République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8267-I-A
6. Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant le Conseil d'Etat à adhérer au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999. ( -) PL8267
Mémorial 2000 : Projet, 5968. Renvoi en commission, 6054.
Rapport de majorité de Mme Janine Hagmann (L), commission de l'enseignement supérieur
Rapport de minorité de M. Bernard Lescaze (R), commission de l'enseignement supérieur

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La Commission de l'enseignement supérieur a examiné le projet de loi 8267 lors de ses séances des 14 septembre, 28 septembre, 5 octobre et 2 novembre 2000 sous la présidence de la soussignée.

M. Eric Baier, secrétaire-adjoint du Département de l'instruction publique, a assisté la commission dans ses travaux et MM. Jean-Luc Constant et Christophe Vuilleumier, procès-verbalistes, ont assuré la prise de note des séances. Qu'ils soient tous les trois remerciés.

1. Rappel

En date du 9 décembre 1999, la Conférence universitaire suisse a adopté le texte définitif du projet de concordat intercantonal de coordination universitaire. Elle a invité les cantons universitaires à y adhérer d'ici au 31 octobre 2000.

Ce concordat rendra possible une politique universitaire nationale coordonnée dans le domaine des hautes écoles et instituera les nouvelles structures qui permettront sa mise en oeuvre. Cantons et Confédération se sont accordés sur le principe selon lequel la politique universitaire est une tâche commune. Afin de pouvoir réaliser le concept retenu, il est demandé aux cantons universitaires, par la voie de l'adhésion au présent concordat :

d'adhérer aux objectifs de la politique universitaire nationale coordonnée énumérés à l'article premier du concordat ;

de créer, avec la Confédération, un nouvel organe commun, qui sera une Conférence universitaire suisse d'un type nouveau ;

d'instituer, avec la Confédération, un organe indépendant d'accréditation et d'assurance qualité.

L'entrée en vigueur du concordat est prévue pour le 1er janvier 2001. Le Parlement du canton de Berne a d'ores et déjà accepté l'adhésion au présent concordat.

2. Auditions

Audition de M. Maurice Bourquin, recteur de l'université (14.09.00)

Le recteur de l'Université de Genève se réfère à la motion qui a été déposée aux Chambres fédérales pour demander la rédaction d'un article constitutionnel réglant les compétences de la Confédération en matière de politique universitaire d'ici à 2008 au plus tard. Cette échéance est très importante pour l'articulation des discussions en cours. Pour le court terme, la présente année est une année de transition. La loi d'aide aux universités du 9 décembre 1999 (LAU) est certes déjà entrée en vigueur, mais la convention et le concordat n'ont pas encore été signés. Pour l'avenir, il est prévu un renforcement de l'engagement des cantons dans la politique universitaire suisse. Quant aux organes mentionnés dans le concordat, la CUS (le Conseil de la Conférence universitaire suisse : art.4 du concordat) et l'OAAQ (l'Organe indépendant d'accréditation et d'assurance de la qualité : art. 7 du concordat), il est prévu qu'ils puissent prendre des décisions contraignantes pour la Confédération, les cantons et pour les écoles polytechniques (cf. énumération des compétences à l'article 5 du concordat). Les universités souhaitent pour leur part que les écoles polytechniques soient mieux intégrées dans la politique universitaire suisse, de façon à améliorer la collaboration et le travail de réseau, étant précisé que l'accord intercantonal universitaire est un accord qui n'implique que les étudiants des universités. Les étudiants des écoles polytechniques n'y sont pas mentionnés. On peut par ailleurs espérer, dans une nouvelle organisation des hautes écoles suisses, que les cantons universitaires auront plus de poids pour discuter avec les écoles polytechniques. Interrogé sur les avantages de ce concordat pour l'Université de Genève, le recteur précise que le concordat soulève beaucoup de questions au sein de l'Université de Genève. Ceci dit, il est prévu que la convention de coopération règle les questions de détail. L'article 5 de cette convention énumère les compétences de la Conférence universitaire suisse. La CUS pourra par exemple octroyer des contributions liées à des projets. C'est un avantage pour l'Université de Genève qui développe des projets susceptibles de bénéficier de contributions de la CUS (par exemple le projet triangulaire UniL, UniGE, EPFL). Celle-ci pourra également reconnaître des institutions ou des filières d'études. Ce pourrait aussi être un avantage pour l'Université de Genève dans l'optique d'une reconnaissance sur le plan international. La CUS pourra aussi édicter des directives sur l'évaluation de l'enseignement et de la recherche. Il ne s'agit donc pas d'évaluer directement l'enseignement et la recherche, mais d'édicter des directives sur cette évaluation. Ce pourrait aussi être un avantage pour Genève, comme pourrait l'être la compétence de la CUS d'édicter des directives relatives à la valorisation des connaissances acquises par la recherche.

Audition groupée Conseil Académique / Conseil de l'Université (28.09.00)

Les interventions groupées des deux conseils constituent une « acceptation du bout des lèvres du contenu du concordat ». Le problème qui se pose est celui du contrôle démocratique. Le Conseil de l'université en a débattu la veille et la conclusion ne peut être qu'une acceptation du concordat. Il est cependant nécessaire de connaître cet instrument que représente le concordat et trois séries de remarques doivent être formulées :

La rhétorique qui déclare que la Suisse est un petit pays et qu'il est donc nécessaire d'unifier les ressources oublie que la Suisse est la quinzième puissance mondiale. Il y a donc des réserves à émettre face à cet argument. On se demande ensuite si le financement cantonal qui représente 50 % des dépenses universitaires sera uniquement dédié aux dépenses de fonctionnement et les 20 % de la Confédération dévolus aux innovations ? Il faut se demander encore si les pôles que sont les relations internationales et les sciences de la vie par exemple et qui s'inscrivent naturellement dans la tradition genevoise, seront garantis par le concordat. Il est donc important que le canton garde sa voix dans le discours.

Il n'est pas assuré que les décisions prises à Berne soient meilleures que celles arrêtées à Genève.

Les attributions des deux conseils devront être redéfinies puisque l'instance demeurera à Berne. On donne en exemple les règlements d'études et on ajoute que pour la mise en oeuvre du concordat, c'est l'ensemble du monde universitaire qu'il faut « reprofiler ». Les deux conseils regrettent que la souveraineté genevoise parte à Berne.

Un député demande si le « faire-ensemble » comporte plus de désavantages que d'avantages.

Le groupe auditionné répond qu'il est impossible de refuser un tel texte, car cela serait alimenter les stéréotypes qui ont cours au sujet de la République et canton de Genève.

Le directeur IUHEI de son côté, en sa qualité d'ancien parlementaire fédéral qui a voté le texte de la LAU le 9 octobre 1999, n'a jamais entendu parler du versant concordataire au moment du vote. Il pense que le Parlement genevois ne doit pas se laisser retirer sa liberté de choix, il n'a pas à accepter ce concordat comme « un ours ficelé à l'intérieur d'un sac ».

Il explique que ce concordat est la clé de voûte qui instaure une université fédérale souhaitée depuis 150 ans et rappelle que cette formule existe déjà sous la forme des écoles polytechniques. Il se dit pourtant gêné par le fait que la Confédération sous-traitera notamment les accréditations. Il évoque à cet égard l'article 7 du concordat et la mission donnée au Groupement de la Science et de la Recherche, de redéfinir la géométrie de l'université. L'auditionné déclare encore que d'ici mai 2001, l'université n'aura plus rien à dire. Il pense que l'Université de Genève était fort bien placée au niveau de l'excellence des projets par rapport à l'Université de Zurich. Il augure que les quatre pôles genevois fondront à deux et qu'un discours lénifiant enterrera les deux autres.

En conclusion, les interventions groupées des deux conseils mettent en évidence qu'il serait pénalisant de refuser le concordat, mais que certaines garanties doivent être obtenues telle une représentation de Genève au plus haut niveau. Les deux groupes auditionnés craignent que le poids qui va peser sur l'université soit considérable en fonction du grand nombre d'instances superposées au-dessus d'elle. Le préavis final est d'adhérer au concordat.

