République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 mai 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 8e session - 27e séance
PL 7813-A et objet(s) lié(s)
8. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier les objets suivants :
La Commission judiciaire a traité les projets de lois 7813 et 7814 lors des séances des 1er juillet, 2 septembre et 16 septembre 1999, sous la présidence de Mme Fabienne Bugnon et avec l'assistance de Mme Schaeffer, procès-verbaliste que nous remercions ici.
Ces deux projets de lois visant à modifier la loi d'application sur le séjour et l'établissement des étrangers et la loi d'application de la loi fédérale sur l'asile ont pour but d'améliorer la situation des réfugiés et des étrangers confrontés aux démarches administratives relatives à l'octroi d'autorisations de séjour ou à d'autres décisions relatives au droit d'asile ou des étrangers. L'élaboration de ces projets de lois s'est faite en collaboration avec les organismes suivants : Caritas ; Centre de contacts Suisse immigrés ; Centre social protestant ; Ligue suisse des Droits de l'homme ; Service social international ; Université albanaise.
Il y a quelques années, une commission nommée Commission « des Sages » avait été instaurée par le Conseil d'Etat, aux fins de se pencher particulièrement sur l'aspect humanitaire que revêtait un certain nombre de dossiers de requérants d'asile qui séjournaient en Suisse depuis longtemps. Dans notre pays, les procédures peuvent durer jusqu'à six ou sept ans, ce qui peut poser d'épineux problèmes en cas de renvoi. Cette Commission ad hoc sélectionnait, en quelque sorte, les candidatures qui méritaient d'obtenir un permis humanitaire. Or, cet organisme ne se réunit plus depuis quelques années, bien qu'il ne soit pas dissout. L'évolution des critères d'octroi, purement administratifs, a contribué à faire cesser progressivement toute activité de la Commission « des Sages ».
La Commission des Sages existe dans la loi d'application de la loi fédérale sur l'asile (F 2 3,5), dont l'article 4 Commission de préavis, stipule qu'une commission de préavis en matière de requérants d'asile est instituée. L'alinéa 2 expose notamment qu' « Elle est chargée de préaviser les recours contre des décisions fédérales de renvoi prononcées par le délégué aux réfugiés, ainsi que les demandes de révision déclarées recevables par le Département fédéral de justice police. » Il est ensuite spécifié, à l'alinéa 3, que « Les membres de la commission sont nommés par le Conseil d'Etat pour une période de 4 ans. »
A l'époque, lorsque le Conseil d'Etat était chargé de traiter les recours contre les décisions de l'Office cantonal de la population (OCP), une certaine latitude d'appréciation, n'existant plus aujourd'hui, était encore possible. Depuis que l'on a retiré la compétence au Conseil d'Etat, cette marge de manoeuvre a disparu, pour faire place à une Commission de recours composée exclusivement de juges qui se limitent à rendre des décisions sur le droit. L'aspect humanitaire ne constitue plus, dans ce contexte, un paramètre essentiel. Or, sur le plan juridique, il n'y a souvent plus d'issue.
Toutes ces raisons ont conduit les auteurs du projet de loi 7813 à proposer la création d'une commission humanitaire en matière de séjour des étrangers dont la mission première serait justement d'intégrer des principes humanitaires dans certains cas en donnant un préavis au Conseil d'Etat. Une telle commission présenterait l'avantage d'éviter les nombreuses situations que l'on voit arriver au Grand Conseil, notamment sous la forme de pétitions.
Lorsqu'un individu sollicite une demande d'autorisation de séjour et qu'on la lui refuse, il fait recours auprès de la Commission de recours de la police des étrangers. L'OCP peut aussi refuser une prolongation ou un renouvellement qui peuvent alors faire l'objet de recours. La Commission va soit dans le sens de l'office, soit donne raison au plaignant, ensuite de quoi, le dossier est traité à Berne. La nouvelle commission se prononcerait donc avant que le dossier ne soit traité au niveau fédéral.
Il existe deux niveaux. La Commission de recours de la police des étrangers fonctionne au niveau cantonal, tandis que la Commission de recours en matière d'asile se situe à l'échelon fédéral, une distinction qui débouche sur des procédures différentes. Au plan cantonal, par exemple, c'est l'OCP qui rend la décision. En revanche, une première décision est rendue à Berne dans le cadre de la problématique de l'asile et le recours est traité par la Commission de recours en matière d'asile.
