République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 mars 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 6e session - 13e séance
P 1321-A
La Commission des pétitions a traité ce sujet au cours de deux séances, les 13 et 27 novembre 2000, sous les présidences successives de Mme Louïza Motta et de M. Hubert Dethurens. Mme Pauline Schaeffer a pris, comme d'habitude, d'excellentes notes de séance, la rapporteure l'en remercie.
M. Schweri, président du conseil de gestion de la Maison de quartier de la Jonction, évoque la 21e Parade du Père Fouettard qui a eu lieu le 3 décembre 1999. Comme le stipule la pétition, la Maison de quartier a reçu une facture de 677,25 F des TPG, pour la raison que cette manifestation avait provoqué du retard dans les horaires des bus. A réception, M. Schweri rapporte que l'on est tombé de haut, ce d'autant plus que, lors des séances de préparation, on notait la présence de représentants des TPG ! Au cours de ces débats, il n'a jamais été question de ce changement de régime, motive M. Schweri. La police a délivré une autorisation sans mentionner le problème.
A titre d'explication, M. Schweri signale que les TPG ont révélé que la nouvelle facturation en matière de retard sur les lignes de bus provient du contrat de prestations que la régie publique a passé avec l'Etat. Pourtant, argumente M. Schweri, la Maison de quartier a organisé des parades alors que les TPG étaient déjà au bénéfice de ce type de contrat, sans qu'ils en facturent alors les inconvénients.
M. Schweri ajoute que le contrat de prestations des TPG tient déjà compte de ces facturations en matière de retards pour ce qui a trait aux grandes fêtes. L'Etat inclut une certaine somme pour ce type de dépenses dans ses subventions. A cet égard, l'intervenant relève que la Parade du Père Fouettard est également annuelle.
Dans la charte cantonale liant tous les centres de loisirs du canton, est stipulé que le rôle de ces derniers consiste à entretenir la convivialité, lutter contre l'exclusion, permettre l'expression des minorités, favoriser la création de liens sociaux, et ainsi de suite. A ses yeux, la Parade du Père Fouettard, mais aussi d'autres événements organisés par la Maison de la Jonction, s'inscrit parfaitement dans cette vision politique des maisons de quartier. Or, il se trouve que M. Schweri et ses collègues se voient entravés dans leur mission par une administration.
Au surplus, la Maison de quartier de la Jonction est subventionnée par la Ville de Genève. Si elle doit payer des amendes aux TPG, il s'agit dès lors d'un transfert de charges, ce qui pose un problème.
Dans l'intervalle, la Maison de quartier de la Jonction a reçu une bonne nouvelle, soit l'annulation de la fameuse amende. Si nous nous réjouissons de cette issue, ajoute-t-il, nous n'en constatons pas moins que le problème n'est que reporté. Ainsi, le 1er décembre 2000, la 22e Parade du Père Fouettard va-t-elle défiler dans les rues du quartier de la Jonction. On sait, par conséquent, que certaines lignes de bus vont subir des retards, notamment le No 1 et la ligne 32. M. Schweri signale d'ores et déjà que la Maison de quartier ne s'acquittera pas de cette future amende, et ce au vu des mêmes arguments qu'il a développés ci-dessus.
Un commissaire se demande s'il ne serait pas possible de prévoir un service d'ordre pendant la Parade.
M. Orelli, animateur, fait savoir que la Maison de quartier de la Jonction s'était effectivement interrogée à ce propos l'an passé. Le boulevard Carl-Vogt présente la particularité d'avoir beaucoup de voitures en double position, ce qui ne facilite pas les choses. En sus, M. Orelli explique que la moitié du cortège est composée d'enfants et se déroule aux flambeaux. Dans ces conditions, il apparaît difficile de resserrer la marche sur une seule voie. Entre Baud-Bovy et Ecole-de-Medecine, le parcours présenterait trop de danger, si bien que l'idée n'a pas été retenue.
Entre-temps, précise M. Schweri, on a appris que l'ASPIC avait aussi subi les mêmes désagréments que la Parade.
M. Vedovati laisse entendre que la Maison de la Jonction aurait les moyens de payer les 677,25 F et pourrait intégrer ce type de dépenses dans son budget, mais elle n'est pas forcément d'accord sur le principe. Pour lui, cette question renvoie aussi aux associations de moindre importance dont les budgets sont plus ténus. Si la Jonction peut continuer à organiser des fêtes, il n'en ira pas de même pour ses consoeurs de plus petite taille. La revendication des TPG remet en cause un principe général de droit, affirme M. Vedovati.
En préambule, M. Bourion confirme l'annulation de la facture de 677,25 F, adressée par les TPG à la Maison de quartier de la Jonction, pour retard causé par la 21e Parade du Père Fouettard. Ce problème est donc réglé.