Audition de la Conférence universitaire des associations d'étudiants (28.09.00)

De leur côté, les étudiants rejettent le concordat comme ils avaient rejeté la LAU.

Un étudiant représentant la CUAE déclare que cette dernière est défavorable à l'adoption du concordat puisque cela signifie une diminution du principe démocratique. Il ajoute cependant que son association demeure favorable à l'établissement d'une véritable politique universitaire fédérale excluant l'intervention des cantons. Ce concordat représente donc une solution boiteuse.

Un second étudiant représentant la CUAE déclare n'avoir que peu d'espoirs quant à l'accroissement des prérogatives au niveau cantonal. Il signale ainsi que le déplacement des centres décisionnels de Genève à Berne diminuera la compréhension et l'implication des étudiants. Il se déclare en outre étonné que les étudiants soient mis au même rang que l'économie au sein du concordat.

Audition de Mme la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf (05.10.00)

La question politique qui est posée aux députés au travers de l'adhésion ou non du canton de Genève au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999 doit être située dans la perspective de la procédure aujourd'hui ouverte de révision de l'article constitutionnel fédéral sur l'enseignement supérieur. Les cantons universitaires se trouvent à la « croisée des chemins ». Veulent-ils participer activement à la politique universitaire suisse, ou veulent-ils n'être que des spectateurs ? Si l'on veut consolider la participation des cantons universitaires dans la politique universitaire suisse, c'est la voie concordataire qu'il faut emprunter, si l'on veut transférer toute compétence à la Confédération, dès lors c'est un autre chantier qu'il faut ouvrir ? Pour la présidente du DIP, le choix est clair. Les cantons universitaires ont déployé un énorme travail depuis les années 1995/1997 au moins, pour jeter les bases d'un système de coordination de la politique universitaire suisse, l'Université de Genève n'a pas ménagé ses efforts non plus, il faut aujourd'hui récolter les fruits de ces efforts.

Il est pratiquement inconcevable que le paysage universitaire suisse se coordonne et que Genève, qui assume la charge de la deuxième université suisse, n'en fasse pas partie. Dans cette hypothèse négative, on verrait très rapidement les responsables de l'instruction publique et de l'Université de Genève se trouver complètement isolés sur le plan suisse et être très vite « exclus » de la vie universitaire suisse.

La commission a déjà pris conscience lors de précédentes auditions du fait qu'une partie de la question qui lui est posée, comme elle est traitée de façon exhaustive dans une loi fédérale, dépasse le seul périmètre de compétence du Grand Conseil genevois.

Il faut rappeler en effet que le nouveau paysage universitaire suisse a été constitué par le Parlement fédéral lorsqu'il a adopté, le 8 octobre 1999, la loi fédérale sur l'aide aux universités et la coopération dans le domaine des hautes écoles (LAU). Dans la mesure même où le Parlement fédéral légiférait en premier sur la coopération universitaire, il fixait la voie à suivre de manière « quasi impérative » pour les parlements cantonaux. Le Parlement fédéral a eu l'occasion d'organiser de très nombreux et très larges « Hearings »des milieux universitaires concernés. Ce fut le cas les 26 et 27 janvier 1999, ainsi que les 15,16 et 17 février 1999. A cette occasion, c'est le concept même de l'Organe indépendant d'accréditation et d'assurance qualité qui a été profondément remodelé pour tenir compte des remarques des recteurs suisses. A cette occasion également, ce sont Mmes Verena Meyer et Heidi Diggelmann, respectivement présidente du Conseil suisse de la science et du Fonds national suisse de la recherche scientifique qui ont été longuement auditionnées. Il est bien évidemment un peu surprenant, voire surréaliste, que les personnes de l'université entendues le 28.09.00 fassent tranquillement abstraction de la genèse très largement consensuelle du système proposé par la loi fédérale et le concordat. Il faut le reconnaître, seuls les étudiants s'y sont toujours opposés et l'ont fait savoir, car ils préféraient une fédéralisation de l'université suisse.

Et maintenant voici quelques informations sur l'état des procédures d'adhésion au 2 octobre 2000 : les Parlements des cantons de Berne (17.05.00) et des cantons de Fribourg (19.09.00) ont déjà pris une décision parlementaire positive et définitive. Zurich dispose d'un vote unanime de la commission parlementaire, et la suite ne fait pas de doute, le Grand Conseil vaudois est saisi d'un préavis positif d'adhésion.

Lors des débats de ce Grand Conseil sur l'adhésion du canton de Genève à l'Accord intercantonal universitaire du 20 février 1997 qui ont eu lieu le 6 juin 1997, mais également lors des débats quatre ans précédemment sur le même accord dans une version antérieure, il est toujours apparu cette crainte que les représentants genevois dans les commissions concordataires ne défendent pas assez les intérêts vitaux de l'Université de Genève. Eh bien, c'est le contraire qui s'est produit pendant toute cette période : les recettes brutes de financement, grâce à cet Accord,. ont passé de 23 millions en 1998 à 30 millions en 2001. Le gain net est de 7 millions .Les discussions sur le mode de décision de la Conférence universitaire suisse (art 6 du concordat) ont vu les thèses genevoises largement reprises par tous les partenaires.

La présidente du DIP a également répondu à de nombreuses questions concernant l'organe indépendant d'accréditation et d'assurance qualité. Cette procédure d'accréditation est simplement la « mise en oeuvre » d'un système qui a fait largement ses preuves à l'étranger et qui consiste à recourir à des experts. Certains craignent que cet organe soit une « usine à gaz » bureaucratique. Ce grief est infondé, il n'y aura pas plus de cinq personnes dans le Conseil scientifique avec des mandats de consultants, un directeur et son état-major administratif. Cette procédure d'accréditation a largement fait ses preuves en médecine, comme le montre le rapport d'évaluation de la Faculté de médecine de Genève 1999 qui était l'annexe IX du projet de loi 8267.

La présidente du DIP conclut en affirmant que la meilleure défense de l'Université de Genève et de la qualité de ses prestations en matière de formation et de recherche consiste à relever ce défi de l'avenir et à adhérer au concordat.

3. Discussion générale

3.1 Craintes d'un « possible désaisissement du Grand Conseil » sur les affaires universitaires

Lors de la séance du 5 octobre en particulier, les députés des partis de gauche de la commission ont insisté sur les craintes fondées qu'ils ressentaient d'une diminution du pouvoir du Grand Conseil sur l'avenir de l'Université de Genève en cas d'adhésion au concordat. Ces craintes se sont articulées autour de trois thèmes que ce rapport doit restituer :

3.1.1 Craintes concernant la suppression de filières

L'art.5, 1er alinéa lettre d) du concordat prévoit que la CUS aura la compétence de « reconnaître des institutions ou des filières d'études ». Il est bien évident que ce droit peut aboutir à des évaluations négatives, c'est-à-dire à la non-reconnaissance de filières actuelles. Serait-il possible que des filières existantes à Genève, considérées comme légitimes par ce Grand Conseil soient évaluées par la CUS comme ne pouvant pas faire l'objet d'une accréditation ? La réponse est affirmative. Une telle décision devrait cependant être prise à la majorité qualifiée de la CUS au sens de l'article 6, alinéa 2 du concordat (c'est-à-dire deux tiers des voix plus décompte sur la moitié des étudiants immatriculés). Il est clair que les procédures d'accréditation font surgir des gagnants et des perdants, mais elles se déroulent dans un contexte d'objectivité et d'évaluation par les pairs que tous les partenaires peuvent connaître et contrôler. La volonté d'excellence de l'Université de Genève sera mise à l'épreuve.

3.1.2. Craintes concernant une diminution de la démocratie participative

Les Conseils auditionnés ont fait valoir qu'ils craignaient une perte du droit de participation des étudiants et du corps intermédiaire reconnu par la loi sur l'Université de Genève. Cette crainte est notamment liée à l'application de l'article 5, alinéa 1 lettre a) du concordat qui autorise la CUS « à édicter des directives sur la durée normale des études et la reconnaissance des acquis et des qualifications qui lient toutes les parties concernées ». Les Conseils pensent que les règlements d'études des facultés et écoles devront obligatoirement tenir compte de ces directives, et perdront donc leur autonomie d'organisation. Il s'agit en fait plus d'un déplacement de l'autonomie. Il a été répondu aux étudiants qu'en contrepartie d'une légère perte de pouvoir réglementaire, le concordat augmentait très nettement l'autonomie des universités, en particulier par la possibilité d'organiser les voies de formation sous la forme de crédits capitalisables et de demander les accréditations correspondatnes.

