République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 15 février 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 5e session - 5e séance
PL 8433
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (E 2 05), est modifiée comme suit :
Art. 10 abrogé
Art. 11 (nouvelle teneur)
1 Le juge de paix connaît en dernier ressort de toutes les contestations en matière civile et commerciale, mobilière et immobilière, jusqu'à concurrence de 8 000 F en capital.
2 Le juge de paix doit, en tout temps pendant la procédure, chercher à concilier les parties (art. 9 al. 2)
3 Ces contestations sont instruites et jugées suivant les règles de la procédure accélérée. Le juge de paix statue immédiatement si la cause est en état d'être jugée. Il établit d'office les faits, sans être limité par les offres de preuve des parties.
Art. 11A (nouvelle teneur)
1 La compétence en dernier ressort se règle non sur la somme adjugée mais sur la somme demandée par les dernières conclusions.
2 Sauf accord entre les parties, lorsqu'en raison d'une amplification des conclusions la compétence du juge de paix n'est plus donnée en application de l'article 11, celui-ci se dessaisit en faveur du Tribunal de première instance.
3 Si la demande principale et la demande reconventionnelle, formées devant le juge de paix, n'excèdent ni l'une ni l'autre sa compétence, il statue en dernier ressort sur les deux demandes.
Art. 11B (nouveau)
1 Tous les incidents se jugent en dernier ressort, sauf ceux relatifs à la compétence, sur lesquels il peut toujours y avoir appel à la Cour de justice.
2 Les dispositions de la loi sur la juridiction des prud'hommes, du 21 juin 1990, relatives aux compétences de la Cour mixte, sont réservées.
Art. 19 (abrogé)
Art. 22 (nouvelle teneur)
Le Tribunal de première instance connaît en premier ressort de toutes les contestations en matière civile et commerciale, mobilière et immobilière dont le montant dépasse 8 000 F.
Art. 23, al. 1 (nouvelle teneur)
Le Tribunal de première instance connaît en dernier ressort, et dans les limites de sa compétence, de toutes les affaires dans lesquelles les parties ont déclaré renoncer à la faculté d'appel. Pour être valable, le consentement des parties doit être consigné sur la feuille d'audience ; il peut l'être jusqu'au moment de la plaidoirie.
Art. 24 et 25 (abrogés)
Art. 31, al. 1, lit. a, ch. 2 (nouvelle teneur)
Article 2
La loi de procédure civile, du 10 avril 1987 (E 3 05), est modifiée comme suit :
Art. 50 Conciliation (nouvelle teneur)
1 Toute demande susceptible d'être jugée en premier ressort par le Tribunal de première instance est soumise à l'essai préalable de conciliation, sauf exception prévue par la loi.
2 L'essai de conciliation a lieu devant la Chambre de conciliation du Tribunal de première instance.
3 La Chambre de conciliation n'accorde l'autorisation d'introduire la cause qu'après avoir cherché à concilier les parties.
Art. 68 à 71 (abrogés)
Art. 77A Règles spéciales (nouveau)
Les dispositions du précédent chapitre sont applicables à la procédure devant le juge de paix, sous réserve des dérogations suivantes :
Art. 77B Transactions (nouveau, anciennement l'art. 69)
Les transactions conciliatoires opérées par le juge de paix ont la même valeur que celles opérées par la Chambre des conciliations.
Art. 77C Frais et dépens (nouveau)
La procédure devant le juge de paix est gratuite.
Art. 77D Opposition au jugement (nouveau, anciennement l'art. 71)
1 La partie condamnée à raison de son défaut peut faire opposition par écrit, dans le délai de 30 jours à compter de la notification du jugement, auprès du greffe de la justice de paix. Les dispositions de l'article 86 sont applicables.
2 Les parties sont reconvoquées à la plus prochaine audience. Si la partie opposante fait à nouveau défaut, le jugement est confirmé et elle n'est plus recevable à former opposition.
3 Si les deux parties comparaissent, le jugement est rétracté et les dispositions du présent chapitre sont applicables.
Art. 292, al. 1, 1re phrase (nouvelle teneur)
1 On peut encore appeler à la Cour de justice des jugements rendus par le Tribunal de première instance et par le juge de paix, dans les causes et sur les incidents dont ils peuvent, d'après la même loi, connaître en dernier ressort :
Article 3
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation.
Le but de ce projet de modification de loi est de faciliter l'accès à la justice pour les causes à faible valeur litigieuse.