M. Bourion explique ensuite qu'avant la conclusion du contrat de prestations entre les TPG et l'Etat, ce dernier prenait en charge les coûts dus aux retards causés par des manifestations sur la voie publique. Or, depuis la conclusion dudit contrat, l'Etat demande aux TPG de répercuter ce type de frais sur les organisations qui sont à l'origine des perturbations.
Celles-ci peuvent être de deux ordres. Premièrement, il peut s'agir d'animations qui risquent d'interrompre la circulation. Dans ce contexte, les TPG doivent mettre sur pied un service qui contourne la manifestation. Sa conception et sa mise en place ont un coût et il est facturé.
En second lieu, et parfois sans être le résultat de manifestations, les usagers peuvent souffrir de perturbations sur des lignes de bus non modifiées. Or, tout client est habilité à réclamer le remboursement de son titre de transport dès que le retard dépasse cinq minutes. (Il n'est pas en mesure de préciser combien d'usagers ont réclamé ce remboursement cette année.) Pour éviter ces perturbations aux usagers, les TPG doivent prendre diverses mesures. La mise en place d'un service parallèle n'est pas toujours possible, ou coûte très cher.
M. Bourion précise que cette nouvelle politique de répercussion des frais a fait l'objet d'une réunion et d'un acte pris par le Département de justice et police au début de l'année 2000. Depuis lors, toutes les décisions d'autorisation de manifestations prises par le département portent la mention explicite que les coûts engendrés aux TPG seront désormais facturés aux organisateurs.
Etant donné que la mise en place de cette politique est relativement récente, les TPG ont décidé de faire preuve de mansuétude à l'égard des organisateurs pour cette première année. Les TPG estiment, en effet, qu'il faut leur permettre de s'habituer à ce nouveau système.
En outre, ses responsables entendent surtout mettre l'accent sur l'impact pédagogique d'une telle mesure. Il apparaît raisonnable que ceux qui bloquent la circulation ou perturbent le trafic sachent que leurs agissements ont des répercussions sur le réseau des transports publics et un coût qu'il leur incombe d'assumer.
Une commissaire voudrait des précisions quant au nombre de factures que les TPG ont annulées cette année.
M. Bourion ne peut lui répondre de manière précise. Il souligne néanmoins que les factures à de petites organisations sont modestes et ne dépassent pas les 1'000 ou 2'000 F. Certaines autres, par contre, entraînent des retards plus importants. Ainsi, la manifestation spontanée des cyclistes sur la voie publique en date du 31 mars 2000 a causé des retards allant jusqu'à 45 minutes sur 16 lignes de bus et a causé un préjudice de 6'800 F aux TPG. Il apparaît logique, selon lui, que les perturbateurs paient la facture.
Une commissaire demande si les TPG n'ont pas repris contact avec la Maison de la Jonction, ce d'autant qu'il s'agit d'une manifestation régulière et que la Parade a lieu dans quelques jours.
M. Segard avoue que les TPG se retrouvent face au même problème avec le Père Fouettard pour cette année.. Les TPG ont écrit à la Jonction pour lui proposer un parcours dont les coûts seraient moindres et où il s'agissait de déplacer le cheminement d'une cinquantaine de mètres, plutôt que d'occasionner des bouchons dans la rue des Bains. A ce jour, constate M. Segard, les TPG n'ont aucun retour de la Maison de quartier. M. Bourion rappelle que la démarche pédagogique dont il a parlé se veut incitative. Or, dans le cas d'espèce, il n'y a tout simplement pas eu de dialogue. Pourtant, la plupart des autres organisateurs jouent parfaitement le jeu. Au nom d'un principe d'équité, M. Bourion ne voit pas pourquoi les TPG devraient consentir à des exceptions pour la Maison de quartier de la Jonction, alors que la majorité des organisateurs s'exécutent.
Se préoccupant du sort des petites associations, une commissaire aimerait savoir si, en phase de négociation avec les intéressés, les TPG pourraient arrêter un montant forfaitaire relatif aux perturbations prévues.
M. Bourion lui confirme que cette pratique existe effectivement. (Ce forfait se monte à 920 F, note de la rapporteure). A ses yeux - et il faut que la police adopte la même attitude - il importe essentiellement de venir en débattre avant l'événement.
Pour avoir un ordre de grandeur, une commissaire demande à quelle fréquence les manifestations perturbent le passage des bus.
M. Bourion lui répond que cela arrive en tout cas tous les mois. Il laisse entendre que des manifestations, souvent spontanées, se déroulent fréquemment le dernier vendredi du mois... A titre d'information, M. Bourion évalue cette fréquence à une quarantaine de manifestations par an.
Les commissaires estiment qu'il faut procéder à une pesée des intérêts : ceux des usagers des TPG à bénéficier d'un service fiable ; ceux des habitants du quartier ou d'autres manifestants à manifester, ceux de la collectivité publique à ne pas encourir de frais inutiles.