3.1.3 Craintes concernant l'absence de contrôle parlementaire

Un député de l'Alliance de Gauche a proposé que le texte de la loi genevoise d'adhésion soit complétée par un alinéa qui aurait la teneur suivante :

« Les décisions au sens de l'article 6 du concordat sont soumises par le Conseil d'Etat au contrôle préalable de la Commission de l'enseignement supérieur du Grand Conseil ».

Cela signifiait que le représentant genevois à la CUS devait informer au préalable la Commission de l'enseignement supérieur de l'ordre du jour de la CUS et des décisions à prendre. Il a été relevé qu'un tel amendement était incompatible avec la constitution genevoise. Il reflétait cependant la crainte que des décisions de caractère quasi-législatif contraignant puissent être prises par l'organe concordataire. Il n'est cependant pas prévu dans les compétences de la CUS énumérées limitativement à l'article 5 du concordat que des règles de niveau normatif législatif soient prises par la CUS.

3.2. Limites de la concurrence qui doit s'instaurer entre les universités suisses

A la base de l'article 1, alinéa 2,lettre b) LAU et de l'article 1, alinéa 2, lettre b) du concordat, on trouve cette idée que la qualité de l'enseignement supérieur sera largement améliorée par la compétition entre les universités. Il s'agit de montrer que l'égalité des chances des différentes filières de formation devant l'allocation des ressources postule la compétition.

Cette conception est défendue par le Groupement de la science et de la recherche qui voit que sur la longue période, les filières d'enseignement ou « chaires professorales » ont été créées au départ pour répondre à une demande d'étudiants, mais que par la suite, cette demande de formation s'étant déplacée dans d'autres secteurs, l'allocation des ressources n'a pas suivi.

La commission s'est penchée sur cette question de la concurrence entre les hautes écoles et universités suisses et de ses possibles effets pervers, lors de sa visite à la Faculté des sciences le 11 mai 2000. Elle tient à mentionner ici cette discussion :

La question qui se pose ici est celle de savoir si le financement d'une filière doit nécessairement suivre le flux des étudiants. Prenons l'exemple de la Faculté des sciences qui a récemment été visitée par notre commission.

La comparaison des années 1989 et 1999 montre une augmentation globale de l'effectif des étudiants de 73 unités. En réalité, la Faculté des sciences est consciente d'une baisse des étudiants débutants à partir de 1993. Le pic de 376 étudiants débutants a été atteint en 1993, pour baisser depuis à 314 étudiants débutants en 1999. Dans le cas de la Faculté des sciences, la baisse du nombre des étudiants débutants n'est pas un phénomène lié à l'attractivité de cette filière de formation, mais dépend de flux démographiques liés à la classe d'âge. Il est donc dangereux de bâtir toute une politique universitaire d'allocation des ressources sur un indicateur exogène, non significatif de la qualité de l'enseignement.

Une autre question doit être posée à propos de l'allocation des ressources aux branches des sciences dites de base dans le paysage universitaire helvétique. La Faculté des sciences est consciente de la compétition marquée qui va s'instaurer à l'avenir avec les Ecoles polytechniques fédérales, en particulier celle de Lausanne. Il faut se souvenir en particulier que les étudiants à l'EPFL ne coûtent rien à leur canton d'origine, alors que la contribution forfaitaire pour un étudiant en sciences à Genève est de 22'000 CHF.

Il n'y a donc pas et de loin égalité des chances entre ces deux filières que sont l'EPFL et la Faculté des sciences de Genève. La tendance à lier l'allocation des ressources et les flux des étudiants va encore accentuer l'inégalité. Est-ce que le secrétaire d'Etat est conscient de ces graves distorsions de la concurrence ? L'impression qui domine est que la compétition encouragée vise surtout à induire un processus de transformation accéléré dont on ne maîtrise pas vraiment les conséquences.

C'est pourquoi la commission demande que l'Université de Genève introduise dans sa future convention d'objectifs avec l'Etat de Genève une disposition qui lui permette de faire le point annuellement sur cette question centrale des conséquences de la compétition entre universités pour l'Université de Genève. Il s'agirait là d'une mesure d'accompagnement de l'adhésion au concordat qui devra être concrétisée ultérieurement dans la convention d'objectifs.

3.3 Contenu de la convention de coopération du 31.08.2000 (Annexe 2)

Le texte de la convention de coopération signé par les autorités universitaires suisses le 31 août 2000 a été distribué et commenté à la commission. Il est rappelé ci-dessous quel est le contenu de la convention de coopération qui sera le texte constitutif de la Conférence universitaire suisse au sens de l'article 4 du concordat.

La convention constitue la CUS : La signature de la convention de coopération constituera la CUS, laquelle devrait entrer en fonction le 1er janvier 2001.

La convention précise la composition de la CUS : C'est dans la convention (art. 5) que l'on trouve la mention que « les directeurs de l'instruction publique des cantons universitaires » sont les représentants à la CUS de chacun des cantons parties.

La convention précise le rôle de la CUS en qualité d'autorité de surveillance de l'organe d'accréditation et d'assurance qualité (art. 6, al. 5).

La convention fixe les compétences déléguées à la Conférence des recteurs des universités suisses et le mode de décision de cette dernière pour ces tâches déléguées.

La convention fixe des modalités de financement des organes mentionnés ci-dessus.

La convention institue l'organe d'accréditation et la composition de l'organe d'accréditation et d'assurance qualité.

La convention délègue des tâches académiques à la Conférence des recteurs des universités suisses.

4. Décisions de la commission

La commission a voté l'entrée en matière de ce projet de loi à 10 voix pour (3 AdG, 2 S, 1 Ve, 2 L,. 1 R, 1 DC) et une voix contre(R).

La commission a accepté l'article premier par quatre voix (2 L, 1 R, 1 DC), six abstentions (3 AdG, 2 S, 1 Ve) et une voix contre (R).

La commission a accepté l'article deux par quatre voix (2 L, 1 R, 1 DC), six abstentions (3 AdG, 2 S, 1 Ve) et une voix contre (R).

Vote d'ensemble du projet de loi 8267 : 4 voix pour (2 L, 1 R, 1 DC), 1 voix contre (R) et 6 abstentions (3 AdG, 2 S, 1 Ve).

Au vu de ces motifs, la majorité de la commission vous propose d'accepter ce projet de loi ainsi conçu :

Projet de loi(8267-I)

autorisant le Conseil d'Etat à adhérer au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

décrète ce qui suit :

Art. 1 Adhésion

Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, au concordat intercantonal de coordination universitaire, adopté par la conférence universitaire suisse, le 9 décembre 1999, dont le texte est annexé à la présente loi.

Art. 2 Exécution et autorisation

1 Le Conseil d'Etat ainsi que le département de l'instruction publique dans l'exercice des compétences que lui confèrent les lois et règlements sur l'université sont chargés de l'exécution du concordat.

2 Le Conseil d'Etat est autorisé à signer la convention de coopération mentionnée à l'article 4, alinéa 1 du concordat et à instituer avec la Confédération l'organe indépendant d'accréditation et d'assurance de la qualité mentionné à l'article 7, alinéa 2 du concordat.

ANNEXE 3

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33RAPPORT DE LA MINORITÉ

Comme on le sait, les concordats ne sont pas susceptibles d'amendements au Grand Conseil. Donc, seule la loi autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à tel ou tel concordat est soumise au vote du Parlement. C'est dire que la marge de manoeuvre est étroite, notamment lorsqu'il s'agit de sujets particulièrement techniques comme l'objet du présent concordat intercantonal.

Ce dernier est issu des travaux de la Conférence universitaire suisse qui l'a adopté le 9 décembre 1999, soit deux mois après que le Parlement fédéral ait, lui, voté la nouvelle loi sur l'aide aux universités et la coopération dans le domaine des hautes écoles (LAU).

