s)
5. Réponse du Conseil d'Etat aux objets suivants :
Question de Mmes et MM.Christian Grobet, Jean Spielmann, Pierre Vanek, Salika Wenger,Bernard Clerc, Gilles Godinat, Jacques Boesch, René Ecuyer,Jeannine de Haller, Magdalena Filipowski et Cécile Guendouz
Notre députation a interpellé votre Conseil à plusieurs reprises sur des faits graves et des infractions commises dans la gestion des Offices de poursuites et faillites. Notre porte-parole Rémy Pagani a été qualifié de député indigne et de fabulateur par le Conseiller d'Etat Gérard Ramseyer qui, au lieu de procéder à des enquêtes, a systématiquement contesté les faits en cause en les qualifiant de « gag », tout en déclarant faire confiance aux responsables des Offices en faisant valoir qu'il les connaissait par coeur en invoquant notamment l'appartenance politique d'un des hauts cadres.
Nous avons signalé ces faits et d'autres à l'Inspection cantonale des finances qui a fait un travail d'examen sérieux et approfondi dont il faut lui être reconnaissant. Dans son premier rapport intermédiaire, dont copie a été remise aux députés des Commissions de contrôle de gestion et des finances du Grand Conseil après des interventions énergiques de la part de notre députation, un certain nombre de faits graves, notamment l'existence de comptes occultes (véritables caisses noires) créés en violation de la loi, a été confirmée et dévoilée dans toute son ampleur.
Cela nous amène à réitérer la demande que nous avons déjà formulée deux fois lors de nos interpellations urgentes, à savoir que M. Gérard Ramseyer soit déchargé des Offices de poursuites et faillites et que la responsabilité de ceux-ci soit provisoirement confiée à un autre Conseiller d'Etat. Il en va de la crédibilité de nos institutions, car il n'est pas possible que, durant les enquêtes en cours, les Offices soient soumis à la responsabilité d'un magistrat qui a couvert des infractions, qui pourrait en avoir bénéficié et qui a des contacts directs avec des collaborateurs ayant tenté de contrecarrer les enquêtes.
Cela dit, nous estimons que votre Conseil d'Etat se doit de prendre d'urgence un certain nombre de mesures :
La décentralisation de l'Office des poursuites et faillites en trois services chargés de trois secteurs géographiques était probablement une réforme justifiée, vu l'explosion du travail de cet Office. Par contre, nous sommes moins convaincus de la décision de créer trois offices indépendants ayant chacun ses propres pratiques dans un canton-ville comme le nôtre. Nous estimons que, face à la désorganisation actuelle, il convient de mettre ces trois offices sous la responsabilité d'un seul directeur général.
Le public et les personnes faisant appel aux Offices des poursuites et faillites se plaignent à juste titre des lenteurs et des retards inacceptables dans le cadre des interventions des Offices. Il en résulte un préjudice économique très important. Il est indispensable de doter les Offices du personnel permanent dont ils ont besoin pour mener leurs tâches à bien.
Le Conseil d'Etat monocolore, qui a réduit le personnel de ces Offices au moment où leurs activités augmentaient de façon exponentielle, porte une très lourde responsabilité quant aux graves dysfonctionnement de ces Offices à l'instar de la gabegie qui existait à l'administration fiscale, que nous avions également dénoncée à réitérées reprises. Il est évident que le manque de personnel n'excuse en rien les infractions commises dans le cadre de la gestion des Offices.
La surveillance des Offices est totalement insuffisante. Nous estimons qu'il faut décharger la Cour de Justice de cette tâche. Cette juridiction n'est pas outillée pour faire le véritable travail de surveillance des Offices car c'est une autorité appelée à trancher des recours et elle fonctionne de fait de cette manière.
Les ventes de gré à gré, tout particulièrement pour des immeubles et des objets de valeur, doivent être proscrites. Des ventes aux enchères sur invitation pourraient être organisées dans des cas particuliers avec l'accord de l'autorité de surveillance.
Les gérances légales doivent être confiées par rotation à des agences immobilières ou des gérants agréés par l'autorité de surveillance sur la base d'un appel d'offres périodique. Les gérances légales déjà attribuées doivent être redistribuées.
