République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 mars 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 6e session - 11e séance
RD 272-B et objet(s) lié(s)
5. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les objets suivants :
En date du 26 juin 1995, l'acceptation par le peuple genevois de l'initiative IN 100 « pour réduire les dépenses abusives de l'Etat de Genève » a généré un vaste débat sur le rôle et le fonctionnement de l'Etat.
Débat
Mme Christine Sayegh (S). Avant de vous livrer quelques réflexions résultant du rapport que le Conseil d'Etat nous a soumis, je rappellerai que le mot réforme est à géométrie variable, puisqu'il signifie à la fois rétablir dans sa forme primitive, changer, améliorer, voire supprimer.
En l'espèce, la réforme avait pour point de départ l'initiative intitulée «Pour réduire les dépenses abusives de l'Etat». Elle reposait d'ores et déjà sur un jugement de valeur - en effet, pourquoi ces dépenses étaient-elles abusives? - et avait pour but de réduire les dépenses, sans égard aux besoins de la population. Les propositions d'Arthur Andersen, chargé de l'audit global de l'Etat, sont éloquentes à ce sujet, puisqu'elles tendaient manifestement à privatiser progressivement les services publics, sans analyse de ce qu'est une prestation publique, ignorant le fait que les prestations publiques ne se conçoivent pas en termes de profit, mais en termes de besoin.
Cette réforme aurait pu s'engager sur un chemin rétrograde, alors que la majorité de la population estime à juste titre que le service public est le seul garant de l'égalité de traitement. Et c'est ainsi avec une certaine inquiétude que le groupe socialiste a suivi la mise en place des différents instruments d'analyse des pistes de cette réforme. L'évolution de la réflexion, ne se limitant plus à l'argent mais s'ouvrant à une analyse plus citoyenne, est de bon augure. En effet, avant de penser à réduire les coûts, la population doit savoir quelles sont les prestations publiques et comment les services fonctionnent.
L'information du public est en route et le projet de loi y relatif est à l'étude devant la commission judiciaire. La réforme structurelle et de gestion l'est également, avec «Service public 2005», projet de loi qui va être traité prochainement. Nous constatons avec satisfaction qu'enfin la réforme met la priorité sur l'acteur et le bénéficiaire du service public. Le présent rapport compilant l'historique et les différentes étapes de la réforme en cours, il y a lieu de le renvoyer en commission des finances, afin d'en étudier les effets dans le cadre, notamment, de l'étude du budget.
M. Nicolas Brunschwig (L). Nous avons eu le privilège de recevoir ce rapport soit sous forme électronique, soit sous forme écrite, ce qui a permis à chacun d'entre nous d'en prendre connaissance. Ce rapport est bien évidemment intéressant, mais je crois qu'il montre plus de progrès sur la forme de la réforme que sur le fond. En effet, on nous présente essentiellement un outil informatique qui permet de suivre les différents projets, projets d'ailleurs extrêmement différenciés quant à leur contenu : cela va d'Internet à la gestion du parc des véhicules en passant par quelque chose dont le nom ne me dit pas grand-chose : Adéquacadre... Mais je suis sûr qu'on nous expliquera de quoi il s'agit.
Evidemment, ce nouveau programme informatique donne une certaine visibilité aux projets de l'Etat et c'est important, pour nous, pour les médias, pour l'ensemble de la population. Mais est-ce bien suffisant de la part d'une institution qui regroupe, je vous le rappelle, quelque 24 000 collaborateurs ? Nous avons quelques doutes à ce sujet. Nous trouvons que la réforme est bien trop silencieuse ou bien trop lente sur des questions aussi essentielles que la rénovation du statut de la fonction publique - nous intégrons bien entendu dans ce chapitre les aspects rémunération, ancienneté, hiérarchie... Ce rapport est également bien trop silencieux et les efforts de l'Etat bien trop faibles sur la problématique de la flexibilité, de l'organisation. Dans toutes les séances de la commission des finances ayant trait aux budgets et aux comptes, nous avons abordé ces sujets avec chacun des conseillers d'Etat. Sauf erreur, sur les 24 000 collaborateurs grand Etat - soit y compris les établissements publics subventionnés - les transferts entre départements se chiffrent à quelques centaines, c'est-à-dire à 2% ou 3% du total. C'est évidemment trop peu, et je crois d'ailleurs que les chiffres sont même plus faibles que ceux que j'évoque avec un certain optimisme. C'est en tout cas la démonstration que la flexibilité n'existe pas.