Actuellement, de nombreux cas n'ont pas accès à la justice, dans les faits, soit notamment les litiges relevant du droit de la consommation et ce pour les motifs suivants :
Les juges de paix, actuellement, ne cherchent que mollement à concilier les parties, la juridiction s'étant transformée en officine de délivrance d'autorisation de citer.
La Justice de paix, compétente pour les litiges jusqu'à 8'000 F de valeur litigieuse, ne juge pas des causes qui lui sont soumises lorsque le défendeur, soit conteste les faits, soit refuse la compétence de jugement de la juridiction. Il en résulte que le demandeur n'a pas d'autre choix que d'introduire la cause devant le Tribunal de première instance, procédure à laquelle il renonce généralement en raison du coût de la procédure (frais de justice) et de la complexité de la procédure l'obligeant à faire appel à un avocat et engendrant des frais disproportionnés par rapport à la valeur litigieuse.
La procédure actuelle devant le Tribunal de première instance est lourde, longue et relativement effrayante pour un plaideur agissant en personne.
En matière de droit de la consommation, l'article 31 sexies de la Constitution fédérale prévoit d'ailleurs que les cantons établissent une procédure de conciliation et une procédure judiciaire simples et rapides, s'appliquant, jusqu'à concurrence d'une valeur litigieuse à fixer par le Conseil fédéral, aux différends qui découlent des contrats conclus entre consommateur final et fournisseur.
Cependant, le présent projet de loi concerne tous les litiges de nature civile dont la valeur litigieuse n'excède pas 8'000 F, qu'il s'agisse de contrats relevant du droit de la consommation ou d'autres contrats.
Il est certain que, dans la pratique, une grande majorité des cas visés relèveront bien du droit de la consommation, tels que contrats de vente, de services et prestations, de leasing, etc, opposant consommateurs et fournisseurs.
Pour permettre à ce type de justiciables d'avoir accès véritablement à la justice, les conditions suivantes doivent être réunies :
la procédure doit être simple et rapide, si possible orale, afin que le plaideur en personne puisse exposer son cas et ne soit pas découragé par les exigences d'une procédure écrite ;
la comparution personnelle doit être obligatoire, de même que la tentative de conciliation, le juge doit faire tous les efforts nécessaires pour amener les parties à conciliation ;
le même juge tente la conciliation et, à défaut, juge l'affaire selon les règles de la procédure accélérée, afin de respecter le principe de rapidité et de simplicité de la procédure ;
le juge établit les faits d'office ;
la procédure est gratuite ou d'un coût extrêmement modeste, afin d'éviter de perpétuer la barrière financière actuelle ;
le justiciable doit pouvoir être assisté et/ou représenté par un mandataire professionnellement qualifié, qui ne soit pas nécessairement un avocat. On pense notamment à un représentant d'associations de consommateurs, à un juriste d'une organisation caritative (Caritas, Centre social protestant, etc.) ou d'une association spécifique (association de défense des chômeurs, association de défense des assurés, etc.).
L'article 11A LOJ actuel prévoit d'ailleurs déjà la compétence du juge de paix de trancher les litiges de nature médicale. Le projet vise à étendre cette procédure aux autres justiciables.
L'accroissement de la tâche des juges de paix sera compensée, pour partie, par la suppression de toutes les causes actuellement introduites au Tribunal de première instance et qui relèveront de la compétence exclusive de la Justice de paix.
En second lieu, il est possible de prévoir la suppression de la conciliation obligatoire pour toutes les causes d'une valeur supérieure à 8'000 F devant le Tribunal de première instance, sauf demande expresse des parties, afin de rééquilibrer la charge de travail.
C'est la suppression de la conciliation obligatoire préalable à l'audience d'introduction pour les litiges d'une valeur litigieuse inférieure à 8'000 F. Le but du projet de loi est de rendre la justice plus facile d'accès pour les petits litiges, ce qui implique aussi de la rendre plus rapide. Or, telle que pratiquée actuellement, l'audience préalable de conciliation entraîne l'obligation de renouveler la démarche de déposer la cause en justice, sans parler d'une audience supplémentaire souvent dénuée de sens pour le justiciable.
Dans le présent projet de loi, le juge de paix conserve un pouvoir de concilier les parties tout au long de la procédure, qui est expressément rappelé à l'article 11 al. 2 LOJ (nouveau). On peut dès lors renoncer à cette première audience sans que cela ne nuise aux droits des parties.
