République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 mai 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 8e session - 27e séance
PL 7817-A et objet(s) lié(s)
7. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier les objets suivants :
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur : M. Daniel Ducommun
Ce projet de loi et cette motion ont été examinés par la Commission de l'économie lors des séances des 11 décembre 2000, 18 décembre 2000, 15 janvier 2001, 22 janvier 2001, 29 janvier 2001 et 19 mars 2001, sous la présidence de Mme Stéphanie Ruegsegger.
M. Christian Goumaz, directeur des affaires juridiques du Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, a assisté la commission dans ses travaux, laquelle a bénéficié de la présence partielle de M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht et de Mme Pascale Byrne-Sutton, directrice adjointe auprès de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail. Les procès-verbaux, d'excellente qualité, ont été assurés par M. Carlos Orjales, qu'il en soit ici remercié.
Le projet de loi 7817 a fait l'objet d'un débat de préconsultation en séance plénière du 20 mars 1998. Malgré un accueil très « froid » et de nombreuses critiques de l'ensemble des groupes représentés à l'exception bien sûr de l'AdG, il a été renvoyé pour examen à la Commission de l'économie.
Les principales critiques étaient liées :
- au refus de donner les moyens à l'Etat de contrôler l'ensemble de l'économie genevoise en imposant à toutes les entreprises des conditions de travail ne tenant nullement compte de la réalité économique de chacun des secteurs d'activité ;
- au besoin de respecter les principes du partenariat social suisse et genevois qui a assuré en dehors de toute contrainte légale un progrès social et des conditions de travail exemplaires ;
- au fait que ce projet est contraire au droit fédéral, violant manifestement la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31 a, Cst. féd.) et la liberté contractuelle (art. 19 CO) ;
- au fait qu'un tel projet pourrait mettre fin à la pratique constante de dialogue et de partenariat que nous connaissons, en la vidant de toute substance et marge de manoeuvre.
En résumé, le contrat-type tel que présenté dans ce projet de loi est utilisé comme moyen de pression pour contraindre des partenaires sociaux, même s'ils n'existent pas en l'état, à conclure une CCT (convention collective de travail).
La commission a tout d'abord entendu l'argumentation d'un des auteurs du projet, M. R. Pagani. Ce dernier, au-delà de l'exposé des motifs, rappelle que ce projet prévoit la mise en place de conventions collectives et de contrats-types de travail pour éviter les effets de dumping salarial. M. Pagani cite l'exemple du Luxembourg et du Tessin.
Pour ce dernier canton et au niveau des frontaliers, il y a une sous-enchère et une embauche de travailleurs avec des salaires en dessous des normes, ce qui n'est pas le cas à Genève. Mais à partir du moment où les dispositions européennes seront entrées en vigueur, l'exécutif n'aura plus son mot à dire. En ce qui concerne le Luxembourg, M. Pagani souligne que l'Etat contrôle l'application effective des conventions collectives mais qu'actuellement la convention européenne prévoit que ce soient les acteurs sociaux qui contrôlent cet aspect et non l'Etat.
A Genève, le projet de loi soumis serait notamment utile au secteur agricole où les juges ont fixé les salaires de manière aléatoire. Le projet de loi prévoit l'usage de mesures plus scientifiques comme le salaire médian plutôt qu'une appréciation subjective des juges.
Un commissaire estime que si la commission désire réellement entrer dans les problèmes de dumping, une visualisation des failles et des trous dans les conventions collectives est indispensable.
On cite l'exemple de la convention collective des garagistes qui s'applique aux mécaniciens, aux réparateurs et au personnel d'atelier mais pas au personnel administratif. Certaines conventions prévoient des salaires minima, d'autres non.
D'autres exemples d'inquiétudes sont cités dont Migros et Globus qui se retireront de la convention collective cantonale au profit d'une convention nationale ou encore le secteur du secrétariat où il n'existe aucune convention collective, ce qui entraînera forcément des sous-enchères lorsque les accords bilatéraux entreront en force. C'est la raison pour laquelle des garde-fous supplémentaires sont nécessaires.
La notion de dumping est toutefois complexe à apprécier. Au Tessin, par exemple, l'absence d'un dispositif antidumping tire les salaires vers le bas car un seul type de travailleur est importé alors qu'à Bâle la pression se fait à la hausse car la démarche est principalement orientée vers le secteur de la chimie. Le dispositif de contrôle est donc l'élément important sur lequel la commission doit se pencher.
En ce qui concerne la référence à d'autres cantons, il y a lieu en ce qui concerne le canton de Genève de distinguer la situation actuelle de celle qui prévaudra dans le cadre des mesures d'accompagnement. Actuellement, le canton a l'obligation d'édicter des CTT (contrats-types de travail) dans les secteurs de l'agriculture et de l'économie domestique ainsi que la faculté d'édicter des CTT dans les autres secteurs. Dans le cadre des mesures d'accompagnement, la Commission tripartite pourra proposer à la CRCT de mettre sur pied un CTT pour autant qu'elle ait constaté des sous-enchères salariales répétées et abusives et qu'il n'existe aucune CCT qui puisse être étendue. Ces mesures seront évidemment applicables partout en Suisse.
M. Carlo Lamprecht estime que les instances juridictionnelles chargées de mettre en place les nouvelles normes existent déjà dont la Chambre des relations collectives de travail, composée de juges prud'hommes élus par le Grand Conseil, ainsi que le Conseil de surveillance du marché de l'emploi. Les mesures nécessaires ont donc d'ores et déjà été prises.
M. M. C. Goumaz informe la commission du système légal actuel et celui appelé à fonctionner dans le cadre des accords bilatéraux.
Le principe général régissant les relations entre employeurs et employés est la liberté contractuelle, les patrons et les employés négociant librement le contrat de travail. Les conventions collectives conservent l'aspect contractuel mais au lieu de découler d'une négociation entre deux individus, elles proviennent d'un accord entre deux associations représentatives chacune des patrons ou des employés. Ces accords sont ensuite appliqués à l'ensemble des contrats conclus entre les personnes membres de ces associations.
Le champ d'application des conventions collectives peut être étendu à l'ensemble d'un secteur si la majorité des travailleurs et des entreprises représentant la majorité des travailleurs se montrent favorables. En ce qui concerne les contrats-types de travail, ils ne sont pas négociés par les partenaires sociaux mais imposés par les autorités, plus particulièrement par la Chambre des relations collectives de travail (CRCT) qui est une instance juridictionnelle non politique, composée de juges prud'hommes, salariés et employeurs. Il est vrai que cet instrument est faible en droit suisse car ses dispositions n'ont pas de force contraignante et il est possible d'y déroger aisément en concluant un contrat individuel de travail. La seule exception est que le contrat-type peut exiger la forme écrite pour toute modification d'une clause. En d'autres termes, les principes contenus dans le contrat-type sont valables tant qu'ils ne sont pas modifiés par un autre accord. Avec le système actuellement en vigueur la commission tripartite vérifie à l'entrée du travailleur que les conditions de travail sont respectées sinon elle ne délivre pas d'autorisation de travail. Il est vrai qu'avec l'entrée en vigueur des accords bilatéraux, ce système va se transformer et les contrôles à l'entrée vont petit à petit être supprimés. Il est vrai que l'abandon de ce contrôle est de nature à susciter quelques craintes. Néanmoins, un certain nombre d'études ont été faites à ce sujet qui concluent, notamment pour Genève, que le recours à la main-d'oeuvre étrangère n'a pas fait baisser les salaires du canton.
D'autre part, des mesures d'accompagnement ont été adoptées par les Chambres fédérales. Tout d'abord, il y aura une possibilité d'extension facilitée des CCT, si 30 % des entreprises concernées y sont liées (aujourd'hui: 50 %).
En ce qui concerne les contrats-types de travail avec clause obligatoire, il est précisé qu'en cas de sous-enchère répétée et abusive, le CSME pourra édicter des clauses obligatoires concernant la rémunération. Par ailleurs, la loi fédérale sur les travailleurs détachés vise les travailleurs qui viennent sur le canton pour une durée déterminée. Cette loi reprend une directive européenne et ses clauses prévoient des contrôles et des sanctions sévères. Avec le système actuel, l'étranger est contrôlé mais il échappe à la surveillance à partir du moment où il obtient le permis C. Le nouveau système, en revanche, prévoit un contrôle a posteriori des effets de la circulation des personnes. Si des effets de dumping salarial sont constatés dans un secteur, des mesures d'accompagnement entrent en jeu. Si les 30 % ne sont pas atteints et qu'une convention collective n'est pas réalisable, il reste la possibilité d'édicter des contrats-types de travail dont les clauses, relatives au salaire seront obligatoires. Les observations relatives à la mise en oeuvre du nouveau système seront confiées à des organismes déjà existants :
- l'Office cantonal de la statistique comme organe permanent du développement de l'observation statistique ;
- l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail ;
- l'Observatoire universitaire de l'emploi dépendant du Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève pour des analyses sur la base de mandats.
M. M. C. Goumaz insiste également sur le rôle du CSME, institution tripartite, que l'on souhaite voir devenir le pivot central de cette organisation. Cette structure suit déjà de très près l'évolution du marché de l'emploi. Il paraît donc tout à fait normal que cette autorité puisse poursuivre sa tâche et qu'elle soit compétente pour proposer des contrats-types.
Ce projet de loi est antérieur à l'adoption par le Grand Conseil de la loi concernant la Chambre des relations collectives de travail (CRCT) du 29 avril 1999. L'exposé des motifs qui l'accompagne fait notamment référence à des difficultés ponctuelles dans le secteur du nettoyage qui ont disparu depuis l'époque de son dépôt, et qui ne sauraient justifier les mécanismes proposés. Se prétendant peu révolutionnaire, ce projet n'en cherche pas moins à dévaloriser systématiquement l'important travail fait par les partenaires sociaux dans le domaine des relations du travail.
Il convient à cet égard de rappeler que l'adoption de la loi susmentionnée a été le fruit non seulement des délibérations du parlement genevois, mais aussi des réunions des partenaires sociaux (Etat, UAPG, CGAS).
Cette révision a permis de renforcer le rôle de la CRCT qui doit notamment susciter la conclusion de conventions collectives de travail (art. 1er, lit b, LCRCT) et édicter des contrats-types de travail d'office ou sur la proposition d'intéressés (art. 1er, lit c, LCRCT).
