République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7891-A
27. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public). ( -) PL7891
Mémorial 1998 : Projet, 5838. Renvoi en commission, 5852.
Rapport de majorité de Mme Fabienne Bugnon (Ve), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Hervé Dessimoz (R), commission d'aménagement du canton

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur : Mme Fabienne Bugnon

Déposé par le Conseil d'Etat le 9 septembre 1998, ce projet avait déjà fait l'objet d'un traitement anticipé le 1er juillet 1998. C'est ensuite tout ou partie de 8 séances qui ont été consacrées à son traitement, soit les 1er juillet et 2 septembre 1998, 1er et 22 septembre 1999, 6 octobre 1999, 27 septembre, 8 et 29 novembre 2000, sous les présidences successives de Mme et MM. Fabienne Bugnon, Hervé Dessimoz et Rémy Pagani.

M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot a participé à presque toutes les séances, accompagné de M. Georges Gainon, chef de la Division de l'information du territoire et des procédures. Plusieurs fonctionnaires se sont en outre succédés au cours des séances, notamment MM. Gardet, Pauli, Haegler et Vonlanthen.

Ce projet a été étudié conjointement avec le projet 7815 modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur les routes nationales qui se voulait, comme on le verra plus loin, une alternative au projet présenté par le Conseil d'Etat.

Il faut revenir en arrière d'environ quinze ans, puisque c'est au milieu des années quatre-vingts que le souhait de réaliser une aire autoroutière à Genève est évoqué. Les conseillers d'Etat d'alors, MM Grobet et Ducret sont en charge du dossier. Le site retenu est Blandonnet. S'ensuit une étude complexe et de nombreux échanges de courrier avec la Confédération. L'ensemble de ce dossier ne peut être repris dans le présent rapport, mais il fait l'objet d'un volumineux dossier à disposition au DAEL.

En 1993, un arrêté du Conseil d'Etat autorise la construction d'une aire autoroutière sur ce site, mais avec la réserve « pour autant qu'il soit compatible avec les jonctions autoroutières » Trois variantes ont été proposées à l'Office fédéral des routes qui les a toutes trois refusées.

Le nouveau chef du département, le conseiller d'Etat Joye, décide de renoncer à ce projet et signe le 12 décembre 1994, une convention relative à l'abandon du projet de l'aire autoroutière de Blandonnet et du contrat de bail à loyer initié par son prédécesseur avec Coop-Genève.

Si le site de Blandonnet a été abandonné, le projet de construire une aire autoroutière a tout de même continué son chemin. Plusieurs sites ont été recherchés et proposés, notamment à Versoix, mais il faut dire que les conditions émises par l'Office fédéral des routes, très strictes, tant sur l'emplacement, que sur la proximité avec la frontière ou encore les contraintes liées aux directives fédérales sur les longueurs des voies d'accélération et de décélération rendaient dans un canton comme Genève la tâche particulièrement ardue.

Finalement le ment le conseiller d'Etat Joye a retenu le site de Bardonnex, proche de la plate-forme autoroutière et situé dans sa majeure partie, soit environ 44 000 m2 en zone agricole, propriété de l'Etat de Genève. En octobre 1995, la commune de Bardonnex entérinait ce choix par une résolution de son Conseil municipal. Immédiatement, une association de riverains s'est créée. Portant le nom d'ARIA (Association des riverains de l'autoroute) elle regroupe une soixantaine de membres à Bardonnex et à Perly et s'oppose à ce projet.

Le Conseil d'Etat, visiblement peu affecté par cette réaction, décide de lancer un concours ouvert à des groupements pluridisciplinaires composés au moins d'une société pétrolière, d'un restaurateur, d'un bureau d'ingénieurs et d'un bureau d'architectes et d'un spécialiste de l'environnement. Le concours portait sur l'étude du concept jusqu'au projet d'exécution, sur la réalisation, le financement et l'exploitation.

Ainsi, sous la présidence de Philippe Joye, le jury dut se prononcer sur 7 projets et, le 19 mars 1997, le groupement désigné lauréat a été retenu pour l'exécution du projet primé.

Les études du projet de détail et les procédures ont été rapidement engagées, le Conseil d'Etat estimant que, s'agissant d'une installation imposée par sa destination, au sens de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, sa réalisation ne devait pas obligatoirement être soumise à une modification des zones.

Le régime dérogatoire que la nouvelle majorité du Grand Conseil n'a cessé de dénoncer depuis fin 1997 s'est donc une fois de plus illustré dans ce dossier en portant sur, faut-il le rappeler, plus de 44 000 m2 de zone agricole.

Lors de la campagne électorale de 1997, l'ARIA a pressé les différents candidats au Conseil d'Etat de se prononcer sur l'avenir de ce projet. A la question : « seriez-vous d'accord d'épargner la zone agricole et de rechercher une solution afin d'implanter ce Restoroute dans une zone industrielle ou de développement ? » Les futurs conseillers d'Etat Moutinot, Calmy-Rey, Cramer et Ramseyer répondaient OUI, prenant également l'engagement de rediscuter avec leurs futurs collègues de l'emplacement d'un tel équipement.(les questionnaires sont à disposition auprès d'ARIA).

C'est ainsi, que tout en prenant malgré tout une position en faveur du projet (cf. exposé des motifs du projet de loi 7891), le Conseil d'Etat soumettait le 9 septembre 1998 un projet de modification des limites de zones sur le territoire de la commune de Bardonnex visant à créer une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public. Ceci conformément à la loi qui, à notre connaissance, n'autorise pas la construction d'une aire autoroutière sur un terrain prévu pour l'exploitation agricole.

Si l'on peut se féliciter que le Grand Conseil ait enfin été saisi de ce projet, on peut néanmoins s'étonner que le nouveau Conseil d'Etat ait persisté dans un projet dont la majorité de ses membres avaient pourtant déclaré, lors de la campagne électorale, être prêts à rediscuter de l'emplacement afin de préserver la zone agricole !

On peut s'étonner également, dans ce dossier, qu'à aucun moment le Conseil d'Etat n'ait déposé de projet relatif à la modification du projet général de l'autoroute, conformément aux dispositions de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur les routes nationales.

Ce long préambule afin d'expliquer dans quel contexte ce projet a finalement été refusé, ceci principalement à l'égard des différents acteurs qui se sont succédés au fil de ce dossier.

Afin de relayer les préoccupations de l'ARIA, mais aussi par conviction personnelle, quatre députés de l'Alliance de gauche et des Verts déposaient un projet de loi (7815) modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur les routes nationales. Ce projet avait pour but de relancer le processus d'installation de l'aire autoroutière à Blandonnet et d'offrir une alternative au projet de Bardonnex, préservant ainsi le site agricole.

Les deux projets ont donc été étudiés parallèlement. Le projet de loi 7815 n'ayant toutefois pas encore fait l'objet d'un vote formel, il sera développé dans un rapport ultérieur.

Une part importante des travaux de la commission ont été consacrés à l'historique (cf. préambule de ce rapport).

M. Haegler, ingénieur cantonal, a ensuite informé la commission sur l'état actuel du dossier, suspendu dans l'attente de la modification de zones demandée par le Conseil d'Etat. Selon lui, seul le site de Bardonnex peut être retenu, car il est à même de répondre à toutes les conditions fixées par l'Office fédéral des routes dont il a d'ailleurs reçu un préavis favorable .

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1. d'entrer en discussion avec le groupe sélectionné pour la réalisation du projet, afin qu'il lui soumette une variante sous-dimensionnée ;

2. d'envisager, en collaboration avec les douanes, un déplacement du projet, éventuellement sur la plate-forme douanière extrêmement étendue.

Déplacement sur place le 2 septembre 1998

Un tableau résume les caractéristiques des deux projets (voir annexe).

Blandonnet : la difficulté réside de manière évidente dans l'exiguïté du terrain à disposition, réduit encore par la future construction des bretelles autoroutières. Il est certain que le projet primé ne pourrait y prendre place. Il faudrait entièrement repenser le concept ne retenant que la station-service (considérée comme non rentable sans restaurant) et de toutes façons le site a été préavisé négativement par l'Office fédéral des routes, principalement à cause des bretelles autoroutières.