Cette disposition est le coeur du projet de loi qui vous est soumis. C'est ici en effet que sont posés les principes cardinaux de cet accès facilité à la justice. Dans le premier alinéa, le texte pose le principe de la compétence du juge de paix pour tous les litiges d'une valeur litigieuse inférieure à 8'000F. Cela constitue une augmentation non négligeable de ses compétences puisqu'il a maintenant l'obligation de trancher ces litiges.
L'alinéa 2 de ce nouvel article 11 rappelle le principe selon lequel le juge de paix conserve en tout temps la possibilité de procéder à des conciliations. C'est le lieu de rappeler que le projet de loi ne modifie pas l'actuel article 9 alinéa 2 LOJ, qui confère au juge de paix un rôle de juge conciliateur pour tous les litiges, sans limite quant à la valeur litigieuse, d'office ou lorsque l'une des parties le lui demande. Il nous est apparu nécessaire de rappeler ce principe dans le nouvel article 11 al. 3 LOJ, car même si l'on a supprimé l'essai obligatoire de conciliation, celle-ci reste une solution appropriée pour certains litiges.
La compétence générale du juge de paix et la suppression de la double audience ne suffisent toutefois pas à simplifier l'accès à la justice. C'est pourquoi l'article 11 al. 3 prévoit un certain nombre de règles de procédure destinées à simplifier celle-ci. Ainsi en va-t-il de l'application de la procédure accélérée (qui est déjà de mise devant le Tribunal pour ce type de litige : art. 19 LOJ). L'établissement d'office des faits est en revanche une nouveauté. C'est par ce biais que l'on entend rétablir l'égalité des armes entre les plaideurs. En effet, si le juge établit les faits d'office, c'est lui qui mène l'instruction. Comme la loi prévoit qu'il n'est pas lié par les offres de preuve des parties, il dispose d'un réel pouvoir d'instruction, qui lui permet le cas échéant de pallier un éventuel déséquilibre des parties. Ces aménagements procéduraux sont ceux auxquels on a d'ailleurs régulièrement recours dans les domaines où il y a lieu de protéger la partie faible : la maxime inquisitoriale est déjà de mise devant la juridiction des prud'hommes (art. 343 al. 4 CO), en matière de baux et loyers (art. 274d CO et 435 LPC) et de manière générale en procédure administrative. La justice de paix connaît d'ailleurs déjà la maxime d'office actuellement pour les contestations prévues à l'article 11A actuel en matière médicale.
L'article 11A actuel est supprimé car le traitement particulier réservé aux litiges en matière médicale n'a plus lieu d'être puisqu'il est dorénavant généralisé à l'ensemble des litiges à moins de 8'000 F.
Le nouvel article 11A al. 1 reprend la teneur actuelle de l'article 24 LOJ. De même, l'alinéa 3 correspond à l'actuel article 25 LOJ :
En revanche, l'article 11A al. 2 est nouveau. Il a fallu en effet prévoir une disposition de coordination entre le Tribunal de première instance et la Justice de paix dans l'hypothèse d'une amplification des conclusions.
L'alinéa 1 de cette disposition correspond pour l'essentiel à l'actuel article 26 al. 1 LOJ ; comme le juge de paix statue toujours en dernier ressort, il en va de même lorsqu'il tranche un incident. En revanche, on a conservé la possibilité d'un appel en cas de litige portant sur la compétence.
L'alinéa 2 correspond à l'actuel alinéa 2 de ce même article 26 LOJ.
Cet article est abrogé puisque sa teneur se retrouve à l'article 11 al. 2 du projet.
Puisque toutes les causes d'une valeur litigieuse inférieure à 8'000 F sont soumises au juge de paix, le Tribunal de première instance statue dorénavant en principe uniquement en premier ressort, ce que rappelle cette disposition. Les parties conservent naturellement la faculté de renoncer à l'appel, ainsi que le prévoit l'article 23 LOJ.
On a supprimé le terme « aussi » dans cette disposition. En effet, les cas dans lesquels les parties font usage de la possibilité de renoncer à l'appel sont les seuls dans lesquels le Tribunal de première instance statuera dorénavant en dernier ressort.
Comme le Tribunal statue dorénavant en premier ressort, ces dispositions n'ont plus de raison d'être. Dès lors que c'est la Justice de paix qui statue en dernier ressort pour tous les litiges de moins de 8'000 F, ces articles sont repris dans le nouvel article 11A al. 1 et 3 du projet.