Elle couvre ainsi l'hypothèse visée par l'article 8A du projet de loi 7817. L'exposé des motifs ne permet pas de déterminer pour quelle raison il y aurait lieu de recourir maintenant à l'OCIRT plutôt qu'à la CRCT. Il ne mentionne même pas les travaux de révision ayant débouché sur la nouvelle LCRCT, et n'indique pas quelle pourrait être la volonté des partenaires sociaux, volonté dont on peut espérer qu'elle soit prise en compte par les élus du peuple si, comme il est prétendu, on ne veut pas bouleverser les relations du travail existantes.
Le projet de loi 7817 est également antérieur aux travaux sur les mesures d'accompagnement à l'introduction de la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne. A cet égard, le rôle du contrat-type de travail (CTT) et de la convention collective de travail (CCT) ont été rappelés au regard de la liberté contractuelle :
(message relatif à l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE du 23 juin 1995, p. 259 ; voir aussi OFDE Mesures d'accompagnement à l'introduction de la libre circulation des personnes dans le cadre d'un accord bilatéral entre la Suisse et l'Union européenne, février 1999, p. 11).
En vertu de ce principe, l'Etat ne saurait intervenir de manière généralisée par les biais des CTT. Les articles 8c et 8e du projet de loi 7817 violent cette règle en prescrivant d'une part une généralisation des CTT pour tous les métiers importants - notion qui reste à définir tant quantitativement que qualitativement - et en prévoyant d'autre part que le contenu des CTT doit être établi en référence aux conditions usuelles de la branche.
En effet, même si l'article 8e prévoit qu'il est possible de déroger par écrit au CTT, le projet de loi 7817 n'en cherche pas moins à instaurer des conditions de travail minimales et uniformes pour tout le territoire genevois, ce qui est contraire aussi bien au principe de la liberté contractuelle qu'au droit fédéral qui règle de manière exhaustive la matière depuis l'adoption de l'article 360 a nouveau CO. Il faut relever que ce dernier octroie aux autorités seulement la possibilité - et non l'obligation - d'édicter des CTT sur les salaires minimaux en cas de sous-enchère abusive et répétée.
Enfin, l'UAPG tient à réaffirmer, comme elle l'a fait publiquement voici quelques semaines, son attachement à la voie de la négociation collective, qui a fait preuve de ses qualités par son adéquation aux besoins des branches et des entreprises depuis des décennies et à laquelle l'Union syndicale suisse a également rappelé son attachement.
En ce qui concerne la motion 1341-A, les mesures d'accompagnement aux Accords bilatéraux règlent la question des sous-enchères salariales par un mécanisme précis. Il faut tout d'abord qu'il y ait sous-enchère abusive et répétée au sein d'une branche économique pour que l'on envisage l'adoption d'une réglementation sur les salaires minimaux.
Il faut ensuite voir s'il est possible d'étendre une CCT ; si tel n'est pas le cas, l'autorité compétente peut (ce n'est pas une obligation, à teneur du droit fédéral) édicter un CTT.
Soucieuse que l'appareil destiné à l'application des dispositions fédérales puisse s'appuyer sur les commissions triparties existantes, l'UAPG a très rapidement accepté de participer aux réflexions sur l'application des Accords bilatéraux, que ce soit dans un premier temps au sein du Conseil économique et social ou, ensuite, dans le cadre des propositions avancées par le Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures.
En conclusion, l'UAPG estime que le projet de loi 7817 n'est plus d'actualité, compte tenu de l'option de la LCRCT et des mesures d'accompagnement aux Accords bilatéraux. L'UAPG se rallie par ailleurs à la réponse du Conseil d'Etat à la motion 1341 A.
Les représentants du CGAS informent la commission que le projet de loi en traitement semble dépassé depuis la création de la loi sur la Chambre des relations collectives de travail (CRCT). Ils signalent par ailleurs que leur communauté est attachée en priorité aux conventions collectives de travail et déclarent que les CCT ne sont pas un mythe comme le prétendent les auteurs du projet de loi 7817 mais une réalité et que les contrats-types de travail ne doivent être utilisés qu'en cas de défaillance car ils ne reflètent pas l'action syndicale. A tout moment, la CGAS essaie de promouvoir les usages de CCT. En revanche, il est vrai que les moyens de contrôle ne sont pas suffisamment efficaces et que les possibilités de l'OCIRT à ce sujet sont insuffisantes pour pouvoir contrôler notamment la libre circulation des personnes.
Il est nécessaire d'avoir un maximum de conventions collectives à disposition et à ce titre la loi sur les mesures d'accompagnement va aider dans cette tâche. A ce titre, la CGAS peut adhérer à de nombreux aspects du projet de loi soumis. L'exposé des motifs pose toutefois quelques problèmes notamment l'allusion au mythe de la convention collective qui ne répond manifestement pas aux attentes de la CGAS.
Il faut réfléchir avant tout aux moyens de faire respecter les conventions collectives et le fait d'imposer un salaire minimal de change rien. Il est cité à ce sujet l'exemple de la CCT de la construction qui introduit des tribunaux arbitraux et qui comporte des dispositions relatives à la sous-traitance et aux travailleurs temporaires. Au niveau du contrôle, il y aurait lieu à ce sujet de doter la Commission paritaire de la personnalité juridique. La CGAS insiste sur les moyens de contrôle qui sont effectivement actuellement insuffisants. D'une façon générale, les relations syndicales sont des rapports de force. La CGAS pense néanmoins qu'une approche avec une participation active de l'Etat serait trop paternaliste et qu'il est préférable même si cela est parfois lent que les rapports de force entre partenaires restent sur le lieu de travail plutôt que de rejoindre la scène politique où les majorités sont très fluctuantes.
Le Conseil économique et social (CES) est auditionné principalement suite à son étude concernant les conséquences de l'application des Accords bilatéraux. Il est relevé qu'après avoir essayé de voir ce qui se passe dans l'Union européenne le CES a constaté que les déplacements de la population ne sont pas modifiés de façon significative. Bien que des déplacements importants aient été constatés par le passé, notamment parmi les cadres supérieurs dans le secteur de la recherche et de la médecine et également dans quelques secteurs très saisonniers, il faut remarquer que les déplacements tendent désormais à se tarir avec le développement économique de l'Union européenne. Le CES a entamé des investigations en essayant de trouver des zones comparables. Des contacts ont eu lieu avec le Luxembourg à travers deux études dont l'une sur l'évolution des salaires au regard des déplacements de frontaliers. Cette démarche a été suivie d'une étude sollicitée auprès du professeur Flückiger. Le Luxembourg ressemble beaucoup à Genève. Ces deux territoires sont des pôles bancaires avec un secteur tertiaire clairement dominant. Ils sont entourés par des pays de l'Union européenne avec un taux de change important compte tenu d'une devise propre forte et ils comptent également un peu près le même nombre d'habitants. Le nombre de frontaliers est néanmoins plus important au Luxembourg. L'étude du Luxembourg a montré qu'il n'y avait pas eu d'égalisation des salaires notamment en raison des multiples modes de distribution, des rémunérations et des différents prélèvements qui modifient le numéraire. En ce qui concerne la situation à Bâle et au Tessin, il faut remarquer que pour Bâle elle est similaire tandis que le Tessin montre des différences notables en ce qui concerne sa politique salariale. La différence entre résidents et frontaliers est de l'ordre de 14 %. Elle est liée à la structure économique du Tessin qui est une économie de main-d'oeuvre de masse contrairement à Genève qui emploie surtout des travailleurs qualifiés. Il semblerait que la présence de frontaliers au Tessin ait exercé une influence à la baisse sur les salaires de l'ordre de 0.5 % tandis qu'à Bâle les effets auraient été de la même ampleur mais à la hausse. D'une façon générale, rien n'indique un risque sérieux de dumping salarial d'autant plus que le salaire n'est pas le seul élément de choix pour motiver un déplacement.
D'autre part, les pays européens sont en pleine croissance et il y a également une forte demande de main-d'oeuvre dans leurs structures. Il est confirmé que les mesures d'accompagnement permettent d'éviter tout véritable danger. A cet effet, les partenaires sociaux ont trouvé les formules nécessaires pour éviter les dérapages. Les représentants du CES sont sereins et convaincus que les mesures porteront leurs fruits. Le risque de dumping se situera davantage dans le travail au noir ou au gris.
En ce qui concerne plus précisément le projet de loi qui occupe la commission, les représentants du CES remarquent qu'il date d'avant les débats sur les mesures d'accompagnement, lesquelles donnent des moyens nouveaux d'interventions sur une base juridique créée par la Confédération. Les représentants du CES citent les mesures facilitant l'extension des conventions collectives et la possibilité d'imposer des contrats-types de travail, lesquels sont des instruments importants qui n'existaient pas au moment du dépôt du projet de loi dont il est question.
En préambule, nous rappelons que M. le professeur Flückiger a été chargé par le CES de préparer une étude sur la libre circulation des personnes et le risque de dumping salarial.
M. M. Y. Flückiger veut tout d'abord souligner l'importance de l'information si l'on veut connaître le taux de couverture des conventions collectives. Il pense que les données des enquêtes fédérales et du recensement des entreprises permettraient de fournir des informations plus détaillées. Il explique qu'il est important de connaître le type de mesures prévues dans les conventions collectives prenant notamment l'exemple des clauses de salaire minimal qui permettent d'évaluer l'importance de la protection. Il souligne qu'il est également important de savoir si ces conventions collectives touchent l'ensemble du personnel d'un secteur. Ces informations sont utiles, elles devraient être complétées par les données que lui-même a pu recueillir et qu'il fournit à la commission. M. Y. Flückiger fait ensuite état des mesures d'accompagnement dès 2001. Il insiste sur l'importance de parvenir à un résultat le plus rapidement possible. En ce qui concerne la disposition d'informations sur la situation actuelle, si l'on veut mesurer les effets des Accords bilatéraux et leur évolution, il faut faire référence à des études qui ont déjà été réalisées avant 2001 notamment par Genève qui avait été choisie en 1991 comme canton test pour une enquête sur la structure des salaires. On dispose ainsi d'une base de données de près de cinquante mille personnes. Pour 1994, 1996 et 1998, l'information à disposition provient de l'enquête nationale sur la structure des salaires. Ces études apportent des informations relatives aux bonus, primes, gratifications et degrés de couverture sociale qui sont des données utiles pour l'analyse de l'évolution du marché de l'emploi au regard de la notion de sous-enchère répétée et abusive. M. le professeur Y. Flückiger présente à la commission divers tableaux qui figurent en annexe au présent rapport. En ce qui concerne l'appréciation du projet de loi 7817, il constate avec étonnement que le projet de loi souhaite que l'association faîtière se substitue aux employés dans les secteurs sans organisation syndicale. M. Y. Flückiger ne voit pas de quel droit ni comment ces associations pourraient se substituer aux employés et aux patrons. La deuxième remarque est que ce projet de loi entraîne le Conseil d'Etat à jouer un rôle important dans l'organisation du marché du travail et l'on peut se demander si cela ne devrait pas être dévolu aux partenaires sociaux. Il ajoute que le projet de loi permettra difficilement de déterminer les résultats de l'application et que tout dépendra des rapports de force politiques par essence fluctuants.