Bardonnex :le site est en zone agricole, il jouxte la France. Il a toutes les caractéristiques pour accueillir le projet, mais il serait particulièrement dommageable pour l'environnement du point de vue de son emprise sur une zone agricole étendue. Il est contesté par les riverains réunis au sein de l'association ARIA et par le WWF (oppositions disponibles au DAEL).

Auditions

A deux reprises, soit les 2 septembre 1998 et 22 septembre 1999, la commission a auditionné des représentants du groupement primé soit les dirigeants du groupe Elf Suisse ainsi que leur avocat et administrateur, Me Jacquemoud. Ceux-ci ont répété aux deux occasions que, forts des promesses faites par le conseiller d'Etat Joye suite à la désignation de leur groupe comme lauréat du concours, ils ont entrepris les études nécessaires à la réalisation du projet, qui devrait être « un monument architectural » puisqu'ils se sont associés le concours d'un architecte internationalement reconnu en la personne de M. Santiago Calatrava.

Ils regrettent que l'arrivée d'un nouveau Conseil d'Etat impose des étapes non prévues par son prédécesseur. Ils rappellent leur attachement à Genève, Elf étant l'un des plus gros contribuables du canton. Ils souhaitent en outre créer environ trente nouveaux emplois pour un projet entièrement à leur charge.

Ne cachant pas une certaine irritation, les représentants du Groupe concluent qu'ils ont participé à un concours, qu'ils l'ont gagné, qu'ils ont aujourd'hui investi des frais d'études importants et qu'ils souhaiteraient pouvoir réaliser ce projet dans un délai rapide.

La commission a également entendu MM. Hottelier et Bailat, représentants l'association ARIA (Association des riverains de l'autoroute).

A l'aide de photos (voir annexe), ils ont expliqué à quel point la construction de ce Restoroute nuirait à l'environnement. Ils estiment que les terres agricoles sont de bonne qualité et qu'il n'y a pas lieu de les sacrifier. Si ce projet était vraiment reconnu comme indispensable, ils pensent « qu'il pourrait fort bien être construit dans le périmètre des douanes qui est assez vaste, d'autant plus que les douanes vont peut-être disparaître d'ici quelques années ».

La dernière audition a été celle du responsable des douanes suisses, M. Cottet.

D'entrée, M. Cottet a expliqué que l'utilisation de la plate-forme douanière par d'autres activités n'est pas envisageable. Les bilatérales ne changeront rien pour les douanes, l'utilisation de la plate-forme restera donc ce qu'elle est. Même si le parking peut paraître parfois sous-occupé, beaucoup d'activités s'y déroulent, les surfaces à disposition sont indispensables, pour le trafic des camions mais aussi pour le transfert des marchandises.

A la question d'envisager l'implantation du Restoroute sur la plate-forme, la réponse est donc catégoriquement négative !

Position du Conseil d'Etat

En date du 6 octobre 1999, le Conseil d'Etat par la voix du président du DAEL rappelle qu'étant défavorable au régime dérogatoire pratiqué par son prédécesseur, il a décidé de soumettre un projet de déclassement. Il a ainsi offert au Grand Conseil l'occasion de discuter de ce projet. Il ne considère pas que la proposition de Blandonnet soit une alternative pour toutes les raisons évoquées plus haut, notamment l'exiguïté du terrain et le préavis négatif de l'Office fédéral des routes. Après étude approfondie, il lui apparaît donc que le site de Bardonnex est le seul qui réponde aux critères imposés par l'Office fédéral des routes ; il estime toutefois que le projet soumis empiète trop sur la zone agricole, sans que l'on ait discuté de compensations. Le Conseil d'Etat s'engage donc à rediscuter avec la société Elf d'un redimensionnement de ce projet.

C'est à l'unanimité que la Commission de l'aménagement a décidé de suspendre le projet pour permettre au conseiller d'Etat Moutinot d'entreprendre les démarches proposées.

Et ce n'est qu'un an plus tard, soit en septembre 2000, que le dossier a été remis à l'ordre du jour.

Le 8 novembre 2000, la commission prend connaissance de la position du groupe Elf par le biais de deux courriers, l'un adressé au chef du département, l'autre au président de la commission. Ces lettres sont annexées au présent rapport, de même que la lettre de réponse du président Pagani.

Conformément aux voeux émis par certains commissaires, un redimensionnement du projet est présenté; il comprend un emplacement pour poids lourds et véhicules légers, en accord avec les directives fédérales, une distribution de carburant, un restaurant, différentes fonctionnalités. Son emprise au sol est considérablement réduite de 44 à 20 000m2 environ, mais le concept au niveau de l'architecture est très largement modifié. L'architecte ayant refusé de revoir son projet à la baisse, il a été revu par la société Elf. L'idée du pont suspendu est toutefois maintenue.

Cette manière de faire a déclenché l'ire des architectes membres de la commission qui ont estimé « qu'on improvisait un projet réduit, sans tenir compte des qualités architecturales».

S'ensuit donc une discussion fort animée entre les défenseurs du geste architectural percutant et les protecteurs de l'environnement de moins en moins convaincus par la nécessité d'une aire autoroutière fût-elle sous-dimensionnée.

La moralité de cette histoire, au jour du vote en commission en tout cas, a voulu que les efforts déployés par le chef du département pour contenter les uns et les autres furent vains, puisque réunis dans un même élan, ils furent unanimes à contester le nouveau projet, les uns le considérant comme médiocre, les autres estimant qu'il ne laissait qu'une part congrue à l'agriculture et que la priorité de la réalisation d'une aire autoroutière ne s'était pas fait sentir.

Il restait donc à voter l'entrée en matière du projet de loi, le nouveau projet serait, lui, traité comme amendement.

L'entrée en matière a été refusée par 8 NON (3 S, 2 Ve, 3 AdG) contre 7 OUI (3 L, 2 R, 2 DC).

La modification des zones ayant été refusée, c'est bien sûr l'ensemble du projet qui est remis en cause. Le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, après le vote du Grand Conseil, fera part des prétentions émises par le groupe Elf et de la suite que le Conseil d'Etat entend leur donner. La majorité de la commission considère au demeurant que les éventuelles prétentions d'ELF sont infondées.

La majorité de la Commission de l'aménagement vous recommande donc Mesdames et Messieurs les députés, de suivre ses conclusions et de rejeter ce projet.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

1 Le plan N° 28993-505, dressé par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, le 19 février 1998, modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public, au lieu-dit la Planche) est approuvé.

2 Les terrains sis dans la zone visée à l'alinéa 1 sont destinés exclusivement à la réalisation d'une aire autoroutière.

3 La surface brute de la construction à édifier est limitée à 1'500 m2 de plancher.

4 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Article 2

1 Si le projet n'est pas mis à exécution dans un délai de cinq ans à compter de l'approbation par le Grand Conseil, du plan visé à l'article 1, les terrains faisant l'objet de la présente modification des limites de zones sont restitués à la zone agricole, conformément à la procédure instituée par la loi.

2 En cas de recours contre l'autorisation de construire relative au projet, le délai précité est suspendu entre la date de la publication de l'autorisation de construire et l'entrée en force de celle-ci.

Article 3

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone, créée par le plan visé à l'article 1.

Article 4

Un exemplaire du plan N° 28993-505 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

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RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur : M. Hervé Dessimoz

Selon le plan directeur des stations service en bordure des routes nationales de première et deuxième classe (Département fédéral de l'intérieur, ordonnance du 3 décembre 1973 concernant les directives techniques et recommandations relatives à la construction et à l'exploitation des installations annexes), une aire de ravitaillement est prévue sur le territoire genevois, à proximité immédiate de la frontière nationale.