En outre, depuis que je siège à la commission des finances, je n'ai jamais entendu un chef de département nous dire qu'un de ses services avait des effectifs trop importants et qu'il pensait les réduire. Ceci est anormal.
Concernant le nombre de fonctions et le système d'évaluation de celles-ci, savez-vous combien de fonctions différentes existent à l'Etat de Genève ? Vous imaginez sans doute qu'il y en a quelques dizaines, voire quelques centaines. Eh bien, non, Mesdames et Messieurs, il y a quelques milliers de fonctions différentes à l'Etat de Genève! Et, grâce à la réforme en cours, on nous annonce que d'ici quelques années on arrivera sans doute à quelques centaines, suite à ce travail laborieux et compliqué!
Ensuite, nous regrettons que les gains de productivité, qui existent bien entendu, soient encore extrêmement marginaux. Je tiens à dire à Mme Sayegh, pour reprendre ses propos, qu'une vision où l'argent est présent n'est pas forcément contradictoire avec une approche citoyenne. Encore que le terme d'approche citoyenne, qui nous vient du pays voisin, est à mon avis une espèce de tarte à la crème absolue, où chacun met ce qu'il veut!
Nous voulons aussi émettre quelques regrets sur l'expérience du New Public Management qui était menée dans un certain nombre de services pilotes. Certains de nos collègues ont pu évaluer et expérimenter de visu les résultats de cette expérience, qui étaient, en tout cas pour certains services, m'a-t-on dit, tout à fait positifs et efficaces. Il semblerait que cette expérience soit quelque peu gelée actuellement et nous le regrettons, car il nous semblait qu'elle allait tout à fait dans le bon sens.
Pour résumer, nous sommes ravis qu'on ait maintenant un outil informatique qui permette à l'ensemble de la population de suivre assez précisément les différentes réformes, ou réformettes, entreprises au sein de l'Etat. Nous sommes par contre déçus du contenu de ces réformes, qui sont, à notre avis, insuffisantes et trop lentes. Certes, comme le dit M. Segond, tout ce qui ne se fait pas dans la concertation est synonyme d'échec; nous partageons ce point de vue, mais la concertation ne doit pas empêcher que l'on avance plus rapidement que ce qui se fait actuellement. L'ensemble des collectivités publiques en Suisse ont réussi cet exercice plus rapidement que nous à Genève et cela pose des questions essentielles!
La bonne santé économique genevoise nous a permis aujourd'hui de surmonter nos difficultés financières, mais s'il y a eu renversement de tendance économique, aucune réforme structurelle n'a réellement été accomplie, ou si peu. Nous le regrettons, car c'est surtout en période de prospérité que l'on doit travailler, étudier, améliorer les choses, pour pouvoir affronter les années difficiles.
M. Jean-Marc Odier (R). Le groupe radical remercie le Conseil d'Etat de ce point de situation sur la réforme de notre chère République. Cela dit, le poids de ce document n'a pas de rapport avec son contenu, que nous estimons léger et qui tient plus d'une information présentant le site Internet de l'Etat comme vecteur et moyen de communication privilégié relatif à la gestion permanente des réformes mises en oeuvre. Quant aux réformes à proprement parler, nous restons sur notre faim.
Quelques réformettes sont annoncées : une tentative de moderniser la fonction publique en favorisant notamment la mobilité, ou encore les projets du département de l'aménagement d'aliéner enfin des terrains sans utilisation prévisible. Nous sommes en revanche étonnés que diverses expériences de meilleure gestion des ressources humaines, comme le New Public Management ou encore le partage du travail, aient été simplement abandonnées sans explication ou analyse à notre intention. Les réformes structurelles voulues par le peuple en 1995, suite à l'initiative 100, restent globalement en position d'attente pour le groupe radical. Nous avons même la crainte que les structures s'alourdissent avec l'accroissement des dépenses de l'Etat au budget 2001, accompagné de l'ouverture de nombreux postes de fonctionnaires nouveaux.
Bref, tout cela n'est pas très conforme à la volonté populaire manifestée suite à l'audit de l'Etat. Il ne faut pas que les bienfaits conjoncturels actuels noient toute volonté de réformer les structures de l'Etat et l'organisation institutionnelle de l'exécutif.