Il pense que les mesures d'accompagnement constituent un instrument plus efficace pour atteindre les objectifs du projet de loi 7817.
En ce qui concerne le projet de loi, M. Heyer précise que l'Office de conciliation mentionné a été depuis remplacé par la CRCT. M. Heyer n'a aucune remarque ou observation à formuler au sujet du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1341-A.
M. Heyer informe qu'après sa création la CRCT a repris tous les contrats-types existants et les a édictés et publiés à nouveau en suivant la procédure inscrite dans la loi, laquelle prévoit en outre la consultation des partenaires sociaux. Les points essentiels d'un contrat de travail ont trait aux salaires et aux vacances. La CRCT examine actuellement et pour la seconde fois le contrat-type du secteur agricole. Il y aura lieu de décider si les rémunérations fixées l'année dernière sont maintenues. Il n'y a pas en l'état de concordance de vues entre les syndicats des travailleurs et les représentants des patrons. L'écart est important. D'une façon générale, la CRCT axe sa manière de déterminer un salaire sur la capacité des entreprises et non pas sur la base de la pratique réelle.
Au gré de l'instruction du projet de loi et des différentes auditions précitées, M. R. Pagani, au nom des auteurs, constatant la modification de la législation et de ce fait l'incompatibilité du projet de loi, propose un amendement général au projet de loi, ce qui déclenche une discussion de forme, la plupart des commissaires estimant dans ces conditions qu'il y aurait lieu de redéposer un nouveau projet. M. Pagani précise à ce sujet que le projet de loi comporte deux volets, l'un sur les conventions collectives qui doit être effectivement supprimé et l'autre sur les contrats-types qui garde toute sa pertinence et justifie que le projet de loi initial soit amendé en conséquence.
recenser régulièrement les salariés soumis à une convention collective de travail et d'établir des statistiques sur leurs conditions salariales et de travail dans le canton de Genève ;
recenser les salaires et les conditions de travail usuels dans le canton en se fondant, entre autres, sur le recensement fédéral des entreprises
afin de permettre à la Chambre des relations collectives de travail d'établir, entre autres, les conditions usuelles des contrats-types de travail au sens de l'article 359 du CO sur la base notamment des salaires usuels des employés travaillant dans la branche, dans la profession ou dans les secteurs concernés.
2 L'observatoire de l'évolution du marché de l'emploi est composé de représentants de l'Etat, des partenaires sociaux, de l'Office cantonal de la statistique (OCSTA), de l'Observatoire universitaire de l'emploi dépendant du Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève ainsi que de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT).
3 Le Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement de cet observatoire par voie de règlement.
Chapitre II Conciliation, jugement, arbitrage, conclusion de conventions collectives et adoption de contrats-types (nouveau)
Art. 8, 9 et 10 sans changement
Art. 10 A Instance d'élaboration de convention collective (nouveau)
La Chambre est compétente pour élaborer et collaborer à la conclusion de conventions collectives de travail dans tous les secteurs, branches économiques et métiers à la demande d'associations représentatives des travailleurs, d'employeurs ou à défaut d'associations faîtières.
Art. 10 B Instance d'adoption des contrats-types de travail (nouveau)
1 En application de l'article 1, lettre c, la chambre adopte des contrats-types de travail applicables à tous les secteurs, branches économiques et métiers, soit d'office, soit à la demande d'au moins une association représentative des travailleurs ou d'employeurs ou, à défaut, d'une association syndicale ou professionnelle faîtière ainsi que du Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME) institué par règlement du Conseil d'Etat.
A cette fin, la Chambre établit les conditions usuelles des salaires et des conditions de travail des métiers en cause sur la base des études statistiques des salaires usuels dans les secteurs, branches économiques et métiers qualifiés ou non en se référant aux études statistiques effectuées par l'Observatoire de l'évolution du marché de l'emploi institué par la loi instituant un service des relations du travail (J 1 05), du 6 octobre 1943.
2 Les contrats-types doivent respecter, au minimum, les conditions usuelles en matière de salaires, de durée de travail, de repos, de vacances et des conditions de travail en vigueur dans la branche, le secteur ou la profession concernés. Ils sont applicables à l'ensemble du personnel soumis au contrat- type y compris le personnel temporaire, fixe à temps partiel, auxiliaire.
3 Avant d'adopter un contrat-type de travail, la Chambre prend l'avis des organisations syndicales et professionnelles concernées, de la Commission de surveillance du marché de l'emploi et des sociétés d'utilité publique intéressées. Simultanément, elle fait publier le projet de contrat-type dans la Feuille d'avis officielle en invitant toute personne justifiant d'un intérêt à lui présenter ses observations par écrit dans un délai de 30 jours.
Une fois le contrat-type adopté, la Chambre le fait publier dans la Feuille d'avis officielle en indiquant la date de son entrée en vigueur.
4 Les contrats de travail individuels conclus dans les métiers soumis à des contrats-types de travail doivent être conclus par écrit en mentionnant dans la langue du travailleur notamment la durée du travail, les salaires minimaux, la durée effective des vacances, les délais de congé, le tarif majoré des heures supplémentaires.
Il ne peut être dérogé à un contrat-type de travail en défaveur du travailleur.
5 L'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) est chargé de contrôler le respect des contrats-types de travail dans les métiers soumis à ces contrats. Tous les moyens nécessaires sont mis à la disposition de cet office pour l'accomplissement de cette tâche.
6 L'employeur qui ne respecte pas un contrat-type dans le cadre de ses relations de travail avec un employé soumis à ce contrat est passible d'une amende pouvant atteindre 60 000 F au maximum.
L'OCIRT est l'autorité compétente pour infliger l'amende.
Article 3 modifications à d'autres lois (nouveau)
La loi autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics (L6 05.0) est modifiée comme suit :
4 Les employeurs, y compris leurs sous-traitants, qui viendraient à déroger à une quelconque clause du contrat-type ou des conventions collectives de travail les régissant ainsi que leur engagement à respecter les conditions de travail en vigueur à Genève ne pourront bénéficier des commandes de l'Etat durant 5 années.
Au nom des auteurs de l'amendement général, M. Pagani précise que l'objectif est d'ancrer dans la loi le rôle de l'Observatoire universitaire de l'emploi afin de disposer de données fiables sur les salaires actuels et futurs. Le volet sur les conventions collectives a été abandonné. En ce qui concerne les contrats-types, l'idée est de mettre en place une procédure avec référence à l'Observatoire de la statistique qui servira de base de travail aux juges. Le nouveau projet de loi donne des moyens supplémentaires à l'OCIRT pour mettre en oeuvre l'observation statistique et sanctionner les employés ou les patrons qui ne respectent pas les contrats-types élaborés par les juges de la CRCT. Le but de l'amendement général est de donner la possibilité aux partenaires sociaux, soit de mettre sur pied une convention collective, soit s'ils ne trouvent pas d'accord de demander à la CRCT d'élaborer un contrat-type.
Le Département de l'économie ne partage pas cette interprétation. La CRCT est compétente pour édicter n'importe quel type de CTT. Le CO prévoit l'obligation d'édicter des CTT dans les domaines de l'agriculture et de l'économie domestique, mais le canton est libre d'édicter des CTT dans d'autres domaines. C'est à la CRCT de prendre cette décision mais la possibilité existe. Il est en revanche impossible actuellement d'édicter des clauses obligatoires, la seule exception étant que le CTT peut parfois exiger la forme écrite pour déroger à certaines clauses. La principale différence apportée par les accords bilatéraux est la possibilité, lorsque des sous-enchères salariales répétées et abusives sont constatées, d'édicter un CTT dont les clauses, concernant le salaire, soient obligatoires. A ce stade des travaux, les commissaires estiment nécessaire de procéder à une nouvelle série d'auditions.
Les représentants de l'OCIRT présentent un état des lieux des CCT existantes à Genève. Le but est de déterminer si des catégories de travailleurs sont écartées des CCT et, si tel est le cas, quelles sont-elles ?
Il est précisé que l'analyse porte sur 77 CCT de secteurs car seules les CCT de secteurs seront susceptibles d'être étendues et qu'une étude des CCT d'entreprises aurait été une tâche herculéenne et sans grand intérêt. Certaines conventions regroupant plusieurs métiers ont été comptées plusieurs fois. En l'état actuel 13 % des conventions genevoises sont étendues ; il s'agit de 6 CCT nationales et de 4 conventions genevoises. Le résultat de ces analyses fait l'objet de deux documents annexés au présent rapport. Suite à une question d'un commissaire, il est précisé que cette étude n'a pas été transmise aux partenaires sociaux. Dans le cadre du débat, un commissaire précise que certaines CCT stipulent que tous les employés sont couverts. Or, le Tribunal fédéral considère que tous ne le sont pas mais seulement les membres d'une association professionnelle. C'est la raison pour laquelle certaines conventions précisent qu'elles s'appliquent aux membres signataires ou sur adhésion, ceci afin de rappeler que c'est le seul moyen d'être couvert par la CCT. Par ailleurs, l'objectif des mesures d'accompagnement est de pallier l'absence de CCT, tout en leur accordant toutefois une priorité car les CCT sont plus dans l'habitude et la pratique. L'idée étant d'essayer de négocier et, si cela ne permet pas de lutter contre le dumping, de recourir aux CTT.