Le but, tant de la nouvelle loi sur l'aide aux universités, que du concordat intercantonal de coordination universitaire, est d'aboutir à une politique universitaire nationale coordonnée. Seule une telle politique permettra en effet à la Suisse de rester au premier plan de la recherche ou de l'enseignement académique. La structure fédérale complexe du pays, comme la lenteur des décisions, n'a pas permis la création d'une base constitutionnelle claire en matière universitaire. C'est pourquoi, dans l'attente d'une telle base constitutionnelle qui devrait être mise en chantier pour entrer en vigueur au 1er janvier 2008, il a paru nécessaire de doubler la loi sur l'aide aux universités par un concordat intercantonal.

Il y a donc la création d'une double base légale au plan formel, fédérale d'une part, c'est la loi sur l'aide aux universités, et intercantonale, d'autre part, c'est le concordat qui délègue aux gouvernements, tant fédéral que cantonaux, la compétence de créer des organes communs et de leur attribuer des compétences. Toutefois, cette organisation est parachevée par la mise en place contractuelle de la Conférence universitaire suisse, organe commun décisionnel, par le biais d'une convention de coopération passée entre le Conseil fédéral d'une part, et les gouvernements des cantons signataires du concordat d'autre part.

Certes, les députés genevois ont eu sous les yeux non seulement le texte de la loi fédérale et le projet de concordat intercantonal, mais également un projet assez avancé de textes concernant la convention de coopération. Malheureusement, il faut bien préciser qu'une partie des institutions prévues par le concordat comme par la convention de coopération, ne seront pas mises en place en raison des réticences des cantons universitaires. Il s'agit notamment de l'organe d'accréditation.

Ce seul point mérite qu'on s'y arrête dans la mesure où l'accréditation de certaines filières, l'assurance qualité, voire l'évaluation des enseignements et de la recherche, paraissent vitales pour une véritable politique universitaire coordonnée. On doit regretter l'abandon, que l'on espère momentané, de cet organe indépendant. En revanche, il est évident que si l'on se montre soucieux de fédéralisme et si l'on veut conserver aux universités cantonales une large autonomie, ce qui ne signifie cependant pas autarcie, il convient d'accepter la construction juridique bizarre qui est proposée et qui, seule, permettra d'éviter que la Confédération ne prenne la haute main sur les universités suisses.

Alors même que dans plusieurs universités, par exemple à Bâle et à Genève, tant les organes représentatifs des enseignants que des étudiants, se montrent réticents à l'adoption d'un tel concordat, chacun d'entre eux conclut que Genève (ou Bâle) ne saurait demeurer à l'écart du processus enclenché et qu'il convient donc, finalement, d'adhérer au concordat proposé.

Le rapporteur de minorité vous invite cependant, Mesdames et Messieurs les députés, à peser avec soin l'opportunité pour Genève de se distancer formellement d'un tel concordat. Il convient, ici, de constater qu'il est effectivement bien tard pour refuser purement et simplement l'adhésion genevoise. Il aurait fallu que les autorités universitaires adoptent, dans les cantons universitaires, une ligne politique cohérente. En réalité, face à la menace d'une intervention fédérale plus lourde, ces mêmes autorités ont préféré la formule plus floue du fédéralisme coopératif, en espérant que l'avenir leur donnerait raison.

Le Grand Conseil, en tant qu'autorité de contrôle démocratique, se voit donc contraint de suivre la même voie. Il convient, cependant, de limiter strictement dans le temps, l'adhésion au concordat proposé. En effet, la durée de l'actuelle loi d'aide aux universités expire formellement au 31 décembre 2007. Les Chambres fédérales l'ont voulu ainsi, afin d'accélérer la mise en oeuvre d'une base constitutionnelle. Il nous paraît qu'à défaut de rejeter le concordat intercantonal proposé, le canton de Genève se doit de n'adhérer à ce dernier que pour une durée limitée au 31 décembre 2007, ce qui signifie qu'il doit envoyer à temps sa résiliation, conformément aux dispositions de l'art. 14 du concordat.

Cette adhésion pour une durée déterminée, qui sera proposée sous la forme d'un amendement, offre l'avantage de pousser à la création d'une nouvelle base constitutionnelle. Par ailleurs, elle permet de garantir que le concordat ne continuera pas, malgré la disparition de la nouvelle loi d'aide aux universités. Il faut d'ailleurs convenir que si celle-ci n'était pas prorogée alors même que la base constitutionnelle projetée n'entrait pas en vigueur, l'ensemble du système deviendrait bancal.

1. On sait que les cantons universitaires ont mis en place, depuis 1997, un accord intercantonal qui devrait leur permettre de coordonner leur politique universitaire, tout en intégrant les cantons non-universitaires. Mais les universités souhaitent vivement que les écoles polytechniques fédérales soient mieux intégrées dans la politique universitaire suisse, de façon à ce que la collaboration et le travail de réseau puissent être améliorés. Le moyen de les y associer est précisément le concordat et la convention de coopération.

Grâce à la mise en oeuvre de ceux-ci, la Conférence universitaire suisse, qui rassemblera dans un même organe les chefs de Département de l'instruction publique de différents cantons universitaires, ainsi que deux représentants des cantons non-universitaires, de même que les représentants de la Confédération et des écoles polytechniques, permettra de prendre des décisions contraignantes aussi bien pour la Confédération, les cantons, que les écoles polytechniques.

Un argument doit être immédiatement écarté. Le subventionnement par la Confédération des universités cantonales est réglé par une ordonnance fédérale. Le nombre d'étudiants et les activités de recherches sont les deux critères déterminants de cette attribution. Les subventions fédérales sont fondées à 70 % sur le nombre d'étudiants et à 30 % sur celui des activités de recherches ce qui, il faut le reconnaître, défavorise quelque peu l'Université de Genève qui s'est toujours efforcée d'attribuer 50 % de son financement à la recherche et 50 % à l'enseignement.

2. Avec la mise en oeuvre du concordat, l'un des organes essentiels de la nouvelle politique universitaire suisse sera la Conférence universitaire suisse. Celle-ci, selon l'art. 5 du concordat, reçoit des compétences pour édicter des directives sur la durée normale des études et la reconnaissance des acquis et des qualifications (art. 5, al. 1 lit a)). Ces directives sont importantes. Elles devront permettre à la Conférence universitaire suisse, qui se fondera sans doute sur les travaux de la Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS), de se profiler en matière de négociations européennes.

Il faut en effet savoir que l'harmonisation européenne ne va pas du tout dans le sens de ce qui se fait actuellement dans les universités suisses, puisqu'elle prévoit la règle du trois, cinq, huit (trois ans pour le premier diplôme universitaire, cinq pour accéder au suivant et huit ans pour obtenir un doctorat à partir de l'entrée à l'université). Cette compétence peut conduire à une uniformisation des études, comme à la reconnaissance générale de l'équivalence des diplômes.

L'art. 5, al. 1 lit c) lui accorde la compétence d'évaluer périodiquement l'attribution des pôles de recherche nationaux, dans l'optique de la répartition des tâches entre les universités, sur le plan national. Si l'on peut penser que cela entraînera une concentration des compétences utiles, dans certains domaines pointus, elle peut inversement avoir comme effet négatif la désaffection de tous les endroits non-sélectionnés par les meilleurs spécialistes.

Il convient, dans les domaines où la recherche scientifique n'a pas besoin de grands moyens financiers, en l'occurrence les sciences humaines, de maintenir une grande diversité. De ce point de vue, le processus de contrôle démocratique de la Conférence universitaire suisse laisse singulièrement à désirer.

De même, l'art. 5, al. 1 lit d) accorde à la Conférence universitaire suisse la possibilité de reconnaître des institutions ou des filières d'études. L'art. 5, al. 1 lit e), celle d'édicter des directives sur l'évaluation de l'enseignement et de la recherche, alors que l'art. 5, al. 1 lit f), lui permet d'édicter des directives relatives à la valorisation des connaissances acquises par la recherche. Il s'agit là de compétences importantes qui lui sont dévolues, notamment par la convention de coopération qui, seule, permet de mettre en oeuvre le concordat.

