République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 mars 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 6e session - 10e séance
IU 1032
M. Roger Beer (R). Ma deuxième interpellation concerne la fièvre aphteuse. Qu'en est-il à Genève ? Je vois que M. Cramer se prépare... Je vous passerai le texte, Monsieur Cramer, rassurez-vous !
Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez assisté, comme moi et d'autres députés de cette enceinte, à la dernière assemblée générale de la Chambre genevoise d'agriculture, vendredi dernier au Centre de Lullier. Vous avez donc déjà pris connaissance d'une résolution que la Chambre genevoise d'agriculture entendait adresser directement à M. Pascal Couchepin, conseiller fédéral chargé du département de l'économie et donc en charge des questions agricoles au niveau fédéral.
En fait, parallèlement à cette démarche fédérale, j'entends me faire l'interprète de la Chambre genevoise d'agriculture qui est extrêmement préoccupée par l'évolution de toute cette problématique de la fièvre aphteuse.
Après l'Angleterre, l'Argentine et les Emirats Arabes Unis, il y a maintenant la France qui déclare des cas de contamination. Or vous le savez, Genève a une frontière de 103 km avec la France. Des échanges d'animaux et de produits animaux ont lieu régulièrement avec notre grand voisin. Enfin, avec son aéroport international, Genève me semble particulièrement exposée aux différents échanges internationaux.
Sans vouloir réexpliquer ici le contexte général des inquiétudes concernant la fièvre aphteuse, je me permets de vous poser publiquement quelques questions, dont les réponses sont susceptibles d'intéresser bien plus de personnes que les seuls agriculteurs.
Venons-en aux questions : alors qu'il semble que l'importation d'animaux vivants est déjà interdite, pourquoi n'interdit-on pas l'importation de viande en provenance des pays à risque, comme le fait déjà l'Union européenne elle-même vis-à-vis de la France ?
En cas d'arrivée de la fièvre aphteuse en Suisse - et en tout état de cause, Genève ne me semble pas à l'abri de ce risque - des mesures particulières ont-elles été envisagées ou prévues ? Enfin, avez-vous, en collaboration avec les autorités fédérales, envisagé des scénarios pour essayer de nous mettre à l'abri d'une éventuelle future contamination ? Je pense tout particulièrement à certaines questions de détail qui ne semblent pas avoir été abordées. Il semble par exemple que, contrairement aux passagers, le personnel d'équipage à l'aéroport ne soit pas soumis à une désinfection des chaussures. La question du passage quotidien de cavaliers français sur le sol genevois a-t-elle été abordée ? Vous connaissez, Monsieur le conseiller d'Etat, la pertinence de cette question.
Voyez-vous, Monsieur Cramer, les agriculteurs en particulier, mais aussi d'autres citoyens de ce canton, sont intéressés, notamment suite à la crise liée à la vache folle, à ne pas devoir subir encore d'autres nuisances suite à l'épidémie de la fièvre aphteuse.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Robert Cramer. Tout d'abord, Monsieur le député, lorsque la Chambre genevoise d'agriculture veut s'adresser à moi, elle a des canaux plus directs : j'étais cet après-midi encore en séance avec son directeur... Cela dit, vous avez peut-être raison de poser un certain nombre de questions afin de me permettre de mieux informer les citadins, dès lors que les agriculteurs sont parfaitement au fait des problèmes que vous soulevez.
S'agissant d'informer les citadins, Monsieur Beer, je commencerai tout d'abord par ce qui est, à mes yeux, l'essentiel pour le public, à savoir les dangers sanitaires que peut représenter la fièvre aphteuse pour la santé des personnes. Il faut le savoir : la consommation de viande d'animaux infectés ne présente aucun danger pour les personnes, ou un danger tout à fait minime. Le virus est tué par l'acidité de la viande et, finalement, la seule cause d'infection humaine, c'est respirer le virus dans un foyer d'infection, ou boire du lait cru, ce qui limite le cercle des infectés potentiels aux agriculteurs et aux vétérinaires. En l'occurrence, il s'agit d'une infection totalement bénigne pour l'être humain, qui se traduit par des aphtes et des démangeaisons.
