République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 mai 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 8e session - 27e séance
P 1327-A
La Commission des pétitions a traité cet objet lors de trois séances, les 4 et 18 décembre 2000 et le 8 janvier 2001, sous la présidence de M. Hubert Dethurens. Mme Pauline Schaefer a pris les notes de séance avec sa compétence habituelle, qu'elle en soit vivement remerciée.
M. Deneys précise que l'ASPIC n'a pas voulu présenter une liste exhaustive des lieux dangereux pour les cyclistes. Qu'il suffise de savoir que, suite à un questionnaire envoyé cet été aux usagers, on a pu dresser une énumération tenant sur dix pages à ce sujet. M. Deneys rapporte, pour information, que ce sondage a suscité 170 réponses.
Ce soir, enchaîne M. Deneys, l'ASPIC a choisi de présenter ses réclamations en trois points jugés essentiels.
Tout un chacun s'accorde à dire que le vélo constitue un moyen tout à fait adapté au milieu urbain. Il ne prend que peu de place, ne pollue pas et est bon pour la santé. Dans ce contexte, il est donc parfaitement bienvenu de construire des aménagements qui répondent aux besoins des cyclistes. Or, le problème réside dans le fait qu'ils ne sont malheureusement pas respectés par les autres usagers.
Premièrement, M. Deneys évoque la continuité des itinéraires. Quand bien même les demandes de réalisation d'aménagements sont à la charge des communes, il n'empêche que l'Office des transports et de la circulation (OTC) doit y apporter sa bénédiction. Pour M. Deneys, il est donc important que l'OTC soit particulièrement attentif à la continuité des itinéraires et que ceux-ci soient protégés sur l'intégralité du parcours.
Deuxièmement, M. Deneys explique que l'ASPIC milite en faveur d'une généralisation des mesures d'apaisement du trafic. Quand on quitte la Ville de Genève, explique le pétitionnaire, et aux endroits où il n'y a aucun aménagement cyclable, les vélos sont censés rouler sur la chaussée. Or, comme les automobilistes roulent trop vite, ils en sont réduits à circuler sur le trottoir. C'est la raison pour laquelle M. Deneys préconise de faire diminuer la vitesse des conducteurs sur les grands axes en dehors de la Ville et de faire en sorte que le flux automobile soit contrôlé.
Troisièmement, M. Deneys en vient aux mesures de police qui sont de la compétence du canton. A cet égard, l'enquête de satisfaction montre à quel point les cyclistes sont choqués du manque d'action de la police envers les infractions commises par les automobilistes qui roulent sur les pistes et bandes cyclables. En effet, 46 % des usagers jugent la situation très problématique et 27 % la considèrent comme problématique. Sur la question des bandes cyclables occupées par les voitures parquées, le 93 % de la population interrogée estime que la situation est problématique, voire très problématique.
M. Deneys rapporte qu'en ville, la police devrait intervenir lorsque les bandes cyclables sont squattées par les automobilistes, mais il apparaît qu'elle ne remplit pas sa mission. Lorsque les voitures stationnent sur les aménagements destinés au vélo, précise M. Deneys, les cyclistes sont contraints de se déporter sur la chaussée. Dans les cas où lesdits aménagements vont à contresens de la circulation automobile, quid de la responsabilité en cas d'accident ? Sur ce point, M. Deneys révèle que l'ASPIC a mené un sondage téléphonique auprès de la gendarmerie, en lui signalant les occupations illicites des bandes cyclables. Il appert que ses réactions sont pour le moins légères et qu'elle n'adopte aucune mesure répressive à l'endroit des contrevenants. De plus, la brigade du trafic n'intervient jamais avant 08 h 00 du matin. Force est de constater, dans ces conditions, que ce problème est jugé secondaire et qu'on accepte implicitement que les automobilistes se garent sur les bandes cyclables. Il est donc urgent de prendre des mesures strictes, quitte à aller jusqu'à l'enlèvement des véhicules parqués illicitement. M. Deneys estime qu'il n'est pas suffisant de prévoir des patrouilles et de verbaliser les contrevenants. Au surplus, l'ASPIC souhaiterait que la brigade du trafic soit active 24h sur 24.
En sus, enchaîne M. Deneys, on sait que les deux-roues à moteur empruntent souvent les pistes cyclables pour remonter les files de voitures. Certes, concède cet intervenant, cette habitude n'est pas catastrophique, mais elle peut néanmoins mettre les cyclistes en difficulté.