Pour obtenir ces décisions, il faudra que la Conférence universitaire suisse se prononce à la majorité qualifiée des deux tiers des voix de l'ensemble de ses membres. Telle est du moins la disposition de l'art. 6, al. 2. Mais cette majorité qualifiée ne suffira pas, puisqu'il faudra encore que les membres qui les ont approuvées représentent plus de la moitié des étudiants immatriculés dans les hautes écoles universitaires. C'est dire clairement que si les représentants des écoles polytechniques, de l'Université de Zurich et de l'Université de Genève ne sont pas d'accord, aucune directive ne peut entrer en vigueur. Il s'agit bien là d'un droit de veto accordé, même sous une forme dissimulée.

La Conférence universitaire suisse reçoit aussi la possibilité d'octroyer des contributions liées à des projets. Pour ce faire, la majorité simple des voix suffit, pour autant que les membres qui contribuent financièrement aux projets soient d'accord. C'est dire que les mécanismes de décision de la Conférence universitaire suisse sont raffinés, mais plus propres au blocage de certains projets qu'à leur encouragement.

3. La non-adhésion du canton de Genève au concordat impliquerait un certain nombre de désavantages pour l'Université de Genève. Il convient de le reconnaître. En effet, les compétences d'exécution relatives à l'octroi de contribution liées à des projets, les compétences de répartition des tâches, comme la création de réseaux et de centres de compétence dans le domaine des hautes écoles ou la reconnaissance des institutions et des filières, sont proprement attribuées à la Conférence universitaire suisse. Genève ne pourrait donc participer aux décisions de cette dernière, dans ces domaines. Elle se trouverait donc souvent contrainte d'en accepter le résultat, sans pouvoir peser sur ce dernier. C'est évidemment là un inconvénient majeur d'un refus éventuel d'adhérer au concordat.

Il convient cependant de minimiser les conséquences d'une non-adhésion, en matière notamment de reconnaissance des acquis et des qualifications, de la durée normale des études ou de l'octroi des subventions de base, conformément à la loi sur l'aide aux universités.

La reconnaissance des filières d'études ou des institutions est l'une des attributions principales de la Conférence universitaire suisse. Comme le souligne une note du secrétaire adjoint du Département de l'instruction publique : « Un canton non-signataire du concordat ne pourra participer à l'élaboration de cette politique commune d'accréditation ». Toutefois, ce danger peut être minimisé dans la mesure où l'organe d'accréditation prévu par le concordat, ne serait pas repris dans la convention de coopération, contrairement au texte qui a été soumis aux députés. En effet, les universités semblent se méfier de la création d'un tel organe et préférer, pour le moment, l'évaluation tant des filières que des enseignements ou de la recherche, faite selon leurs propres critères. Dans ce domaine, à une institution nouvelle aux procédures lourdes, on préfère le bricolage.

4. L'absence de contrôle démocratique sur les institutions créées par le concordat est évidemment un grief important. En effet, les nouveaux organes créés par le concordat ne rendent guère de comptes politiques, ni au Grand Conseil, ni à d'autres parlements. Il est répondu à ce grief qu'il ne s'agit que d'un concordat pour une durée limitée, puisque la nouvelle base constitutionnelle fédérale devrait entrer en vigueur après 2007. Il convient donc de limiter l'adhésion genevoise au concordat à cette période.

Contrairement à ce qui est affirmé, les délégations de compétences octroyées par les parlements cantonaux aux exécutifs ne sont pas transparentes, ni clairement délimitées. Certes, à lire le texte même du concordat, elles le paraissent, mais en réalité, on sait bien qu'un concordat ou une convention de coopération connaissent une vie propre et qu'il est vain de tout prévoir. Par ailleurs, la nécessité d'adapter l'université suisse aux exigences européennes entraînera certainement tant la CUS que la CRUS à aller plus loin, sans en référer forcément à leurs parlements respectifs.

5. Il est d'ailleurs évident que le projet de concordat a soulevé beaucoup d'interrogations à l'intérieur même de l'Université de Genève. Ces interrogations sont légitimes, d'autant plus que c'est bien la convention de coopération qui règle les questions de détail, et encore, qui détermine les modalités selon lesquelles les détails devront plus tard se régler. Or, chacun sait que le diable se cache dans les détails.

Il est également significatif que l'Université de Genève ne semble pas regretter la disparition de l'organe d'accréditation qui devait, d'une part donner des accréditations de filière, d'autre part, procéder à des évaluations, enfin, promouvoir une assurance qualité.

Dans la commission parlementaire, on a regretté que le Fonds national (FNRS), qui alloue d'importants crédits de recherche aux universités, ne soit pas davantage concerné tant par la convention de coopération que par le concordat. Tout se passe comme si on avait décidé de maintenir les organes dirigeants du Fonds national à l'écart du processus d'élaboration d'une politique universitaire nationale coordonnée.

La commission avait procédé à l'audition de nombreux représentants du Conseil académique, du Conseil de l'université. Ceux-ci ont tous émis les réserves les plus sérieuses quant au concordat, tout en constatant finalement qu'ils ne pouvaient pas y échapper. Pourtant, force est de remarquer que les craintes émises par les représentants de l'université quant à leur perte d'autonomie ne sont pas fondées, puisque c'est bel et bien le concordat qui renforce l'autonomie actuelle des universités. En revanche, on doit se demander s'il s'agit là d'un bien pour le développement futur des universités suisses et si, d'une certaine manière, les grandes orientations ne devraient pas être décidées au niveau fédéral.

On ne saurait en tout cas voir dans ces textes, et notamment dans les articles du concordat, la clé de voûte qui institue une université fédérale souhaitée depuis 150 ans, et garantie par la Constitution de 1848.

6. D'un point de vue politique, on doit bien constater que le régime concordataire n'est pas, dans une démocratie, le plus propre à faire respecter le contrôle démocratique. Si Genève adhère à ce concordat, les choix de la collectivité concernant l'université seront-ils respectés ? Il s'agit-là d'une question importante à laquelle il est difficile de répondre d'une manière claire, dans la mesure où les choix de la collectivité concernent souvent des enseignements de base qui ne seront pas touchés par le concordat.

Toutefois, il est évident que l'avenir de l'Université de Genève ne se déterminera plus seulement sur les bords du Rhône, mais aussi sur ceux de l'Aar ou de la Limmat. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ?

Il y a aussi, en adoptant le concordat même pour une durée limitée, une sorte de pari à faire. Dans une heureuse formule, l'un des auditionnés déclarait que : « Le temps de l'autarcie cantonale universitaire était terminé, mais non celui de son autonomie ». Toutefois il est vrai que le soutien que Genève a trouvé auprès des cantons et des universités de Zurich et de Berne en faveur d'une stratégie claire de prise en compte des intérêts des cantons universitaires, offre une garantie sur l'avenir. C'est du moins ce que la présidente du Département de l'instruction publique a tenu à dire.

Très clairement, celle-ci a montré que la question politique posée au travers de l'adhésion ou non de Genève au concordat intercantonal de coordination universitaire doit se situer dans la perspective de la procédure de révision de l'article constitutionnel fédéral sur l'enseignement supérieur.

Il appartient maintenant au canton de faire la preuve par l'acte. Ceux qui sont favorables au fédéralisme coopératif doivent s'engager dans la voie du concordat. Genève, qui est la deuxième université suisse, ne saurait, pour la présidente du département, laisser échapper sa place dans le paysage universitaire suisse en train de se coordonner. C'est durant l'automne 1999 que les principales directions ont été prises. Il convient maintenant, simplement, de les mettre en forme.

Après la pesée des intérêts en présence, il faut conclure. Normalement, un rapport de minorité, surtout au vu des incertitudes apportées par le concordat et la convention de coopération signée, il faut le rappeler, exclusivement entre les représentants des gouvernements, devrait aboutir au refus d'autoriser le Conseil d'Etat à adhérer au concordat. Il est vrai que ce dernier contient des idées intéressantes, même si son évolution demeure difficile à prévoir. Elle dépendra beaucoup de la composition de la Conférence universitaire suisse et des orientations de celle-ci, déterminées en partie par la Conférence des recteurs des universités suisses.