Une première variante, dite de Blandonnet, qui portait sur des terrains situés entre les routes de Vernier et de Meyrin, avait fait l'objet d'une enquête publique pour la réalisation des accès routiers. Elle avait reçu l'approbation, le 6 février 1989, du Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie.

Sur la base de cet accord de principe, une requête en autorisation de construire DD 92550 fut déposée en 1993. Dans le cadre de son examen, l'Office des transports et de la circulation (OTC) émit un préavis demandant de démontrer la compatibilité du relais autoroutier de Blandonnet avec les jonctions complètes reliant la route de Meyrin et la route de Vernier avec l'autoroute. Le Conseil d'Etat, reprenant à son compte ce préavis, décida le 23 novembre 1993 de subordonner la délivrance de l'autorisation de construire à cette démonstration. Ensuite de quoi, l'autorisation fut délivrée le 3 décembre 1993, puis transmise pour approbation à l'Office fédéral des routes le 6 décembre 1993.

Par courrier du 29 décembre 1993, l'office précité répondit au département qu'il ne pouvait se prononcer en l'absence d'un projet de détail qui ne lui avait jamais été adressé et que, par ailleurs, aucune des solutions de modification des accès n'était techniquement satisfaisante.

Compte tenu de ces éléments, le Conseil d'Etat décida au début de la législature 1993-1997, le 22 décembre 1993, de surseoir à l'implantation de l'aire de ravitaillement de Blandonnet et le 12 décembre 1994, une convention relative à l'abandon du projet de l'aire autoroutière de Blandonnet était signée entre le chef du département et Coop-Genève, au bénéfice d'un contrat de bail à loyer daté du 3 décembre 1993.

Après recherche d'autres solutions, par exemple sur le territoire de la commune de Versoix, il ne restait que l'implantation de cet équipement à Bardonnex, à proximité immédiate de la plate-forme autoroutière, implantation qui satisfaisait aussi bien au plan directeur qu'aux contraintes de circulation, grâce à la vitesse limitée à 40 km/h. à l'endroit considéré. Le choix de ce site fut entériné par une résolution du Conseil municipal de la commune de Bardonnex en octobre 1995.

La réalisation d'une aire autoroutière à Genève revêt une grande importance sur le plan économique. A toutes les frontières autoroutières du continent, de telles stations service sont génératrices d'une intense activité économique, donc de retombées financières et fiscales intéressantes.

C'est le cas en Suisse des importantes aires de ravitaillement qui se trouvent, par exemple à Chiasso, ou à St-Margrethen. En plus des 32 emplois immédiats que créerait un tel projet à Genève, il est d'une importance primordiale que notre canton puisse réaliser cette aire autoroutière avant que celle-ci ne soit construite de l'autre côté de la frontière… De plus, un tel emplacement aurait pour avantage de présenter un site de promotion particulièrement adéquat pour les activités touristiques et les produits agricoles de Genève.

Le concours qui s'est déroulé fin 1996, début 1997, s'adressait à des groupements pluridisciplinaires composés au moins d'une société pétrolière, d'un restaurateur, d'un bureau d'ingénieurs et d'un bureau d'architectes avec un spécialiste de l'environnement. Il portait sur l'étude du concept jusqu'au projet d'exécution, sur la réalisation, le financement et l'exploitation.

Le règlement mentionnait expressément, dans les critères principaux de jugement, le rapport entre le projet et le site, ainsi que les qualités des aménagements extérieurs, des plantations et de l'environnement.

Le programme indiquait la réalisation d'une station service contenant 14 aires de distribution, un buffet libre-service avec terrasse d'environ 200 places, un bar, une échoppe de vente de produits agricoles et régionaux, un stand de l'Office du tourisme ainsi que des sanitaires.

Ce bâtiment, situé au centre du périmètre devait être pourvu de part et d'autre de 2 parkings de voitures comprenant chacun 66 places. De plus, il devait prévoir, au sud, un parking de poids lourds de 12 places. La dimension modeste de ce dernier se justifiait par la proximité immédiate de l'aire douanière qui offre des stationnements adaptés. Une liaison piétons entre l'aire douanière et la plate-forme autoroutière devait être proposée.

Les futurs usagers devaient pouvoir bénéficier d'une aire de pique-nique, d'un espace de jeux pour les enfants ainsi que d'un cheminement de détente. Enfin, un bassin permanent d'une profondeur d'environ 60 cm. devait servir de bassin de rétention des eaux pluviales.

Par décision du 19 mars 1997, le Jury du concours, composé de 19 membres, désignait le projet «  Genève, Porte de la Suisse » lauréat du concours. Il recommandait au Gouvernement genevois d'engager la réalisation du projet sur la base du projet lauréat.

Les membres du groupement lauréat étaient :

Elf Oil (Switzerland) SA, Autogrill, Santiago Calatrava Valls SA, Infraconsult SA et Solfor SA.

Dans la présentation du projet, M. Mikael John Vandy, directeur général d'Elf Oil (Switzerland) SA indiquait :

L'aire de ravitaillement «  Genève, porte de la Suisse » ne se contente pas d'être une aire multiservices, au sens fonctionnel. L'univers enchanteur qu'elle constitue est une véritable oeuvre d'art. Les zones d'arrêt de service et de repos sont réparties harmonieusement sur un site ouvert, elles se succèdent sans obstacle et s'articulent de façon équilibrée autour d'un axe de symétrie qui épouse le terrain naturel.

Le dispositif favorise tous les recyclages de flux par le biais d'un long giratoire en forme d'hippodrome.

Les regards culmineront au sommet du site sur le bâtiment central d'architecture « avant-gardiste » où sont regroupés services, prestations commerciales et lieux de détente ; en prolongement, un auvent de même facture assure l'abri des véhicules, auvent tendu vers le ciel.

Le panorama d'ensemble est du plus heureux effet ; le « bâti » et le « planté » y réalisent la synthèse recherchée.

Outre les fonctionnalités, tout est conçu pour le plaisir des yeux et la qualité de la halte. Le voyageur sera séduit par ce pôle de vie adossé aux plates-formes douanières; son oeil s'y fixera, guidé par la flèche monumentale d'un pont haubané lui servant de fil conducteur.

C'est le défi audacieux d'accueil et de convivialité que lance le groupement Oil Elf (Switzerland) SA en ce lieu.

Il est intéressant de relever que M. Vandy pouvait fonder ses arguments sur un projet d'une qualité remarquable élaboré par l'architecte Santiago Calatrava Valls.

Santagio Calatrava Valls bénéficie d'une renommée internationale par la qualité des projets qu'il a développés, notamment à travers l'Europe, et nous citerions : le pont métallique Trinity Bridge à Manchester, le pont Alamillo à Séville, la gare de Stadelhofen à Zurich, la gare de Lucerne, le Campo Volantin à Bilbao ou encore l'aérogare et la gare TGV de Lyon Satolas.

Architecte et ingénieur, Santiago Calatrava Valls est également professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

Au-delà des qualités urbanistiques et architecturales du projet (le rapporteur de minorité tient à disposition des membres du parlement une plaquette de présentation du projet de manière à ce que chacun puisse en prendre connaissance) l'architecte, parlant de la protection environnementale, disait : « …

Bruit :

Paysage :

Eau :

Sols :

la terre végétale décapée sera stockée sur place et réutilisée sur le site. La surface disponible sera suffisante pour assurer un stockage dans de bonnes conditions ;

des mesures de protection seront prises pour un déplacement minime des remblais en scories nécessités par l'implantation de la bretelle d'accès Nord.