M. Schaub indique que le TCS. Dans ce contexte, il reconnaît que le développement du réseau cycliste se déploie en adéquation avec chacun des autres modes de transport. M. Schaub affirme, en outre, que les cyclistes sont des partenaires au même titre que les piétons dans les déplacements.
Au plan de la dangerosité, M. Schaub reconnaît que le vélo constitue un mode de transport vulnérable. C'est la raison pour laquelle on cherche à construire des aménagements qui permettent d'éloigner les cyclistes au maximum du trafic. Au titre d'illustration, il évoque les rues résidentielles avec passage alternatif. A un moment donné, c'est la sécurité qui l'emporte sur les comportements des cyclistes.
Toutefois, un certain nombre de pistes et de bandes cyclables ne sont pas indispensables, l'expérience montrant que les cyclistes ne les utilisent que rarement. Pour illustrer ses propos, M. Schaub cite le boulevard Helvétique et déclare que le TCS n'aime pas trop ce style d'aménagement. Alors que cet axe ne constitue pas une priorité pour les cyclistes, le travail d'aménagement à cet endroit a été relativement lourd. Il s'agit de raisonner en termes de priorité ; par exemple, s'il est admis que la piste cyclable de la route de Chancy est particulièrement réussie, son taux de fréquentation n'est pas très élevé.
Poursuivant avec l'exemple de la rue des Deux-Ponts, M Schaub juge impératif de se doter d'un aménagement cyclable qui tienne la route et sépare clairement les voitures des vélos. Et d'en profiter pour signaler que la continuité de la piste cyclable qui arrive à la Jonction depuis l'Ecole de commerce n'est pas garantie : sur ce point, M. Schaub affirme qu'il rejoint la préoccupation des pétitionnaires lorsqu'ils revendiquent la continuité dans les aménagements.
L'auditionné juge toutefois utile de préciser que le TCS n'incite pas à la création d'aménagements cyclables lorsqu'elle intervient au détriment d'autres modes de transport.
Cela étant, et s'appuyant sur la formule adoptée rue de Lausanne, M. Schaub souligne que le TCS n'est pas extrémiste dans sa vision des choses. Lorsque les circonstances l'exigent, affirme-t-il, on se rallie même à l'idée de réduire l'espace de circulation automobile !
En ce qui concerne la prévention et l'information, M. Schaub voyait surtout l'utilité d'éduquer les cyclistes à adopter un comportement qui ne gêne pas les automobilistes. Cependant, confronté à la dernière invite de la pétition :
« - de prévoir chaque année, au printemps, une campagne d'information pour sensibiliser les automobilistes et motocyclistes au danger qu'ils peuvent représenter pour les cyclistes » il admet qu'il trouve l'idée judicieuse que « d'informer les automobilistes et les motocyclistes des comportements des cyclistes ». Non sans insister, à cet égard, pour rappeler que la sensibilisation doit s'effectuer dans les deux sens. M. Schaub - qui en a parlé à son président - entrevoit parfaitement que le TCS apporte son concours à ce type de campagne, soit via les cours qu'il organise, soit au moyen de panneaux d'affichage, soit encore par le truchement de sa revue. A cela s'ajouterait encore une information divulguée par Internet, sachant que le TCS est en train d'élaborer son propre site.
M. Eggler signale qu'il va donner les grandes lignes du programme quadriennal du Département. Comme il a été élaboré en 1998, dans une période économique difficile, M. Eggler souligne que ses ambitions restent relativement modestes. Au total, résume l'intervenant, le montant des investissements pour la période visée se monte à 10 millions F.
M. Eggler fait allusion, au surplus, à un crédit de construction de 6 millions, réclamé au Grand Conseil et finalement voté en 1999. Il précise que le solde a été pris sur le budget ordinaire du DAEL.
Le document dont M. Eggler parle développe les aménagements que l'on prévoit de réaliser. A cet égard, l'intervenant se réjouit de constater que le puzzle se complète petit à petit. En définitive, le programme quadriennal s'entend comme un complément à ce qui existe déjà.
Au chapitre des critères, M. Eggler précise que l'accessibilité aux établissements scolaires pour sécuriser le trajet des jeunes constitue un élément prioritaire. Dans ce contexte, on cherche à équiper au mieux les axes les plus fréquentés. Il est clair que des artères telles que la route de Vernier ou de Malagnou et Florissant posent plus de problèmes que les chemins de campagne. Si ces derniers sont plus faciles à équiper, M. Eggler note qu'ils sont néanmoins moins empruntés que les axes principaux. Fort de ce constat, l'ingénieur cantonal expose qu'un des critères en vigueur consiste donc à se concentrer sur les grands axes.