Un réflexe de repli, voire d'isolement, n'est jamais bon. Par ailleurs, il convient de tout mettre en oeuvre pour que les dispositions concernant l'évaluation et le contrôle de qualité soient accentuées au cours des années qui viennent, malgré la timidité manifestée à l'heure actuelle en ce domaine par les autorités universitaires.

Dans ces conditions, le rapporteur de minorité, Mesdames et Messieurs les députés, vous invite principalement à autoriser le Conseil d'Etat à adhérer au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999, pour une durée limitée.

Cette limitation dans la durée serait la même que celle qui est fixée à la loi fédérale d'aide aux universités (LAU), soit au 31 décembre 2007, si bien que le rapporteur vous propose l'amendement suivant à l'art. 1 de la loi autorisant l'adhésion, art. 1 qui serait désormais libellé de la façon suivante :

Cette modification nous paraît importante dans la mesure où elle permettra de vérifier les avantages et les inconvénients du concordat et de la convention de coopération. Elle permettra aussi, sans doute, d'accentuer les pressions en faveur d'une adoption rapide d'un article constitutionnel fédéral. Enfin, elle devrait permettre, le cas échéant, un ajustement plus facile des dispositions qui auront soulevé des difficultés lors de la nécessaire révision du concordat et de la convention de coopération, si jamais ceux-ci devaient, d'une manière ou d'une autre, être prorogés malgré l'adoption en 2007 d'une nouvelle norme constitutionnelle.

Il n'y a que des avantages à prévoir cette adhésion pour une durée limitée. Si jamais, pour une raison quelconque, Genève devait continuer à adhérer au concordat, il suffirait d'un simple vote du Grand Conseil. Il est toujours plus facile de continuer son adhésion que de la résilier.

Subsidiairement, Mesdames et Messieurs les députés, en raison des mêmes incertitudes relevées tout au long de ce rapport de minorité, comme d'ailleurs dans celui de majorité, si l'amendement proposé n'était pas accepté, il faudrait alors que Genève n'adhère pas au concordat, de façon à marquer ses distances avec une politique universitaire nationale coordonnée, dont on pourrait légitimement supposer qu'elle n'accorde plus aux cantons universitaires toute l'autonomie qu'ils souhaitent. En cas d'une adhésion pour une durée indéterminée, le contrôle démocratique, en l'occurrence le contrôle parlementaire, serait par trop affaibli.

Art. 1 - Adhésion

1 Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, au concordat intercantonal de coordination universitaire, adopté par la Conférence universitaire suisse le 9 décembre 1999, dont le texte est annexé à la présente loi.

2 L'adhésion est valable jusqu'au 31 décembre 2007.

Premier débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande, s'il vous plaît, un peu de silence, de façon à pouvoir travailler dans des conditions un peu plus agréables ! Madame Hagmann, je vous passe la parole.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je requiers en effet votre attention, d'autant qu'il n'est pas tout à fait habituel de voir face à face à la table des rapporteurs M. Lescaze et moi-même, car nous sommes bien souvent d'accord. Ce soir, nous défendons chacun notre rapport, mais il est vrai que sur les problèmes concernant l'université, M. Lescaze a généralement des positions très tranchées !

Cela dit, nos points de vue ne sont pas aussi éloignés qu'il y paraît. Je tiens d'abord à relever le travail dense et concentré de la commission, qui a tenu à ce que les rapporteurs puissent déposer leurs rapports dans les délais, afin que la présidente Martine Brunschwig Graf puisse, le 14 décembre comme cela a été convenu, signer, au nom du canton de Genève, la convention qui lui permettra d'adhérer, aux côtés des autres cantons universitaires, à ce concordat universitaire. Il est vrai que Mme Brunschwig Graf la signera avec la réserve du délai référendaire, comme il se doit, mais j'espère vraiment que, ce soir, nous allons quitter cette salle en ayant trouvé une solution, pour que Genève puisse être à la hauteur de la situation. Je rappelle qu'à ce jour, sur les huit cantons universitaires reconnus par la Confédération - le Tessin ne l'est pas encore - sept ont déjà autorisé leur Conseil d'Etat à signer cette convention - il ne manque que Genève - et qu'il suffit que cinq cantons soient d'accord pour que le concordat soit mis en oeuvre à partir du 1er janvier 2001.

Qu'est-ce qu'un concordat ? C'est en fait un accord écrit, à caractère de compromis. Il est évident que, dans toute convention, dans toute transaction, chaque partie concernée doit mettre du sien. Depuis 1995, plusieurs acteurs travaillent à élaborer une politique universitaire coordonnée et ont abouti au concordat visé par le projet de loi que nous vous soumettons ce soir. Seulement, il y a un petit hic : vous, députés, vous ne pouvez dire que oui ou non à ce texte, vous n'avez pas le droit de l'amender. Vous ne pouvez qu'autoriser notre conseillère d'Etat à le signer, ou au contraire le lui interdire. En l'occurrence, la commission de l'enseignement supérieur a vraiment bien réfléchi et a émis certaines craintes. Ces craintes ont toutes été relevées - je l'ai fait au plus près de ma conscience - dans le rapport qui vous est soumis. Mais le département nous a aussi apporté une réponse circonstanciée, qui nous permet d'être rassurés.

La question à nous poser ce soir est donc : devons-nous être frileux, craintifs, rester dans notre coin, sans même imaginer les avantages d'un regroupement, d'un «faire ensemble» ? Ou devons-nous montrer un esprit d'ouverture et participer à la création d'une université fédérale, souhaitée depuis cent cinquante ans, je le rappelle ? On retrouve là, évidemment, le débat de fond souvent entendu dans cette enceinte : le canton de Genève veut-il participer activement à la politique universitaire suisse, ou n'être qu'un spectateur ? J'aimerais rappeler ici que l'université de Genève est la deuxième université de Suisse et que la Suisse doit rester un pays de premier plan, tant du point de vue de la qualité de l'enseignement que de celle de la recherche scientifique. Car il est bien connu que sans pétrole on est obligé d'avoir des idées !

J'ai lu attentivement le rapport de minorité, qui propose un amendement - je reviendrai sur cet amendement plus tard, lorsque M. Lescaze l'aura développé - et je voudrais dire à M. Lescaze qu'entre nos deux rapports il y a peut-être plus une différence d'état d'esprit qu'une différence de fond. Pour ma part, j'ai vu les choses d'une façon très positive, en faisant confiance, en pariant sur l'avenir, qui sera déterminé par les orientations de la Conférence universitaire suisse. Je vois quelque part le verre à demi plein, il me semble que vous le voyez à demi vide, Monsieur Lescaze. Mais sur le fond nous nous rejoignons.

Je me pose d'ailleurs la question : était-ce nécessaire de rédiger un rapport de minorité qui aurait pu être évité par la présentation, ici dans cette enceinte, de votre amendement ? Il est vrai que personne n'a imaginé cet amendement en commission. Il est vrai aussi qu'entre la prise de position négative de votre remplaçant en commission, Monsieur Lescaze, le jour où vous étiez absent, et le rapport de minorité, un énorme chemin a été parcouru. C'est pourquoi, comme je l'ai déjà dit, j'ai bon espoir d'arriver ce soir à un consensus entre nos deux rapports.

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Effectivement, mon rapport de minorité conclut principalement à l'acceptation du concordat, moyennant le vote de l'amendement proposé, et subsidiairement à son refus. Comme il vient d'être justement rappelé, la solution n'était pas évidente. Lors des auditions de la commission, un certain nombre de groupes - des professeurs, des directeurs d'instituts universitaires, des assistants, des étudiants - sont tous venus déclarer qu'ils avaient les plus grandes craintes à propos de ce concordat, pour conclure finalement que, malgré tout, il fallait en être. C'est vrai et c'est notamment ce point de vue là qui a conduit une partie de ma réflexion. Je ne pouvais en effet admettre qu'un ancien parlementaire qui avait voté oui à la loi d'aide aux universités, que le même homme qui était directeur d'un institut universitaire et qui avait participé à l'élaboration du concordat et de la convention de coopération, vienne, après avoir dit deux fois oui, nous recommander de dire non. Cela me paraissait être une attitude absurde et je ne pouvais pas le suivre.

