République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 décembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 3e session - 61e séance
PL 8307-A
L'objet principal de ce projet de loi, présenté par le Conseil d'Etat, est l'adaptation de la législation cantonale à la loi fédérale sur les fors en matière civile, du 24 mars 2000 (ci-après : LFors), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2001.
Renvoyé par le Grand Conseil à la Commission judiciaire le 22 septembre 2000, ce projet a été traité lors des séances des 5 et 12 octobre, 2 et 9 novembre 2000, sous la présidence de notre collègue Michel Balestra et en présence de M. Bernard Duport, secrétaire adjoint du DJPT, qui a fourni l'appui logistique nécessaire. Mme Pauline Schaefer a tenu les procès-verbaux avec clarté et précision.
Tout au long de ses travaux, la Commission judiciaire a bénéficié des explications pertinentes d'un expert particulièrement éclairé en la personne de Me Louis Gaillard, avocat, ancien juge au Tribunal de première instance, coauteur du Commentaire de la loi de procédure civile genevoise et corédacteur, avec M. Pierre-Christian Weber, juge à la Cour de justice, du projet de loi. Les commissaires remercient très vivement Me Gaillard, dont les connaissances étendues et la clarté des explications leur ont permis de mesurer avec exactitude les enjeux liés à l'adoption de dispositions à la teneur parfois hermétique pour des non-praticiens.
La Commission judiciaire avait été informée au début de ses travaux par le représentant du DJPT que les avocats et magistrats ne demanderaient pas à être entendus à propos de ce projet de loi, sur lequel ils avaient été consultés au stade de son élaboration; elle n'a en conséquence pas eu besoin de procéder à des auditions.
Le vote d'entrée en matière est acquis à l'unanimité des membres présents, soit 1 AdG, 2 DC, 2 L, 2 S, 1Ve.
La Commission judiciaire a sensiblement amendé le projet de loi. Pour la clarté de l'exposé, le rapporteur estime adéquat d'indiquer systématiquement les modifications apportées aux dispositions initiales.
La Commission judiciaire a considéré que le régime du premier ressort ouvrant la voie de l'appel à la Cour de justice en plein pouvoir de cognition devait être conféré à tout jugement statuant sur la compétence du Tribunal de première instance et non aux seuls jugements statuant sur la compétence territoriale. Elle a ainsi biffé le terme « territoriale » de l'art. 26 du projet.
Vote : unanimité (1 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 1 Ve).
Cet article a été accepté sans modifications.
Vote : unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 1 Ve).
Cette adjonction au projet de loi résulte d'un amendement proposé par le département. Il s'agit d'une simple mise à jour, sans rapport avec la loi sur les fors, suite à l'adoption d'une nouvelle loi fédérale sur l'assurance militaire en 1992.
Vote : unanimité (1 AdG, 1 DC, 1 R, 1 S, 1 Ve).
La commission a estimé que l'article 57 du projet de loi était superfétatoire et l'a refusé.
Elle propose à la place une nouvelle teneur de l'art. 57, formé d'un alinéa 1 qui est la reprise sous forme modifiée de l'art. 57A (nouveau) du projet, d'un alinéa 2 qui est la reprise de l'al. 4 de l'art. 57C (nouveau) du projet et d'un alinéa 3 qui est nouveau.
S'agissant de ce dernier alinéa, la commission reconnaît que les dispositions des art. 9, al. 3 et 10, al. 2 LFors ainsi que l'art. 5, al. 3 LDIP laissent au tribunal saisi de la cause une liberté d'appréciation et que, de par la force dérogatoire du droit fédéral, il n'appartient pas au législateur cantonal de fixer une règle contraignante d'acceptation de compétence. Il n'empêche que la jurisprudence de la Cour de justice, en l'absence de texte, a toujours considéré que le juge genevois ne pouvait décliner sa compétence en cas d'élection de for dispositif en faveur des tribunaux genevois. Dans cet esprit d'ouverture qui doit être la marque d'un canton ouvert aux relations intercantonales et internationales, il est apparu nécessaire à la commission que le Grand Conseil donne un signe clair aux juges genevois qu'ils ne devraient décliner leur compétence fondée sur une élection de for que dans les cas exceptionnels qui susciteraient des surcharges rendant difficile à l'excès l'exercice ordinaire des tâches conférées aux tribunaux du canton.