Dans le débat qui suit cette audition, M. Pagani constate que l'analyse présentée des CCT démontre bien que la situation n'est pas si « rose ». Le marché du travail va bientôt se libéraliser et sur l'ensemble du canton 48 % des employés n'ont pas de CCT. Il est d'autre part signalé que ce pourcentage souffre de passablement de restrictions comme le montre l'enquête de l'OCIRT et qu'il ne constitue pas un socle sur lequel il est possible de s'appuyer pour créer des conditions de travail stables. Il est donc nécessaire qu'un filet de protection soit installé. Les statistiques de l'Observatoire de l'emploi ne sont pas suffisantes pour passer d'un système hypercontrôlé à une absence totale de contrôle. Dans ces conditions, le dumping ne se verra pas tout de suite mais l'importation de main-d'oeuvre ne tarira pas et les déséquilibres créeront des tensions. Il est à espérer que Genève ne connaîtra pas une telle situation.
En ce qui concerne les accords bilatéraux, il est précisé qu'au début le système actuel demeurera et toute démarche continuera à être traitée par une commission tripartite pour un examen des conditions d'emploi et une vérification afin de s'assurer qu'il n'existe pas de personnel disponible sur le territoire. Le contingent sera élargi pour les Européens mais il demeurera. Après deux ans, le contrôle préalable et les exigences tomberont, il ne restera que le contingent. Parallèlement à cela, les mesures d'accompagnement entreront en vigueur et il sera possible, en cas de sous-enchère salariale, d'édicter des CTT avec des clauses sur le salaire obligatoire.
M. Aubert fait remarquer en guise de préambule que, de manière générale, le texte de loi donne l'impression d'avoir été rédigé sans tenir compte des règles fédérales existantes. Une grande partie du texte est non conforme au droit supérieur et donc anticonstitutionnel.
Le droit fédéral distingue deux sortes de contrats-types de travail (CTT) :
les contrats-types supplétifs
les contrats-types impératifs
Ce sont en réalité deux instruments distincts, dont l'élaboration et le contenu répondent à des exigences différentes.
M. Aubert présente ses remarques, observations et critiques, relatives aux articles composant l'amendement général de l'AdG.
Loi instituant un service des relations du travail :
ad art. 8 :
L'Observatoire a pour but de récolter des informations. Il ne prend pas de décision. La disposition n'est pas contraire au droit fédéral.
Toutefois, compte tenu de ce qui suit, la portée réelle des travaux de l'Observatoire ne doit pas être surestimée.
Loi sur la Chambre des relations collectives de travail (LRCT)
ad art. 10A :
Amplification lourde (et probablement inutile) de l'art. 1 al. 1 let. b LRCT. En tout état de cause, les contrats types impératifs ne peuvent être édictés que sur proposition de la commission tripartite.
ad art. 10B :
al. 1 : « ainsi que » est-il cumulatif ?
al. 2 : Détail : la distinction entre le personnel « fixe à temps partiel » et « auxiliaire » mérite d'être interprétée, car les notions ne sont pas encore cristallisées dans ces domaines.
al. 4 : Seuls les contrats-types conclus dans le cadre de la loi fédérale sur les travailleurs détachés sont impératifs. Les autres contrats-types sont supplétifs.
La loi fédérale sur les travailleurs détachés fixe les conditions d'adoption (sous-enchère abusive et répétée), la procédure d'adoption (commission tripartite) restreint la matière quant à laquelle le contrat-type est impératif (salaires minimaux) et quant à la durée du contrat-type (durée limitée).
A mon avis, les contrats-types édictés en vertu des art. 359 - 360 CO ne peuvent pas prévoir que tous les contrats de travail sont conclus par écrit. En effet, le contrat-type peut seulement prévoir que les accords dérogeant à certaines de ses dispositions doivent être passés en la forme écrite. Le reste du contrat peut être oral.
En tant qu'il déroge à ces règles, cet al. 4 est inconstitutionnel.
al. 5 : Le contrôle ne peut avoir d'effet quant à l'octroi d'autorisations de travail qu'en tant qu'une autorisation est nécessaire (cf. Bilatérales). A terme, il s'agira seulement des travailleurs non communautaires.
al. 6 : Le contrat-type est un instrument de droit privé. Les cantons n'ont pas la compétence pour prévoir une sanction administrative, qui en ferait un instrument de droit public.
Loi autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics
art. 5 al. 4 : Sur l'incompatibilité d'une telle règle avec l'art. 3, al. 2 let. d de la loi fédérale sur le marché intérieur (LMI), cf. E. Clerc, L'ouverture des marchés publics : effectivité et protection juridique, Fribourg 1997, p. 448 ss; voir aussi DPC 2000, p. 291, 40 - 41; 1998 p. 334 24 - 29, p. 342, 24-28. Cette disposition est inconstitutionnelle.
Lors du débat, M. Aubert précise que seule l'extension facilitée des conventions collectives de travail (CCT) s'applique aux clauses relatives aux salaires et à la durée du travail. Les CTT en revanche ne peuvent contenir de clauses impératives que sur les salaires. L'adoption d'un CTT impératif impose certaines procédures dont le passage par une commission tripartite. La consultation de la CRCT est en quelque sorte le prix à payer pour le caractère impératif du contrat. Il est précisé que les mesures d'accompagnement vont encore plus loin, à savoir qu'il ne s'agit pas seulement d'un préavis mais qu'il existe des conditions sine qua non à l'établissement d'un CTT.
La Commission tripartite ne peut faire la demande que si des sous-enchères répétées et abusives ont été constatées dans la branche. Un commissaire estime que pour lutter contre le dumping salarial dans les catégories de travailleurs qui ne sont pas soumises à la CCT, la solution idéale serait de pouvoir mettre sur pied un CTT. M. Aubert rappelle que la loi pose deux conditions aux CTT. Il ne doit pas exister de CCT sur les clauses concernant les salaires minimaux, ou la CCT ne peut pas être étendue, faute de quorum suffisant.
Me Waeber commente les articles du projet.
Article 1
Art. 8
Cet article ne pose pas de problème.
Article 2
Art. 10 A
Me Waeber estime que l'idée de rajouter cet article est bonne. Il considère que la formulation de l'art. 1, al. 1 let. b LRCT avec le terme « suscite » n'est pas suffisante. Il ne pense pas qu'il s'agisse d'une lacune, mais cet article lui paraît être un bon complément. Il remarque toutefois qu'il lui paraîtrait plus adéquat de dire que « La Chambre est compétente pour participer à l'élaboration… », plutôt que « La Chambre est compétente pour élaborer… ». Il rappelle qu'une CCT reste un contrat entre partenaires sociaux et que la CRCT en tant que telle ne peut pas les élaborer elle-même, et n'en a pas la légitimité.
Art. 10 B
Me Waeber remarque que cet article pose davantage de problèmes.
al. 2
Cet alinéa définit les clauses que doit contenir un CTT (salaire, durée de travail, repos, vacances). Il est vrai que la loi fédérale sur les travailleurs détachés permet d'instaurer sous certaines conditions des CTT contenant des clauses impératives sur les salaires mais les mesures d'accompagnement aux accords bilatéraux ne sont pas encore entrées en vigueur.
Me Waeber explique que Genève fait de l'extension déguisée de CCT depuis longtemps et qu'elle s'est d'ailleurs récemment fait tirer les oreilles par le TF. Il pense que le règlement genevois sur les CTT va tout aussi loin et qu'il est probablement contraire au droit fédéral. Il rappelle que le CTT, au sens de l'article 359 CO, est un accord auquel les parties peuvent déroger.
Me Waeber constate que le projet de loi traite des CTT au sens de l'article 359 CO ainsi que des CTT au sens de la loi sur les travailleurs détachés, or il rappelle qu'il s'agit de deux choses différentes. Les clauses des CTT, au regard du CO, sont supplétives tandis que celles des CTT (loi sur les travailleurs détachés) sont impératives et s'imposent à l'image de celles des CCT étendues.
Me Waeber pense que si un travailleur attaque cet alinéa devant le TF, il risque bien d'obtenir gain de cause.
Me Waeber croit que l'alinéa peut être conservé s'il ne s'adresse qu'aux CTT au regard du CO.
al. 4
Cet alinéa pose problème quel que soit le type de CTT visé, il devrait être complété de la sorte :
« Il ne peut être dérogé à un contrat-type de travail en défaveur du travailleur que par écrit ».
al. 5
Cet alinéa ne pose pas de problème juridique.
al. 6
Me Waeber ne pense pas qu'il soit possible d'infliger une amende, car il s'agit de droit privé et la sanction devrait donc être une indemnité.
En conséquence, Me Waeber pense qu'il serait intéressant de compléter la loi actuelle car elle ne règle pas de façon assez précise les compétences de la CRCT en matière d'adoption de CTT ancienne formule. En effet, l'article 1, alinéa 1, lettre b LRCT indique seulement que la CRCT est compétente pour édicter des CTT, sans préciser comment elle doit procéder. En ce qui concerne les violations du CO, elles sont prises en charge par la voie des prud'hommes et l'OCIRT ne peut pas intervenir. Les mesures d'accompagnement, en revanche, sont des normes de droit quasi public et il se pourrait que l'OCIRT puisse alors intervenir et dénoncer les contrevenants au procureur.
Dans le cadre du débat qui suit l'audition de Me Waeber, le département précise que la CRCT a la possibilité déjà aujourd'hui d'aider les parties à mettre sur pied une CCT. On peut préciser les tâches de la CRCT mais cela ne change pas fondamentalement les choses. En ce qui concerne l'adoption de CTT, le département rappelle qu'en l'état actuel du droit, il n'est pas possible de prévoir des clauses impératives mais qu'il est en revanche envisageable de prévoir que les dérogations à certaines dispositions peuvent exiger la forme écrite.
En ce qui concerne l'alinéa 5, lequel octroie une compétence à l'OCIRT, le département précise qu'elle ne pourra de facto pas s'exercer sans entrer en contradiction avec le droit fédéral. Cette disposition instaure un organe étatique qui sera chargé d'aller voir ce qui se passe dans les relations individuelles de travail, ce qui n'est pas concevable. La mission de l'OCIRT est de veiller à ce que les entreprises non soumises à une CCT respectent les conditions usuelles de travail en matière de marché public et de permis de travail. Le problème de cette disposition réside dans sa généralisation.
En effet, l'OCIRT devra aller vérifier si le CTT est respecté indépendamment de savoir si l'entreprise a sollicité un permis de travail.
En ce qui concerne l'alinéa 6, le département explique qu'il est clairement contraire au droit fédéral. Il n'est en effet pas concevable de prévoir des sanctions de ce type pour la violation des clauses d'un CTT. Le CTT est un instrument de droit privé et en conséquence les sanctions appliquées en cas de violation d'une clause contractuelle sont des dommages et intérêts.