Le groupe radical n'est pas convaincu par la position du Conseil d'Etat, lequel déclare dans son rapport que la grande majorité des pistes proposées par Arthur Andersen se sont traduites par une application sur le terrain ou par l'élaboration de projets de lois. En effet, qu'en est-il des différentes pistes de modification du statut de la fonction publique ? des éternels doublons Ville, communes, Etat ? de la volonté de regrouper notamment les achats publics, d'installer un guichet unique en matière de besoins sociaux, ou encore de regrouper des services cantonaux et municipaux d'aménagement ? Ceci pour ne prendre que quelques exemples parmi les pistes de l'audit les plus importantes.
En conséquence, je demande formellement que ces deux rapports soient renvoyés au Conseil d'Etat et qu'ils reviennent devant notre parlement en octobre prochain, avec l'inventaire exhaustif des réformes réalisées durant cette législature, les conséquences sur les dépenses de fonctionnement, ainsi que la liste des réformes à entreprendre lors de la prochaine législature. Si le discours de Saint-Pierre est une déclaration d'intention, les rapports 272 et 288 pourraient constituer des bilans de réalisation, pouvant par ailleurs créer une base de réflexion crédible pour l'électorat genevois chargé de renouveler les autorités cantonales en octobre prochain.
M. Philippe Glatz (PDC). Je ne reviendrai pas sur les remarques extrêmement pertinentes qui ont déjà été émises par les préopinants. En fait, nous considérons que ce rapport est d'une pauvreté absolue et que son contenu, comme le disait M. Odier, est d'une légèreté qui fait souci.
En effet, il y a impossibilité, à la lecture de ce rapport, de pouvoir se prononcer sur le fond de la situation, quant à la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat. On nous renvoie, comme le disait également M. Odier, à un site Internet qui fait le point de la situation, mais je rappellerai quand même que la réforme de l'Etat a pour origine l'acceptation par le peuple genevois de l'initiative 100! Plus de 44 000 personnes se sont donné la peine de se déplacer pour se prononcer en sa faveur, alors que 39 000 étaient contre. En fait, la majorité des citoyens de ce canton demandaient que l'on agisse, en 1995 déjà.
Aujourd'hui, il aurait été souhaitable d'obtenir un bilan de cette activité de réforme. Or, la lecture de ce rapport ne nous permet pas de faire un bilan. Nous n'y trouvons aucune appréciation critique de la mise en marche de la réforme, aucune vision d'ensemble et pas de bilan synthétique. Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'on nous adresse un rapport, c'est bien pour nous permettre d'avoir une vision synthétique des choses. Autrement, à quoi sert-il de faire un document.
En l'occurrence, je me suis donné la peine d'aller sur Internet et je vais me permettre de citer quelques exemples. S'agissant des procédures d'autorisation de construire, voici une page Internet que j'ai pris la peine d'imprimer. Sous Domaine de l'aménagement du territoire, que nous dit-on ? «Objectifs : concevoir un guichet unique, recentrer la police des constructions sur son rôle technique...», je passe sur toutes les démarches mises en oeuvre. Puis, «Gains qualitatifs : les améliorations sont essentiellement qualitatives - on s'en doute, puisque l'on est dans le chapitre des gains qualitatifs! - à savoir un meilleur suivi des dossiers, une plus grande efficacité de fonctionnement.» Mesdames et Messieurs, à la lecture de ce bilan, comment voulez-vous que nous puissions juger de la véracité et de l'exactitude de ce qui nous est affirmé ici ? Plus loin, je lis : «Coût de la démarche de développement organisationnel et prise en charge par le centre de formation de l'office du personnel : 300 000 F. » On a dépensé 300 000 F et on nous dit que tout va bien dans le meilleur des mondes! C'est un vrai satisfecit!
Je prends un autre exemple : «Service du tuteur général - Objectifs : renforcer la coordination, la cohérence et l'efficacité des actions conduites en faveur des mineurs en difficulté.» Très bien! Nous avons entendu tout à l'heure une interpellation qui montrait que le sujet des mineurs en difficulté était d'actualité. «Réorganisation du service : deux entités; clarification des procédures; aménagement des conditions de travail, des collaborations.» Voilà pour le point de la situation. Au chapitre Gains qualitatifs, on nous dit : «Amélioration des prestations du service du tuteur général et de son fonctionnement.» Merci beaucoup! Nous étions certains qu'on n'allait pas annoncer une diminution de la qualité! Quant au coût : «10 postes supplémentaires inscrits au budget 1999.»