La compétence formelle d'octroi de permis humanitaires relève uniquement de l'Office fédéral des étrangers, tandis que les cantons sont compétents en matière de préavis. Pour de tels permis, qui constituent une sorte de mesure de limitation du nombre d'étrangers dans notre pays, une commission, telle qu'imaginée dans le projet de loi 7813, interviendrait en amont et ne pourrait donc être chargée que de préaviser les recours contre des décisions de renvoi.
Pour ce qui a trait à l'asile, il serait judicieux qu'une éventuelle Commission humanitaire intervienne au moment où le canton a la possibilité de demander l'admission provisoire pour des motifs humanitaires. Ainsi, on pourrait travailler, de concert avec le canton, avant le recours. Il s'agirait, en l'occurrence, de collaborer avec l'autorité et d'entamer les démarches visant à l'obtention d'un permis humanitaire, ce que pratiquait la Commission « des Sages ».
Le souhait des milieux concernés consiste en une sorte de prolongation de la Commission « des Sages », dont les préoccupations éthiques auraient figuré au premier plan et ayant pour mission de traiter les dossiers où l'aspect humanitaire transcenderait le droit concret. Il n'est en effet pas facile pour les individus qui statuent semaine après semaine et qui doivent garder à l'esprit l'égalité de traitement de sortir de leur rôle pour prendre des décisions d'une autre nature.
Selon eux, il existe des situations qui dépendent exclusivement du canton. Ainsi, il estime qu'une commission ad hoc pourrait statuer dans le contexte de regroupements familiaux. A cet égard, il faut bien voir que toute une série de nouveaux cas se présente aux oeuvres d'entraide.
Récemment, la Ligue s'est trouvée confrontée à un problème délicat vécu par un Kosovar travaillant dans la campagne genevoise depuis dix ans. Lorsque la politique des trois cercles est entrée en vigueur, une quinzaine de dossiers, dont celui de ce Monsieur, n'ont malheureusement pas été traités à temps et il s'en est suivi que Berne a refusé d'octroyer le permis. Ce travailleur a donc fait partie des gens qui doivent quitter le pays avec un délai de six mois. Pourtant, sa femme et ses enfants se trouvent à Genève et il voudrait évidemment vivre ici avec eux. Or, que lui offre-t-on pour toute réponse ? On explique à cet ouvrier qu'il n'a aucun droit d'être ici. La situation est ainsi faite que, de saisonnier est maintenant transféré dans la catégorie des requérants d'asile et devra partir avec femme et enfants ! Juridiquement, les faits ne sont pas contestables, mais humainement, ce dossier requiert un traitement différent. On pourrait sursoir à son départ et demander sa naturalisation. Voilà pourquoi il faudrait une autorité reconnue dans la République. D'autant plus que, dans de telles situations, la Commission de recours n'a aucune latitude pour agir.
Dans certains cas extrêmement graves, on s'est rendu compte qu'un interlocuteur privilégié faisait défaut. La Commission de recours est un organe juridique qui s'inscrit dans la logique des commissions de recours qui appliquent le droit. Même si une telle commission a la possibilité de juger en opportunité, il est évident qu'elle ne peut aller contre la loi. C'est pourquoi un autre type d'institution qui puisse « tirer la sonnette d'alarme » dans certaines situations devrait exister.
Mme Stalder commence par dire que les compétences de la Commission sont très vastes. On y traite de tous les recours en matière d'autorisation de séjour, de refus de renouvellement de permis, etc., et essentiellement de toutes les décisions de l'OCP. On peut, dès lors, s'imaginer que la Commission ne chôme pas et qu'elle ne dispose d'ailleurs pas de tous les moyens nécessaires à son bon fonctionnement. Il y a beaucoup de dossiers en suspens concernant l'ex-Yougoslavie. A cet égard, la présidente souligne que sa Commission a profité des mesures d'autorisation de Berne pour laisser « stagner » ces dossiers : « Nous avons l'intention de prendre contact avec le Conseil d'Etat pour trouver des solutions », précise Mme Stalder à ce sujet. Les personnes concernées sont chez nous depuis une petite dizaine d'années, indique l'oratrice et leurs enfants sont scolarisés. Il n'est pas facile de résoudre ces cas, reconnaît Mme Stalder, sous peine de se montrer injuste par rapport à ceux qui ont fait les démarches nécessaires, mais ont quand même dû quitter la Suisse.