Je rappelle que la politique universitaire coordonnée est quelque chose d'extrêmement délicat, puisque nous avons d'une part une loi fédérale sur l'aide aux universités, d'autre part un concordat qui lie les cantons entre eux et enfin une convention de coopération qui lie la Confédération, les écoles polytechniques notamment, et les cantons, y compris les cantons non universitaires. Plusieurs des articles qui se trouvent dans la loi se retrouvent dans le concordat et dans la convention de coopération. En l'occurrence, une partie des objections concernait les droits démocratiques des parlements, car, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, à partir du moment où nous entrons dans ce concordat, le développement de celui-ci échappe totalement au parlement.

Nous nous trouvions donc devant un dilemme peu facile à résoudre : d'une part, il s'agissait de s'efforcer de sauvegarder quelques droits démocratiques dans un concordat dont on sait qu'il est forcément évolutif, surtout dans un domaine aussi délicat que l'université, et d'autre part de maintenir la pleine marge de manoeuvre des gouvernements et des recteurs, tant au sein de la Conférence des recteurs suisses qu'au sein de la fameuse Conférence universitaire suisse, où le canton de Genève sera représenté par sa conseillère d'Etat. Je le reconnais bien volontiers, ma religion n'était pas faite et ce n'est qu'après réflexion que j'ai trouvé le moyen juridique de concilier ces deux positions. En me servant du fait que la loi fédérale sur l'aide aux universités est une loi limitée dans le temps parce qu'il manque une base constitutionnelle - les autorités fédérales ont déclaré que cette base constitutionnelle devrait être élaborée pour 2007, puisque la loi d'aide aux universités a pour échéance le 31 décembre 2007 - je vous propose donc cet amendement, à savoir d'autoriser le Conseil d'Etat à adhérer au concordat pleinement, entièrement, jusqu'au 31 décembre 2007.

Ce mécanisme permettra en tout cas, dans six ans, d'avoir un débat pour savoir ce qu'est devenu le concordat, car je suis persuadé qu'aussi bien le concordat que la convention de coopération connaîtront une grande évolution, sinon dans la lettre, du moins dans l'esprit. Je rappelle que ce concordat n'est pas fait en priorité pour les gouvernements cantonaux, mais avant tout pour aider les universités, même si les universités découvrent tout d'un coup d'autres inconvénients aux mécanismes mis en place. Le procédé que je vous propose est donc un procédé à la fois élégant, pratique, qui ne retire rien de la marge de manoeuvre du gouvernement, mais qui permet malgré tout, et c'est l'important, de ménager l'avenir.

Tout à l'heure, comme une sorte de reproche, Mme le rapporteur de majorité a laissé entendre que je ne faisais peut-être pas assez confiance : permettez-moi de dire ici que je fais très confiance. Mais je constate que les gens proches des milieux universitaires genevois que nous avons entendus étaient, à l'exception du rectorat, plutôt réticents et que, d'autre part, le concordat, comme la convention de coopération, contient des mécanismes de vote qui montrent qu'en tout cas une partie des parties contractantes se méfient des autres. En effet, sinon, on n'aurait pas imaginé ces procédures de vote qui permettent en fait aux deux plus grandes universités suisses - Genève et Zurich - et à l'école polytechnique fédérale de Zurich, de bénéficier d'un véritable droit de veto dans les décisions les plus importantes. Ce mécanisme que je croyais avoir été inventé par les Suisses allemands est en réalité un mécanisme qui a été inventé par un juriste de Genève, ce n'est donc pas moi qui suis le plus méfiant !

Cela étant dit, ce concordat, comme la convention de coopération, prévoit notamment des choses extrêmement intéressantes - un organe d'accréditation, une assurance qualité - et pour le développement de l'université telle que nous la visons pour le XXIe siècle, cela paraît essentiel.

Une dernière remarque : si vous êtes favorables au fédéralisme, c'est-à-dire au maintien de la plus grande autonomie possible des universités cantonales, vous devez voter le concordat avec l'amendement. Et si vous voulez l'université fédérale qui est souhaitée depuis cent cinquante ans, vous devez alors aussi voter le concordat et la convention avec l'amendement, parce que c'est le meilleur moyen de pouvoir contrôler qu'on ira dans ce sens et qu'il n'y aura pas de frein. Dans les deux cas, vous le voyez, nous devons donc encourager le Grand Conseil à voter l'adhésion, à autoriser le Conseil d'Etat à adhérer au concordat, mais pour une durée limitée au 31 décembre 2007.

M. Albert Rodrik (S). Pour commencer, précisons d'emblée que le groupe socialiste se retrouve dans le rapport de minorité, qui n'a de minorité que l'apparence et le titre et qui dégage bien les grandes lignes politiques de la réflexion à laquelle nous nous sommes livrés en commission. Nous voterons donc l'amendement. Cet amendement, qui correspond d'ailleurs à l'échéance fixée par les Chambres fédérales, est aussi la mesure de notre inquiétude, parce qu'avoir un article constitutionnel fédéral de portée générale sur les universités alors que nous vivons encore à l'ère de l'enseignement supérieur comme compétence cantonale, n'est pas une mince affaire et demandera beaucoup d'attention et beaucoup de vigilance de notre part. C'est une double raison de voter cet amendement.

Revenons aux textes qui nous occupent maintenant. C'est peu dire qu'ils ne sont pas objets d'enthousiasme. Au sein de l'Alternative, l'accueil a été plutôt frais ; nous n'avons pas senti de passion fatale du côté de nos collègues de l'Entente ; le monde universitaire nous a désarçonnés lors de son audition, la CUAE y était complètement opposée. Voilà pour un petit panorama de la situation.

Mesdames et Messieurs, devant l'expression «pensée unique», on sourit, on parle de lieu commun et de logorrhée, mais je me suis creusé la tête en prévision de ce débat et je n'ai pas trouvé d'autres mots pour désigner cette espèce d'ouate dans laquelle on veut envelopper les universités suisses, ce culte «managerial» de l'avenir «kleiberien» des hautes écoles suisses ! D'ailleurs, ceci n'est pas propre à nos universités. En ce moment, la division de l'assurance-invalidité de l'Office fédéral des assurances sociales fait faire à toutes les institutions qui s'occupent d'invalidité le même genre d'exercice bureaucratique - je vais éviter un épithète de plus - qu'on appelle «management de qualité» où, avec l'argent du contribuable destiné aux invalides, on remplit des papiers et on nourrit de nouveaux aigrefins qui s'instituent experts en management de qualité ! Il existe certainement aussi du management de qualité au sein des caisses maladie, qui doivent savoir ce que c'est que la qualité du management ! C'est dire que c'est l'esprit prévalant et que nous ne sommes pas en terrain inconnu.

Mesdames et Messieurs, nous avons dû nous livrer à un petit exercice. Nous avons dû constater que tout ce que nous n'aimons pas dans ce concordat et dont je viens de vous parler, était malheureusement déjà dans la loi sur l'aide aux universités, qui, elle, est en vigueur. Nous nous sommes dit aussi qu'on ne pouvait pas laisser l'université de Genève en dehors d'une évolution vers laquelle allaient l'ensemble des universités suisses, et c'est bien parce que nous ne pouvons pas prendre cette responsabilité que nous allons avaler cette pilule de travers. Cela veut dire que certains s'abstiendront et que certains accepteront le projet, mais cela veut dire aussi que nous avons une certaine dose de confiance en Mme la cheffe du département de l'instruction publique, qui s'engage personnellement en siégeant à la CUS, puisque, contrairement aux mandarins universitaires, les hommes et les femmes politiques se soumettent, tous les quatre ans au moins, au jugement du suffrage universel. Et c'est bien pour cela qu'en fin de compte, un peu contraints et forcés, nous passerons par ces fourches caudines.