Alors, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, je ne dis pas que tout ceci n'a pas été fait, qu'il n'y a pas un gain qualitatif, mais comment voulez-vous que nous puissions l'apprécier à la lumière de ces simples affirmations ? Nous aurions souhaité, et c'est ce que je me borne à dire, avoir des éléments beaucoup plus concrets et, ainsi, une vision objective et synthétique de l'ensemble de ces réformes. Il ne suffit pas de poser des beaux mots dans de beaux cadres pour dire que tout va bien dans le meilleur des mondes.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai, comme M. Odier, de bien vouloir renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse nous soumettre un certain nombre d'opinions - j'aurais souhaité qu'il nous donne une appréciation critique, critique dans le sens constructif - et qu'il puisse faire un bilan synthétique de l'ensemble de cette réforme, au lieu de nous dire d'aller voir les différents sous-chapitres figurant sur le site Internet!
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'Etat, si vous voulez que nous, députés, puissions apprécier le travail important que vous faites dans certains domaines, il convient que vous en fassiez la synthèse, nous facilitant ainsi son approche.
M. David Hiler (Ve). Depuis le début de cette discussion sur la réforme de l'Etat, on se heurte à la pertinence même du concept. Les reproches de M. Glatz en sont très nettement l'illustration. Pour ma part, j'ai la faiblesse de croire que réformer l'école primaire ne se fait pas exactement de la même manière que réformer la politique de la santé, ou réorganiser les CASS ou la police. Il me semble qu'on est à chaque fois dans une problématique particulière; dans certains cas, on essaie de voir quels sont les dysfonctionnements les plus criants et de les résoudre, alors que, dans d'autres, on essaie d'adapter des prestations fournies par l'Etat aux besoins des gens qui en sont les bénéficiaires, les utilisateurs. Pour cette raison, j'ai quelque peine à imaginer que M. Glatz puisse jamais recevoir la synthèse qu'il attend. Nous connaissons le tableau - en tout cas ceux qui siègent à la commission des finances ou à la commission de contrôle de gestion - nous voyons bien ce qui se passe : un certain nombre d'améliorations, de réformes réussies; un certain nombre de services qui se débattent dans des difficultés assez considérables malgré des tentatives de réorganisation; enfin des services où cela n'a pas l'air de fonctionner du tout même aujourd'hui.
Face à ce bilan contrasté, il convient de revenir à un certain nombre de principes et, à ce stade du débat et avant le renvoi en commission, il nous paraît utile de dire, à l'intention du Conseil d'Etat et des autres groupes, quels sont ceux auxquels nous tenons.
Deux principes nous paraissent fondamentaux, sur lesquels nous constatons des avancées. Le premier, c'est bel et bien la transparence, pour nous députés, mais surtout pour l'administré et pour le bénéficiaire des prestations. C'est en l'occurrence un énorme champ, mais les technologies à disposition, alliées à une forte volonté politique, peuvent permettre un effort de transparence qui est culturellement, à Genève, totalement nouveau. Contrairement à la Suède par exemple, Genève a plutôt une tradition, je dirais française où cacher une partie des informations fait partie de la vie quotidienne de l'Etat. Aujourd'hui, il me semble qu'une majorité du Conseil d'Etat et du parlement est prête à entreprendre cette réforme.
Un deuxième principe, qui est beaucoup plus compliqué à mettre en oeuvre, consiste à briser les structures pyramidales, pour avoir, à l'intérieur des services, des responsables clairement identifiés et des fonctionnements dits en réseau, où les gens collaborent en ayant, chacun, une responsabilité clairement identifiée, sans multiplier, pour des questions salariales, les postes intermédiaires. C'est un deuxième principe qui sera à vrai dire long à mettre en oeuvre et je le regrette, car c'est fondamentalement ce qui doit changer dans la culture d'entreprise.