Les fonds consignés auprès des Offices doivent être déposés auprès de la Caisse de l'Etat ou auprès de la Banque cantonale de Genève.
Les administrations spéciales ne doivent être mises en place qu'avec l'accord de l'autorité de surveillance et pour des affaires présentant une complexité avérée. Les administrateurs doivent être choisis sur la base d'un tournus et sur une liste dressée par l'autorité de surveillance.
Nous demandons par ailleurs à votre Conseil d'indiquer le nombre de mandats dont M. Dominique Grosbety a bénéficié de la part des Offices des poursuites depuis qu'il a quitté l'administration cantonale et quel est le montant total des indemnités qu'il a reçues à ce titre.
Nous demandons également au Conseil d'Etat d'indiquer si le lot de meubles de salon en cuir Chipendale mis en vente aux enchères le 31 mai 1996 a été acquis pour le bureau de M. Gérard Ramseyer en remplacement de meubles placés dans le bureau de M. Genoud, ancien préposé de l'Office des poursuites, pour un prix dérisoire de 5'700.- Est-il possible que ce montant ait été payé par des comptes fictifs ? Est-il exact que cette opération a été effectuée sous la responsabilité de hauts fonctionnaires des Offices des poursuites en-dehors de toute intervention de l'économat cantonal ?
D'autre part, M. Gérard Ramseyer a-t-il bénéficié de l'apport financier d'une compagnie d'assurances lors de la campagne pour l'élection du Conseil d'Etat en 1997 ?
Enfin, M. Gérard Ramseyer était-il au courant des comptes occultes ouverts auprès des Offices des poursuites et de leur utilisation, plus particulièrement le compte « Préposé 98» ?
Réponse du Conseil d'Etat
M. Carlo Lamprecht. A l'interpellation urgente écrite de MM. les députés Jean Spielmann, Christian Grobet, Pierre Vanek et consorts, le Conseil d'Etat tient à rappeler qu'il a d'ores et déjà pris plusieurs décisions importantes s'agissant du dossier des offices des poursuites et faillites. Au même titre que votre parlement, le Conseil d'Etat souhaite tout mettre en oeuvre pour que les offices des poursuites et faillites puissent remplir leur mission au service du public.
En ce qui concerne le dossier dans son ensemble, le Conseil d'Etat prenait contact le 15 mars 2001 déjà avec votre Grand Conseil pour qu'une délégation, composée de trois de ses membres, puisse être reçue par la commission de contrôle de gestion, afin d'avoir un échange sur la suite de la procédure.
Le Conseil d'Etat, au sujet de ce dossier sensible, tient à rappeler les décisions qu'il a prises au cours de ces derniers mois. Le 11 avril 2001, le Conseil d'Etat rendait publique sa décision de transmettre l'ensemble du dossier au procureur général en le priant de prendre les mesures d'instruction nécessaires pour déterminer si certains faits pouvaient être constitutifs d'infraction pénale, afin, le cas échéant, de leur donner la suite qu'il convient.
Le 18 avril, l'ensemble du dossier a été transmis à M. le procureur général, le gouvernement lui confirmant alors le dépôt prochain du rapport intermédiaire de l'inspection cantonale des finances, organe enquêtant sur la gestion financière des offices des poursuites et faillites.
Le Conseil d'Etat a reçu ce rapport le 23 mai et l'a adressé, par l'intermédiaire de M. le chancelier d'Etat, à M. le procureur général le même jour, de même qu'à la commission de contrôle de gestion de votre parlement et ainsi qu'à votre commission des finances, conformément à la loi portant règlement du Grand Conseil.
Le 30 mai dernier, le Conseil d'Etat décidait d'entendre M. Giorgio Bordogna, directeur de l'inspectorat cantonal des finances. L'audition a eu lieu le mercredi 13 juin 2001. A son issue et au vu de la complexité du dossier et de ses aspects transversaux, le Conseil d'Etat a décidé :
1. de constituer une délégation, conformément au discours de Saint-Pierre où il relevait sa volonté de travailler en équipe et par le biais de délégations;
2. la création d'une commission paritaire.