Le juge de paix étant à l'avenir investi d'un réel pouvoir de juger, non seulement dans le cadre de la conciliation, il est nécessaire de modifier cette disposition en conséquence et donc de supprimer les termes « chargé des conciliations ».
La modification de cette disposition est la conséquence de la suppression de l'essai préalable de conciliation pour les litiges d'une valeur litigieuse inférieure à 8'000 F. L'alinéa 1 maintient le principe de l'essai obligatoire de conciliation, mais uniquement pour les litiges du ressort du Tribunal de première instance (sous réserve d'une éventuelle suppression). L'alinéa 2 correspond à l'actuel 2 lit. b : on conserve une chambre de conciliation indépendante au sein du Tribunal de première instance. En revanche, l'alinéa 2 lit. a est supprimé puisque l'essai obligatoire de conciliation devant le juge de paix l'est également. Enfin, l'alinéa 3 correspond à l'alinéa 3 actuel : on a simplement supprimé la référence au juge de paix.
Ce chapitre n'a plus de raison d'être puisqu'il n'y a plus de procédure de conciliation préalable devant le juge de paix. En revanche, les dispositions qu'il prévoit doivent être conservées pour la procédure au fond devant le juge de paix. Elles doivent donc être intégrées, dans un chapitre spécifique à la justice de paix, sous le titre relatif à l'introduction des causes en justice.
C'est pourquoi le titre IV se divise en deux chapitres. Le premier contenant les articles 72 à 77 actuels, inchangés, relatifs à l'introduction des causes au Tribunal de première instance. Le second chapitre contient les articles 77A à 77D relatifs à la justice de paix.
En effet, sous réserve de quelques modifications examinées ci-dessous, les règles spéciales de l'actuel chapitre sur la procédure devant le juge de paix conciliateur, qui ont déjà été édictées dans le souci de faciliter l'accès à la justice, conservent toute leur raison d'être dans la procédure au fond conduite par le juge de paix et qui est introduite par le présent projet de loi.
L'article 77A
Les dispositions de l'article 77A, qui correspond à l'actuel article 68 lit. a à c, font partie intégrante du concept de l'accès facilité à la justice, et en particulier de la simplification de la procédure : l'introduction facilitée des causes au moyen d'une requête simplifiée, voire d'une formule, ou par le dépôt du commandement de payer évitent que le justiciable ne soit découragé par les exigences formelles liées à la procédure écrite. De même, les justiciables doivent pouvoir être assistés de mandataires professionnellement qualifiés autres que des avocats (représentants d'associations de consommateurs, associations caritatives, permanents syndicaux, etc.). Enfin, la représentation par un proche muni d'une procuration participe de la simplification de la procédure.
La lettre d de l'article 68 actuel, en revanche, n'est plus d'actualité et est abrogée. En effet, la tenue des audiences et la procédure en général sont régies par les règles de procédure accélérée (articles 337 à 346 LPC).
qui correspond à l'actuel article 69, est maintenu. Le juge de paix conserve en effet un pouvoir de concilier les parties ; les transactions conclues devant lui doivent avoir la même valeur que celles conclues devant le Tribunal de première instance (bien que cela découle déjà des articles 50 et suivants, notamment 56 al. 2 LPC).
qui correspond à l'actuel article 70, est profondément modifié puisqu'il prévoit dorénavant la gratuité de la procédure. Les règles spécifiques de l'article 70 al. 1 et 3 sont au surplus inutiles, les règles générales de la procédure accélérée étant applicables.
qui est l'actuel article 71, est maintenu tel quel. En effet, la procédure d'opposition ordinaire, prévue aux articles 84 à 93, est trop compliquée pour être applicable dans une procédure qui se veut simple et rapide. Dès lors il se justifie de conserver la procédure simplifiée actuelle, même pour la procédure au fond.
Comme actuellement, les jugements rendus en dernier ressort ne peuvent faire l'objet d'un appel ordinaire. Seule la voie de l'appel extraordinaire en violation de la loi auprès de la Cour de justice (art. 292 LPC) sera donc ouverte à l'encontre des jugements du juge de paix. Toutefois le juge de paix étant dorénavant investi d'un réel pouvoir de juger, non plus seulement dans le cadre de la conciliation, il est nécessaire de modifier cette disposition en conséquence et donc de supprimer les termes « chargé de conciliation ».
Au vu de tout ce qui précède, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députéEs, de faire bon accueil au présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.