… »

Dans son rapport du 19 mars 1997, le Jury du concours commentait le projet comme suit : …«

le Jury relève la qualité des accès sur le site et de l'ouvrage d'art qui marquent l'entrée sur le territoire genevois et qui permettent, de par leur situation, de préserver un espace vert proche des habitations ;

le bâtiment des services dont l'expression architecturale est structurée est en symbiose avec l'ouvrage d'art, marque une rupture sur le parcours de l'automobiliste, et s'intègre de manière adéquate sur le site en épousant les lignes déterminées par les circulations autoroutières ;

la circulation en limite nord de la parcelle pourrait être améliorée pour limiter les nuisances face à la zone agricole ;

la localisation des stationnements des poids lourds et des autocars, à proximité de la plate-forme douanière, est judicieuse ;

très bonne approche financière ;

le jury souhaite toutefois, dans le cadre des aménagements extérieurs définitifs, qu'un soin particulier soit apporté à la mise en valeur d'un espace de transition en faveur des piétons entre les aires de stationnement et le bâtiment. »

Suite à la proclamation des résultats le 20 mars 1997 et aux recommandations du jury, le groupement lauréat a été retenu pour l'exécution du projet primé.

Les études du projet de détail et les procédures ont été rapidement engagées, notamment l'étude de l'impact sur l'environnement, dont le rapport a été préavisé favorablement par le Service de l'écotoxicologie cantonal avant de l'être également, le 4 mars 1997 par l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage.

S'agissant d'une installation imposée par sa destination, au sens de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, la réalisation de la plate-forme autoroutière de Bardonnex ne nécessite en principe pas de modification des limites de zones.

Toutefois, vu l'importance de cet objet tant au niveau cantonal que régional, le Conseil d'Etat a estimé souhaitable de le soumettre à l'appréciation de la population par le biais de ce projet de modification des limites de zones qui prévoit la création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement sur une surface de 46 400 m2. Il convient de signaler que ce secteur est englobé dans un périmètre plus général faisant l'objet d'une étude pour un schéma directeur qui vise à garantir un aménagement harmonieux à l'ensemble des pôles constitués par Bardonnex, St.-Julien et Archamps.

Le projet de plan localisé de quartier N° 29007-505 définit plus précisément l'aménagement de ce secteur. Il a fait l'objet d'une procédure séparée.

Le présent projet de loi précise que, dans l'hypothèse où la construction de ladite installation ne serait pas mise à exécution dans un délai de 5 ans à compter de l'adoption de la loi par le Grand Conseil, les terrains visés seraient restitués à la zone agricole.

En ce qui concerne les surfaces d'assolement (SDA), l'Office fédéral de l'aménagement du territoire a indiqué qu'il serait prêt à admettre la perte de SDA correspondant au périmètre pour un tel projet d'infrastructure, faisant l'objet d'une planification de la Confédération.

En conformité aux articles 43 et 44 de l'Ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986, il a été proposé d'attribuer le degré de sensibilité 3 au bien-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le projet de loi.

L'enquête publique ouverte du 6 mai au 8 juin 1998 a suscité un certain nombre d'observations qui ont été communiquées à la Commission d'aménagement du canton. Il faut rappeler ici le préavis favorable du Conseil municipal de la commune de Bardonnex.

Pour le détail des travaux de la commission, je vous propose de vous référer au rapport de majorité.

La commission a effectué des déplacements à Blandonnet et à Bardonnex.

Une proposition de déplacement de l'emprise de la plate-forme autoroutière, pour environ 50 %, sur la plate-forme douanière, a été demandée. Cette proposition a été refusée par les douanes suisses en raison des besoins de stationnement des poids lourds concernés par les contrôles douaniers.

Une variante minimale a été demandée à Elf Oil (Switzerland) SA. Elle a été présentée en commission. Son stade d'élaboration était bien entendu en retrait du projet de M. Calatrava.

Après de nombreuses années de tergiversations, le débat politique a repris le dessus lors de la séance de la Commission d'aménagement du canton, présidée par M. Pagani, en date du 8 novembre 2000.

Si la minorité de la commission a pu croire, pendant les années où la commission a évoqué de temps en temps le projet, que la majorité admettrait un projet de qualité, peut-être dans une version réduite, le 8 novembre elle a pu mesurer, en moins de deux heures, que la réalité était tout autre, que la majorité ne voulait tout simplement pas d'aire autoroutière à Genève ! Le vote d'entrée en matière donnait les résultats suivants :

En faveur du projet : 7 oui (3 L, 2 R, 2 DC).

Contre le projet : 8 non (3 S, 2 Ve, 3 AdG).

Soit une confrontation classique des blocs, sans nuances, et un rejet pur et simple d'un projet discuté depuis 1993 :

Pourtant, le président avait, préalablement au vote, enregistré 5 propositions qu'il résumait ainsi :

Oui à une aire autoroutière.

Ce projet ou rien d'autre.

Un projet réduit.

Le projet primé.

La présentation de l'ensemble des projets.

Avec le refus d'entrée en matière, nulle chance n'a été donnée à ces propositions !

Considérant l'esprit dogmatique de la majorité sur ce sujet, considérant l'intérêt de ce projet pour Genève, la minorité a demandé au soussigné la présentation d'un rapport susceptible d'ouvrir un nouveau débat en séance plénière et peut-être de sauver le projet.

S'il est vrai que l'Etat de Genève a les moyens de passer par pertes et profits les frais d'études plutôt élevés déjà engagés dans ce projet.

S'il est vrai que Genève a les moyens de manquer une chance de plus d'améliorer ses équipements d'infrastructure.

S'il est vrai enfin que Genève a pour habitude, pour préserver son bien-être, de rejeter chez ses proches voisins français, malheureusement plus pauvres et moins gâtés, le surplus de son bien-être, le débat politique sur la plate-forme autoroutière de Bardonnex permet de poser quelques questions :

Genève, ville internationale, croisée des chemins et des cultures depuis des siècles, ne devrait-elle pas offrir un lieu de repos de haute qualité pour les automobilistes qui traversent l'Europe du Nord au Sud et vice versa ?

Est-il plus avantageux de rejeter en territoire français l'équipement autoroutier contesté, donc de perdre la possibilité de fixer les dispositions environnementales et maîtriser les impacts et les nuisances d'un tel équipement ?

N'est-ce pas mener une politique non durable que de pratiquer la politique de l'autruche en renonçant à prendre en main les avantages et les contraintes de ce projet ?

La liste des questions de ce type pourrait être déroulée sans limites mais également sans intérêt !

Le projet « Genève, porte de la Suisse », est une véritable opportunité pour notre canton.

Nous dirons :

sa réelle valeur artistique aussi bien au niveau de la qualité esthétique des ouvrages que de la qualité de son intégration environnementale et des espaces verts qui l'entoureront ;

la qualité de vitrine pour Genève à l'intention des automobilistes qui transitent et qui continueront à transiter sur le territoire du canton de Genève que la majorité parlementaire le veuille ou ne le veuille pas !

la qualité d'interface de communication avec les populations d'Europe qui s'y arrêteraient. Au-delà de sa vocation de ville internationale, Genève pourrait y dire ses convictions en matière de qualité de la vie, tout simplement son engagement en faveur du développement durable.

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai essayé dans ce rapport de dire, au mieux de ma conscience, les convictions de la minorité, sa volonté de vous convaincre d'accepter l'aménagement d'une plate-forme autoroutière à Bardonnex et plus particulièrement le projet « Genève, porte de la Suisse ».

Premier débat

La présidente. Je vous demanderai, Madame et Monsieur les rapporteurs, de ne pas vous asseoir l'un en face de l'autre... C'est uniquement pour que les cameramen puissent vous cadrer, car les caméras se trouvent en face de vous. Il est donc préférable de vous décaler.

Madame la députée Bugnon, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport de majorité ?

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. Oui, merci, Madame la présidente.

Le projet qui vous est soumis ce soir remonte au milieu des années 80, époque où le Conseil d'Etat en place avait souhaité réaliser une aire autoroutière sur le territoire du canton de Genève.

Le site retenu par le Conseil d'Etat de l'époque, le site de Blandonnet, était idéal pour accueillir ce genre de projet, loin des habitations, sur un territoire où tout espace naturel a déjà été largement sacrifié.

La Coop est alors partenaire, et une convention est signée. Malheureusement pour les promoteurs de l'époque, l'Office fédéral des routes ne veut pas entendre parler de ce projet, notamment en raison du problème des voies de décélération et d'accélération.

