République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1233-B
16. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes Marie-Françoise de Tassigny, Fabienne Bugnon, Marie-Thérèse Engelberts, Janine Hagmann, Jeannine de Haller et Alexandra Gobet concernant l'intégration de la profession d'éducatrices et d'éducateurs du jeune enfant dans la future HES santé-social. ( -) M1233
 Mémorial 1998 : Développée, 5769. Renvoi en commission, 5777.
 Mémorial 1999 : Rapport, 2731. Adoptée, 2736.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le rapport du Conseil d'Etat, dont nous pouvions deviner les contours en suivant de près l'évolution du dossier HES, est bien sûr décevant... Il est même blessant pour toute une catégorie de professionnels, ceux de la petite enfance.

Il est ainsi essentiel de faire des études supérieures pour s'occuper d'enfants en difficulté ou pour assurer l'animation des maisons de quartiers... Mais cela devient superflu lorsque l'on s'occupe de jeunes enfants !

Le champ professionnel du travailleur en service social est décrit en page 7 de ce rapport, je cite : «conseiller et accompagner d'une manière autonome, en général de façon ambulatoire, des individus ou des groupes d'individus pour les aider à apporter une solution à des problèmes sociaux qu'ils sont dans l'incapacité de résoudre par leurs propres moyens». En conclusion, il est dit : «...les missions visées par le profil sont plus larges que le cahier des charges d'une éducatrice ou d'un éducateur de la petite enfance.»

Je puis vous dire que cette remarque fait preuve d'une méconnaissance totale de l'évolution du cahier des charges de l'éducatrice ! Je croyais dépassé le temps où l'on pensait qu'il suffisait de savoir tenir un foyer pour être capable d'accueillir des jeunes enfants en institution ! Le cahier des charges des éducatrices a évolué, non seulement grâce aux nombreuses recherches qui ont démontré l'importance primordiale des premières années de la vie, mais aussi en raison de la complexité des situations familiales dans lesquelles évoluent les jeunes enfants confiés aux institutions. L'éducatrice a un rôle évident auprès de l'enfant, mais aussi auprès des femmes dont elle est parfois l'unique interlocutrice et aussi auprès des familles dont les demandes sont de plus en plus variées, complexes et dépassant de loin le champ d'action classique tel que ce rapport le présente.

Le deuxième point que j'aimerais relever dans ce rapport, c'est sa contradiction. En effet, il est dit que la formation en niveau HES aggraverait le décalage entre des professionnels bien formés et le personnel auxiliaire, alors que, quelques lignes plus haut, on peut lire qu'il est essentiel de former les aides et les auxiliaires pour qu'il n'y ait plus de personnel non qualifié...

L'équilibre actuel entre professionnel qualifié et personnel auxiliaire, même s'il devient difficile à maintenir à cause de la pénurie en personnel qualifié, reste souhaitable. Il faut en effet que des jeunes, réfractaires aux études, puissent exercer des professions d'auxiliaires, mais il faut qu'ils puissent le faire en étant encadrés par des personnes hautement qualifiées pour que la sécurité des enfants et leur évolution soient assurées.

Le rapport qui donne suite et fin provisoire à la décision des directeurs cantonaux de ne pas intégrer la profession d'éducatrice de la petite enfance nous laisse donc un goût amer... Essayons toutefois de trouver dans sa conclusion un réel message d'espoir concernant le projet d'ordonnance régissant les futures écoles supérieures ! Nous assistons aujourd'hui à une pénurie gravissime de personnel qualifié. La perspective de l'ouverture d'une formation en emploi dans notre canton en septembre 2002 est à cet effet réjouissante, mais elle ne suffira pas.

Tout en continuant à nous battre pour une formation supérieure d'éducatrice du jeune enfant, nous souhaitons également que l'on augmente la capacité de formation à Genève dans ce domaine, et ce dans l'urgence.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je ne peux pas m'empêcher de faire un dernier baroud d'honneur... Mes pairs ne me comprendraient pas ! En effet, je suis sûre que l'histoire me donnera raison, même si je ne prétends pas avoir la notoriété de Françoise Dolto qui prédisait que la petite enfance devrait mériter la compétence des professeurs d'université.