S'agissant des CTT, nouvelle formule, le département explique qu'ils vont nécessiter une mise en oeuvre législative.
En conséquence, le département préconise un examen d'ensemble de la problématique (CCT, CTT, droit sur les travailleurs détachés) plutôt que de commencer avec un travail sectoriel tel que le propose le projet de loi en question.
Le département informe qu'il souhaiterait profiter de la refonte législative fédérale pour proposer une loi générale sur l'inspection du travail de manière à regrouper les différents aspects de la question. Ce projet pourrait être déposé dans le courant de l'année 2001, ce qui pourrait laisser deux ans pour sa mise en oeuvre concrète. Cette position n'est pas partagée par M. Pagani, l'un des auteurs du projet de loi, qui est convaincu que les bilatérales vont précipiter les choses et que son projet de loi, respectivement son amendement général est nécessaire.
Suite aux auditions des deux juristes, la commission constate que l'amendement général proposé par l'AdG contient des dispositions contraires au droit fédéral.
Néanmoins, plutôt que de retirer ce projet de loi, les représentants de l'AdG ont prié Me Jean-Bernard Waeber de rédiger un texte pouvant être compatible avec le droit fédéral, permettant par ailleurs de « sauver » le projet de loi 7817 contre « vents et marées ».
Ce nouvel amendement général se présente comme suit :
Article 1
Aucune modification.
Article 2
La loi concernant la Chambre des relations collectives de travail du 29 avril 1999 est modifiée comme suit :
Chapitre II Conciliation, conclusion de conventions collectives de travail, adoption de contrats-types de travail, jugement et arbitrage (nouveau).
Article 8 A Instance suscitant la conclusion de conventions collectives de travail (nouveau)
La Chambre est compétente, sur requête d'une ou plusieurs associations de travailleurs ou d'employeurs intéressées, pour intervenir afin de favoriser la conclusion ou le renouvellement de conventions collectives de travail.
Elle peut à cette fin convoquer les parties concernées devant elle, pour être informée des difficultés rencontrées et leur proposer sa médiation en formulant des propositions ou une recommandation.
Article 8 B Instance d'adoption de contrats-types de travail (nouveau)
La Chambre a la compétence d'édicter des contrats-types de travail au sens des articles 359 et 360 CO, d'office ou sur requête d'une ou plusieurs associations de travailleurs ou d'employeurs, ou d'une association syndicale ou professionnelle faîtière, ou encore du Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME).
A cette fin, la Chambre fixe les conditions usuelles de salaire et de travail des métiers concernés, sur la base d'études statistiques des salaires usuels dans les secteurs, branches économiques et métiers, qualifiés ou non, effectuées par l'observatoire de l'évolution du marché de l'emploi établi par la loi instituant un service des relations du travail du 6 octobre 1943 (J 1 05).
La Chambre est également compétente pour édicter les contrats-types de travail au sens de l'article 360a CO sur requête de la Commission tripartite compétente. Dans ces cas, la Chambre fixe une durée limitée aux contrats-types de travail et ces derniers ne portent que sur les salaires minimaux à respecter dans le canton. Constituent des dispositions concernant les salaires minimaux, les règles portant notamment sur :
le montant du salaire, horaire, mensuel ou à la pièce ;
le salaire en cas d'empêchement de travailler (maladie, accident, invalidité, service militaire ou civil) ;
les suppléments pour heures supplémentaires, travail de nuit, travail du dimanche, travail des jours fériés et travail en équipe ;
les suppléments pour travaux pénibles ;
les remboursements de frais ;
le salaire des vacances ;
les jours fériés payés ;
les gratifications, primes et treizième salaire.
Article 3
A abandonner.
Article 4 Disposition transitoire
L'article 8B al. 3 entrera en vigueur simultanément à la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement (loi sur les travailleurs détachés) du 8 octobre 1999.
Me Waeber lors d'une ultime audition présente cette nouvelle mouture.
Il explique qu'il a gardé les éléments du projet initial qui semblaient incontestables sur le plan juridique tant au professeur Aubert qu'à lui-même. Me Waeber rappelle les cinq buts assignés à la CRCT :
prévenir et concilier ;
susciter la conclusion de CCT ;
édicter des CTT ;
juger des litiges ;
juger des différends collectifs en tant que tribunal arbitral.
Certains de ces points ne font pas l'objet de développement dans la loi, d'où la proposition d'introduire les articles 8 A et 8 B. L'article 8 A donne donc la compétence à la CRCT d'intervenir sur requête d'une association d'employés ou d'employeurs. En ce qui concerne l'article 8 B, Me Waeber pense qu'il est important de distinguer les CTT au sens de l'article 360 CO des CTT que le canton pourrait édicter lorsque les mesures d'accompagnement aux Accords bilatéraux entreront en vigueur. L'article 8 B, alinéa 3, contient une proposition détaillée des éléments que devra contenir un CTT. Sur ce point précis, le département signale à Me Waeber que la législation a été modifiée et que l'article 48 A de l'ordonnance sur le service de l'emploi définit désormais les notions de salaire et de durée de travail figurant à l'article 20 de la loi sur le service de l'emploi.
En conséquence, l'article 8 B qui est proposé rejoint l'article 48 A de l'ordonnance mais ne se superpose pas complètement. Il paraît dès lors dangereux de mettre dans une loi cantonale une interprétation d'une disposition fédérale en sachant qu'elle ne peut étendre ni restreindre la volonté du législateur fédéral. Me Waeber se rallie à cette interprétation et estime dans ce cas qu'il y a lieu de faire référence à l'article 48 A de l'ordonnance et de supprimer ainsi l'alinéa 3 de l'article 8 B faisant partie de l'amendement général précité. En revanche, l'article 8 A, qui prévoit d'instaurer une structure de contrôle et de surveillance, ne pose effectivement pas de problème sur le plan juridique.
La majorité de la commission est incapable de pouvoir légiférer sérieusement sur la base du projet de loi 7817 d'autant plus que la matière est complexe :
- le projet initial a été abandonné n'étant plus d'actualité ;
- l'amendement général de l'AdG présente des articles non conformes au droit fédéral ;
- les articles modifiés de l'amendement général sont contestés notamment l'article qui est en concurrence avec l'ordonnance fédérale.
Bref, tout cela n'est pas sérieux et il est difficilement compréhensible que les auteurs du projet de loi ne l'aient pas retiré au profit d'un nouveau texte réaliste, conforme au droit supérieur et incontesté.
Les observations de l'AdG ne sont pas dénuées d'intérêt. Elles doivent néanmoins s'inscrire dans un contexte plus global. Tout comme le chef du département l'a proposé, les rôles respectifs du CSME et de l'Observatoire de l'évolution du marché de l'emploi devront être définis plus clairement, de même qu'il faudra établir une procédure relative à l'extension des CCT et rédiger le règlement d'application de la loi sur les travailleurs détachés. Le département de l'économie s'emploie à réaliser un travail de fond qui devrait permettre de donner une nouvelle visibilité à l'OCIRT. Les accords bilatéraux ne sont toujours pas entrés en vigueur et lorsqu'ils le seront le canton disposera encore de deux ans avant l'entrée en vigueur des mesures d'accompagnement.
Il est raisonnable de laisser le département continuer son travail afin qu'il puisse déposer un projet d'ici la fin de l'année plutôt que de légiférer dans l'urgence et d'ajouter des propositions ponctuelles dans quelque chose qui n'est pas homogène. Le projet de loi ainsi que ses amendements ne peuvent pas régler l'ensemble de la politique mise en oeuvre par les mesures d'accompagnement. Les compétences de l'OCIRT doivent être rassemblées en une seule loi.
Cette position n'est pas partagée par le représentant des auteurs du projet de loi pour lequel les arguments liés à la non urgence ne sont pas pertinents et du fait que le volet relatif à la CRCT pourrait être traité immédiatement.
Etant donné la préparation d'un projet global par le département, il est mis tout d'abord aux voix l'ajournement des travaux.
En conséquence, la majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser ce projet de loi.
Ce rapport du Conseil d'Etat a été renvoyé à la Commission de l'économie en date du 1er décembre 2000, la majorité du parlement le considérant incomplet et souhaitant l'incorporer à l'étude du projet de loi 7817 traitant la même matière. Le Grand Conseil avait en effet estimé que la réponse du Conseil d'Etat manquait de détails sur le champ d'application et que certaines conventions collectives ne couvraient pas tous les employés du secteur ou sur tous ces aspects.
Le chef du Département de l'économie considère que la réponse faite par le Conseil d'Etat à cette motion est complète. Il estime que les instances juridictionnelles chargées de mettre en place les nouvelles normes existent déjà que cela soit la Chambre des relations collectives de travail composée de juges prud'hommes élus par le Grand Conseil ou que cela soit le Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME), lequel établira les mesures de suivi et d'accompagnement.
La majorité de la commission partage ce point de vue et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, par
Projet de loi(7817)
Projet de loi de MM. Rémy Pagani et Christian Ferrazino invitant les partenaires sociaux à conclure des conventions collectives dans tous les secteurs économiques du canton de Genève et le cas échéant imposant des contrats-types de travail
Article 1
Art. 8A (nouveau)
Art. 8B (nouveau)
Art. 8C (nouveau)
Art. 8D (nouveau)
Art. 8E (nouveau)
Art. 8F (nouveau)
Art. 8G (nouveau)
Art. 8H (nouveau)
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur : M. Rémy Pagani
Le droit du travail et notamment la fixation des salaires minimaux dans certaines branches régies actuellement par des contrats-types appellent de notre part un sérieux effort de réactualisation. En effet et par exemple, le secteur agricole, qui est régi par un contrat-type depuis des années, voit encore aujourd'hui les juges fixer, année après année, les salaires minimaux de manière aléatoire et donc subjective, sans recourir à l'aide d'instruments de mesures statistiques. Cette aide à la prise de décision sur le salaire et plus généralement sur les conditions de travail dans des professions précaires (économie domestique, agriculture, etc.) leur fait cruellement défaut. On comprend donc immédiatement la nécessité de mettre en place des instruments performants du type de celui proposé dans l'amendement général qui va suivre, à savoir un observatoire de l'évolution du marché de l'emploi, surtout si l'on rappelle que les contrats-types de travail ne sont pas négociés par les partenaires sociaux, mais imposés par les autorités, et plus particulièrement par la Chambre des relations collectives de travail, qui est une instance juridictionnelle, composée de juges prud'hommes salariés et employeurs.
Demain, avec la possible entrée en force des Accords bilatéraux, chacun s'accorde à reconnaître que cet observatoire deviendra le pivot de toute la politique de l'emploi dans le canton. En effet, la différence fondamentale entre le système actuel et le futur se situe dans le moment où le contrôle est opéré. Dans le système actuel, les conditions d'emploi des immigrés sont contrôlées dès leur arrivée dans le canton et c'est seulement le jour de l'obtention d'un permis C qu'un immigré échappe à cette surveillance. En revanche le nouveau système imposé par les accords bilatéraux prévoit un contrôle a posteriori des effets de la circulation des personnes. A l'évidence l'Observatoire de l'évolution du marché de l'emploi paraît être l'instrument nécessaire pour systématiser ce contrôle et, surtout, mettre en oeuvre la régulation, qui permettra de lutter contre les abus manifestes et répétés de sous-enchère salariale, qui menacent les employés comme les employeurs.
Rappelons enfin que le Tribunal fédéral (TF) a « tiré l'oreille » du canton de Genève dans un arrêt datant de quelques années relatif à la vente (ATF 109 Ib 238) en lui signifiant notamment qu'il faisait de l'extension déguisée de conventions collectives de travail (CCT). Dans un arrêt précédent (ATF 106 Ib 125) le Tribunal fédéral avait précisé que les autorités cantonales devaient fixer les salaires en usage dans une région et une profession en se basant sur des relevés statistiques, sur les conventions collectives en vigueur et sur des observations du marché du travail. C'est à ces conditions que la fixation de salaires en usage ou minimaux n'est pas contraire à la liberté du commerce et de l'industrie. Il importe donc que notre canton se dote des instruments adéquats.
Le second volet de ce rapport de minorité et donc de l'amendement général qui va suivre concerne les mesures d'accompagnement des accords bilatéraux. Il faut préciser toutefois que ces propositions d'article de loi (Article 8 B, al. 3) n'entreront en vigueur que simultanément à la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement (loi sur les travailleurs détachés) du 8 octobre 1999. En effet, rappelons pour mémoire qu'après l'entrée en force de l'accord entre la communauté européenne et ses Etats membres et la Suisse sur la libre circulation des personnes, si des effets de dumping salarial sont constatés dans un secteur, la loi fédérale prévoit les mesures d'accompagnement suivantes :
Les mesures d'accompagnements des accords bilatéraux permettront une extension des conventions collectives de travail à partir de 30 % d'employeurs favorables contrairement à la loi actuelle qui impose une proportion de 50 %. Signalons toutefois que cette mesure n'est envisageable que si l'on constate des sous-enchères manifestes et répétées dans un secteur et que l'extension de la convention collective est limitée aux seules clauses concernant la durée de travail et les salaires minimaux. Il faut néanmoins remarquer que ces clauses sont les plus importantes, car elles couvrent les domaines connexes comme la rémunération des jours fériés, des heures supplémentaires ou la durée des vacances.
Si les 30 % ne sont pas atteints et qu'une extension de convention collective n'est pas réalisable, il restera la possibilité d'édicter des contrats-types de travail dont les clauses relatives aux salaires minimaux deviendraient alors, et contrairement à aujourd'hui, obligatoires. En cas de sous-enchères répétées et abusives, c'est la Chambre des relations collectives de travail qui pourra édicter ces clauses obligatoires concernant la rémunération minimale.
En prévision de cette importante tâche il apparaît nécessaire de doter, dès aujourd'hui, cette Chambre d'un instrument qui lui permette de répondre efficacement et en connaissance de cause au mandat qui lui sera attribué par la loi fédérale. Un nécessaire rodage de quelques années lui permettra de maîtriser complètement cette législation avec comme socle d'expérimentation l'élaboration des contrats-types actuels.
Cette loi vise les travailleurs qui viennent dans le canton pour une durée déterminée (exemple : une entreprise qui délègue des ouvriers sur un chantier ou une entreprise qui installe des cuisines équipées). Cette loi est la reprise d'une directive européenne. Ses clauses prévoient des contrôles et des sanctions allant jusqu'à un million de francs en cas d'infraction aux lois, règlements, conventions collectives obligatoires et contrats-types régissant les travailleurs indigènes.
En conclusion, d'une part il est nécessaire de doter d'un instrument statistique performant les juges de la Chambre des relations collectives de travail et, d'autre part, pour donner corps à la notion de sous-enchères répétées et abusives, le rôle de surveillance de l'observatoire de l'évolution du marché de l'emploi sera déterminant. En effet, il ne suffit pas de comparer le salaire de deux travailleurs pour déterminer s'il y a abus. Les abus ne portent pas que sur les salaires minimaux. Il est donc nécessaire de disposer d'informations sur tous les employés pour se faire une réelle idée du marché de l'emploi et des distorsions qui peuvent le traverser. L'urgence de cette mise en oeuvre de l'observatoire du marché de l'emploi est évidente du point de vue des employés, mais aussi des patrons, car si ces derniers ne peuvent lutter efficacement contre la concurrence déloyale, ils seront également pénalisés sur le plan économique. Rappelons enfin que l'Etat contrôle actuellement l'ensemble des conditions de travail de la main-d'oeuvre étrangère mais que demain l'Etat ne contrôlera plus rien, si les instruments qu'autorisent les mesures d'accompagnement aux Accords bilatéraux ne sont pas mis en oeuvre.
Après avoir fait un important travail de réflexion et avoir auditionné l'ensemble des partenaires sociaux, par un concours de circonstances dû à la réunion simultanée de la Commission de grâce, la Commission de l'économie n'a pas pu entrer en matière sur le projet de loi 7817 et encore moins sur le rapport du Conseil d'Etat (dans les deux cas : 6 voix pour et 6 voix contre). C'est pourquoi le rapport de majorité, ainsi que le présent rapport de minorité, devront permettre aux uns et aux autres de se faire une idée très précise de l'important travail de la commission et surtout de l'aboutissement des travaux qui est résumé dans l'amendement général présenté ci-après.
Cet amendement général a été soumis à Me Jean-Bernard Waeber qui en a vérifié la conformité légale. Nous vous proposons de voter ce dernier en plénière ainsi que de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat et ce, dans le but de doter nos instances cantonales chargées de réguler le marché du travail d'un outil performant et, à plus long terme, de donner à notre canton les moyens nécessaires pour tenter d'éviter, si faire se peut, toute dérive xénophobe engendrée par d'éventuels écarts de salaires qui recouperaient le lieu d'origine de certaines catégories de la population immigrée ou résidente.
Au bénéfice de ces explications, la minorité de la commission formée des députés de l'Alliance de Gauche, des Socialistes et des Verts vous recommande d'adopter le projet de loi 7817 selon le texte modifié ci-dessous qui tient compte des observations formulées notamment par le professeur Aubert et le spécialiste du droit du travail Jean-Bernard Waeber.
Projet de loi (PL 7817)
instituant un observatoire de l'évolution du marché de l'emploi et encourageant les partenaires sociaux à conclure des conventions collectives ou à défaut à faire adopter des contrats-types de travail pour lutter contre la sous-enchère salariale
Article 1
La loi instituant un service des relations du travail (J 1 05), du 6 octobre 1943, est modifiée comme suit :
Art. 7 (nouveau)
1 Il est institué un Observatoire de l'évolution du marché de l'emploi qui est chargé de :
afin de permettre à la Chambre des relations collectives de travail d'établir des contrats-types de travail au sens des l'articles 359 et 360 du CO sur la base des salaires usuels des employés travaillant dans la branche, dans la profession ou dans le secteur concerné.
2 L'Observatoire de l'évolution du marché de l'emploi est composé de représentants de l'Etat, des partenaires sociaux, de l'Office cantonal de la statistique (OCSTA), de l'Observatoire universitaire de l'emploi dépendant du Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève ainsi que de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT).
3 Le Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement de cet observatoire par voie de règlement.
Article 2 Modifications à une autre loi
La loi concernant la Chambre des relations collectives de travail (J 1 15) du 29 avril 1999, est modifiée comme suit :
Art. 8A Instance suscitant la conclusion de conventions collectives de travail (nouveau)
1 La Chambre est compétente, sur requête d'une ou plusieurs associations de travailleurs ou d'employeurs intéressés, pour intervenir afin de favoriser la conclusion ou le renouvellement de conventions collectives de travail.
2 Elle peut à cette fin convoquer les parties concernées devant elle, pour être informée des difficultés rencontrées et leur proposer sa médiation en formulant des propositions ou une recommandation.
Art. 8B Instance d'adoption des contrats-types de travail (nouveau)
1 La Chambre a la compétence d'édicter des contrats-types de travail au sens des articles 359 et 360 CO, d'office ou sur requête d'une ou plusieurs associations de travailleurs ou d'employeurs, ou d'une association syndicale ou professionnelle faîtière, ou encore du Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME).
2 A cette fin, la Chambre fixe les conditions usuelles des salaires et de travail des métiers concernés, sur la base d'études statistiques des salaires usuels dans les secteurs, branches économiques et métiers, qualifiés ou non, effectuées par l'Observatoire de l'évolution du marché de l'emploi établi par la loi instituant un service des relations du travail du 6 octobre 1943.
3 La Chambre est également compétente pour édicter les contrats-types de travail au sens de l'article 360a CO sur requête de l'une des Commissions tripartites instituées sur la base de la Loi sur le service de l'emploi et la location de services (J205). Dans ces cas, la Chambre fixe une durée limitée aux contrats-types de travail et ces derniers ne portent que sur les salaires minimaux à respecter dans le canton. Constituent des dispositions concernant les salaires minimaux, les règles portant notamment sur :
Article 3 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le jour de sa promulgation, à l'exception de l'alinéa 3 de l'article 8B qui entrera en vigueur simultanément à la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement (loi sur les travailleurs détachés) du 8 octobre 1999.
Les 5 buts assignés à la Chambre des relations collectives de travail par l'art. 1 de la loi cantonale du 29 avril 1999 sont :
a) prévenir et concilier les différends d'ordre collectif ;
b) susciter la conclusion de conventions collectives de travail (CCT) ;
c) édicter des contrats-types de travail (CTT) ;
d) juger des litiges ;
e) trancher des différends collectifs en tant que Tribunal arbitral public.
Les points b) et c) ne font pas l'objet de développements dans la loi actuelle d'où la proposition d'introduire les articles 8A et 8B.
