République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 novembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 56e séance
M 945-A
1. Introduction
La Commission des finances a examiné la motion 945 lors de sa séance du 27 septembre 2000 sous la présidence de M. Dominique Hausser.
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Département des finances, et M. Benedikt Cordt-Moeller, directeur général des finances, ont participé à cette réunion. Mme Eliane Monnin a tenu le procès-verbal de cette séance.
2. Motivations des motionnaires
En septembre 1994, face à la crise des finances de la République et canton de Genève, les motionnaires ont décidé de présenter ce projet afin de contenir les dépenses et les investissements de l'Etat.
A l'époque, les motionnaires s'étonnaient que figurent dans la liste des investissements réalisés en 1993 « une multitude d'achats qui ne présentaient aucun intérêt en termes de relance économique et d'emploi ». Ils voulaient que les départements et les régies publiques justifient clairement la nécessité impérieuse de leurs achats.
Ils demandaient en conséquence que des efforts concrets en la matière soient réalisés, afin d'éviter d'accroître l'emprunt et du même coup d'alourdir une dette publique dont le poids était en passe de devenir insupportable pour les générations futures.
3. Débat de la commission
Tout d'abord, les député-e-s de la commission se sont demandé-e-s si cette motion était encore d'actualité tant les efforts accomplis en la matière par les administrations ces dernières années ont été conséquents et efficaces.
Néanmoins, les commissaires ont souligné que les efforts devaient se poursuivre et en aucun cas se relâcher, même si la situation financière de l'Etat s'est nettement améliorée. L'invite de cette motion reste de ce fait actuelle.
Cette motion permettra de plus à Mme Micheline Calmy-Rey d'établir le constat de ce qui a été entrepris par l'Etat dans ce domaine. Il est rappelé notamment qu'un certain nombre de réformes ont été instaurées en matière de normes d'achat, notamment pour le mobilier. Cette optimisation de la politique d'achats s'accompagne d'un contrôle accru de la part de l'Economat cantonal sur les demandes d'achat. La motion 945 peut être considérée comme un soutien à poursuivre cette démarche.
Il est observé que la motion reste « malheureusement d'actualité » et elle le sera toujours. Le phénomène est récurrent et l'effort doit être maintenu au sein de l'Etat et dans les entreprises publiques, notamment sur les achats informatiques et le mobilier. Par contre, il existe encore une marge de manoeuvre à saisir au niveau des services. Deux exemples viennent à l'appui de cette observation.
Concernant les frais de consulting, on constate actuellement des abus de la part d'entreprises qui offrent leurs services à n'importe quel prix en matière de gestion d'entreprise, réorganisation, communication, informatique, etc. L'Etat et les entreprises publiques pourraient essayer de réfléchir à une dynamique pour essayer de faire baisser les prix. En second lieu, si l'organisation des voyages et déplacements des collaborateur-trice-s de l'Etat de Genève était centralisée et négociée globalement auprès des opérateurs de voyage (agences, compagnies d'aviation, CFF, hôtels, etc.), un potentiel d'économies, évalué à plus de 10 % ou 15 %, pourrait être réalisé. Ces deux objets méritent réflexion pour trouver une meilleure organisation. Un amendement est proposé dans ce sens.
4. Votes
Une modification de l'invite est retenue, soit :
- « à déclarer avec effet immédiat, au sein des départements et des régies en dépendant, l'obligation de justifier par leur nécessité impérieuse, toutes les requêtes de prestations de services ainsi que toutes les acquisitions de matériels, appareils, […………] »
La motion ainsi amendée est votée à l'unanimité.
Débat
M. Christian Brunier (S), rapporteur. Lorsque nous avons abordé cette motion en commission des finances, nous nous sommes d'abord posé la question de savoir si elle était encore d'actualité, puisqu'elle avait été déposée en 1994. En y regardant de plus près, nous nous sommes rendu compte que la politique d'achat, la politique d'économie sur les achats restait bien entendu d'actualité. C'est un combat continuel et nous avons donc décidé de l'examiner plus en détail.
La première chose à souligner, ce sont les efforts qui ont été entrepris ces dernières années pour optimiser et rationaliser les achats, particulièrement en matière de mobilier, de matériels divers, de machines et de matériel informatique. La première raison du soutien, unanime, de la commission, c'est que cette motion est l'occasion de plébisciter la politique de rationalisation et d'établir l'inventaire des mesures prises ces dernières années, puisque cet inventaire n'a jamais été fait. Nous considérons qu'il est important de souligner le chemin parcouru par la fonction publique dans ce domaine et de remercier les fonctionnaires, qui ont entrepris des efforts considérables.
La deuxième raison de soutenir cette motion, c'est bien sûr qu'elle est une incitation à poursuivre l'effort, car il existe certainement des secteurs où on peut encore pousser la rationalisation et l'optimisation, sans diminuer le niveau des prestations à la population.