La délégation du Conseil d'Etat est formée par votre serviteur, président de ce Conseil, par M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat chargé du département de justice et police et des transports, et par Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat chargée du département des finances, lequel comprend l'office du personnel de l'Etat, chargé de veiller à l'application des lois en matière de personnel.
La délégation ainsi constituée est conforme à la politique transversale du Conseil d'Etat et complète une quinzaine de délégations, telles celle de l'emploi, de l'aménagement, de l'environnement et des transports, de la politique d'asile, ou encore des affaires extérieures ou du personnel de la fonction publique.
La commission paritaire est formée de deux représentants des syndicats et de deux représentants de l'administration cantonale. Cette commission paritaire, placée sous la présidence de Mme Anny Vernay, désignée par le Conseil d'Etat et directrice de l'économat cantonal, proposera à la délégation du Conseil d'Etat les moyens et les procédures à mettre en oeuvre pour réorganiser les offices.
Dans l'accomplissement de sa mission, Mme Anny Vernay travaillera en collaboration avec des experts désignés par la commission paritaire. Elle consultera l'ensemble du personnel et prendra l'avis des divers milieux intéressés.
Enfin, le Conseil d'Etat, au vu du rapport intermédiaire de l'inspection des finances, réaffirme sa volonté d'attendre le rapport final de ce service, annoncé pour la mi-juillet, avant de se déterminer sur d'éventuelles sanctions administratives à l'encontre de collaboratrices et collaborateurs qui pourraient avoir commis des irrégularités avérées.
Parallèlement à ces démarches, il va de soi que le Conseil d'Etat entend examiner, en coopération étroite avec la commission de contrôle de gestion de votre Grand Conseil, quelles modifications législatives et réglementaires adéquates pourraient permettre d'éviter des situations semblables à celles que connaissent actuellement les offices des poursuites et faillites.
Je passe la parole à mon collègue, Gérard Ramseyer, en charge du département de justice et police et des transports.
M. Gérard Ramseyer. Le Conseil d'Etat, par la voix de son président, s'est exprimé de manière générale sur les offices des poursuites et faillites. Certains faits, avérés ou pas, cités par l'AdG, remontent à cinq ans et plus. Ils sont archivés et les gestionnaires en cause ont, pour partie, changé d'orientation professionnelle.
Je vais donc ordonner une recherche et des vérifications dont le résultat cependant ne peut être connu en vingt-quatre heures. Je réponds toutefois de mémoire, et de mémoire seulement, par souci de transparence, à deux éléments de ces interpellations :
Premièrement, mon département a-t-il acheté du mobilier d'occasion ? En 1994 ou 1995, j'ai budgétisé quelques dizaines de milliers de francs pour rénover le hall d'accueil du public dans mon département au 14, rue de l'Hôtel-de-Ville, au deuxième étage. Mon département s'est porté acquéreur, dans le cadre d'une vente à la salle des ventes, d'un mobilier d'occasion, de qualité certes, mais pour un coût évidement très inférieur à celui d'un mobilier neuf. Par la même occasion, l'ancien mobilier d'occasion de mon département a été placé à l'office des poursuites et faillites d'Arve-Lac en couverture d'un besoin qui, lui aussi, faisait l'objet d'une demande de crédit.
Ainsi avons-nous fait d'une pierre deux coups, une économie de quelques dizaines de milliers de francs pour l'Etat, sans que qui que ce soit puisse se prétendre lésé, sauf à admettre le projet de réaliser une affaire pécuniaire à des fins personnelles.
Le procès-verbal de vente porte trace d'un produit de vente de 6 180 F. Ce mobilier se trouve dans le hall d'accueil du public dans mon département, comme déjà indiqué, et l'écriture comptable finale a été enregistrée par l'office des poursuites et faillites d'Arve-Lac dans les rubriques 311, en regard du poste budgétaire Acquisition de mobilier.
J'ajoute que mon bureau personnel, à deux pièces de mobilier près, est celui que j'ai hérité en 1993 de mon prédécesseur M. Bernard Ziegler, mobilier qui date du milieu des années 1980; cette précision vient en correction des assertions des interpellants.
M. Pagani a, d'autre part, développé une autre interpellation urgente sur les problèmes d'assurance et j'y réponds également, cette fois-ci avec des éléments que j'ai pu ressortir des archives. Ils sont plus récents.