Rappelons que le Tribunal fédéral (TF) a reproché au canton de Genève dans un arrêt d'il y a quelques années relatif à la vente, de faire de l'extension déguisée de CCT. Ainsi l'art. 8 prévoit d'instaurer une structure de contrôle et de surveillance. L'Observatoire de l'évolution du marché de l'emploi sera chargé de fournir des données exactes sur l'évolution des salaires et permettra au Conseil de surveillance du marché de l'emploi de remplir pleinement son rôle ainsi qu'à la Chambre des relations collective de travail de trancher des questions qui lui seront soumises en connaissance de cause.
Il arrive que les partenaires sociaux engagent des négociations, et qu'à certains moments les pourparlers soient bloqués. L'article donne donc la compétence à la Chambre des relations collectives de travail d'intervenir sur requête d'une association d'employés ou d'employeurs. A signaler que la loi ne donne aucune précision à ce sujet et que cette mission de conciliation n'existe que dans des situations où il existe un danger pour l'ordre public.
Il est important de distinguer les CTT au sens des art. 359 et 360 CO des CTT que le canton pourra édicter lorsque les mesures d'accompagnement aux accords bilatéraux entreront en vigueur. L'art. 8B al. 3 contient une proposition détaillée des éléments que devra contenir un CTT au sens de l'art. 360a CO. Cette disposition est basées sur l'art. 48a de l'Ordonnance fédérale sur le service de l'emploi et la location de services du 16 janvier 1991 (RS 823.111) qui détaille les notions de salaire et de durée du travail. Il faut remarquer que la notion de salaire couvre un vaste éventail d'éléments (suppléments pour heures supplémentaires, remboursement de frais, salaires de vacances, jours fériés payés, gratification, primes, 13e salaire, etc.).
Enfin et de manière générale, il faut remarquer que le fait de ne pas pouvoir infliger des amendes ne signifie pas que l'Etat ne puisse pas instaurer un système de surveillance et de contrôle des conditions de travail. Il faut noter par ailleurs que les associations représentant les employeurs ou les travailleurs pourront faire constater par les tribunaux les violations des contrats-types au sens de l'art. 360a CO.
ANNEXE I
(LSE)
du 6 octobre 1989
Art. 20 Conventions collectives de travail avec déclaration d'extension
Lorsqu'une entreprise locataire de services est soumise à une convention collective de travail avec déclaration d'extension, le bailleur de services doit appliquer au travailleur celles des dispositions de la convention qui concernent le salaire et la durée du travail.
ANNEXE II
(Ordonnance sur le service de l'emploi, OSE)
du 16 janvier 1991
Art. 48a Dispositions concernant le salaire et la durée du travail
(art. 20 LSE)
1 Les dispositions concernant le salaire sont des dispositions régissant :
a. le salaire minimum, dans lequel ne doivent pas être incorporés d'éventuels frais; en l'absence de salaire minimum imposé, son montant ne peut être inférieur au salaire moyen dans l'entreprise ;
b. les suppléments pour heures supplémentaires, travail posté, travail à la tâche, travail de nuit, le dimanche et les jours fériés ;
c. la compensation des vacances prorata temporis ;
d. le 13e salaire prorata temporis ;
e. les jours fériés et les jours de repos payés ;
f. le salaire en cas d'empêchement du travailleur sans faute de sa part selon l'art. 324a du code des obligations (CO), notamment pour cause de maladie, accident, invalidité, service militaire, service de la protection civile, mariage, naissance, décès, déménagement, soins à un membre de la famille malade ;
g. la part des primes à l'assurance maladie (assurance pour perte de gain) selon l'art. 324a, al. 4, CO.
2 Les dispositions concernant la durée du travail sont des dispositions régissant:
a. le temps de travail normal ;
b. la semaine de cinq jours ;
c. les heures supplémentaires, le travail posté, le travail de nuit et le dimanche ;
d. les vacances, les jours de congé et les jours fériés ;
e. les absences ;
f. les temps de repos et les pauses ;
g. les temps de déplacement et d'attente.
Premier débat
M. Daniel Ducommun (R), rapporteur de majorité. Les auteurs du projet de loi - ils sont deux, dont M. Pagani que j'ai le plaisir d'avoir en face de moi - pourraient en fin de compte très bien faire partie du comité « Halte aux déficits ». Ils ont sûrement des préoccupations légitimes, en l'occurrence, Monsieur Pagani : lutter contre la sous-enchère salariale. Ce sont des préoccupations légitimes, mais lorsqu'il s'agit d'arriver à la formulation et de traduire cela sous forme d'un acte législatif, on n'arrive plus à trouver la bonne solution. Tout ceci n'est pas adéquat. Prier l'Etat d'intervenir dans les négociations entre partenaires sociaux n'est bien évidemment pas acceptable. Enfin, ce projet de loi, déposé début 1998, apparaît aujourd'hui totalement démodé. Tous les groupes l'ont reconnu, même M. Pagani ! De nouvelles normes ont été mises en place, dont la Chambre des relations collectives de travail composée de juges prud'hommes élus par le Grand Conseil, ainsi que le Conseil de surveillance du marché de l'emploi qui établit les mesures de suivi et d'accompagnement.
Les inquiétudes du rapporteur de minorité devraient ainsi être assainies. Eh bien non ! M. Pagani s'est acharné en commission à vouloir légiférer et, à chaque séance, à présenter un nouvel amendement général annulant le précédent. Comme nous étions très patients, nous avons consulté des juristes, qui ont à chaque fois relevé la non-compatibilité des projets avec, notamment, le droit fédéral. Une idée toutefois, c'est vrai, s'est avérée digne d'intérêt : préciser la mission de l'observatoire de l'évolution du marché de l'emploi. Il fallait effectivement développer cette idée-là.
Nous avons proposé aux auteurs de retirer le projet de loi 7817 et de représenter un nouveau projet conforme au droit et ne violant plus la liberté du commerce et de l'industrie, respectivement la liberté contractuelle. M. Pagani, qui, comme à l'accoutumée, n'a rien voulu savoir, s'est accroché à l'idée de faire passer ses amendements contestés, ce qui a entraîné une majorité de circonstance à voter la non-entrée en matière. On en a eu assez, après toutes ces séances consacrées au projet de loi 7817 ! Je précise que le dernier des divers amendements généraux présentés par M. Pagani, qui figure en page 66 du rapport de minorité, n'a jamais été étudié, ni formellement voté. Il n'y a eu aucune audition à ce sujet. Nous le découvrons ensemble ce soir, Mesdames et Messieurs ! (L'orateur est interpellé.) Le dernier... Oui, Monsieur ! On en a eu trois. Celui-là, nous ne l'avons pas encore vu !
J'aimerais rassurer à cet égard la CGAS, la Communauté genevoise d'action syndicale, qui, tout comme moi, s'inquiète et se demande comment l'on peut parler d'un amendement général dont elle n'a pas eu connaissance, qu'elle conteste et à propos duquel elle voudrait venir parler. Je rassure donc la CGAS. On en parlera, bien sûr, puisqu'il ne figure finalement pas à l'ordre du jour de ce soir. En effet, nous parlons ce soir du projet de loi 7817.
Je ne vais pas aller beaucoup plus loin, Mesdames et Messieurs, mais le juriste du département de l'économie s'est tout de même penché sur cet amendement général et a rédigé six pages de commentaires, contestant la plupart des articles proposés. Il faut donc effectivement le reprendre, Monsieur Pagani ! Par ailleurs, certains socialistes viennent de déposer un projet de loi instituant une nouvelle surveillance du marché de l'emploi. C'est le projet de loi 8512 annoncé tout à l'heure. Logiquement, il faudrait que les auteurs du PL 7817 retirent leur projet et que l'on dépose un nouveau projet. Mais je ne crois pas que j'arriverai à convaincre M. Pagani ce soir. Par gain de paix et pour que l'on aille plus vite dans nos débats, je propose à cette assemblée de renvoyer le projet de loi 7817 à la commission de l'économie, où l'on pourrait rassembler tout cela pour essayer d'y trouver une certaine cohérence.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Quel flot de choses négatives par rapport à ce projet ! J'aimerais juste revenir sur le fond, parce que je pourrai en définitive répondre directement à M. Ducommun sur les détails. Le projet de loi que nous avons déposé, ainsi que le dernier amendement général, est le fruit d'une réflexion de la commission. Parce que nous étions un de moins, le débat a malheureusement été refusé par la droite, non pas sur le fond de cette affaire, mais de manière tout à fait circonstancielle. En effet, tout le monde s'accordait sur le fond pour dire qu'il fallait entrer en matière sur ce projet de loi.
J'en viens maintenant au fond. Ce projet de loi a pour objectif d'instituer un observatoire du marché de l'emploi. Je vous signale que le Tribunal fédéral a remis à l'ordre à plusieurs reprises le canton de Genève, parce qu'il établissait des contrats-types de travail sans aucune base de recherche scientifique, notamment statistique. Avec cet observatoire de l'évolution du marché de l'emploi, on inscrirait dans la loi le fait que l'on ne peut pas décider simplement, sur la base de la simple appréciation d'un juge, aussi professionnel soit-il, que le salaire dans l'agriculture s'élève à 2 700 F par mois par exemple, ou à 3 000 F comme cela a été heureusement décidé il y a un mois. Il faut que ce genre de décision se fonde au moins sur une pratique réelle, sur une étude statistique qui permette de déterminer le salaire usuel dans la profession. Je vous rappelle que le canton de Genève a introduit voici plusieurs années la notion de salaire usuel, qui n'est fondée sur rien, si ce n'est sur des conventions collectives, là où elles existent, ou des contrats-types, là où ils sont imposés, notamment dans l'agriculture ou dans l'économie domestique, mais sur rien de plus ou moins scientifique, si ce n'est les coutumes et les usages.