En revanche, la fièvre aphteuse est un problème de grande importance pour les agriculteurs, parce que la volonté de préserver le cheptel de cette maladie induit des abattages en masse qui se traduisent par des pertes économiques considérables, indépendamment du plan éthique : les images télévisées de bûchers dans les champs sont assez difficiles à supporter.
J'en viens maintenant aux trois questions précises que vous avez posées. La première de ces questions porte sur la vente de la viande. Je viens de vous rappeler que consommer une viande infectée ne présente aucun danger. Je dois ajouter que les dispositions à cet égard sont prises par l'autorité fédérale et que nous n'avons pas la possibilité, au niveau cantonal, de les compléter. L'autorité fédérale a décidé de prendre des mesures diverses en fonction des pays touchés.
En ce qui concerne la Grande-Bretagne, il y a tout d'abord interdiction d'importation et de transit d'animaux, donc de bovins, porcs, moutons, chèvres, depuis le 20 janvier 2001, et d'équidés également, chevaux, ânes, mulets et tous les dérivés, depuis le 14 mars 2001. Il y a également interdiction d'importation et de transit de fourrage et de produits d'origine animale : lait, viande, fromages, semences, embryons, depuis le 20 janvier 2001. Tout cela concerne la Grande-Bretagne.
En ce qui concerne les autres pays de l'Union européenne, il y a uniquement interdiction d'importation et de transit de bovins, porcs, moutons et chèvres. Cette interdiction - cela nous amène à votre seconde question - ne concerne ni les équidés, ni les produits d'origine animale, ni le fourrage. En ce qui concerne l'Argentine, il y a interdiction d'importation et de transit de viande, mais de toute façon, dans ce cas, il n'y a pas d'importation d'animaux vivants.
Enfin, en Suisse, les mesures prises par l'autorité fédérale consistent essentiellement :
En l'interdiction d'organiser des expositions, foires, marchés au bétail, à l'intérieur du pays; les équidés ne sont pas concernés par cette interdiction.
Par une réserve de 30 000 doses de vaccin.
Je crois ainsi avoir répondu à deux de vos questions de manière assez complète, celle concernant les viandes et celle concernant les équidés.
Il s'agit de savoir maintenant si à Genève, au-delà de ces dispositions fédérales, nous avons pris des mesures complémentaires. Nous en avons prises à deux égards. Premièrement, nous avons ouvert une ligne directe avec l'Office vétérinaire fédéral. Genève représentant un cas particulier en Suisse, avec ses 103 km de frontière avec la France, avec les accords de zone franche et avec les dépendances foncières que nous avons avec la France voisine, il est en effet nécessaire de gérer toutes les spécificités genevoises et dans les meilleurs délais.
Pour le surplus, nous avons d'ores et déjà constitué à Genève des stocks de désinfectant. Au cas où des mesures d'urgence devraient être prises, nous sommes prêts. Nous avons imprimé les affiches nécessaires pour informer le public en cas de mise en place d'un dispositif d'urgence. Nous avons constitué un état-major de crise composé notamment de cinq vétérinaires, avec un stock suffisant de produits propres à euthanasier les animaux, avec mise à disposition de la gendarmerie, du personnel nécessaire à la régulation et au contrôle du trafic dans les zones de protection et de surveillance, respectivement de trois kilomètres et dix kilomètres autour d'un foyer d'infection, ainsi qu'un système d'information destiné aux médias qui sera assuré par le service de presse de la police.
Sont également disponibles, dans le cadre de ce dispositif d'urgence, un équarrisseur, un transporteur et trois agriculteurs bénévoles. Enfin, le matériel lourd, soit est à disposition, soit pourra être réquisitionné dans les meilleurs délais. Il s'agit du matériel qu'on voit à la télévision : benne étanche, groupe électrogène, etc., qui est d'ores et déjà sur place ou qui pourra être acheminé rapidement sur le territoire du canton de Genève.
C'est donc dire que nous avons prévu un dispositif complet pour répondre à cette infection, dont je rappelle une fois encore qu'elle ne présente qu'un danger extrêmement limité par rapport à la santé des personnes, qui concerne les personnes directement en contact avec des animaux infectés. En revanche, elle représente potentiellement une atteinte considérable à l'élevage et c'est en ce sens que toutes ces mesures sont prises. Je vous remercie de votre question qui m'a permis de donner ces précisions.
Cette interpellation urgente est close.