Question No 1 : le contrat a été signé le 13 janvier 1997.
Question No 2 : pour l'année 2000, dernière année sous comptes, le montant des primes annuelles s'est élevé à 4 millions pour quelque 1 400 personnes : gendarmes, inspecteurs de la police judiciaire, gardes d'aéroport et gardiens de prison, soit environ 238 F par mois et par personne.
Question No 3 : non, la loi sur les marchés publics n'existait pas à l'époque. Le département était confronté à de sévères restrictions budgétaires qui l'obligeaient à rechercher de meilleures solutions à meilleurs prix. Plusieurs courtiers en assurance se sont approchés de la direction départementale des finances pour proposer différentes offres émanant de diverses caisses maladies ou assureurs. C'est à l'issue de ces divers contacts que la direction départementale des finances est entrée en tractation avec la caisse maladie et accident Futura.
Question No 4 : les recherches déjà effectuées, mais rapidement, ont permis de retrouver trois offres émanant de Concordia, de la Caisse vaudoise et de Futura. Il convient de relever qu'un appel d'offres eût été vide de sens dans la mesure où une transparence totale existait au niveau des tarifs, à l'époque, tarifs qui étaient connus de chacun et même publiés par les médias. Le changement d'assureur que vous évoquez a permis à l'Etat de Genève d'économiser, à l'époque, quelque 500 000 F.
Question No 5 : le contrat a été signé avec la caisse maladie et accident Futura, le 13 janvier 1997, par le chef de département, selon la procédure usuelle.
Question No 6 : la conclusion d'un tel contrat relève, en effet, de la compétence du département de justice et police et des transports. Les raisons sont de caractère juridique : le paiement des cotisations est expressément prévu à l'article 52 de la loi sur la police, que le département est chargé d'appliquer.
Question No 7 : je répète que je n'ai pas la possibilité de répondre à cette question. Dans tous les partis politiques sérieux, et je n'ai pas de raison de douter qu'il en soit de même dans votre parti, au moins par analogie, les élus ont accès à des comptes de campagne présentés par rubrique, mais sans qu'il leur soit possible de connaître le détail de ces rubriques. C'est une règle élémentaire de fonctionnement qui vise à garantir l'indépendance des élus.
Questions No 8 et 9 : s'agissant des deux dernières questions, un chef de département ne peut dire dans quelle mesure le Conseil d'Etat pourrait envisager d'entreprendre de telles démarches, de même qu'il ne saurait se substituer à la présidence d'un parti politique, quel qu'il soit.
Enfin, vous avez, dans l'une ou l'autre de vos interpellations urgentes, demandé que soit dressée la liste des mandats attribués à M. Grobéty. Nous avons recherché jusqu'en 1997. Il n'y a aucun mandat attribué à M. Grobéty en tant que tel, mais à Atag, ou Atag Ernst & Young ou Ernst & Young, son employeur.
Le mandat pour OP 97 se montait à 16 000 F. Le mandat pour la certification des modules comptables d'OP 97, requis par l'inspectorat cantonal des finances, atteignait 88 140,95 F. Le mandat pour la mise en place opérationnelle du New Public Management à Rhône-Arve, office des poursuites et faillites, s'est élevé à 20 000 F. Enfin, le montant du mandat OPF 41, c'est-à-dire la troisième et dernière phase de la réforme des offices des poursuites et faillites, dont il convient de rappeler ici qu'elle a été validée par Mme Calmy-Rey, ministre des finances, après entretien, et qui doit encore faire l'objet d'une présentation au Conseil d'Etat, s'élève à 260 000 F.
Je ne suis pas remonté plus loin que 1997. Si tel est votre souhait, nous ferons d'autres recherches. Je peux seulement vous garantir qu'il n'y a jamais eu de mandat attribué à M. Grobéty ès qualités, mais toujours par l'intermédiaire de l'entreprise de consultants, dont il était l'employé. J'espère ainsi, Monsieur le député, vous avoir renseigné, tout en étant bien conscient que j'aurai encore l'occasion de me préparer à répondre à d'autres questions émanant de votre riche personnalité!
Ces interpellations urgentes sont closes.