Il semble à plusieurs commissaires que les droits, comme le droit de manifester, n'excluent pas les devoirs, soit celui d'éviter autant que possible les perturbations du trafic des bus, ou alors de payer les frais qui en découlent, si l'on admet que ces frais ne sont pas trop importants. Etre au bénéfice d'un droit ne signifie pas qu'il soit gratuit. Mais la facturation ne doit pas avoir un effet dissuasif. Il doit être possible de manifester sans perturber le trafic des transports publics.
Les commissaires se déclarent gênés par le fait que les organisateurs de la Maison de Quartier se montrent peu coopératifs puisqu'ils ont refusé de modifier leur trajet, puis, l'année suivante, auraient refusé le dialogue.
Une commissaire fait remarquer que les Fêtes de Genève, par exemple, ne donnent lieu à aucune réparation financière à des usagers des transports publics, puisqu'il est admis que les bus ne peuvent pas circuler. Cependant, toutes sortes de mesures d'orgnisation sont prises dans ce cas. Vu le nombre élevé de manifestations, toutes ne peuvent pas être traitées de cette manière.
Une commissaire constate toutefois que cela fait vingt ans que la Parade existe. Or, pour la première fois, en 1999, ses organisateurs se sont vus adresser une facture. On sait néanmoins que, lors des réunions de préparation, la police et les TPG y assistaient, comme le veut la pratique usuelle dans les centres de loisirs. On peut admettre que les organisateurs de la Maison de Quartier font un peu la forte tête, mais il ne faut pas oublier qu'ils n'étaient pas au courant du changement de politique décrété l'année passée.
Les manifestations occasionnent aux TPG les frais suivants : détourner les trajets, en organiser d'autres. Poster des employés aux arrêts des bus pour avertir les usagers et leur conseiller de suivre un autre parcours. Rattraper les retards en mettant en service des véhicules supplémentaires, pour lesquels il faut également payer des heures de travail supplémentaires. Eventuellement, rembourser les usagers retardés dans un bus bloqué plus de cinq minutes.
(Après le vote sur cette pétition, la commission a appris que la Parade du Père Fouettard, édition 2000, avait bien eu lieu, les participants étant plus nombreux que l'année dernière. Les TPG ont fait des propositions qui n'ont pas été retenues. Ils se proposent donc d'envoyer une facture qui correspond désormais à un forfait « petites manifestations » de 920 F.)
Les manifestations, de leur côté, ne doivent pas être empêchées. Festives ou politiques, elles ont un rôle à jouer dans une démocratie. Les factures qui sont éventuellement adressées aux organisateurs ne doivent pas être dissuasives. On peut cependant attendre d'eux qu'ils prennent en compte les usagers des transports publics, soit en évitant de retarder le passage des véhicules, soit en payant au moins une partie des frais qu'ils occasionnent.
En ce qui concerne la parade de 1999, la facture a été retirée, la première invite de la pétition est donc caduque.
Quant à la deuxième invite, qui demande l'abandon de cette pratique de facturation des retards, elle amène la commission aux conclusions suivantes :
En premier lieu, l'abandon de toute facturation ne doit pas être la règle. Toute manifestation festive, si sympathique soit-elle, ne doit pas pouvoir sans autres bloquer le passage des transports en commun. Chacun s'attend à voir respecter ses droits, les usagers des bus comme les manifestants.
Cependant, l'attention des organisateurs doit être clairement attirée, notamment lors de la délivrance de l'autorisation de police, sur le fait que la perturbation des transports publics peut entraîner des frais pour eux.
De leur côté, les TPG devraient toujours être ouverts au dialogue et proposer des solutions.
C'est dans cette optique d'incitation au dialogue de part et d'autre que l'unanimité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les député(e)s, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Pétition(1321)
contre la facturation des retards causés par les TPG
Mesdames etMessieurs les députés,
Le vendredi 3 décembre 1999, la Maison de Quartier de la Jonction a organisé pour la 21e fois la Parade du Père Fouettard. À cette occasion, plus de cinq cents personnes ont défilé dans les rues du quartier de la Jonction. Ce rassemblement festif sur la voie publique, a valu à la Maison de Quartier, une facture de 677,25 francs que lui ont adressé les TPG. La régie publique motive sa démarche par le fait que la manifestation a entraîné le retard de trois bus.
Les soussignés ne contestent pas à la rue sa fonction de circulation, ni au TPG le droit de respecter leurs horaires, mais ils s'opposent à ce que cela limite le nombre de fêtes de quartier ou de manifestations. Par ailleurs, chaque manifestation doit obtenir une autorisation du service du domaine public (Ville de Genève) et du département de justice, police et transport (canton), autorisation qui fut accordée pour la Parade.
Par conséquent, les soussignés demandent :
l'annulation de la facture des TPG (qui représente peu de chose face aux 70 millions de travaux pour la "; branche Sécheron " du tram 13 !) ;
l'abandon de cette pratique de facturation des retards causés qui restreint la possibilité d'organiser des manifestations culturelles et/ou politiques, favorisant les liens sociaux et l'exercice de la citoyenneté.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.