Nous avons identifié deux secteurs où les efforts peuvent être renforcés. Le premier est le secteur des voyages et des déplacements. Aujourd'hui, l'organisation des voyages et des déplacements de la fonction publique est déficiente, puisqu'en fait chaque service organise un peu comme il en a envie les déplacements de ses fonctionnaires. En organisant mieux ces voyages, en rationalisant la démarche, nous pensons qu'il est possible de diminuer facilement les frais de voyages de 10% à 20%, voire de 20% à 30%, l'Etat de Genève pouvant renégocier un certain nombre de contrats auprès des compagnies d'aviation, des hôtels, ou des compagnies ferroviaires.
Le deuxième secteur où il faut absolument améliorer la politique d'achat, ce sont tous les contrats passés avec des entreprises de consulting. L'Etat fait appel, souvent à juste titre, à des sociétés de consulting dans différents domaines où il a besoin d'un certain savoir-faire. Aujourd'hui, ces boîtes de consultants appliquent des prix qui sont inacceptables, puisque très souvent, pour les administrations, ces entreprises facturent, suivant les spécialités, entre 1 500 F et 5 000 F la journée, ce qui est un prix très élevé par rapport à la valeur ajoutée amenée par ces entreprises. Nous devons donc mieux négocier ces contrats, nous devons aussi fédérer les besoins entre l'Etat et les différentes institutions publiques de ce canton, pour négocier de manière beaucoup plus drastique les contrats avec ces boîtes de consultants. Je crois qu'il y a là un effort de rationalisation à faire, pour abaisser les coûts et obtenir des consultants un tarif plus décent.
La commission, à l'unanimité, vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion, amendée par la commission pour qu'elle soit un peu plus d'actualité.
M. Roger Beer (R). J'aimerais remercier M. Brunier d'avoir complété oralement son rapport, car celui-ci est relativement bref. Cette motion a été présentée en 1994 par des collègues radicaux dont certains sont encore avec nous aujourd'hui - je pense à MM. Ducommun et Lescaze - à une époque où la situation financière de l'Etat était extrêmement difficile et où le Grand Conseil se préoccupait beaucoup de faire des économies. Ce souci avait été moyennement pris au sérieux et cette motion - qui faisait partie d'un train de motions dont certaines ont été renvoyées d'office au Conseil d'Etat - a eu la grâce de finir à la commission des finances. Elle devait visiblement déranger, puisque la commission des finances a attendu six ans avant de passer une heure, voire une heure et demie à en discuter, pour conclure finalement qu'elle restait, je reprends vos termes, Monsieur Brunier, «malheureusement d'actualité et qu'elle le sera toujours». Bien sûr, des efforts ont été faits par l'Etat depuis six ans, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, pour faire attention aux dépenses, pour limiter les coûts et, aujourd'hui, le gouvernement et l'administration en récoltent le bénéfice : la conjoncture va mieux, les économies ont été engagées et les frais de fonctionnement sont moins importants.
Cela dit, je m'étonne quand même que la motion ait dû passer six ans en commission pour conclure que la politique d'économie doit continuer, qu'on doit absolument être attentifs aux achats - enfin, tout ce que vous avez très bien expliqué, Monsieur Brunier, mais que vous n'aviez pas écrit - et qu'il faut la renvoyer au Conseil d'Etat. Remarquez, ce qui me console, c'est que le Conseil d'Etat a six mois pour nous répondre : comme dans six mois un certain nombre de députés vont partir, j'espère que nous aurons une réponse avant, pour nous dire que les radicaux, en 1994, avaient sacrément raison !
M. Robert Cramer. J'ignore quels sont les projets des uns et des autres pour les six prochains mois... Je me permets cependant de conjecturer que nous serons à peu près dans la même composition à cette échéance !
Ce que je peux vous dire, en ma qualité de suppléant de Mme Calmy-Rey, c'est que le Conseil d'Etat accepte bien sûr cette motion et qu'elle sera l'occasion de vous faire rapport sur ce qui se fait et sur ce que nous entendons faire. Même si elle a été déposée en 1994, cette motion a toujours un caractère d'actualité, ceci pour deux raisons. La première, c'est que faire des économies, éviter le gaspillage doit être un effort constant ; en période de difficultés économiques comme en période de plus grande prospérité, cela doit être une préoccupation générale et constante du gouvernement, de l'administration et du Grand Conseil, lorsqu'il est amené à se prononcer sur le budget.
Cette motion est d'une actualité d'autant plus grande que, comme vous le savez, Monsieur Beer, nous nous préoccupons actuellement de mettre sur pied, par le bais de la loi, un Agenda 21 cantonal. Genève est le premier canton de Suisse à s'efforcer de le faire. Il ne vous a pas échappé que l'une des sept actions que nous avons retenues dans le cadre de cet Agenda 21, c'est de faire en sorte que l'Etat soit exemplaire dans le domaine de sa consommation, dans le domaine de ses achats. Cette motion nous amènera à vous faire rapport sur nos efforts vers cette exemplarité, parce que vouloir consommer moins d'énergie, vouloir travailler de façon plus rationnelle, cela signifie aussi travailler de façon plus économe, également sur le plan financier. C'est vous dire que le gouvernement accepte cette motion et se propose de vous faire rapport dans les meilleurs délais.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :