République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 janvier 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 4e session - 1re séance
IU 998
M. Christian Brunier (S). Ma deuxième interpellation, délicate, s'adresse aussi au président du DASS, M. Guy-Olivier Segond.
Une mère prétend avoir trouvé son époux en train d'abuser sexuellement de leur jeune fils. Naturellement le père dément. L'enfant ne produit plus de jeux symboliques, ne parle pas et souffre d'autisme. La maman a naturellement déposé plainte et, bien sûr, elle refuse que le fils rencontre tout seul son père.
Dans cette affaire très délicate, le témoignage d'une doctoresse pédopsychiatre aux HUG pourrait s'avérer déterminant. Or, M. Guy-Olivier Segond s'est opposé à la levée du secret de fonction de cette doctoresse.
En décembre dernier, je suis intervenu personnellement pour que M. Segond revoie sa position. Or, ce dernier a réitéré son refus de lever ce secret, en affirmant qu'habituellement cette compétence appartenait au conseil d'administration des HUG, mais qu'il était autorisé, par pouvoir provisionnel, à prendre cette décision seul. Ainsi, la doctoresse n'a pas pu être entendue par la justice et, en fait, la justice n'a pas pu bénéficier de la totalité des éléments du dossier, lors du jugement.
Sans porter de jugement sur cette affaire, qui ne regarde finalement que la justice, il est certain que le refus du président du DASS a influencé le cours de la justice. Vu la gravité des faits, s'ils se confirment, je ne peux que regretter cette décision et le fait que cette décision ait été prise par une seule personne.
De plus, dans l'argumentation de M. Segond pour expliquer son refus, il affirme qu'il ne lève pas le secret de fonction lorsqu'il s'agit d'une procédure du droit de la famille. Or, vous savez, Monsieur Segond, comme nous tous, que dans les affaires de pédophilie, souvent, des gens de la famille sont concernés. Finalement, renseignements pris auprès de certains administrateurs des HUG, ceux-ci m'ont tous dit qu'ils levaient régulièrement le secret de fonction dans les affaires judiciaires. A titre d'exemple, en décembre, seule une demande a été refusée sur vingt-neuf. Mais ils ont ajouté qu'ils levaient régulièrement et, surtout lorsqu'il y a des accusations de pédophilie, le secret dans des procédures concernant le droit de la famille.
Bref, nous sommes visiblement face à une procédure d'exception, ce qui est d'autant plus troublant que la personne accusée appartient à ce que l'on qualifie habituellement de «grande famille genevoise».
Mes questions sont donc les suivantes :
1. Pourquoi, dans cette affaire excessivement délicate, la demande de lever le secret professionnel n'a pas été présentée au conseil d'administration des HUG, alors que la demande initiale avait été émise bien avant le procès ?
2. Décidez-vous souvent seul dans des affaires aussi délicates ?
Réponse du Conseil d'Etat
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Je réponds à l'interpellation de M. Brunier, qui dénote une méconnaissance profonde des mécanismes de levée de secret de fonction dans les établissements publics médicaux et, plus particulièrement, dans les hôpitaux universitaires de Genève.
En moyenne annuelle, cent à cent cinquante demandes de lever les secrets de fonction sont présentées par un juge, soit dans le cadre d'une procédure d'instruction, soit dans le cadre d'une procédure de jugement.
Compte tenu des délais de convocation, l'immense majorité de ces décisions sont prises, non pas par le conseil d'administration - qui se réunit cinq fois par année - mais, par pouvoir provisionnel et par délégation du conseil d'administration, par le président du conseil et conseiller d'Etat que je suis.
Ces décisions sont toujours prises en suivant l'avis de la personne qui est appelée à témoigner. Dans 90% des cas, l'avis du médecin ou l'avis de l'infirmière est favorable : sans autre forme de procès, la lettre est positive. Le secret de fonction est donc levé. La personne répond aux questions qui lui sont posées.
Dans 5 à 10% des cas, la personne convoquée dit qu'elle n'entend pas témoigner dans l'affaire en cause, car cela porterait atteinte à la relation de confiance nouée entre le patient et le professionnel de la santé. Dans ces cas-là, selon la règle évoquée plus haut, je refuse de lever le secret de fonction. Je ne suis donc jamais le seul à décider. L'avis de la personne appelée à témoigner est joint à la proposition de lettre.
Dans le cas des procédures de divorce où il s'agit d'attribuer la garde d'un enfant, nous avons régulièrement des tentatives de l'un ou l'autre des partenaires de faire appel au témoignage d'un médecin - cas échéant, d'un assistant social - qui s'occupe de l'enfant. Dans l'immense majorité des cas, afin de préserver la relation thérapeutique ou la relation de confiance qui existe entre l'enfant et le professionnel de la santé ou de l'action sociale, nous refusons, à leur demande, de lever le secret de fonction. C'est une procédure qui est régulièrement suivie et qui me paraît sage, notamment dans les affaires délicates ou difficiles.
Cette interpellation urgente est close.