République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 décembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 59e séance
PL 8391
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique Modifications
1 La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (L 1 30), est modifiée comme suit :
Art. 11 A Conformité au plan directeur cantonal (nouveau)
1 Conformément à l'article 2, alinéa 3, les autorités cantonales et communales appliquent les principes et les objectifs du plan directeur cantonal, notamment en veillant à ce que les plans d'affectation du sol soient conformes au plan directeur cantonal et à son concept de l'aménagement cantonal.
2 Les autorités cantonales et communales veillent à une utilisation judicieuse des zones à bâtir existantes. Au vu des réserves limitées de terrain à bâtir aux fins de construction de logements collectifs répondant aux besoins prépondérants de la population, elles prennent les mesures nécessaires afin de promouvoir une utilisation rationnelle des réserves de terrains en 5e zone de construction (zone résidentielle destinée aux villas).
3 En application de l'alinéa 2, le département suspend l'instruction de toute demande d'autorisation de construire portant sur un terrain situé en 5e zone dans un périmètre peu ou pas bâti de plus de 3 000 m2, afin d'examiner si une mesure de densification est envisageable. Après consultation de la commission d'urbanisme, il présente un rapport au Conseil d'Etat afin que ce dernier puisse apprécier l'opportunité d'engager, en application de l'article 15A, une procédure de modification des limites de zone permettant d'atteindre un taux d'utilisation du sol plus élevé. L'article 13B est applicable pour le surplus.
Art. 13, al. 2 (abrogé)
* * *
2 La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 (L 5 05), est modifiée comme suit :
Art. 1, al. 2 et 3 (nouveaux, l'ancien alinéa 2 devient l'alinéa 4)
2 Les travaux réalisés à l'intérieur d'une villa isolée ou en ordre contigu ne sont pas soumis à autorisation de construire, pour autant qu'ils ne modifient pas la surface habitable du bâtiment. Demeurent réservées les dispositions relatives à la protection du patrimoine.
3 En zone à bâtir, l'édification de constructions de très peu d'importance définies par le règlement d'application n'est pas soumise à autorisation de construire. Demeurent réservées les dispositions relatives à la protection du patrimoine.
Le Grand Conseil vient d'adopter un nouveau concept de l'aménagement du territoire cantonal qui confirme les principes du précédent concept en ce qui concerne la nécessité de mieux utiliser les réserves de terrains dans la zone villas.
L'application de mesures permettant d'atteindre les objectifs fixés par le plan cantonal est urgente dans ce domaine particulier. De nombreux terrains d'une surface importante font l'objet de projets de construction de villas individuelles ou de villas contiguës, qui constituent un véritable gaspillage du territoire.
Le présent projet de loi propose d'imposer un examen systématique par le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL) de tout périmètre peu ou pas bâti de plus de 3 000 m2 situé en 5e zone dans lequel un projet de construction est prévu, afin de déterminer si une meilleure densité de construction ne pourrait pas être retenue. La procédure d'instruction de la requête en autorisation de construire est alors suspendue, l'article 13B LaLAT (prévu par le projet de loi relatif à l'harmonisation des délais en matière de mesures conservatoires en remplacement de l'actuel art. 17 LaLAT), relatif à la sauvegarde des objectifs en matière d'aménagement du territoire, s'appliquant au besoin.
Après consultation de la Commission d'urbanisme, le DAEL est tenu de présenter dans les 6 mois un rapport au Conseil d'Etat, afin que celui-ci puisse apprécier l'opportunité d'engager une procédure d'adoption d'un plan d'affectation du sol en application de l'article 15A ou de s'en tenir aux possibilités de densification prévues par l'article 59, alinéa 4, lettre b, de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI), dans la mesure où la commune donnerait son accord au projet.
D'autre part, notre Conseil saisit l'occasion de ce projet de loi pour proposer une modeste modification de l'article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses, traitant du champ d'assujettissement à autorisation de construire.
En effet, au cours des dix dernières années, deux nouvelles procédures, l'une dite accélérée, l'autre par annonce de travaux, ont été introduites dans la loi. L'objectif de ces innovations était, et il a été atteint, de permettre le traitement simplifié de demandes en autorisation de construire portant sur des projets de peu d'importance.