La Commission de recours en matière de police des étrangers applique la loi et elle pourrait difficilement faire autre chose, notamment parce que l'autorité fédérale se situe au-dessus d'elle. En définitive, elle ne pense pas que la Commission puisse porter deux casquettes : « la nôtre est juridique ». Elle estime qu'il serait judicieux de mettre sur pied une commission indépendante de la Commission de recours qui, répète-t-elle, doit conserver son caractère juridique car il est nécessaire dans le 90 % des cas traités par cet organisme.
Mme Stalder pense qu'il faudrait que cette nouvelle structure se manifeste plutôt après les décisions de sa Commission ou tout à fait à la fin de la procédure. Elle ne verrait pas d'inconvénient à ce que la nouvelle commission soit saisie par la Commission de recours de police des étrangers.
Mme Stalder évoque une autre possibilité constituée par le contingent cantonal. La marge est très mince, certes, mais si une commission de ce type se met en place, il n'est pas impossible qu'on garde des petites places. On pourrait prévoir un certain pourcentage pour les cas humanitaires.
Mme Rossi indique qu'elle traitera séparément la question des étrangers et celle ayant trait à l'asile, en s'appuyant sur les exposés des motifs des deux projets de lois.
Mme Rossi observe d'abord que les principes humanitaires sont dictés par les directives de l'Office fédéral des étrangers et sur la jurisprudence en la matière. D'emblée, elle en souligne l'aspect très restrictif. Cela étant, lorsqu'on prétend que l'autorité cantonale dispose d'un large pouvoir d'appréciation, cela est vrai, mais pas en ce qui concerne les permis humanitaires. Dans le cadre de l'article 52, lettre a) de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers, c'est l'Office fédéral des étrangers qui est compétent, rappelle Mme Rossi. Dans la pratique, précise-t-elle, si l'autorité cantonale est favorable à l'octroi d'un permis, elle ne peut qu'émettre un préavis, car l'autorité fédérale se prononce, en dernière instance, sur le fait de savoir si tel dossier présente bien un caractère humanitaire.
Pour information, Mme Rossi signale ensuite aux députés que l'OCP soumet un certain nombre de dossiers munis d'un préavis positif, notamment dans le cas des clandestins de longue durée dont les enfants sont souvent scolarisés, les veuves de ressortissants suisses ou encore les enfants étrangers qui viennent dans notre pays juste après leur majorité et n'entrant plus, par conséquent, dans le cadre des regroupements familiaux. Pourtant, reconnaît Mme Rossi, il arrive fréquemment que l'OCP se fasse casser par l'autorité fédérale.
Mme Rossi estime, au surplus, que la nouvelle commission n'aurait pas vraiment plus de pouvoir de décision que n'en a actuellement l'Office cantonal de la population ou la Commission de recours de police des étrangers. En admettant que le Conseil d'Etat soit d'accord avec le préavis, il reste que l'Office fédéral des étrangers statuera néanmoins en dernier lieu. A son avis, il convient dès lors plutôt de noter qu'une telle instance alourdirait encore la procédure.
Mme Rossi indique que la procédure a totalement changé depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'asile du 13 juin dernier. Ainsi, l'article 17, al. 2 LFAs, cité sous l'article 1 du projet de loi 7814, n'existe plus et a été remplacé par l'article 44, al. 3, dans lequel on ne parle plus de permis de séjour. En l'occurrence, la seule autorité compétente est maintenant l'Office fédéral des réfugiés (ODR). Dans ce contexte, souligne Mme Rossi, la Commission humanitaire n'aurait plus aucun rôle à jouer car il n'y a tout simplement plus aucune compétence cantonale en la matière.
Mme Rossi indique que la Commission de recours a dernièrement admis passablement de cas de clandestins, et ce, précisément mue par un souci humanitaire. Or, ils ont été refusés par Berne. « Plus l'Office fédéral constate qu'on soumet des cas sans trop faire le tri au départ, plus il se braque et finit par rejeter en se disant que le canton de Genève soumet tout et n'importe quoi », reconnaît Mme Rossi.