L'arrivée du conseiller d'Etat Joye à la tête du département des travaux publics a mis un terme définitif à ce projet, puisqu'il a purement et simplement signé, le 12 décembre 1994, une convention relative à l'abandon du projet de l'aire autoroutière de Blandonnet initié par son prédécesseur, sans enterrer pour autant l'idée, puisque le nouveau Conseil d'Etat restait très intéressé par la manne financière qu'une station-service améliorée pouvait apporter.

Un nouveau site fut donc recherché. On parla du site d'Ecogia à Versoix, jusqu'à ce que le dévolu du chef du DTP s'arrête sur la magnifique plaine de Bardonnex... Dès ce moment-là, tout s'accélère... Le soutien de l'Office fédéral des routes est acquis, un concours est lancé et un projet primé. Je ne m'arrêterai pas sur ce projet : son apologie figure dans le rapport de minorité de M. Dessimoz...

Dans la précipitation, on oublia - par mégarde, sans doute - de requérir une modification du projet général de l'autoroute, conformément aux dispositions de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur les routes nationales. On fit également l'impasse - mais volontairement cette fois-ci - sur une demande de déclassement, la zone prévue étant agricole. Mais il est vrai qu'en ces temps-là la dérogation était de mise ! Fort heureusement, le département des travaux publics changea de direction en 1997. Le DTP devint DAEL, et le système dérogatoire passa à la trappe.

Au cours de la campagne électorale pour les élections au Conseil d'Etat, l'Association des riverains de l'autoroute, constituée pour s'opposer à cette nouvelle atteinte au patrimoine agricole, adressa à l'attention des candidats un questionnaire fort intéressant sur l'avenir de l'aire autoroutière. Ainsi l'on vit les candidats Cramer, Moutinot et même Ramseyer, assurer la main sur le coeur qu'ils étaient prêts à rediscuter de l'emplacement du restoroute pour épargner la zone agricole...

La suite, Mesdames et Messieurs les députés, on la connaît : le Conseil d'Etat a partiellement tenu ses engagements, puisqu'il n'a pas présenté d'autre projet... Il n'a pas retiré celui-ci, n'épargnant ainsi pas la zone agricole comme promis, mais, au moins, il a soumis le déclassement de la zone au Grand Conseil.

A la demande des députés de la commission d'aménagement du canton, M. Moutinot est entré en négociation avec les partis pour proposer une diminution de l'emprise du projet. Malgré cette diminution qui permettait d'épargner provisoirement 20 000 m2 de zone agricole - je dis bien provisoirement, car elle ne protégeait pas vraiment les futures extensions - ce projet ne trouvait pas grâce à nos yeux, ni à ceux des défenseurs du projet primé - mais je laisserai M. Dessimoz vous en donner les raisons.

C'est donc un déclassement de terrain qui nous est soumis ce soir. Je me permets de le préciser pour celles et ceux qui n'auraient pas lu le rapport de majorité, parce qu'il est vrai que les conclusions du rapport de minorité sont curieuses, qui appellent à voter pour le projet «Genève, porte de la Suisse»... En ce qui nous concerne, nous n'avons jamais porté de jugement sur le projet primé, jamais remis en cause non plus les qualités de l'architecte.

Il s'agit encore une fois d'une question d'aménagement du territoire. Nous n'acceptons pas que 40 000 m2 soient détruits au profit d'un relais autoroutier dont personne à ce jour n'a réussi à nous convaincre du bien-fondé !

Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, qu'au-delà des pressions fortement médiatisées - même encore hier la «Tribune de Genève» a sorti un plan erroné, la zone prévue pour l'installation du restoroute est beaucoup plus importante que ce qui a été dessiné sur le plan - vous partagerez nos préoccupations et celles des riverains déjà fortement gênés par les nuisances liées à l'autoroute et voterez les conclusions du rapport de majorité. (Applaudissements et bravos fusent.) 

La présidente. Je rappelle aux personnes qui se trouvent à la tribune qu'il est interdit de manifester. Si tel devait être le cas, je serais obligée de demander l'évacuation de la tribune. Je pense donc qu'il est préférable de s'abstenir !

Monsieur Dessimoz, vous avez la parole.

M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur de minorité. Mme Bugnon a évoqué la conclusion de mon rapport, intitulée «Genève, porte de la Suisse». Il est effectivement important de le dire, car le déclassement sans ce projet n'aurait pas de sens. Comme je crois savoir que plus de 50% de ce parlement n'ont pas connaissance du projet, je tiens à la disposition de ceux qui le désirent et qui veulent savoir de quoi on parle deux plaquettes de ce projet qui ont été élaborées par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

J'ai pris avec moi l'Agenda 21 du Sommet de la Terre à Rio, parce que je pense que ce soir nous allons beaucoup parler de développement durable, et je voudrais qu'on soit bien d'accord sur les termes que nous allons utiliser.

Par ailleurs, je dois faire un correctif à votre rapport, Madame Bugnon, à la page 7, alinéa 3, où vous dites que l'ire des architectes se serait déclenchée lorsqu'il a fallu comparer la variante proposée par la société lauréate au projet primé... En fait, Madame Bugnon, l'ire des architectes n'était pas due au fait de devoir comparer un projet en version réduite de mauvaise qualité à un projet de qualité, mais de devoir comparer une esquisse d'intention à un projet de qualité !

Enfin, pour commencer ce débat dans la bonne humeur, je vous confie à toutes et à tous la bonne blague que les Fribourgeois m'ont réservée... Je vous la lis : «Lully 01 SA et ses partenaires ont le plaisir d'inviter M. Hervé Dessimoz à l'inauguration officielle du nouveau restoroute Rose-de-la-Bois à Lully. L'aire de ravitaillement se situe à Lully sur l'autoroute A1, Saint-Gall / Genève, le tronçon suisse de la route européenne E25, qui permet de relier d'un seul tenant Rotterdam à Gênes. Les travaux de l'autoroute ont révélé de nombreux sites archéologiques allant de l'ère néolithique à l'époque romaine. Cette proximité des sites archéologiques et des routes romaines a été source d'inspiration pour l'aménagement du restoroute, pour faire de ce restoroute l'un des plus accueillants et des plus attractifs du réseau autoroutier suisse. Tout a été mis en oeuvre dans le but de valoriser la détente des automobilistes et autres visiteurs de passage. Lully 01 SA et ses partenaires ont le plaisir de vous inviter à l'apéritif qui sera donné à l'occasion de l'inauguration officielle et dans le programme, trois syndics : celui de Lully, celui d'Estavayer-le-Lac, celui de Frasses, auront le plaisir de couper le ruban. Le président du département des travaux publics de l'Etat de Fribourg posera la dernière pierre de la mosaïque autoroutière.»

Tout cela pour vous dire que ce qui distingue le restoroute de Bardonnex et celui de Lully, c'est que le tronçon autoroutier de Lully est en voie d'achèvement, alors que l'autoroute de contournement de Genève est achevée depuis huit ans !

Merci de votre attention ! (Applaudissements.)  

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs lectures de lettres ont été demandées. Je vous prie, Monsieur le secrétaire, de bien vouloir les lire.

Annexes : TCS

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Commune de Bardonnex

Jacquemoud & Stanislas

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M. Alain Etienne (S). Le parti socialiste ne soutiendra pas l'aire autoroutière de Bardonnex, et cela, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, nous voulons sanctionner la politique dérogatoire de Philippe Joye, alors conseiller d'Etat. Nous l'avons déjà dit, nous ne sommes pas favorables aux dérogations, et Mme Bugnon a très bien expliqué notre position dans son rapport.

En cela, il faut saluer la volonté du Conseil d'Etat actuel multicolore et de M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, en particulier, d'être revenu à des pratiques plus démocratiques et d'avoir soumis au Grand Conseil ce projet de loi de modification de zone qui nous permet, aujourd'hui, d'avoir un vrai débat, débat que vous appelez de vos voeux, Monsieur le rapporteur de minorité, ce débat que nous avons aujourd'hui... Je croyais que l'affaire des déclassements pour Reuters avait servi de leçon, mais je constate qu'il n'en est rien !