Il est toutefois faux de penser qu'accélérer et simplifier les procédures, lorsque cela est possible, dispense d'une réflexion relative au fond de la législation.
Le Conseil d'Etat propose aujourd'hui que soient exclus du champ d'assujettissement à autorisation de construire les travaux réalisés à l'intérieur d'une villa isolée ou en ordre contigu, pour autant qu'ils ne modifient pas la surface habitable du bâtiment ainsi que, en zone à bâtir, l'édification de constructions de très peu d'importance.
Dans tous les cas, les dispositions relatives à la protection du patrimoine restent bien entendu réservées.
La modification légale proposée résulte du constat selon lequel il n'est pas raisonnable que l'Etat persiste à vouloir régler et contrôler la totalité de l'acte de construire, y compris dans ses manifestations les plus modestes.
Pour faciliter la compréhension du projet et permettre de mieux en apprécier la portée, le Conseil d'Etat joint en « annexe » au projet de loi un projet de modification de l'article 3 du règlement d'application de la loi, lequel porte sur la définition des constructions de très peu d'importance évoquées dans le présent projet.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons ce projet de loi à votre bienveillante attention.
Préconsultation
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Si la disposition concernant la loi sur les constructions et installations diverses en zone villas ne nous gêne pas, nous avons, par contre, quelques craintes à propos de la modification de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.
En effet, si nous ne pouvons que souscrire à l'idée énoncée à l'alinéa 2 de l'article 11A, je cite : «Les autorités cantonales et communales veillent à une utilisation judicieuse des zones à bâtir existantes. (...) ...elles prennent les mesures nécessaires afin de promouvoir une utilisation rationnelle des réserves de terrains en 5e zone de construction...», nous sommes, par contre, beaucoup plus réservés, pour ne pas dire opposés au moyen énoncé à l'alinéa 3, à savoir la possibilité qu'aurait le département de suspendre toute demande d'autorisation de construire portant sur les parcelles de plus de 3 000 m2 situées en 5e zone.
Il y a manifestement dans cette disposition une possibilité d'intervention étatique excessive et peu respectueuse des droits de la propriété privée. Nous pensons que si le but est tout à fait louable le moyen d'y parvenir est, lui, extrêmement dur. Nous avons à l'esprit les droits de petits propriétaires de parcelles, propriétaires par héritage d'un patrimoine familial, parfois conservé depuis plusieurs générations ou encore acquis grâce à l'épargne de parents soucieux de préparer l'installation durable de leurs enfants ou petits-enfants. Ces mêmes petits propriétaires, après parfois des années de préparation d'une petite mise en valeur immobilière, se verraient abruptement confisqués le droit de bâtir la ou les maisons destinées à leurs besoins ou à ceux de leur descendance.
De telles situations ne peuvent pas être gérées de manière directive. Elles doivent faire l'objet d'une concertation entre le département et la commune, concertation évoquée par ailleurs à l'alinéa 2, puisqu'il y est dit que l'Etat et les communes «veillent à une utilisation judicieuse des zones à bâtir». Cela sous-entend une responsabilité importante des communes, qui doivent également souscrire à l'effort de densification des parcelles, mais qui sont peut-être mieux à même de juger de telle ou telle situation, de susciter une densification plutôt que de l'imposer et de varier les pressions selon qu'elles se trouvent en présence de promoteurs, qui, très probablement, seront souvent en faveur d'une telle mesure, ou en présence de propriétaires dont les intérêts sont fréquemment totalement différents.
Les règles trop rigides en matière d'aménagement ne sont certainement pas la panacée. Pour notre part, nous souhaitons que l'autorité de planification pratique l'incitation plutôt que l'interdiction. Enfin, pourquoi recourir à des changements de zones, procédures lourdes et souvent difficiles, alors que dans bien des cas le regroupement des droits à bâtir s'avère une judicieuse solution ? En résumé, s'il nous apparaît souhaitable de recenser les possibilités d'un usage optimal de notre zone villas et de proposer aux propriétaires des solutions de construction répondant à notre souci commun de construire un nombre suffisant de logements dans ce canton, il ne nous paraît, par contre, pas envisageable de restreindre les droits des propriétaires ou d'accession à la propriété.