Puis il y a un troisième principe, qui est inscrit dans la loi et qui est fondamental, c'est que pour chaque prestation, qu'elle soit d'autorité ou qu'elle soit une prestation à la population au sens classique, on doit être capable de mesurer qualitativement et quantitativement ce qu'on offre et pour quel coût. En effet, le problème est de pouvoir faire des choix politiques - le coût étant finalement un choix politique - mais en partant de l'hypothèse que chaque prestation est réalisée au plus près du meilleur rapport qualité/prix. Cela n'enlève rien au débat, qui reste de savoir si on donne un peu plus ou un peu moins, mais le fait est qu'il n'y a aucune raison de gâcher des ressources pour assurer une prestation qu'on pourrait assurer à un coût moins élevé.
Pour nous, ce sont les trois grands principes. Il est certain que leur application va être différente. Nous pourrons éclaircir en commission et dans les débats ultérieurs, de façon plus détaillée, la nature des principes qui guident le Conseil d'Etat et en quoi les uns ou les autres peuvent les combattre sur certains points.
Voilà, à ce stade, ce qu'il nous paraît utile de dire, en soulignant qu'il s'agit de mesurer le chemin qui a été fait depuis le moment où on pensait qu'un audit à 5 millions était une sorte de baguette magique qui permettait de changer l'Etat. Plus personne ne croit à cela et quelle que soit l'utilité de l'un ou l'autre de ces fascicules, dont j'ai encore un certain nombre dans ma bibliothèque, le fait est que ce n'est pas tout à fait ainsi qu'on peut arriver à améliorer les différents services de l'Etat. Il convient enfin de remercier - ils se reconnaîtront - ceux qui ont entrepris, au sein du Conseil d'Etat, d'améliorer le fonctionnement de leurs services, et de suggérer à l'un ou l'autre qui ne l'ont pas fait d'imiter le bon exemple de leurs petits camarades du Conseil d'Etat.
M. Bernard Clerc (AdG). Parler de réforme, c'est un peu la tarte à la crème, car derrière le mot réforme chacun met ce qu'il veut... Il faut bien admettre que la réforme de l'Etat est intervenue dans un contexte particulier, celui de la crise des finances publiques, et que dans ce contexte la réforme, qu'on voulait générale, avait un certain nombre d'objectifs politiques. Ces objectifs politiques se sont exprimés à travers des projets dont la plupart ont été contestés. Il s'agissait en l'occurrence d'arriver à une plus grande flexibilité, non pas pour répondre aux besoins des habitants de ce canton, mais pour s'attaquer au statut du personnel de la fonction publique, pour s'attaquer aux salaires et diminuer les postes. Alors, évidemment, lorsqu'on engage une réforme sur la base de ces prémisses-là, on a de fortes chances d'aller droit dans le mur! Nous en avons eu des exemples, notamment les tentatives de privatisation du service des autos ou de la clinique de Montana.
C'est la mode de parler de réformes, de NPM, de flexibilité, comme si, d'ailleurs, l'Etat était un organisme statique qui par définition ne bougerait pas, fonctionnerait toujours de la même manière. Or, vous savez que ce n'est pas le cas, que l'Etat de Genève ne fonctionne pas aujourd'hui comme il fonctionnait il y a trente ans, ceci parce qu'il existe évidemment une relation systémique entre l'Etat et la société, et que les besoins qui se manifestent dans la société ont forcément une interaction sur le fonctionnement de l'Etat.
Certains ici regrettent l'arrêt des expériences NPM. Mais enfin, soyons sérieux! De manière générale, alors qu'on parlait beaucoup de NPM il y a quatre ou cinq ans, vous aurez remarqué qu'aujourd'hui on en parle beaucoup moins et que les milieux qui mettaient fortement en avant ce type d'expérience en font aujourd'hui une critique assez radicale. Il y a à cela un certain nombre de raisons. Pour prendre les expériences faites au sein de l'Etat de Genève, il faut reconnaître qu'elles n'avaient pas une base très sérieuse, sachant que toutes ces expériences étaient dites positives du moment qu'elles dégageaient un boni dans les services. Il s'agissait donc de dégager un boni et de tenter plus ou moins d'évaluer certaines prestations. Le problème est qu'en examinant ces expériences d'un peu plus près on s'est aperçu que le boni était pré-programmé : en effet, dans la plupart des services NPM, qui avaient un certain nombre de rentrées financières dans leur budget, il était relativement facile de sous-estimer les futures rentrées lors de l'établissement du budget, ce qui leur permettait de se retrouver avec un boni à la fin de l'exercice, signe manifeste que tout le monde avait bien travaillé! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'inspection cantonale des finances, qui a constaté ce phénomène! Alors, croyez-moi, je ne vais pas pleurer ce soir sur la fin des expériences NPM!