En deuxième lieu, M. Eggler articule le principe de faisabilité. Et de souligner que, pour ce qui a trait à l'acquisition des terrains nécessaires à l'élaboration des aménagements cyclables, les transactions peuvent parfois durer des années. Le Département cible au premier chef les aménagements dont il est certain qu'ils vont pouvoir se réaliser, ainsi que les artères dont on sait qu'elles sont amenées à subir des réfections ou des modifications non négligeables.
Il évoque ensuite le souci d'assurer une liaison entre les aménagements déjà existants.
Les députés demandent si, en matière d'aménagements cyclables, le Département estime qu'il arrive maintenant à un équilibre ou s'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
M. Eggler répond que cela dépend du chef du Département. Et de faire remarquer que le plan existant a été mis en route par M. Laurent Moutinot. Sous la houlette de M. Christian Grobet, M. Eggler rapporte que les plans quinquennaux se sont succédé à une cadence soutenue. Ensuite de quoi, on a observé une petite interruption… L'intervenant explique que, sous M. Moutinot, il a été rapidement requis d'élaborer un programme en matière d'aménagements cyclables, crédits à l'appui, ce qui a été fait. Certes, insiste M. Eggler, ledit programme est moins épais que les précédents. La raison en est qu'il a été mis sur pied très rapidement, afin de pouvoir le réaliser dans les meilleurs délais. En d'autres termes, M. Eggler signale que le DAEL pense que ce qui prévaut aujourd'hui est le minimum que l'on puisse faire. Il n'est toutefois pas inutile de rappeler que le fameux programme a été élaboré dans un contexte difficile.
En ce qui concerne l'entretien, l'ingénieur cantonal relève que le DAEL a reçu passablement de doléances de la part des cyclistes. Ses services ont donc établi un programme systématique concernant l'entretien. Le programme de déneigement est le plus élaboré. A cet égard, force est d'admettre que la priorité allait d'abord au passage des voitures et des transports publics, si bien que la situation des deux-roues n'était pas enviable. Pour cette raison, enchaîne M. Eggler, le Département a initié un programme ad hoc dès l'année passée.
La discussion au sujet de cette pétition fut courte, la préoccupation principale des commissaires rejoignant, bien entendu, celle des pétitionnaires, à savoir d'assurer au maximum la sécurité des cyclistes. Mais à quel prix ? C'est là que réside, comme à l'accoutumée, la divergence.
En résumé, on peut dire que nul ne s'est opposé à la nécessité de développer le réseau d'itinéraires cyclables, d'améliorer l'entretien, et de prévoir des campagnes d'information et de sensibilisation.
Par contre, sans que cela constitue une surprise, certains ont joint leur réticence à celle de l'envoyé du TCS en ce qui concerne les limitations de vitesse des automobilistes et la sanction de leurs abus en matière de parcage sur les bandes cyclables, alors que d'autres soutenaient ces mesures.
Il faut cependant relever, et cela est important, que nul n'a refusé le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
La commission vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, par 7 voix pour (2 AdG, 3 S, 2 Ve) et 6 abstentions (1 DC, 2 R, 3 L) de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Pétition(1327)
pour la sécurité des cyclistes à Genève
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Favoriser les déplacements à pied, à vélo et en transports publics est à l'heure actuelle indispensable, les normes prescrites par les ordonnances OPAir et OPB n'étant toujours pas respectées. A cet égard, la Ville de Genève est exemplaire, qui veut faire se déplacer ses fonctionnaires à vélo. Je vous rappelle qu'une étude récente de l'EPFL montre que les ambitions du futur plan directeur en matière d'aménagement mettent en danger les plans de mesures visant à un assainissement en matière d'air et de bruit. Si l'on incite donc les gens à se déplacer à vélo, cela implique que l'on doit impérativement protéger ces usagers plus vulnérables que sont les cyclistes sur les chaussées. Aussi ne pouvons-nous qu'abonder dans le sens des pétitionnaires. Il est d'ailleurs significatif que le Touring, lui aussi auditionné, bien qu'un peu plus restrictif, rejoigne leurs préoccupations. Etre attentif à la continuité des itinéraires cyclables, généraliser des mesures d'apaisement du trafic, notamment dès que l'on quitte le territoire de la Ville, là où le cycliste est mêlé à un trafic rapide sans aménagement qui le protège, appliquer effectivement des mesures de police qui sanctionnent les infractions commises par les automobilistes qui roulent ou parquent sur les bandes cyclables, voilà de légitimes revendications que notre fraction rejoint. C'est pourquoi, comme la majorité de la commission, nous vous demandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.