République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 juin 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 9e session - 28e séance
IU 1089
M. Daniel Ducommun (R). Mon interpellation urgente s'adresse au Conseil d'Etat en général et à M. le président du Conseil d'Etat en particulier, interpellation qui pourrait s'intituler : «L'Etat de Genève défendu par les avocats de Jürg Stäubli».
Monsieur le président du Conseil d'Etat, jusqu'à présent, en ma qualité de collaborateur de la Banque cantonale de Genève, j'ai toujours tenu une attitude de réserve dans les différentes situations conflictuelles qui animent notre République. Mais j'ai aussi une responsabilité de député et, à ce titre, je ne peux pas rester muet devant des situations extrêmement troublantes, notamment eu égard à la volonté du Conseil d'Etat de s'assurer que l'étude d'avocats désignée pour représenter les intérêts de l'Etat de Genève soit tout à fait indépendante dans une plainte en responsabilité contre les réviseurs de la BCG, la fiduciaire internationale Ernst & Young. Le Conseil d'Etat a eu raison d'agir de la sorte, car il est dans l'intérêt public que les avocats défendant les droits des contribuables dans ce dossier délicat soient parfaitement indépendants.
La mise en cause de l'ancien conseiller d'Etat Bernard Ziegler a conduit le Conseil d'Etat à le remplacer par l'avocat Me Eric Alves de Souza. Le but de mon interpellation, Monsieur le président, est tout simplement de vous demander si ce choix était vraiment opportun et, à ce titre, je souhaiterais que vous puissiez répondre à plusieurs questions. Je vais essayer d'en sélectionner huit pour trois minutes - enfin un peu moins, parce que j'ai déjà commencé, Madame la présidente...
1. La «Tribune de Genève» a fait état, le 9 mai, d'un arrangement selon lequel deux associés de Me de Souza - Mes François et Dante Canonica -avaient été condamnés à payer plus de 12 millions à la BCG, intérêts compris, et que celle-ci avait accepté de n'en recevoir que moins de 6 millions. Les informations publiées par la «Tribune de Genève» sont-elles exactes ?
2. Le Conseil d'Etat est-il conscient du fait que l'avocat qui représentait les frères Canonica dans ce procès contre la BCG est précisément Me de Souza ?
3. Est-il exact que la convention abandonnant plus de 6 millions des dettes des frères Canonica a été rédigée par Me de Souza ?
4. Le Conseil d'Etat trouve-t-il normal que l'Etat de Genève soit représenté face aux réviseurs par un avocat qui a plaidé contre la BCG pendant des années et dont les associés étaient parmi les plus importants débiteurs de la BCG jusqu'à ce qu'un arrangement soit trouvé avec eux ?
5. Il est de notoriété publique que Me François Canonica, associé de Me de Souza, a été l'avocat de Jürg Stäubli. Il a cessé de défendre Jürg Stäubli par la suite, car il était lui-même mis en cause dans l'enquête conduite contre Stäubli dans le canton de Vaud. C'est notamment Me Canonica qui a rédigé la convention de 1997, par laquelle la BCG abandonnait 80 millions de créances contre Jürg Stäubli, ainsi que les conventions de vente des sociétés de Stäubli à la BCG.
6. Le Conseil d'Etat n'estime-t-il pas qu'il est dangereux de confier la défense des intérêt de l'Etat de Genève à une étude qui a représenté et assisté Jürg Stäubli jusqu'à tout récemment ?
7. Le Conseil d'Etat peut-il garantir dans ces conditions que des informations confidentielles concernant l'Etat de Genève, sa stratégie, la conduite de la procédure, ne seront pas transmises à Stäubli dans un contexte aussi incroyable de conflits d'intérêt ?
8. Il y a 1 500 avocats à Genève, 300 juristes dans l'administration cantonale, en plus de deux éminents anciens avocats au Conseil d'Etat. Le gouvernement n'est-il vraiment pas capable de trouver quelqu'un pour le défendre qui n'ait de lien ni avec la BCG, ni avec Stäubli, ni avec Gaon, ni avec d'autres débiteurs ou personnages plus ou moins recommandables ayant défrayé la chronique dans cette affaire ?