République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 décembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 58e séance
M 1368
EXPOSÉ DES MOTIFS
Actuellement, aucun outil ne permet d'évaluer l'évolution de la délinquance. Les professionnels concernés par cette problématique se trouvent démunis face à des situations nouvelles exigeant des réponses adéquates.
L'observatoire de la délinquance serait un des moyens de donner au canton une politique pénitentiaire cohérente.
Jusqu'à ce jour, seule la Commission des visiteurs officiels de prison a la mission d'examiner les conditions d'incarcération dans les lieux de détention. Au vu de la création de l'Office pénitentiaire, il nous paraît nécessaire d'instituer un conseil de surveillance des différents établissements pénitentiaires genevois. Ce conseil devrait être composé de professionnels concernés par le monde carcéral et la justice. Il est à relever que ce conseil est recommandé par les règles pénitentiaires européennes.
S'agissant de La Clairière, il ne nous semble pas judicieux, du point de vue d'une prise en charge pédagogique et psychologique, qu'une institution accueillant des mineurs soit rattachée à un office pénitentiaire. D'autre part, afin d'éviter l'incarcération des mineurs à Champ-Dollon, et conformément aux conclusions du rapport intermédiaire de la Commission d'experts (R 413), il est impératif de créer une extension à la nouvelle Clairière.
Pour ces motifs, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Jacques-Eric Richard (S). Le canton a décidé de se doter d'un service pénitentiaire, annoncé par la presse des 26 et 27 août 2000, dont l'objectif est, entre autres, d'obtenir une harmonisation de la politique pénitentiaire sur le plan cantonal, voire une représentativité institutionnelle cohérente face aux interlocuteurs des concordats romand et suisses. C'est pourquoi nous proposons d'instrumentaliser cet office en lui octroyant des outils analytiques sous une forme d'observatoire de la délinquance. Le but de celui-ci est d'anticiper la réalisation et la mise en place de nouvelles structures et de permettre des adaptations de la demande des instances judiciaires.
Le nouveau Code pénal, prévu pour 2003, amène de manière précise des formes de peines alternatives qu'il faudra bien évaluer. Connaître le profil des personnes incarcérées afin de répondre aux besoins pour lutter contre la récidive. La France et d'autres pays connaissent également des institutions de ce type-là.
La création d'un conseil de surveillance, qui s'inscrit en droite ligne des principes fondamentaux des règles pénitentiaires européennes, dont la référence est la recommandation 87 : « Des inspecteurs qualifiés et expérimentés, nommés par une autorité compétente devant procéder à l'inspection régulière des établissements de services pénitentiaires. Leur tâche consistera en particulier à veiller dans quelle mesure ces établissements sont administrés conformément aux lois et règlements en vigueur, aux objectifs des services pénitentiaires et aux normes imposées par la présente règle. » Il nous semble que la commission des visiteurs ne répond pas à cette demande européenne.
Le dernier point a trait à la Clairière. Il ne nous paraît pas judicieux que ce lieu soit géré par l'office pénitentiaire. En effet, comme il a été dit tout à l'heure, les mesures éducatives ne peuvent pas dépendre d'un service pénitentiaire et il est contraire à toute règle pénitentiaire européenne de confier la gestion éducative à un office pénitentiaire.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt cette motion. Elle provoque quand même certaines interrogations. La première concerne la commission des visiteurs. Vous avez certainement lu dans un récent rapport que les juges d'instruction avaient émis des critiques à l'égard de la commission des visiteurs officiels. Celle-ci s'est bien sûr penchée sur son travail et sur sa raison d'être. Cette commission s'occupe notamment des conditions d'incarcération dans les lieux de détention. C'est la mission que le Grand Conseil lui a confiée. Le conseil de surveillance aurait pour sa part la même mission. D'un côté, il y aurait donc des miliciens, nous, et de l'autre des spécialistes, ceux que l'on désignera. Est-ce que l'on veut remplacer la commission des visiteurs ? La supprimer ? C'est une question fondamentale.
Deuxième question, la commission des visiteurs avait souhaité, dans plusieurs de ses rapports, voir celle-ci sortir du cadre cantonal pour devenir intercantonale, à tout le moins romande. Une réflexion était en cours à ce niveau-là. Où en est aujourd'hui cette réflexion par rapport à cette motion ?
Troisièmement, créer un observatoire de la délinquance, c'est certainement fantastique, mais qu'est-ce qu'une telle création implique ? Quels sont les objectifs poursuivis par rapport au département ? Des observations ne sont-elles pas déjà effectuées aujourd'hui au sein de ce département par des spécialistes ? Lorsqu'on parle de « mener une politique pénitentiaire cohérente », est-ce à dire qu'elle est aujourd'hui incohérente ? Je ne le sais pas.
Il y a donc des questions qui me paraissent fondamentales. Plutôt que d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat, nous proposons de la renvoyer à la commission des visiteurs. Nous pourrions ainsi débattre de ces réflexions. Nous avons déjà travaillé longuement sur certains de ces sujets et nous pourrions approfondir ceux-ci avant de revenir bien entendu devant le parlement.
M. Gérard Ramseyer. Le Conseil d'Etat réserve bon accueil à cette motion. Plusieurs invites, plusieurs points suscitent effectivement des discussions. Et ces discussions sont nécessaires. J'aimerais simplement remercier les auteurs de cette motion d'avoir pareillement mis en évidence la nécessité d'un travail prospectif de l'office pénitentiaire. C'est bien dans ce sens que nous avons travaillé. J'espère que nous pourrons très rapidement concrétiser ce qui apparaît comme un voeu commun.
M. Jacques-Eric Richard (S). Je suggère que cette proposition de motion soit plutôt renvoyée à la commission judiciaire.
La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Reste à choisir ensuite s'il doit s'agir de la commission judiciaire ou de la commission des visiteurs officiels.
Mme Janine Berberat (L). Je me permets d'insister en faveur d'un renvoi en commission des visiteurs, parce que nous avons déjà procédé à plusieurs auditions concernant cet office pénitentiaire. Nous avons déjà entamé une réflexion à ce propos. Je vous propose de faire encore une fois confiance à cette commission des visiteurs, même si le but de la motion est de la supprimer. Je vous rappelle encore que nous avons reçu le rapport des experts désignés par la résolution 413 et qu'une réflexion s'est engagée à ce sujet dans ce cadre, afin de savoir si notre commission doit ou non évoluer ou si elle doit être supprimée. C'est là une question que l'on doit aussi se poser. Je vous propose donc de renvoyer cette motion à la commission des visiteurs officiels, parce qu'elle s'inscrit totalement dans le cadre de nos travaux et de nos réflexions.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je me permets d'insister dans le sens contraire de celui de Mme Berberat. Je pense que la commission des visiteurs officiels a un mandat à exercer, ce qui n'est pas le cas de la commission judiciaire, habilitée à traiter des motions et des projets de lois. De plus, nous avons très largement parlé ces derniers temps de la Clairière et de sa future affectation. Il est aussi important que nous sachions ce que l'on va mettre dans cet observatoire de la délinquance et que l'on connaisse son objectif. Ainsi, la commission judiciaire est vraiment mieux à même d'accueillir cette motion. Je soutiens donc la proposition de M. Richard.
La présidente. Je vais opposer les deux propositions.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission des visiteurs officiels est adopté.