La liste des actions figurant à l'article 57B du projet a été jugée inutile; cet article a par conséquent été refusé.
Vote : unanimité (1 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 2 Ve).
Cette disposition reprend la teneur des alinéas 1 à 3 de l'art. 57C du projet de loi, avec quelques modifications. S'agissant de l'alinéa 1, la commission recommande l'acceptation du texte proposé par le Conseil d'Etat, cela toutefois sous une réserve. Il lui apparaît en effet que l'expression « requête de preuve à futur » figurant à l'alinéa 1 du projet est étrangère à la loi de procédure civile et n'est guère connue des praticiens. Aussi préfère-t-elle l'expression « requête en sauvegarde de la preuve », en l'assortissant d'exemples.
Vote : unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 2 Ve).
Le texte proposé par le Conseil d'Etat a été accepté sans modification. Il n'a pas échappé à la commission que la problématique de la conciliation serait examinée lors de l'examen du projet de loi 8299, qui lui a également été renvoyé. Sans anticiper ce débat, la commission a cependant retenu la modification proposée, qualifiée d'homéopatique par l'expert, afin d'éviter que des plaideurs domiciliés hors du canton ne doivent se déplacer à Genève pour ce qui n'est actuellement, trop souvent, qu'un simulacre d'audience.
Vote : unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 1 S, 2 Ve).
Le texte proposé par le Conseil d'Etat a été accepté sans modification.
Vote : unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 2 Ve).
Ces intitulés ont été modifiés pour tenir compte des modifications apportées à l'art. 97.
Vote : unanimité (3 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 1 Ve).
La commission a considéré que l'obligation pour le défendeur de soulever à l'audience d'introduction déjà et sous sanction de déchéance toute exception de procédure était d'une rigueur excessive. Aussi a-t-elle limité cette incombance à la seule exception d'incompétence territoriale - à laquelle est assimilée l'exception d'incompétence fondée sur une convention d'arbitrage.
Pour le reste, le projet a été approuvé sous quelques modifications de forme.
Vote : unanimité (3 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 1 Ve).
Le nouvel intitulé proposé par le Conseil d'Etat a été accepté avec la précision qu'il convenait de mettre le terme « exception » au pluriel.
Vote : unanimité (3 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 1 Ve).
Le texte proposé par le Conseil d'Etat a été accepté sans modification.
Vote : unanimité (3 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 1 Ve).
L'abrogation de ces dispositions a été votée à l'unanimité (3 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 1 Ve).
L'article 104 du projet a été accepté avec de légères modifications d'ordre rédactionnel destinées à le rendre plus précis.
Vote : unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 L, 2 R, 2 S, 1 Ve).
La commission a été sensible à l'intention qui a présidé à la rédaction de la nouvelle teneur de l'art. 121 du projet. Elle a pourtant estimé qu'il n'y avait pas lieu de modifier l'actuelle disposition. Elle a en effet considéré que les pouvoirs du juge d'interpeller les parties ou leurs avocats à l'audience d'introduction résultaient déjà de la systématique de la loi, qui veut que cette audience soit une étape importante dans le processus judiciaire. Elle a au surplus pensé qu'une refonte complète de l'audience d'introduction devait être envisagée pour éviter la dérive actuelle, caractérisée par la banalisation de l'audience et le peu d'informations des représentants des parties (souvent des avocats stagiaires) quant aux caractéristiques de fait et de droit de la cause. La voie de la motion a été évoquée pour demander au Conseil d'Etat de charger un expert ou un groupe d'experts d'étudier cette question et de faire des propositions.
En l'état, afin de ne pas retarder l'adoption de la loi, la commission a décidé, à l'unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 L, 1 R, 1 S) de maintenir l'art. 121 dans sa teneur actuelle.
L'abrogation de cette disposition a été votée à l'unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 L, 1 R, 1 S).
Article 3 Entrée en vigueur
Le 1er janvier 2001 est la date d'entrée en vigueur de la LFors.
La commission a estimé nécessaire d'intervertir les articles 2 et 3 soulignés du projet, afin qu'il soit clair que l'entrée en vigueur concerne toutes les modifications adoptées, y compris celles à la loi de procédure civile.
Vote : unanimité (2 AdG, 2 DC, 2 L, 1 R, 1S).
Article 4 Clause d'urgence
La clause d'urgence est indispensable pour permettre l'entrée en vigueur des dispositions d'application cantonales à la date imposée par le droit supérieur.
Vote : 7 oui (1 AdG, 2 DC, 2 L, 1 R, 1 S),
1 abstention (AdG).
Au vote final, le projet de loi tel qu'amendé est accepté et est voté à l'unanimité des commissaires présents, soit 2 AdG, 2 DC, 2 L, 1 R, 1 S.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même en votant le projet de loi 8307 dans la teneur issue des travaux de la commission.
Premier débat
M. Etienne Membrez (PDC), rapporteur. La complexité et l'aridité du sujet m'obligent à dire quelques mots en ce qui concerne le fond, tout d'abord, et en ce qui concerne le déroulement des travaux en commission, ensuite.
Sur le fond, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'une loi fédérale sur les fors en matière civile qui a été adoptée au début de cette année et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2001. Cette loi définit où l'on peut et où l'on doit commencer un procès. C'est ce qu'on appelle la compétence territoriale. Or, cette nouvelle loi introduit des nouveautés par rapport aux règles de procédure cantonale actuelles et nécessite donc un aménagement de ces dernières. Parmi elles, par exemple, et pour rester dans un domaine d'application facile, l'examen d'office par le juge des règles du fors, qui comportent des dispositions nouvelles et protectrices, par exemple en faveur des consommateurs, à savoir la possibilité d'introduire le procès au domicile de ces derniers et non uniquement à celui du défendeur.
Autre exemple, s'agissant de l'élection de fors, c'est-à-dire du lieu où les parties peuvent et décident de plaider, le cas échéant, la nouvelle loi fédérale fixe un cadre dans lequel il faut chercher à sauvegarder l'esprit d'ouverture des tribunaux genevois aux plaideurs suisses et étrangers. C'est la partie un peu internationale de Genève.
Sur le déroulement des travaux, un projet de loi a été déposé en septembre par le Conseil d'Etat qui avait mandaté un groupe d'experts pour faire des propositions. Le projet des experts a été examiné en commission et c'est ce qui fait l'objet du rapport.
S'agissant d'une matière particulièrement difficile, les travaux de la commission ont été suivis par un des experts commis par le Conseil d'Etat, Me Gaillard. Comme vous avez pu le lire dans le rapport de l'expert également, des modifications assez importantes ont été apportées au texte initial à la suite des discussions en commission.
Mais j'aimerais insister sur le fait que toutes ces modifications ont été rédigées par l'expert et acceptées à l'unanimité des membres de la commission. Elles sont dûment commentées dans le rapport et toujours mises en parallèle avec la première rédaction, dans le but de bien préciser quelles sont les intentions du législateur.
Pour l'essentiel, la commission a voulu s'en tenir en principe aux exigences posées au droit cantonal par cette loi sur les fors, remettant à plus tard d'autres modifications de procédure souhaitables, dont une avait été envisagée par les experts, et sur lesquelles il faudra bien revenir un jour. C'est ainsi que deux lois cantonales se trouvent modifiées et doivent entrer impérativement en vigueur le 1er janvier prochain : la loi sur l'organisation judiciaire d'une part, la loi de procédure civile d'autre part.
Cet impératif de mise en vigueur des nouveaux textes légaux proposés conduit à ce que la commission demande également d'appliquer la clause d'urgence. Au vote, la commission fut unanime, moins une abstention de principe - la personne concernée a tenu à bien préciser qu'elle comprenait tout à fait la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvions... Tous les commissaires ont été intimement convaincus qu'il n'y avait pas d'autre moyen pour adapter notre législation au droit fédéral dans les délais nécessaires.
Refuser l'urgence serait faire courir des risques aux justiciables, avec éventuellement des conséquences au niveau de l'Etat. C'est pourquoi la commission vous demande de la suivre également sur ce point.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8307)
modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05)(fors en matière civile)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Modifications
La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit :
Art. 26 (nouvelle teneur)
Tous les incidents se jugent en dernier ressort, sauf ceux relatifs au renvoi des affaires devant les différentes chambres du tribunal, sur lesquels aucun recours n'est admis, et ceux relatifs à la compétence qui sont toujours rendus en premier ressort.
Art. 27 (nouvelle teneur)
Le Tribunal de première instance est chargé de tous les actes de la juridiction contentieuse ou non contentieuse, sauf de ceux que la loi attribue expressément à une autre autorité judiciaire ou administrative.
Art. 56 C, lettre c) (nouvelle teneur)
Art. 57 (nouvelle teneur)
1 En matière civile et sous réserve des dispositions des traités internationaux faisant partie du droit fédéral, de la constitution fédérale, des lois fédérales, notamment la loi fédérale sur les fors en matière civile, du 24 mars 2000 (ci-après : LFors) et de l'article 57 A, toute action est intentée devant le juge du domicile ou du siège de la partie défenderesse, ou encore de l'une des parties défenderesses en cas de consorité.
2 Les règles de for prévues par la LFors s'appliquent dans les matières régies par le droit privé cantonal.
3 Le juge ne déclinera sa compétence fondée sur une élection de for en matière interne ou internationale que si les conséquences de cette élection sont inacceptables par rapport à la mission conférée aux juridictions soumises à la présente loi.
Art. 57 A (nouveau)
1 En matière civile, le juge connaît d'une requête en sauvegarde de la preuve, telle l'expertise provisionnelle ou l'audition provisoire d'un témoin, dans les deux cas suivants :
2 Le juge de l'action principale est également compétent pour connaître de l'intervention et de l'action en garantie dirigée par une des parties au procès principal contre le tiers garant (art. 8 LFors).
3 Il n'y a pas d'exception d'incompétence territoriale en matière de conclusions civiles prises devant le juge pénal (art. 28 LFors).
Article 2 Modifications à une autre loi
La loi de procédure civile, du 10 avril 1987 (E 3 05), est modifiée comme suit:
Art. 51, lettre d (nouvelle)
Art. 52, lettre d (nouvelle)
Art. 97 En général (nouvelle teneur)
1 L'exception d'incompétence territoriale et celle fondée sur une clause arbitrale doivent être présentées, sous peine de déchéance, à l'audience d'introduction.
2 Les autres moyens de défense dirigés contre l'instance doivent, sous peine de déchéance, être présentés simultanément et avant toute défense au fond, en tête de l'écriture de défense par le défendeur, en temps diligent par les autres parties.
3 Ces moyens sont instruits et jugés en la forme incidente, le cas échéant après avoir réuni les preuves nécessaires. Le juge peut les lier au fond s'il n'est pas possible de statuer sur eux sans en même temps statuer sur le fond.
Art. 98 Compétence (nouvel intitulé et nouvelle teneur)
Le juge examine d'office sa compétence lorsqu'il s'agit de la compétence à raison de la matière et à raison du lieu si la règle de for est impérative.
Art. 99 à 101 (abrogés)
Art. 104 Conditions et procédure (nouvelle teneur)
1 Une partie peut appeler un tiers en cause si elle a un intérêt direct à contraindre un tiers à intervenir au procès :
2 S'il en résulte une complication excessive du procès, le juge peut refuser l'appel en cause.
Art. 469, lettre b (abrogée)
Article 3 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.
Article 4 Clause d'urgence
L'urgence est déclarée.