Ce projet de loi, que nous avons déposé en 1998, avait pour fondement cette originalité-là. Il avait aussi pour objectif de donner les moyens à la Chambre des relations collectives de travail de s'appuyer sur l'observatoire de l'évolution du marché du travail pour élaborer des contrats-types suivant les normes usuelles dans le canton, de se saisir elle-même de l'élaboration de ces contrats-types là où il le faut, d'être sollicitée par des organisations représentatives pour établir ces contrats-types, sur la base d'études statistiques fiables et pas simplement sur la base des desiderata des uns et des autres, bien évidemment sans nier les nécessités de négociation là où il y a des organisations représentatives dans les secteurs importants. Je rappelle que le plus gros secteur, qui n'a aujourd'hui aucune représentation, comprend les secrétaires et le personnel administratif lié à cette profession. Il est aujourd'hui vital, je le répète, il est vital de mettre sur pied un contrat-type pour cette profession. Demain, lorsque les bilatérales entreront en vigueur, si elles sont un jour mises sur pied, il faudra que la Chambre des relations collectives de travail soit rodée pour faire appliquer, si faire se peut, des normes dans cette profession. Je rappelle également que les bilatérales permettront à des employeurs d'importer des secrétaires, y compris d'Angleterre, de les faire résider en France voisine et bien évidemment de les sous-payer. C'est tout à fait plausible. Il s'agira alors de mettre sur pied des structures, notamment des contrats-types, qui permettent de lutter contre le dumping salarial.
On nous dit maintenant que le projet de loi présenté ne correspond plus à la réalité. Ce n'est pas vrai. Il correspond à la réalité, à tel point, comme l'a dit M. Ducommun, que le parti socialiste vient aujourd'hui même de déposer un projet de loi. Je m'en étonne d'ailleurs, car ledit projet de loi est quasiment identique au projet de loi que j'ai proposé. Reprendre les idées des autres et formuler un nouvel article, cela s'appelle de l'escroquerie intellectuelle, ce d'autant que les tricheurs, je pèse mes mots, qui ont repris ce projet de loi l'ont fait tellement bêtement qu'ils se sont trompés à la fin. Au lieu de faire figurer ce qui nous avait été conseillé par le juriste du département, c'est-à-dire l'ordonnance sur le service de l'emploi et de l'allocation de service, telle que la norme fédérale le prévoit, ils ont repris l'un des éléments critiqués au sein de la commission, jugé inefficace, à savoir les directives du département, et non pas l'ordonnance fédérale. Je m'étonne que Mme Sayegh, fine juriste, ait pu prêter sa plume à ce genre d'exploit intellectuel. J'attends des explications. En tout cas, si l'on voulait nous couper l'herbe sous les pieds, le procédé n'est pas très bon. Ses auteurs auraient au moins pu prendre langue avec nous et avoir la délicatesse de nous signaler cette procédure un peu abjecte !
Présidence de Mme Elisabeth Reusse-Decrey, présidente
M. Charles Beer (S). Au départ, je souhaitais limiter mon intervention au renvoi en commission, comme il est d'usage, vu que le rapporteur de majorité en a fait la demande. Sur ce point, j'aimerais d'abord m'expliquer clairement en disant que le groupe socialiste non seulement appuie, mais demande le renvoi en commission, tant il est vrai que les majorités hasardeuses d'une commission ne traduisent pas forcément la réalité de ce parlement. Nous avons le choix, lorsque nous sommes placés devant de telles circonstances, entre le renvoi en commission et le débat en plénière. Comme le débat en plénière sur un amendement général nous paraît totalement abracadabrant, pour ne pas dire destructeur de la qualité de nos travaux, nous avons estimé qu'il fallait défendre le renvoi en commission.
Deuxième élément par rapport à la motivation du groupe socialiste : le projet de loi 8512 que vous avez sous les yeux vise uniquement l'hypothèse de travail selon laquelle le renvoi en commission serait refusé, de manière à pouvoir effectivement rediscuter les points abordés sous l'angle de l'amendement général. Voilà l'intervention, relativement brève, que je souhaitais faire au début pour appuyer le renvoi en commission.
Maintenant, les paroles du rapporteur de minorité m'amènent quand même à donner deux précisions. Première précision. Lorsque vous parlez d'escroquerie intellectuelle, Monsieur Pagani, parce que le groupe socialiste se serait approprié le travail d'autrui, je tiens à dire que c'est votre rapport de minorité qui accapare l'amendement général rédigé par Me Waeber à la demande de la commission, ce que vous n'avez jamais précisé, mais ce que le rapporteur de majorité a pris la peine d'indiquer. Autre précision, puisque l'on est dans le domaine de l'escroquerie intellectuelle : si nous avons un amendement général proposé par Me Waeber, c'est parce que le groupe socialiste en a fait la demande, ou plutôt a demandé son audition, tant il est vrai que vous-même, vous vous étiez contenté de demander l'audition de Me Aubert, particulièrement ami des conventions collectives de travail, comme tout le monde le sait, sauf vous, autour de la table... A partir de là, nous avons demandé l'audition de Me Waeber. Nous l'avons auditionné deux fois. La seconde fois, nous avons reçu un amendement général, un amendement général de qualité, qui mérite d'être repris, quelle que soit l'issue des présents travaux par rapport au renvoi en commission.
Je tenais quand même à préciser les choses de façon extrêmement claire. L'amendement général appartient à Me Waeber. Nous défendons très clairement le fait qu'il en est l'auteur et personne ne saurait se l'accaparer ou détenir le monopole de sa propriété, vu que cet amendement général a été rédigé à la demande de la commission, tant il est vrai que l'imprécision de M. Pagani aura animé les travaux de la commission en la matière!
Je me serais privé de cet exercice de polémique interne à notre Alternative si M. Pagani n'avait pas lui-même allumé les feux en parlant d'escroquerie intellectuelle.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je serai très brève pour dire simplement que le groupe démocrate-chrétien se rallie à la proposition de renvoyer ce projet, ainsi que le projet socialiste, en commission de l'économie.
Par rapport au projet Pagani, si l'on peut l'appeler ainsi, je dois dire que notre religion est faite. La commission a travaillé durant de nombreuses séances. Elle a pu se rendre compte que ce projet de loi était dépassé, qu'il n'était pas conforme à la réalité et pas non plus conforme au droit fédéral. Je trouve d'ailleurs assez cocasse d'entendre M. Pagani, auteur d'un projet de loi qui ne tient absolument pas la route du point de vue juridique, donner des leçons de juridisme à Mme Sayegh ! Quant à la majorité hasardeuse évoquée par M. Charles Beer, je rappellerai que cette majorité n'est plus si hasardeuse que cela en commission puisque l'Entente se retrouve souvent majoritaire en raison de l'absence de députés de la gauche. Cette pratique a notamment amené à un vote sur un projet concernant la 7e hétérogène, vote qui a conduit à un référendum que vous avez perdu ! Cela aurait dû vous servir de leçon et je vous engage à être présents la prochaine fois en commission !
M. Gilles Desplanches (L). Je ne polémiquerai pas plus sur le projet de loi de M. Pagani. Je tiens simplement à dire qu'il s'agit, pour nous, d'un mauvais projet, notamment en raison du travail effectué. On s'aperçoit que nos travaux de députés prennent énormément de temps, tout simplement parce que les projets de certains ne sont pas aboutis. Comme ils ne sont pas aboutis, la commission est saisie d'un premier amendement, d'un deuxième amendement, on y passe beaucoup de temps et finalement les mêmes personnes s'inquiètent en se demandant pourquoi la commission de l'économie n'avance pas. Vous en êtes, Monsieur Pagani, l'un des principaux responsables !
La présidente. Monsieur Pagani, sur le renvoi en commission s'il vous plaît !
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Madame la présidente, une première chose. Il y a un petit problème concernant le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1341. Je propose que l'on en prenne acte. Il concerne les accords bilatéraux et les conventions collectives et nous n'avons effectivement pas à le renvoyer en commission.
Ceci étant, je trouve un petit peu fort de café que l'on nous reproche notre lenteur, alors que la commission de l'économie est saisie de ce projet de loi depuis 1998. 1998, Mesdames et Messieurs ! Pour ma part, cela fait neuf mois que je siège à la commission de l'économie. Je crois donc que certaines personnes devraient s'abstenir de faire ce genre de critique, notamment lorsqu'elles sont président ou présidente de la commission de l'économie !
Je trouve aussi M. Beer un peu...
M. Charles Beer. Caustique !
M. Rémy Pagani, rapporteur de minorité. Non, même pas caustique : il aligne la réalité comme des noix sur un bâton... Pour ma part, je n'ai pas à me justifier. Nous avons déposé ce projet de loi, dont je rappelle le titre : « Invitant les partenaires sociaux à conclure des conventions collectives dans tous les secteurs économiques du canton de Genève et le cas échéant imposant des contrats-types de travail ». L'idée est de faire en sorte que les contrats-types de travail ne soient pas soumis aux aléas et à l'opportunité des appréciations des juges, mais soient soumis à une base statistique, cette idée figure donc dans ce projet de loi. Je vois ainsi mal comment Me Waeber se serait autosaisi de cette idée. C'est une idée de l'Alliance de gauche que de faire en sorte que les conventions collectives et les contrats-types de travail maillent, si j'ose dire, l'ensemble des rapports sociaux et économiques de notre canton, pour éviter le dumping salarial. Je revendique cette idée-là ! Je trouve un peu fort de la part de M. Beer de nous reprendre tout d'un coup, de nous voler cette idée... (Exclamations.) Il aurait au moins pu en faire part aux auteurs, ce d'autant que l'intitulé du projet de loi 8512 parle d'instituer une nouvelle surveillance du marché de l'emploi, alors que la commission, ou en tout cas l'Alliance de gauche ne s'est jamais prononcée sur la nécessité d'une nouvelle instance qui serait intitulée « nouvelle surveillance du marché de l'emploi ». Nous revendiquons donc l'ensemble de cette problématique. Nous nous battons d'ailleurs depuis 1998, cela a été l'un des sujets du programme électoral que nous avons présenté et que nous représenterons.
Nous sommes bien évidemment d'accord avec le renvoi en commission de l'économie, puisque l'on ne peut pas faire autrement.
PL 7817
La présidente. Je mets tout d'abord aux voix la proposition de renvoi en commission du projet de loi 7817.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission de l'économie est adoptée.
M 1341
La présidente. Je vous propose de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat, de manière à ce que cette motion ne soit pas renvoyée en commission.
M. Charles Beer (S). J'aimerais juste, à propos de la motion...
La présidente. Vous voulez intervenir sur la motion ?
M. Charles Beer. Oui, uniquement, ce sera très bref ! J'aimerais juste remercier l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, qui nous a fourni une analyse exhaustive des conventions collectives de travail, des failles au niveau des champs d'application, tant en ce qui concerne les dispositions de fond qu'en ce qui concerne la couverture des personnes. Comme ce travail a été fait en un temps record, je crois que cette analyse exhaustive, menée à la demande de la commission, méritait ces remerciements.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.