M. Turker précise que son intervention se base à la fois sur les projets de lois dont le Syndicat a pris connaissance, sur la pratique actuelle dans le Canton et la marge de manoeuvre qui pourrait être instaurée en la matière.
En ce qui concerne le problème de l'asile, M. Turker fait d'emblée observer que la loi a changé et que les cantons ne sont plus compétents pour donner des préavis en regard des admissions provisoires.
En matière de séjour et d'établissement des étrangers, il faut savoir que le canton de Genève dispense 582 permis par année, principalement attribués à des cadres (exemple : multinationales), et ce « pour le bien de l'économie ». On part du principe que, pour les emplois non qualifiés, il existe le statut de saisonnier et les permis « B ». Or, à Genève, ce statut n'existe plus. En substance, Genève ne délivre plus de permis, sauf pour l'agriculture. Or, ajoute-t-il, la filière traditionnelle pour obtenir un permis « B » passait précisément par le statut de saisonnier.
Aujourd'hui, on répertorie entre 5000 et 6000 clandestins dans notre canton, pour la plupart européens, contrairement aux autres cantons, et en majorité des Portugais, selon les sources de la CGAS. Jusqu'à présent, constate M. Turker, il était possible, via la Commission tripartite, d'attribuer quelques permis à des familles avec enfants, dont certaines résidaient sur notre territoire depuis une période allant de 5 à 18 ans, voire 22 (mais c'est beaucoup plus rare), bien que le contexte était très restrictif au vu de la limitation du contingent.
Une autre solution consistait à demander un permis humanitaire à Berne qui manifestait une ouverture d'esprit certaine à ce sujet. Le paysage s'est pourtant modifié depuis que les autorités fédérales ont amorcé un changement radical de politique. Depuis lors, et s'appuyant sur les discussions en cours au sujet des bilatérales, Berne n'octroie plus de permis aux Européens. Quant aux non Européens, ajoute M. Turker, même si les autorités cantonales donnent leur aval pour l'obtention d'un permis « B », la ville fédérale casse systématiquement ces décisions sans motif aucun, partant du principe que Genève a tendance à être prolixe en la matière. Il n'est, dès lors, plus possible d'interjeter recours. En résumé, même si la CCRPE est favorable, Berne refuse. A cet égard, M. Turker fait état d'une lettre récente de l'Office fédéral des étrangers, énonçant que si l'on continuait à distribuer des permis humanitaires à ce rythme à Genève, il diminuerait d'autant le contingent pour les suivants.
Fort de cette introduction, M. Turker en vient à la position de la CGAS en regard de la création d'une Commission humanitaire. Il se montre, d'emblée, réservé à ce sujet, « même si nous saluons l'initiative d'essayer de trouver des solutions ». Quand on pense que la CCRPE, instaurée par la loi fédérale, n'a aucun pouvoir au niveau fédéral, on peut émettre de sérieuses raisons pour douter de la marge de manoeuvre réelle d'une telle institution. L'éventualité de puiser dans le contingent cantonal ne rencontre pas non plus l'adhésion du syndicat qu'une telle possibilité semble préoccuper au premier chef.
M. Foex trouve un peu curieux de vouloir instaurer, en parallèle d'institutions juridico-administratives, une Commission dite humanitaire. En effet, pallier les insuffisances, les non-sens faudrait-il dire, voire même la sévérité du jeu juridico-socio-administratif lui fait un peu peur sur le plan du principe. Il rappelle, en outre, le contexte d'exception ayant conduit à la création de la Commission des Sages. La situation à l'époque était particulièrement angoissante et il convenait absolument de la purger, raison pour laquelle on avait instauré cette institution. M. Foex se souvient qu'il existait des cas remontant à dix ans en arrière, si bien que des familles entières avaient même oublié leur langue nationale. Or, ces gens-là se voyaient refuser l'asile.