En ce qui nous concerne, nous l'avons dit à plusieurs reprises : il n'y a pas une réforme de l'Etat de Genève, mais des réformes à mener, suivant les départements, suivant les services, et ces réformes doivent être guidées par un critère central, à savoir un meilleur service aux habitants de ce canton. C'est ce qui doit guider notre volonté de réforme, et non pas en priorité des soucis budgétaires, des velléités de flexibilisation, de changements structurels allant dans le sens de la flexibilisation. Dès lors, il est évident que les réformes ne peuvent pas se faire contre l'avis du personnel et contre le personnel, comme elles ont été faites le plus souvent. Le peuple a cru qu'en approuvant l'établissement d'un audit par Arthur Andersen on allait résoudre tous les problèmes, mais on s'est aperçu que, finalement, certaines des propositions d'Arthur Andersen étaient déjà largement connues par le personnel, et que d'autres étaient tout simplement irréalistes ou irréalisables.
Le deuxième facteur qui nous semble important dans les réformes, outre la participation active du personnel, c'est l'aplanissement des hiérarchies. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous avons souvent fait cette critique lors des discussions sur les comptes et les budgets : les hiérarchies au sein de l'Etat de Genève sont trop fortes. Il s'agit d'éliminer le maximum de strates hiérarchiques, parce que c'est une condition souvent essentielle pour que le personnel participe activement et prenne ses responsabilités, sans devoir toujours se référer à plusieurs échelons supérieurs.
Voilà quelques-uns de nos réflexions sur ce rapport. Nous sommes prêts à en discuter en commission, mais, plutôt que de vouloir une grande réforme générale de l'Etat de Genève, je crois qu'on ferait mieux de s'attaquer spécifiquement à certaines réformes qui sont très nécessaires, qui traînent depuis fort longtemps et sur lesquelles, malheureusement, on n'a pas beaucoup entendu les bancs d'en face qui parlent tant de réforme! Je pense par exemple aux offices des poursuites, ou à d'autres services protégés ou sur lesquels on gardait un certain nombre de silences. Je terminerai sur cet exemple, mais je pourrais en donner d'autres...
Mme Martine Brunschwig Graf. Si j'ai demandé d'intervenir au nom du Conseil d'Etat, c'est parce que le travail de restitution des travaux de la réforme a débuté en 1999, par décision du Conseil d'Etat et dans une volonté que je vais résumer. Il est naturel que vous ayez, les uns et les autres, des attentes et la conscience qu'il reste des choses à accomplir - comme le Conseil d'Etat l'a d'ailleurs reconnu par la voix de mes différents collègues - pour ne pas parler de Service public 2005 ou d'autres projets liés aux outils de gestion, sur lesquels vous vous êtes prononcés successivement, que ce soit en commission ou en séance du Grand Conseil.
Mais quelle était la prétention de ce rapport à l'origine ? Je rappelle que sur tous les bancs, vous avez, avec des intentions politiques différentes, demandé à savoir finalement ce qu'il était advenu des recommandations faites par l'organe chargé, à la suite de l'initiative 100, d'élaborer une réforme pour l'Etat de Genève. Nous et vous avions été saisis des documents de la société Arthur Andersen qui, dans une liste d'environ 49 pistes, indiquait - de façon plus ou moins approfondie et pertinente il faut bien le dire - un certain nombre d'éléments. Durant les années qui ont suivi, dans ce parlement toujours, ont été évoquées les possibilités d'économie prévues, avec le regret que ces économies ne soient jamais réalisées, ou qu'en tout cas on ne vous en rende jamais compte. Le rapport avait ainsi pour objectif, lorsqu'on l'a évoqué en 1999 dans ce Grand Conseil, de commencer par rendre compte de ces effets-là. Que s'est-il passé ? qu'avons-nous fait ou pas fait, et pourquoi ? quels sont les résultats économiques qu'on peut attendre de ce qui a été entrepris ? sont-ils comparables avec ce qui était préconisé ?