Cependant, nous ne nous opposons pas au renvoi en commission.
M. Rémy Pagani (AdG). Ce train de projets de lois est intéressant bien que discutable, mais nous aurons l'occasion d'en parler dans le cadre des travaux de la commission de l'aménagement, qui va s'en saisir, j'imagine, rapidement.
Toujours est-il que nous sommes face à une situation relativement semblable à celle que nous avons connue dans les années 80. Les députés des bancs d'en face jouent les veuves effarouchées...
M. Claude Blanc. Les vierges !
M. Rémy Pagani. ...les vierges effarouchées - pardon, il se fait tard ! - en prétendant que nous allons prendre des mesures autoritaires. Mais aujourd'hui la spéculation sur les terrains - on le voit dans l'immobilier - reprend. C'est un droit «inaliénable» des propriétaires !
Et comment peut se défendre la collectivité si elle veut quand même, de manière pertinente, imposer des logements sociaux au centre-ville et dans la périphérie de notre cité ? Il n'y a pas trente-six manières d'imposer cette densification de zone. Il faut prendre l'arme qui reste en dernier ressort à la collectivité : l'expropriation.
Malheureusement, le système dans lequel nous nous trouvons garantit le principe du droit de propriété inaliénable qui permet à un propriétaire de spéculer sur son terrain, de spéculer sur son immeuble. On l'a vu pendant les années 80, des propriétaires maintenaient des immeubles vides année après année pour pouvoir les revendre. Ce système prévaut encore aujourd'hui, et il faut que la collectivité se défende contre ce mode de faire, qui est en train de revenir à toute vitesse... Nous estimons pour notre part que cette mesure est légitime.
Toutefois, bien évidemment, comme dans certains dossiers, faut-il vous le rappeler, nous utiliserons cette arme avec parcimonie... (Exclamations.) Oui, oui, tout à fait ! Nous avons effectivement usé du droit d'expropriation dans le cadre de l'affaire de Meyrin, ce qui a permis de donner le coup de pouce et au propriétaire de vendre au meilleur prix son terrain à la collectivité. C'est une arme qu'il faut utiliser avec rigueur, mais en tout état de cause avec discernement.
C'est ainsi que nous nous prononcerons en commission sur l'ensemble de ces projets de lois, qui, je le répète, nous conviennent, sauf sur un certain nombre de points sur lesquels nous formulerons des contre-propositions.
La présidente. La parole n'est plus demandée. Ce projet de loi... Oh, pardon, excusez-moi, Monsieur Halpérin ! Je n'avais pas vu que vous demandiez la parole !
M. Michel Halpérin (L). Madame la présidente, je comprends que la fatigue aidant vous ne puissiez plus tout à fait suivre ce qui se passe ! C'est un peu comme pour la lecture que vous avez faite de la manière dont nous passons de la préconsultation à la discussion immédiate...
Je regrette, Madame la présidente, d'avoir à vous dire que la décision que vous avez prise tout à l'heure est contraire au texte de notre règlement. L'article 130 dit ceci, à son premier alinéa : «Au moment fixé par le Grand Conseil, il est ouvert une préconsultation.» Le deuxième alinéa du même article dit : «A l'issue de la préconsultation - ce qui en français veut dire à son terme - le projet de loi est renvoyé en commission, à moins que le Grand Conseil ne décide de passer à la discussion immédiate.»
Par conséquent, je ne sais pas d'où vous avez sorti l'idée que c'est le premier ou l'unique intervenant d'un groupe, en même temps qu'il intervient au titre de la préconsultation, qui doit demander la discussion immédiate. C'est au contraire au terme de la préconsultation que la discussion immédiate doit être demandée. Je la demande en conséquence pour ce projet comme pour les autres, et je prie donc cette assemblée de se prononcer conformément à la loi.
La présidente. Monsieur le député Halpérin, l'article 72 dit ceci : «En préconsultation, un seul député par groupe peut prendre la parole.» C'est à ce moment-là qu'il doit faire sa demande et, à l'issue de la préconsultation, le Grand Conseil vote s'il y a effectivement eu demande de discussion immédiate. La demande doit être faite par le député qui prend la parole ! (Commentaires.)
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.