En effet, je suis persuadée que les éducateurs et éducatrices de la petite enfance auraient dû être intégrés dans la HES santé-social, car les compétences requises sont de plus en plus du niveau d'expertise. Cette profession en a été exclue sous la pression de la majorité des cantons suisses, qui vivent pour certains encore l'âge de pierre au niveau de la préscolarité. L'évolution de la société atteindra ces régions avec un décalage, mais le rôle des femmes dans la société sera inéluctable.

Nous voyons déjà des frémissements à Lucerne et Zurich. Ces derniers cantons réaliseront combien la compétence de l'encadrement du jeune enfant est plus importante au niveau de la responsabilité humaine que celle des techniciennes en radiologie ou des diététiciennes...

Toutefois, contraintes par la réalité confédérale, nous prenons acte de ce rapport. 

Mme Martine Brunschwig Graf. J'aimerais tout d'abord vous dire, Madame Bugnon, que la lecture de la page 7 qui concerne, comme vous le savez, le descriptif du profil tel qu'il avait été établi en 1993 déjà, s'agissant des formations dans le domaine social censées être reconnues dans les Hautes écoles spécialisées, n'est pas la partie la plus importante de ce rapport.

La partie la plus importante de ce rapport se trouve en page 8. En effet, à Genève, vous le savez comme moi, nous avons depuis bien des années et avec votre appui d'ailleurs, une école de la petite enfance qui est de niveau tertiaire supérieur, ce qui n'est pas le cas de nombre de cantons ainsi que l'a rappelé Mme de Tassigny. Il est souligné qu'il n'est bien entendu pas question de rétrograder mais de faire reconnaître ce statut tertiaire d'école professionnelle supérieure, et cela répond déjà à votre première remarque, puisque vous disiez qu'il n'était pas normal que les éducateurs et les éducatrices de la petite enfance n'aient pas droit à une formation supérieure.

A Genève, donc, ils ont droit à une formation supérieure, et ce n'est pas parce qu'on n'est pas reconnu Haute école spécialisée qu'on n'est pas une école supérieure au niveau tertiaire, et vous l'avez fort bien relevé. En tout cas le canton en prend l'engagement, ainsi que toute la structure romande HES santé-social.

Celle-ci prend un deuxième engagement : faire en sorte que ces formations - il en existe d'autres, vous le savez, comme les maîtres socio-professionnels, par exemple, dont la formation, parce qu'ils sont dans une voie plus pointue, ne peut pas être reconnue comme filière HES - puissent, moyennant un complément à définir, donner l'accès à un diplôme HES. Cet engagement est un progrès par rapport au débat qui a débuté en 1993, vous le savez bien.

Cela ne veut toutefois pas dire que d'ici quelques années et en fonction de l'évolution - non pas de votre profession à laquelle nous vouons notre attention - mais des contenus de la formation, celle-ci sera reconnue. Personne ne peut le dire, mais moi je n'exclus certainement pas qu'elle le soit. Néanmoins, je crois utile de vous dire qu'aujourd'hui la procédure de reconnaissance dans laquelle nous nous sommes engagés est difficile, à Berne, avec la structure intercantonale, avec la Conférence des directeurs des affaires sanitaires, avec l'Office fédéral de formation pour la technologie, mais que nous avons à coeur de faire reconnaître toutes les filières prévues, selon les profils définis.

Nous avons donc trois missions : la première est d'obtenir que le statut d'école professionnelle supérieure soit reconnu sur le plan fédéral. Nous nous y sommes engagés. La deuxième est d'offrir une possibilité de raccordement à un diplôme HES dans le domaine social, et, comme je l'ai déjà dit, je m'y engage aussi. Je préside le Comité stratégique romand et cet engagement a d'ores et déjà été pris, y compris avec celles et ceux qui vous représentent sur le plan romand. La troisième est de faire en sorte, je l'ai déjà dit également, que toutes les filières actuellement présentées à la candidature soient reconnues et, en soi, ce sera déjà un exploit non négligeable par les temps qui courent.

Après avoir réussi ces trois missions, je suis certaine que nous pourrons poursuivre la discussion, mais j'aimerais que vous repartiez ce soir convaincue que votre profession est parfaitement reconnue à Genève, que la formation est de niveau tertiaire supérieur, que nous sommes, comme dans bien des domaines, plutôt en avance, que vous n'y perdrez rien et que, peut-être, vous y gagnerez encore. 

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport. 

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de cesser nos travaux pendant un quart d'heure. Nous les reprendrons à 17 h avec les réponses aux interpellations urgentes.

La séance est levée à 16 h 45.