Or, si vous avez l'honnêteté d'examiner ce qui figure sur Internet - non pas comme un gadget, mais selon des principes que la commission des finances connaît bien - notamment en ce qui concerne le projet An 2000 pour ne prendre que celui-là, vous reconnaîtrez qu'il s'agit bien de vous donner les informations attendues et de faire à un moment donné un point comparatif entre ce qui a été entrepris et ce qui avait été préconisé par la société Arthur Andersen suite à l'initiative 100. Ce premier élément, vous le trouvez dans le rapport de façon fidèle, avec les éléments pris en compte, les éléments laissés pour compte, les éléments moyennement pris en compte, et toutes les explications qui en découlent. De la même façon, nous nous sommes efforcés d'évaluer, sur le plan financier, quels étaient les gains qui pouvaient être annoncés en comparaison, toutes choses étant par ailleurs égales, puisque la société en question évaluait aussi bien les non-dépensés que les gains réels résultant d'économies.
Ce travail fait, il importe de voir une deuxième chose. Entre ce qui a été proposé par la société Arthur Andersen et ce qu'a entrepris l'Etat, il y a des différences, mais il y a aussi un certain nombre d'actions que les services ont entreprises, qui ont été menées à bien ou qui sont en train d'être menées à bien, qui démontrent aussi une volonté de l'Etat d'agir de sa propre initiative, indépendamment des grands projets touchant les ressources humaines, les outils de comptabilité intégrée, ou les outils de gestion plus globalement.
Alors, dire qu'il reste des choses à faire est une banalité. En l'occurrence, il s'agissait de faire le bilan de ce qui a été fait. Je rappellerai qu'il y a eu deux rapports précédents, qui n'étaient pas convenables à votre goût, parce que jamais assez synthétiques, parce que jamais assez précis, parce que ne chiffrant pas les choses, etc. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat n'estime pas avoir terminé ce qu'il a à faire et cela a été rappelé ici à plusieurs reprises, mais cela ne signifie pas pour autant qu'on doive jeter le bébé avec l'eau du bain, renoncer à regarder ce qui se passe à l'Etat de Genève et le regarder avec un peu plus de sérieux que le résumé que vous en avez fait les uns et les autres. Je pense qu'il ne sert à rien de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat, puisque nous nous sommes engagés sur des pistes qui ont déjà été explorées et que nous allons vous tenir informés du suivi. Cela dit, que la commission des finances ait envie de creuser le sujet, c'est son droit.
J'aimerais dire encore une chose à propos du service du tuteur général, qui a été attaqué à travers la caricature que M. Glatz a présentée. Cela vous intéresse peu, semble-t-il, d'apprendre que nous avons fait ce que nous avions annoncé. Mais peut-être ne vous souvenez-vous pas que, dans cette enceinte, les problématiques du service du tuteur général ont été évoquées à plusieurs reprises, qu'il y a eu un rapport de l'inspection cantonale des finances et que nous nous sommes engagés à un certain nombre de réorganisations. Celles-ci ont été menées à bien; cela ne veut pas dire que tout est réalisé qualitativement et dans la durée de façon optimale, mais cela veut dire que nous en prenons le chemin et que nous tenons nos engagements.
Reste qu'à un moment donné, lorsque nous vous informons de ce que nous avons fait, c'est une question de crédibilité. Si vous estimez qu'il n'est pas suffisant qu'on vous le dise, ni même qu'on l'ait fait, c'est que, comme le rappelait M. Clerc tout à l'heure - et Dieu sait si dans la plupart des cas j'ai de la peine à être d'accord avec lui - chacun entend sous le mot réforme ce qu'il veut entendre.
L'avenir est devant nous, Mesdames et Messieurs les députés, et le programme du Conseil d'Etat a été annoncé. Vous y mettrez votre patte, sachant que vous avez déjà déposé des projets de lois concernant la fonction publique, que vous donnez votre avis en matière de gestion des ressources humaines en général et que vous aurez à vous prononcer sur le résultat de ce que nous mettons en place en matière de comptabilité intégrée et sur les outils de gestion. En attendant, faites-nous la grâce de reconnaître au moins que la transparence a des vertus, que les informations qui vous sont données, toutes imparfaites qu'elles soient, comme toute entreprise humaine, ont au moins le mérite de la transparence et que la synthèse que vous réclamez est disponible, sous une forme certes un peu plus moderne, mais néanmoins intéressante pour vous tous!
La présidente. Il avait été décidé que ce rapport serait renvoyé à la commission des finances. Entre-temps, une proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat a été faite, proposition que je mets aux voix.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat est rejetée.
Ce rapport est renvoyé à la commission des finances.