Il aurait tendance à partir du principe que, si les institutions en place jouaient le jeu, comme on pourrait l'espérer, on ne voit pas dès lors pourquoi on mettrait sur pied une Commission humanitaire. Il n'est pas certain, au surplus, de son bien-fondé en droit administratif. Certes, il existe des commissions de conciliation au premier stade de procédure, mais, en l'espèce, il ne s'agit pas de cela. La Commission des Sages, rappelle M. Foex, avait été créée pour donner des préavis, saisie, notamment, par les oeuvres d'entraide, mais, en l'occurrence, lorsqu'un cas est déjà auprès de la CCRPE, il apparaît que la nouvelle instance paralyserait son activité. Poursuivant son raisonnement, M. Foex observe que le préavis étant donné, la CCRPE ne serait pas pour autant liée, dans la mesure où elle n'est invitée à se prononcer que sur la base de principes juridiques et non pas humanitaires.
M. Foex pense qu'il faudrait quand même avoir confiance en les personnes qui seraient attelées à cette tâche. L'esprit qui se dégage des projets de lois, tels qu'il les a compris, tend à focaliser sur des situations qui sortent véritablement du cadre du droit et, se faisant, « saignent de leur sang humain » où toute personne sensée devrait se dire : « c'est invraisemblable ; c'est kafkaïen ». A l'appui de sa réflexion, M. Foex cite encore un cas pathétique dont il s'occupe et qui sera résolu, « dans le silence, je l'espère ».
« Le canton ne peut que préaviser l'octroi d'une autorisation de séjour ou d'une admission provisoire à titre humanitaire. Dans tous les cas, c'est l'autorité fédérale qui décide en dernier ressort. La marge de manoeuvre du canton en la matière est donc extrêmement réduite.
On peut observer à ce propos qu'en cas de préavis cantonal positif, l'autorité fédérale, se fondant sur ses propres directives et sur la jurisprudence du Tribunal fédéral, ne traiterait pas différemment les cas selon qu'ils émaneraient de l'Office cantonal de la population, de la Commission cantonale de recours de police des étrangers, du Conseil d'Etat ou d'une Commission humanitaire ad hoc (ceci, dans un souci d'équité au niveau confédéral).
Par ailleurs, il est erroné de vouloir opposer d'emblée les aspects juridique et humanitaire des dossiers, dès l'instant où la prise en compte des situations de détresse est précisément prévue par le droit des étrangers et fixée dans un cadre légal déterminé.
On peut en conclure que l'institution d'une Commission humanitaire n'est opportune ni d'un point de vue juridique, ni d'un point de vue humanitaire. Son intervention ne modifiera pas le nombre de permis humanitaires ou d'admissions provisoires délivrés par les autorités fédérales. Un éventuel accroissement des demandes de permis humanitaires pourrait même porter atteinte à la crédibilité du canton dans le domaine.
Une telle Commission n'aurait aucune efficacité matérielle. Ses conclusions n'auraient aucun poids particulier dans les décisions de l'autorité fédérale. De plus, son « entretien » serait coûteux. En outre, son intervention ne ferait que rallonger les procédures et donner de faux espoirs aux personnes dont elle serait amenée à examiner les situations.
Cela dit, contrairement à ce qu'affirment les auteurs des projets de lois, l'existence d'une Commission humanitaire n'empêcherait pas la médiatisation de certaines situations. A ce propos, il faut en effet constater qu'une grande partie des cas qui ont défrayé la chronique dans un passé récent bénéficiait d'un préavis cantonal positif qui n'a pas été suivi par l'autorité fédérale. Par ailleurs, les situations où le Conseil d'Etat ne suivrait pas le préavis de la Commission humanitaire seraient immanquablement médiatisées. »
Tous les commissaires s'accordent sur le fait qu'il existe des individus, évoluant dans une « zone grise », que l'on ne peut, humainement, pas renvoyer, mais que, face à cette situation, il convient de prendre la mesure des avantages et des inconvénients de la formule présentée par le projet de loi.
Pour certains, il apparaît paradoxal de proposer un texte légal encourageant une autorité à ne pas appliquer la loi.
De plus, le résultat n'est pas garanti puisque ce sont, en dernière instance, les autorités fédérales qui décident. On veut instituer une commission de recours cantonal pour statuer sur l'obtention de permis humanitaires, tout en sachant que sa compétence est soumise au droit (fédéral) supérieur et qu'on ne pourra l'élargir. Quel est, dans ces conditions, le but final du travail, de quelle marge de manoeuvre réelle une telle commission pourrait se targuer ? L'idée d'être défendu par une Commission humanitaire qui n'a aucun pouvoir au niveau du droit administratif est peut-être satisfaisante intellectuellement car elle laisse à penser qu'on cherche des solutions, alors qu'en fait, on n'est nullement compétent pour changer les critères du droit administratif.