La position des socialistes a été claire dès le début - nous l'avons dit en commission - l'aire autoroutière ne pouvait se faire à Bardonnex que si elle pouvait se situer sur l'aire douanière qui, à notre avis, est surdimensionnée. La réponse du responsable des douanes a été on ne peut plus claire : non ! A partir de là notre position était prise...

Monsieur le rapporteur, vous nous parlez ensuite de durabilité. Du reste, dans cette enceinte, vous nous avez souvent parlé de développement durable, encore dernièrement avec votre motion 1346 au titre éloquent : «Genève doit montrer l'exemple».

Mais ce projet de restoroute a-t-il vraiment été étudié sous l'angle du développement durable ? Alors, je sais, comme vous, que le projet présenté traite du bruit, de l'air, de la gestion de l'eau, de la qualité des espaces verts, de l'intégration dans le site, mais je rajouterai deux choses essentielles :

Tout d'abord, cette aire autoroutière est une perte considérable pour le monde agricole : près de 44 000 m2. J'aimerais rappeler ici que le sol est une matière pour ainsi dire non renouvelable, car les sols mettent de nombreuses années pour se constituer et être de qualité. Les terres agricoles sont également l'outil de travail des agriculteurs et restent encore le substrat absolu pour produire nos aliments. Il est donc de notre responsabilité de préserver la fertilité des sols, et le concept de l'environnement, qui sera bientôt à l'ordre du jour du Grand Conseil, est très clair à ce sujet. La Chambre genevoise d'agriculture, elle-même, a, à plusieurs reprises et notamment lors du débat sur la taxation des plus-values foncières, rappelé que les agriculteurs payaient un lourd tribut à l'urbanisation.

D'autre part, dans la démarche du développement durable, il y a la notion de citoyenneté participative, et, là encore, nous en sommes loin ! Nous sommes dans un schéma traditionnel où l'économie l'emporte !

Alors, ne venez pas, Monsieur le rapporteur, vous approprier les voix des citoyens et des citoyennes en affirmant dans la presse qu'il faut être à l'écoute des Genevois ! Nous les entendons aussi. Nous entendons aussi les représentants des habitants riverains, les représentants de l'ATE ou encore de Bardonnex Alternative.

Et puis, il y a le projet d'architecture de M. Calatrava dont vous vous faites l'ardent défenseur. Et j'insisterai sur ce point : nous ne sommes pas là pour juger de la qualité d'un projet, ni même pour défendre une corporation, quand bien même je pense que les concours sont des opportunités pour la profession. Nous sommes là pour dire si oui ou non nous voulons déclasser des terres agricoles pour construire une aire autoroutière ! D'ailleurs, vous nous le répétez assez du côté de l'Entente, quand l'Alternative pose des questions trop précises sur les projets en commission de l'aménagement, qu'il faut s'en tenir aux seules compétences qui nous ont été données !

S'il faut parler du projet, parlons-en ! Je vous l'ai dit en commission, la douane française a aussi, sauf erreur, fait l'objet d'un concours avec cette grande arche jaune. «Genève, porte de la Suisse» existe déjà. Ces deux projets mis côte à côte vont se faire concurrence dans le paysage. D'ailleurs, la maquette que nous avons pu voir fait abstraction de cet élément. Quant à l'insertion dans le site, on peut se poser des questions. Nous ne sommes pas à Gruyère devant un panorama de carte postale. Nous sommes à Bardonnex, coincés entre une aire douanière et une zone artisanale...

La question essentielle aujourd'hui est celle-ci : Genève a-t-elle besoin d'une aire autoroutière ou, plutôt, est-il nécessaire d'avoir une aire entre la Côte, dans le canton de Vaud et Valleiry en France, à l'heure de la construction européenne ? Nous sommes d'avis que non, ou, en tout cas, pas dans ces conditions !

Et puis, permettez-moi de trouver un peu dépassé le tableau que vous nous peignez sur la halte bénéfique pour les automobilistes européens de passage qui pourraient acheter les produits du terroir... Croyez-vous vraiment qu'une aire autoroutière à Genève soit le lieu idéal pour faire connaître les produits du terroir ? (Commentaires.) Evidemment, je connais bien l'aire de Montélimar, et je m'y arrête parfois pour acheter du nougat... (Exclamations.) Mais, vous en conviendrez, les produits du terroir qui sont proposés sont souvent, même si ce n'est pas toujours le cas, des sous-produits commerciaux qui sont loin d'être authentiques ! (Rires et exclamations.) Et puis, en définitive, combien de personnes, croyez-vous, vont-elles quitter Bardonnex pour venir visiter Genève ? Tout ceci est un leurre !

Vous faites également référence au plan directeur cantonal de l'aménagement, mais vous en faites une interprétation toute personnelle. En effet, d'une part, il est préconisé de préserver des terres agricoles cohérentes pour leur intérêt fonctionnel et paysager et, d'autre part, je ne crois pas que le plan d'aménagement concerté transfrontalier de St-Julien / Neydens / Archamps / Bardonnex mentionnait précisément un restoroute. L'étude d'un schéma de secteur franco-suisse en cours va bien au-delà de la simple implantation hasardeuse de l'objet qui nous concerne. Je vous rappelle encore que le PAC est une procédure qui permet la concertation avec les communes et les associations représentatives concernées.

Et puis il est inacceptable de venir parler ici de la renaturation de l'Aire ! La renaturation de l'Aire fait l'objet d'un projet en cours. Le concours a permis de donner une idée de ce qu'il est possible de faire pour redonner vie à une rivière de notre canton. Et hier, le conseiller d'Etat Robert Cramer nous a apporté des garanties qui ne sont pas nouvelles. Rien ne se fera sans projet de loi, sans compensation et sans concertation.

Et puis, et j'en terminerai par là, il y a toute cette pression médiatique et cette lutte d'intérêts exercée ces derniers jours. J'aimerais rappeler ici que Mme la députée Fabienne Bugnon est la porte-parole de la majorité. Elle n'a pas à subir personnellement cette pression, dont nous assumons collectivement la responsabilité et dont nous comprenons les enjeux !

M. Roger Beer. C'est joli !

M. Alain Etienne. Vous avez tous lu le portrait qui a été fait d'elle dans la « Tribune de Genève ». J'ai été surpris du jugement excessif qui a été porté sur sa position concernant la défense de la zone agricole. J'ai, de plus, été choqué, hier soir, par le fait que le député Ducommun ait utilisé ce passage lors de son interpellation urgente...

En conclusion, les socialistes vous invitent à suivre le rapport de majorité et à refuser l'entrée en matière sur ce projet. (Applaudissements.)

M. Luc Barthassat (PDC). Le restoroute de Bardonnex est un projet plus que nécessaire pour Genève, notre canton ne possédant pas de halte autoroutière sur son territoire. Il serait impossible de le faire ailleurs qu'à Bardonnex : c'est l'Office fédéral des routes qui le souligne.

Le futur projet s'implanterait à côté de la douane de Bardonnex, une des plus importantes d'Europe, là même où des milliers d'automobilistes et des centaines de poids lourds transitent chaque jour. Pensons à ces camionneurs qui doivent s'arrêter pour dédouaner leurs marchandises, ce qui peut durer des heures, voire plusieurs jours, et qui n'ont rien pour se restaurer ou se reposer, ni WC, ni douches !

Le projet primé «Genève, porte de la Suisse», réalisé par un architecte de renommée internationale, constitue une véritable oeuvre d'art et marque magnifiquement l'entrée du territoire genevois, vu la qualité de son intégration environnementale et des espaces verts qui l'entourent.

Mesdames et Messieurs les députés, à l'heure où la protection de l'environnement prend de plus en plus d'importance et où les demandes concernant les prestations sociales sont en constante augmentation, il faut penser aussi à augmenter les rentrées fiscales.

Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face, je crois que vous appelez ça le «développement durable»... N'oublions pas que, malgré une conjoncture meilleure, la création d'emplois reste très importante dans notre canton ! La majorité gauche / verte de ce parlement, en ne votant pas l'entrée en matière de ce projet de loi, a tout simplement voulu s'opposer avant même de vouloir comprendre l'importance d'un tel projet pour notre canton.

Concernant la zone agricole, nous habitons un canton-ville qui grandit continuellement. Nous ne pourrons pas mettre la zone agricole sous une cloche de verre, en étant hermétiques à toute idée nouvelle et future. Il nous faut la protéger, car c'est notre outil de travail à nous, les milieux agricoles, mais il nous faudra obligatoirement lâcher du lest, perdre un petit peu pour que notre canton puisse gagner davantage.

N'oublions pas non plus que prochainement nous devrons nous prononcer sur le projet de la renaturation de l'air, projet qui touchera une quarantaine d'hectares. Ce qui représente 400 000 m2, Monsieur Etienne, et non 40 000 comme ici, en bonne partie en zone agricole ! Nous verrons à ce moment-là si les partis de gauche et les associations de circonstance mettront le même dynamisme à la protéger !

Cet ouvrage - j'insiste sur ce point - ne coûtera pas un sou aux contribuables genevois et donnera aux milieux de l'agriculture la possibilité d'avoir une vitrine pour vendre et faire connaître leurs produits aux Européens de passage.

Vous, les grands maîtres à penser des partis de l'Alternative, vous êtes les geôliers du couloir de la mort des grands projets genevois... (Rires.) ...et vous vous apprêtez encore une fois à assassiner une grande idée, une des grandes visions frontalières ouvertes sur l'Europe pour le futur de notre canton !

Je vous prie de voter le déclassement pour ne pas commettre une telle erreur ! (Applaudissements.)  

M. Walter Spinucci (R). Permettez-moi de vous livrer mes réflexions sur un échec programmé !

Pour qu'une autorité, un gouvernement, un chef, soit crédible, il convient qu'ayant présenté ses objectifs il s'efforce de s'y tenir... Il convient également qu'ayant cautionné une action et donné sa parole, il ne la reprenne pas...

Pour un gouvernement, cela constituerait une falsification que l'histoire retiendrait probablement comme une trahison, un manquement à la parole donnée, soit, comme le définit le Larousse : «une félonie»... La politique sérieuse n'est pas une polyéthique : il n'y a pas plusieurs manières de respecter l'éthique... Le respect de la parole donnée est essentiel, il est capital.

Quant à l'actualité récente, nous constatons que la gauche genevoise est d'un tempérament frileux et castrateur en ce qui concerne la finalisation des grands projets. Concernant l'affaire de Bardonnex, toutes les conditions étaient réunies pour recueillir des avantages aussi rares que prestigieux. La politique du caméléon a prévalu et le refus du 8 novembre 2000, par la commission d'aménagement du canton, d'entrer en matière a conduit à une situation antidémocratique.

Si le gouvernement a choisi la voie de ne pas respecter la parole donnée, c'est parce que certains membres du gouvernement préfèrent respecter l'engagement pris lors de la campagne électorale de l'automne 97, lorsqu'ils ont pris l'engagement écrit de remettre en cause le projet de plate-forme autoroutière de Bardonnex, animés qu'ils étaient par leur souci électoraliste... Le cafouillage déjà évident dans le projet de Blandonnet a coûté aux contribuables 500 000 F. Le renoncement de Bardonnex leur coûtera trois ou quatre fois plus, soit environ 1,5 ou, plus probablement, 2 millions... Les autogoals se suivent et se ressemblent !

Nous regrettons que la gauche en général et certains membres du gouvernement soient si peu enclins à ménager les deniers publics. A ce gaspillage d'argent public s'ajoute une fois de plus - la gauche nous y a habitués... - le non-respect de la décision du Conseil municipal de la commune de Bardonnex qui a apporté son soutien au projet de plate-forme autoroutière, par l'acceptation d'une résolution allant dans le sens souhaité, par onze oui, deux non et deux abstentions.

La gauche préfère suivre les arguments trompeurs d'un mini groupe qui défend égoïstement son petit pré carré plutôt que de respecter la volonté du conseil municipal. Face à cette désinvolture et à l'énorme gaspillage des deniers publics, le peuple du canton entier saura vous sanctionner le moment venu. (Applaudissements.)  

M. Georges Krebs (Ve). Lors des débats en commission, ce projet a été comparé au Mont-Saint-Michel, aux cathédrales... Il s'agit d'un lieu néolithique, c'est un grand architecte qui a projeté cet ouvrage...

Autrefois, les architectes construisaient des cathédrales, des pyramides. Que construit-on aujourd'hui ? Des centres commerciaux, des stations-service !  Nous sommes dans une époque où le matérialisme a remplacé la spiritualité et les odeurs d'essence celles de l'encens... (Commentaires.)

Alors, la vraie question qui se pose est la suivante : avons-nous un réel besoin de cette station-service, de ce centre commercial à la frontière ?

Je pense - du reste, M. Etienne l'a très bien dit et M. Barthassat aussi - qu'il faut préserver l'outil de travail. Quel est l'outil de travail à Genève ? C'est d'abord la terre pour les agriculteurs, mais c'est aussi et avant tout l'environnement, la qualité de la vie, la sécurité ! Pourtant, on est en train de détruire notre outil de travail. Et il faut bien penser que les personnes qui vont s'arrêter à Bardonnex ne viendront pas forcément jusqu'à Genève, cité des parcs. Mais peut-être des écriteaux «Genève, oeuvre de Calatrava», «Genève, porte d'entrée de la Suisse» remplaceront-ils «Genève, cité des parcs» ! Restons raisonnables !

J'admire beaucoup ce projet, mais il est malheureusement prévu dans un site qui ne mérite pas sa présence et, de plus, il n'est pas vraiment nécessaire entre la station de la Côte et celle de Valleiry où, d'ailleurs, la vision sur Genève est beaucoup plus belle. Je vous incite d'ailleurs à vous y rendre pour le constater, et les agriculteurs pourraient tout à fait vendre leurs produits et faire de la réclame pour Genève sur ce site. (Rires et applaudissements.)

M. Hubert Dethurens (PDC). Monsieur Krebs, vous connaissez probablement mal les barrières douanières que nous avons avec la France, et je vous mets au défi d'aller porter quoi que ce soit au restoroute de Valleiry !

Mesdames et Messieurs les députés, Genève détient certainement la palme de l'originalité en matière de développement... Qui d'autre que Genève se permettrait de refuser ce qui nous est proposé ? Un restoroute pratiquement clés en main... (Rires.) ...sans que l'Etat débourse un seul centime ! De plus, la société Elf s'est engagée à reverser des royalties à l'Etat de Genève. Mais à mes yeux le plus important est son contexte : la formidable vitrine pour Genève qu'offrirait un tel projet. Le tourisme, l'agriculture, l'hôtellerie, le commerce et même l'industrie y trouveraient tous un fantastique outil de promotion.

Mesdames et Messieurs les députés qui n'avez pas le permis de conduire ou qui ne vous rendez jamais en France sur la Côte d'Azur, je vous invite vivement à pratiquer ce parcours. Rien que le restoroute de Montélimar pourrait vous en convaincre ! Quelle est aujourd'hui la ville qui renoncerait à de tels équipements ? Le combat que vous menez ici pour l'écologie est un combat d'arrière-garde ! Le combat doit être porté sur la propreté des moteurs, sur la recherche de nouveaux carburants, si possible renouvelables, mais en aucun cas sur la liberté de déplacement de la population !

Mesdames et Messieurs les députés, les restoroutes ne sont pas seulement des méchants distributeurs de liquides polluants. Ils sont devenus au fil du temps des aires de délassement qui contribuent à la sécurité et aussi à faire des découvertes touristiques. En France voisine, les collectivités publiques de chaque région se battent pour obtenir de telles infrastructures, et cela avec l'appui de tous les partis politiques ! A ce propos, il est curieux de constater que les Verts et les socialistes, suisses et français, mènent le même combat pour priver l'Etat de certaines recettes... Seuls les moyens diffèrent : à Genève, on va se priver de recettes liées à la vente de carburants, alors qu'en France Jospin, Voinet, Cohn-Bendit, eux, suppriment l'impôt auto, Mesdames et Messieurs les députés ! On peut toujours rêver au jour où les roses/verts ne parleront plus la langue de bois sur les problèmes européens !

