République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 15 février 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 5e session - 5e séance
IU 1023
M. Daniel Ducommun (R). Mon interpellation urgente s'adresse plus précisément à M. Robert Cramer et concerne ma belle commune de Bernex, avec de sérieuses préoccupations écologiques. J'ai même mis un costume de circonstance, Monsieur le conseiller d'Etat !
Sur la commune coule paisiblement un cours d'eau nommé l'Aire. Ça, c'est la version des poètes. La réalité est différente. Cette rivière, depuis sa canalisation dans les années 30 pour assainir les terrains de la plaine, est régulièrement polluée. Elle a souffert des rejets de la station d'épuration de Saint-Julien, de déversements douteux de l'hôpital de Saint-Julien. L'Aire est très souvent asséchée, les sources qui l'approvisionnent étant captées par les communes françaises. De plus, des investissements lourds ont été entrepris il y a une vingtaine d'années pour la construction d'une galerie de décharge vers le Rhône. Bref, cela n'a rien à voir avec la Venoge de Gilles...
Mais alors, on atteint des sommets d'angoisse quand on prend connaissance, il y a quelques jours, Monsieur le conseiller d'Etat, lors de l'exposition à la salle communale de Confignon, du projet de renaturation primé, lequel empiète largement sur les terres cultivées et efface pratiquement toute une exploitation familiale, celle de la famille Chevalley.
De nombreux hectares de terre cultivée sont en danger. A côté de cette catastrophe, les quatre hectares et demi du restauroute de Bardonnex paraissent bien anecdotiques. On doit aussi s'attendre à une violente réaction de votre présidente de parti, notre collègue Fabienne Bugnon, elle qui déclarait dans la presse matinale, je cite : «Il ne faut pas toucher aux zones vertes. Nous avons besoin de voir des champs, c'est indispensable. Je ne lâcherai rien là-dessus.» Et bien à Lully vous êtes servie, chère collègue !
Trois questions au Conseil d'Etat :
1. Comment pouvez-vous présenter un projet qui dévore quatre fois plus de terre agricole que le restauroute de Bardonnex et cela sans compensation ?
2. Quelles solutions de survie pouvez-vous offrir à la famille Chevalley, dépourvue de tout moyen d'existence en cas de réalisation ?
3. Est-il opportun de réinvestir d'importants moyens financiers dans un projet de renaturation, alors que l'Aire est tarie une grande partie de l'année, ses sources d'alimentation étant captées en amont ?
Merci, Monsieur le conseiller d'Etat, d'apaiser mes inquiétudes. (Applaudissements.)
La présidente. M. le conseiller d'Etat Cramer va tout de suite apaiser les inquiétudes de M. Ducommun...
Réponse du Conseil d'Etat
M. Robert Cramer. Tout d'abord merci à M. le député Ducommun de venir livrer ici ses inquiétudes et d'évoquer le projet de l'Aire.
Effectivement, Monsieur le député, comme nous l'avions indiqué à ce Grand Conseil en 1999, en présentant le rapport du Conseil d'Etat sur la renaturation des cours d'eaux, nous avons engagé une étude relative à la renaturation de l'Aire. Nous avons fait très précisément ce que nous avions dit : nous nous sommes penchés sur les deux cours d'eau, la Seymaz et l'Aire, qui vont exiger un investissement important de notre collectivité si l'on entend les renaturer, décision qui dépend de votre Conseil.
Pour parler plus particulièrement de l'Aire, cela vous intéressera de savoir, en tant que représentant de notre population et, ensuite, si j'ai bien compris, en tant que porte-parole de la commune de Bernex, que l'exposition à laquelle vous faites allusion a été extrêmement bien fréquentée : plus de 1500 personnes s'y sont rendues et, pour l'essentiel, ces 1500 personnes se sont déclarées enchantées de ce qui leur était proposé. Il y a eu des commentaires extrêmement élogieux.
Toutefois, les milieux agricoles ont fait part d'un certain nombre de préoccupations fondées, qui ne peuvent que me toucher, dès lors que je suis responsable de l'agriculture dans ce canton.
Je réponds à vos trois questions :
La première : est-il opportun d'investir dans une opération de renaturation de l'Aire ? Ce n'est pas à moi d'en juger, Monsieur le député, c'est au Grand Conseil. Un projet de loi sera déposé et il vous appartiendra d'examiner si, effectivement, il est opportun ou non d'engager une opération de renaturation de l'Aire.
Deuxième question : comment est-il possible d'envisager un tel projet sans compensation agricole ? Evidemment, ce n'est pas possible et ce serait totalement inadmissible. A mes yeux, toute opération de renaturation ayant pour conséquence de porter atteinte, de quelque façon que ce soit, à la zone agricole implique des compensations qui soient des plus pour l'agriculture, c'est-à-dire qui permettent, dans notre canton, de pratiquer la profession d'agriculteur dans de meilleures conditions et de valoriser les exploitations agricoles.
Troisième question : qu'en est-il du sort de l'exploitation de la famille Chevalley ? J'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs représentants de cette famille qu'actuellement, au stade où nous en sommes, il n'y a pas encore de projet suffisamment précis pour savoir dans quelle mesure ce domaine pourrait être atteint. L'on en est au stade de l'idée, du dessin, et nous n'avons aucune idée précise sur l'atteinte que pourrait subir cette exploitation agricole. Mais si celle-ci devait subir une atteinte, quelle qu'elle soit, cela ferait alors l'objet de discussions approfondies avec les exploitants. Il est hors de question que l'on impose à la famille Chevalley une solution à laquelle elle n'adhérerait pas.
Monsieur le député, vous développez une interpellation urgente, mais nous sommes bien loin de l'urgence, puisque la partie du programme qui pourrait peut-être concerner la famille Chevalley est à un horizon de quatre ou cinq ans. C'est donc dire que nous aurons largement le temps d'ici là de discuter ces questions et de les régler avec la famille Chevalley. Mais je sens que l'urgence tient à votre préoccupation de rassurer cette famille : rassurez-la, rien ne se fera sans son consentement !
La présidente. Cette interpellation urgente est close, M. Ducommun ayant l'air tout à fait apaisé !
Cette interpellation urgente est close.