Il semblerait qu'actuellement, on procède à une sorte de bricolage, on doit résoudre un certain nombre de problèmes dans le silence et en dehors de toute légalité. Si l'on crée une nouvelle instance, ne risque-t-on pas de se priver de tous ces petits « filons » ? Il ne faudrait pas que des démarches faites sous silence n'aient pas la même chance d'aboutir à la commission. Il est évidemment difficile d'en juger à l'avance, mais c'est la raison pour laquelle il est essentiel de mesurer les risques.
Le fait qu'il existe des cas qui sont en dehors des conditions de la loi rend nécessaire l'instauration d'une nouvelle commission, notamment de par le fait qu'elle puisse intervenir à tous les stades de la procédure.
Au lieu de pénétrer dans une zone grise, il serait justement préférable de se doter d'une commission qui ait le pouvoir d'expliquer pourquoi il y a « désobéissance ». Cela étant, il est clair que l'on ne peut pas anticiper tous les cas de figure.
Le droit ne résout pas tout. Il convient, dès lors, d'ouvrir la porte aux voies annexes qui pourraient être saisies, pour autant qu'on leur en fournisse l'occasion. Il existe de nombreuses divergences sur certains dossiers. Une commission du type « des Sages » pourrait avoir un regard neutre sur la question. On se trouve trop souvent devant ces situations « noir/blanc ». Une commission humanitaire aurait une influence non négligeable à ce niveau.
De plus, on se trouve actuellement face à une abondance de pétitions et d'interventions qui alourdissent les procédures et suscitent des espoirs. Il faut bien voir aussi que tous les filons n'aboutissent pas.
Cette commission vise également à éviter les débats publics. L'important serait de se doter d'une structure qui puisse analyser correctement les dossiers au cas par cas.
L'entrée en matière du projet de loi 7813 est acceptée par 6 oui (2 AdG, 3 S, 1 Ve), contre 1 non (1 L) et 2 absentions (1 D C, 1 L).
« Article 2
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi. »
Le projet de loi 7813 est accepté par 5 oui (2 AdG, 3 S), contre 1 non (1 L) et 3 abstentions (1 DC, 1 L, 1 Ve).
L'entrée en matière du projet de loi 7814 est acceptée par 5 oui (2 AdG, 3 S), contre 2 non (2 L) et 2 abstentions (1 DC, 1 Ve).
Le projet de loi 7814 est accepté par 5 oui (2 AG, 3 S), contre 2 non (2 L) et 2 abstentions (1 DC, 1 Ve).
Au bénéfice de ces explications, la commission judiciaire vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre ses conclusions.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi d'application de la loi fédérale sur l'asile, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit :
Art. 4, al. 1 et 2 (nouvelles teneurs), al. 3 et 4 (abrogés)
1 La commission humanitaire en matière de séjour des étrangers définie à l'article 4A de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers se prononce également sur les cas qui lui sont soumis dans le domaine d'application de la législation sur l'asile.
2 Elle est notamment chargée de préaviser sur l'octroi d'une autorisation de séjour de police des étrangers lorsque la demande remonte à plus de quatre ans (art. 17 al. 2 LFAs).
Article 2
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Premier débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Permettez-moi tout d'abord de m'étonner de la lenteur avec laquelle ce rapport a été déposé ! Il est vrai que l'on se demandait ce qu'étaient devenus ces projets de lois. Je vois qu'ils ont dû sombrer quelque temps dans les tiroirs de Mme Wenger ! Je pensais qu'elle allait nous donner quelques explications, mais bon... Ils ont dû être oubliés !
Cet objet a été déposé en 1998 et traité en 1999. Cela pourrait nous laisser imaginer aujourd'hui que le projet est devenu obsolète. Ce n'est pourtant pas le cas. La commission humanitaire en matière de séjour et d'établissement des étrangers, chargée de se prononcer sur des dossiers relatifs à l'octroi ou au refus de divers types d'autorisation de séjour ou à d'autres décisions relevant du droit d'asile et des étrangers, garde toute sa pertinence. Plus encore d'ailleurs depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'asile, datant d'octobre 1999.
Cette nouvelle loi a modifié le mécanisme permettant d'obtenir un permis B humanitaire. Un examen d'office permet de déterminer si les conditions d'admission sont remplies en fonction des critères de détresse personnelle grave. Le canton est systématiquement sollicité pour donner son préavis qualitatif. Malheureusement, et il y a plusieurs exemples qui le démontrent, les préavis des cantons sont influencés par le dossier fourni par l'OCP. Or, ce dossier est souvent lacunaire et, dans le cas où il existe un dossier pénal, il n'est souvent question que de l'ouverture d'une enquête et il n'est pas fait mention de l'aboutissement de la procédure. Dans un cas par exemple, le requérant avait été acquitté. Cela n'apparaissait toutefois pas. Dans un autre cas, il était fait mention de dettes importantes d'un requérant, mais sans aucune explication sur la situation qui avait mené à l'établissement des dettes et qui aurait permis d'avoir une lecture différente du dossier.
En bref, Mesdames et Messieurs, la situation n'a pas fondamentalement changé depuis 1998. Il subsiste un intérêt manifeste à constituer une commission neutre appelée à donner un avis autorisé en se basant sur des critères humanitaires objectifs. Pour cette raison, je vous demande d'adopter le projet de loi 7813.
Concernant le projet de loi 7814, qui lui est directement lié, je vous propose également de le soutenir, en corrigeant simplement une inexactitude à l'article 4, alinéa 2, imputable au changement intervenu dans la loi sur l'asile. J'ai remis au bureau la modification qui concerne la référence en fin d'alinéa 2 : il s'agit de la loi sur l'asile, qui a maintenant changé de nom, et de son article 44.
En conclusion, je vous demande de soutenir ces deux projets de lois.
PL 7813
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Article 1
La loi d'application sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 16 juin 1988 est modifiée comme suit :
Art. 4A
1 Il est institué une commission humanitaire en matière de séjour et d'établissement des étrangers chargée de se prononcer, lorsqu'elle estime que des principes humanitaires sont en jeu, sur des dossiers administratifs relatifs à l'octroi ou au refus de divers types d'autorisations de séjour ou à d'autres décisions relevant du droit d'asile ou des étrangers.
2 La commission est formée d'un membre par parti représenté au Grand Conseil, dont un président, nommés par le Conseil d'Etat pour une période de 4 ans et choisis parmi des personnalités reconnues pour leur engagement humain et civique. Elle siège en présence d'au minimum trois de ses membres.
3 La commission est saisie par les oeuvres d'entraide, les services de l'administration, la commission cantonale de recours de police des étrangers ou par le Conseil d'Etat.
4 Lorsque la commission est saisie d'un cas, les éventuelles mesures d'exécution d'une décision de renvoi sont suspendues ainsi que les procédures devant la commission de recours.
5 Après examen du dossier et enquêtes, la commission se prononce dans les 30 jours sous la forme d'une recommandation écrite adressée au Conseil d'Etat, qui décide de la suite à donner. Dans les cas où la commission peut justifier d'un retard dans l'obtention de renseignements nécessaires à sa décision, elle peut solliciter un nouveau délai de 30 jours au maximum
6 Le Conseil d'Etat est fondé à lui attribuer d'autres tâches.
Article 2
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
PL 7814
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1 (souligné)
Art. 4, al. 2
La présidente. Il y a un amendement à l'article 4, alinéa 2. Dans la parenthèse finale, au lieu de «art. 17 al. 2 LFAs», il faut mentionner «art. 44, al. 5, LAsi», loi sur l'asile.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 4 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi d'application de la loi fédérale sur l'asile, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit :
Art. 4, al. 1 et 2 (nouvelles teneurs), al. 3 et 4 (abrogés)
1 La commission humanitaire en matière de séjour des étrangers définie à l'article 4A de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers se prononce également sur les cas qui lui sont soumis dans le domaine d'application de la législation sur l'asile.
2 Elle est notamment chargée de préaviser sur l'octroi d'une autorisation de séjour de police des étrangers lorsque la demande remonte à plus de quatre ans (art. 44, al. 5, LAsi).
Article 2
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.