Dans son rapport de minorité dont les auteurs et les réalisateurs éventuels de ce projet ne renieraient pas la paternité, M. Dessimoz cite mieux que quiconque la liste de tous les avantages que procurerait cette réalisation. Et même si la majorité ne veut pas de ce projet, qui est peut-être gourmand en terres agricoles - je vous le concède - Genève n'a pas le droit d'abandonner purement et simplement l'idée d'un restoroute sur son territoire ! (Applaudissements.)  

M. René Koechlin (L). Une fois de plus - je le disais déjà hier, permettez-moi de me répéter - l'Alliance de gauche et les Verts...

Des voix. Et les socialistes !

M. René Koechlin. ...suivis docilement - une fois n'est pas coutume - par les socialistes, s'opposent à un projet porteur pour Genève après la halle 6, le stade de la Praille, la place des Nations, l'aéroport, le parking de la Place-Neuve - et j'en passe - et, antérieurement, lors de la précédente législature, le siège de Reuters à la Pallanterie... Vous étiez contre, naturellement ! (Rires et exclamations.) Je ne vais pas vous citer tous les projets auxquels vous vous êtes opposés : j'en aurais pour la soirée ! Je vous fais donc grâce de tous les autres et de tous ceux qui viendront, car nous devons encore en examiner en commission - auxquels vous vous opposerez bien sûr, avec des motifs que je qualifierai de «surfaits» ! Aujourd'hui, c'est au tour de l'aire autoroutière de Bardonnex de passer à la trappe... Dont acte !

Je vous pose la question suivante, mais n'y répondez pas ce soir parce que vous n'en seriez pas capables : il faut d'abord que vous réfléchissiez un peu - pour une fois ! (Rires.) Quels projets proposez-vous ? En existe-t-il un seul ? Un tout petit ? Un tout petit truc ? Au moins un petit quelque chose ? Non ! Rien ! C'est le néant le plus total, parce que vous êtes incapables de proposer un projet pour Genève ! C'est quelque chose qui vous échappe, qui vous est complètement étranger, n'est-ce pas ! (Rires.) Et quand d'autres s'évertuent à vous en présenter, vous les rejetez avec dédain, à coup d'arguments surfaits, comme je le disais tout à l'heure.

Monsieur Etienne, vous disiez - vous qui vous opposez à ce projet - qu'il fallait préserver ces 4 hectares de terres agricoles idylliques, magnifiques, qui méritent d'être sauvegardés à tout prix ! Puis, un peu plus tard - en parlant du projet cette fois - vous disiez qu'il ne pouvait en tout cas pas constituer une porte pour Genève, coincé qu'il est - c'est le terme que vous avez utilisé - entre une aire douanière et une zone artisanale, donc sur un site ridicule, qui ne vaut rien puisqu'il est «coincé» entre une aire autoroutière et une aire artisanale ! Alors, ce site vaut-il la peine d'être sauvegardé parce qu'il est magnifique ou est-il «coincé»... (Rires.) ...entre deux secteurs et il ne mérite même pas qu'on en parle ? (L'orateur est interpellé par M. Etienne.) Mais c'est vous qui l'avez dit, Monsieur Etienne ! Alors, il faudrait savoir !

Naturellement, lorsqu'il s'agit de saper, les pires arguments sont bons... Et ce soir, les députés des bancs d'en face développent des arguments qui sont tous mauvais... Evidemment, ils estiment qu'ils sont bons et qu'ils justifient leur refus. Tant pis !

Parce que vous avez la majorité, ce projet de loi sera refusé, et nous verrons bien ce qu'il adviendra. Moi, j'imagine que Elf va mener une action en dommages et intérêts - d'ailleurs, leur avocat l'a dit tout à l'heure - contre le Conseil d'Etat qui, à mon avis, n'est plus crédible à ses yeux. En effet, après tous les engagements que ledit Conseil d'Etat a pris et toutes les promesses qu'il a faites... (L'orateur est interpellé par M. Grobet.) Joye... Et alors, Monsieur Grobet, vous croyez que lorsque vous étiez conseiller d'Etat on ne prenait pas vos promesses au sérieux ? Ça ne vaut rien, les promesses d'un conseiller d'Etat ? (Exclamations.) Vous venez de le dire à l'instant, si j'ai bien compris ! Dont acte, Mesdames et Messieurs : les promesses du Conseil d'Etat, ça ne vaut pas pipette ! Qu'on se le dise dans cette République et qu'on le dise à tous les étrangers qui essayent de réaliser un projet d'une certaine importance dans notre canton, pour son bien ! Qu'on le sache ! En ce qui me concerne, je vous assure que j'irai le dire ! (L'orateur est interpellé.) Oui, nous commençons à en avoir assez de vos oppositions perpétuelles ! Ça n'empêche que j'ai des amitiés sur les bancs d'en face ! (Eclats de rire.) Par exemple, je ne suis jamais d'accord avec Spielmann...

Une voix. De temps en temps !

M. René Koechlin. Jamais ! ...mais je le trouve sympathique et j'ai une certaine amitié pour lui. D'ailleurs, c'est une des grandes leçons que j'ai retenues de ce Grand Conseil : je me suis rendu compte qu'il y a des types avec lesquels je ne suis jamais d'accord, mais que je trouve, malgré moi, sympathiques ! C'est gênant ! (Rires.) La relation affective n'a rien à voir avec la relation idéologique : c'est la conclusion !

Cela dit, la procédure que va mener Elf durera un certain temps, et nous reviendrons proposer un autre projet dans une année, Mesdames et Messieurs ! (Applaudissements.)  

Mme Anita Frei (Ve). Mon préopinant a mis le turbo, je fonctionnerai avec une énergie un peu plus douce et plus brièvement.

Décidément, la voiture, dans les débats du Grand Conseil comme sur le territoire genevois, occupe une place considérable, je dirai même excessive... Les 46 000 m2 de zone agricole à déclasser pour construire une aire autoroutière, aussi architecturalement séduisante soit-elle, sont certainement excessifs. On a déjà sacrifié des kilomètres carrés à l'autoroute de contournement, creusé une saignée irrémédiable à travers la campagne genevoise, construit une gigantesque plate-forme douanière, mais tout cela ne suffit pas ! Non, Mesdames et Messieurs les députés, Genève doit avoir son aire autoroutière ! (Exclamations et bravos.) Notre petit canton doit avoir son aire autoroutière, il ne suffit pas qu'il y en ait une juste avant et une juste après !

Et le seul moyen d'être rentable pour un restoroute, c'est d'attirer un maximum d'automobilistes. Est-ce vraiment là ce que nous voulons infliger aux riverains ? Est-ce vraiment ce que l'on souhaite pour Genève où les normes OPB et OPair sont dépassées année après année ? Est-ce vraiment là un idéal de grand projet pour Genève ?

Les Verts sont fermement opposés à un déclassement de la zone agricole pour y construire une aire autoroutière. Nous refusons le bétonnage et l'imperméabilisation d'hectares de terres, car nous défendons un usage mesuré et raisonnable du sol. Ce projet est manifestement et scandaleusement dispendieux et inutile ! Les Verts s'opposent donc, par principe, au déclassement proposé, même pour un projet aussi beau que celui de M. Santiago Calatrava... Nous préférons M. Calatrava quand il construit des gares ! (Rires et applaudissements.) 

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il est 19 h. Nous arrêtons nos travaux que nous reprendrons à 20 h 30. Sont d'ores et déjà inscrits : MM. Grobet, Vaucher, Beer et Brunier. Je vous souhaite un bon appétit.

La séance est levée à 19 h.