Permettez-moi de dire un mot sur les concordats, Mesdames et Messieurs. On les dénigre : pour ma part, je suis très favorable aux concordats comme instruments du fédéralisme et de la vie confédérale, mais il n'est pas fatal que, pendant les mois ou parfois les années pendant lesquels on négocie un concordat, on ne puisse tenir informées les commissions compétentes du Grand Conseil qui, un matin, doivent découvrir les textes comme on déchiffre la pierre de Rosette ! C'est cela qui frustre les gens. Je ne dis pas, Madame la conseillère d'Etat, que vous ne l'avez pas fait du tout, mais c'est un peu la fatalité de ces concordats, que les gouvernants négocient sur le long terme et qu'un jour les parlements doivent avaler tout rond comme des pilules. Si on veut que cet instrument, dernier instrument de la vie intercantonale, subsiste, il faudrait peut-être lui donner une chance de ne pas être un sujet permanent de frustration, un sujet pour lequel les parlements auraient toujours besoin d'un petit Alka-Seltzer !

Mesdames et Messieurs les députés, je me résume : au sein du groupe socialiste, certains voteront ce projet, d'autres s'abstiendront, mais nous ne sommes pas dupes de cette idée pernicieuse qui veut faire des universités quelque chose qui n'est pas leur vocation. Qu'on me comprenne bien : je ne dis pas que les universités doivent être étrangères aux principes fondamentaux de la gestion d'entreprise. Si c'était le cas, elles crèveraient rapidement. Il ne s'agit pas de cela, mais de reconnaître que les universités -c'est M. de La Palice qui parle - sont fort différentes d'une entreprise ordinaire qui vend et qui achète des produits banals ! Je répète que nous comptons sur la responsabilité politique du Conseil d'Etat et sur cette échéance pour ne pas nous réveiller, à terme et à cause de mécanismes byzantins et d'une loi imprégnée d'un esprit qui n'est pas le nôtre, avec une université qui ne serait plus la nôtre !

M. Gilles Godinat (AdG). Quelques mots après le discours enflammé de notre collègue Rodrik, avec lequel je suis d'accord pour l'essentiel. Notre groupe, suite aux réflexions suscitées par ce projet, tient à exprimer ici plusieurs inquiétudes et, pour le dire d'emblée, soutiendra l'amendement Lescaze.

Les inquiétudes apparues dans notre groupe sont les suivantes : la première tient à la contradiction qu'il y a dans la politique universitaire suisse à vouloir mettre les universités dans un système de coopération et en même temps dans un système de concurrence. La politique définie en ces termes ne nous paraît pas claire.

Autre problème : la difficulté de cerner les enjeux de l'organe d'accréditation. Nous redoutons, pour notre part, qu'on entérine simplement les centres de compétences existant aujourd'hui et qu'il n'y ait pas de promotion de l'innovation, des recherches qui pourraient aujourd'hui paraître farfelues, mais qui pourraient aboutir à des découvertes audacieuses et parfois révolutionnaires. Cela pourrait créer, autre inquiétude, des rentes de situation et, plutôt que de favoriser la mobilité et la créativité, favoriser au contraire une certaine inertie, ô paradoxe !

Un troisième point nous paraît problématique, c'est évidemment le système du concordat lui-même. Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet, mes collègues l'ont déjà évoqué, mais les concordats sont-ils vraiment les meilleurs instruments que nous possédions pour mettre en place des systèmes de contrôle dans une matière aussi délicate que la politique universitaire ? A cet égard, il est vrai que les auditions nous ont un peu déstabilisés : entendre des gens qui ont des compétences au niveau national nous dire à quel point nous pouvions perdre notre autonomie cantonale dans ce dossier n'était franchement pas fait pour nous rassurer. Par ailleurs, le fait qu'à l'université de Lausanne, parmi les différents scénarios étudiés par le rectorat pour l'avenir de l'université lausannoise, le scénario de la privatisation ait été étudié - c'était le cinquième des différents scénarios - ne peut que nous inquiéter fondamentalement.

A part cela, un autre problème se pose. On accorde actuellement, dans la politique universitaire suisse, un poids énorme aux pôles de recherche concernant les neurosciences, la biotechnologie, la génomique, etc. Les rapports financiers, les investissements consentis sont tels qu'il y a un déséquilibre potentiel énorme entre ces centres de recherche et d'autres recherches. Or, nous souhaitons qu'il y ait un équilibre entre le développement des recherches fondamentales, que nous soutenons, et les recherches dans les domaines des sciences humaines. Aujourd'hui, hélas, celles-ci paraissent être un peu le parent pauvre de la politique universitaire telle qu'on nous la présente et telle qu'on la voit se dessiner.

Voilà en quelques mots nos inquiétudes. D'autres collègues apporteront sans doute d'autres éléments, mais en ce qui nous concerne nous ne sommes pas de farouches défenseurs de ce concordat, c'est le moins qu'on puisse dire !

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). J'aimerais ajouter un ou deux propos à ceux que viennent de tenir mes préopinants. Un beau livre vient de paraître à Genève, qui s'intitule «Homère chez Calvin». C'est un hommage rendu à un universitaire qui a illustré les humanités genevoises : Olivier Reverdin, que vous connaissez tous. Je me suis demandé si Homère aurait trouvé refuge chez Calvin et aurait pu, quatre cents ans après, donner naissance à la carrière d'Olivier Reverdin, s'il y avait eu à l'époque un concordat postulant que, pour des raisons d'économie, les humanités grecques seraient cantonnées à Bâle et quitteraient Genève. C'est en fait, grossièrement parlant, un de nos principaux soucis.

Mon collègue Gilles Godinat a parlé de statu quo et du fait que le concordat et les accréditations vont certainement entériner ce qui se dessine en ce moment. Mais quid des développements futurs et des initiatives qui pourraient être prises ici et là, en accord avec des situations locales, en accord, particulièrement pour Genève, avec sa situation internationale, son héritage humaniste, la situation des sciences humaines qui sont aujourd'hui appelées à se renouveler, dans un effort de concurrence vis-à-vis des sciences exactes qui semblent devenir le pôle d'excellence de Genève ? Qu'arrivera-t-il si les instances d'accréditation de ces filières à financer par la Confédération ne sont pas défendues politiquement par notre parlement, mais reposeront sur les seules épaules de notre déléguée, qui sera la ou le chef de l'instruction publique ? Pour l'instant, nous nous félicitons que Mme Brunschwig Graf ait honorablement défendu la position de Genève à l'occasion des discussions, mais cette situation n'est pas éternelle et n'offre pas de garanties. C'est la raison pour laquelle l'amendement Lescaze est évidemment le bienvenu.

J'aimerais remercier ici Mme Hagmann pour son rapport, qui fait largement part de nos appréhensions. C'est un rapport de majorité pour le moins prudent en ce qui concerne toutes les réticences qui ont été exprimées, et je l'en remercie.

Enfin, je dirai un mot sur l'ambiguïté dans laquelle nous nous trouvons face non seulement à l'outil qu'est le concordat, mais en même temps à la situation générale de la Suisse. Nous avons vu combien il a été et reste difficile de discuter de l'attribution à Lausanne d'une filière qui avait droit de cité à Genève, à savoir l'architecture. Ou combien est difficile aujourd'hui l'attribution de la pharmacie par Lausanne à Genève et quelles oppositions cela soulève. Vous me direz que c'est normal, que cela fait partie de tout mouvement à l'intérieur de la politique universitaire. Mais quand on considère l'état d'esprit si différent qui règne en Suisse romande et en Suisse alémanique - nous l'avons vu le week-end dernier - et les positions qui risquent de s'affronter lors des choix de développement des études universitaires à l'avenir, il est particulièrement important que nos autorités universitaires et nos représentants politiques à la Conférence universitaire suisse défendent la spécificité de Genève et de la Suisse romande.

A l'inverse, je dois dire aussi que ce qui résultera peut-être de ce mauvais instrument qu'est le concordat, c'est un coup de fouet politique aux eaux dormantes, aux parties endormies de notre université, car il y en a quelques-unes, et que ce coup de fouet galvanisera peut-être la politique interne de l'université, puisqu'il s'agit bel et bien pour nous aujourd'hui de défendre la démocratie en matière universitaire qui est celle de notre canton, mais aussi la démocratie interne à l'université. A cet égard, je trouve extrêmement sage que l'amendement Lescaze nous offre la possibilité de procéder à une évaluation dans un délai raisonnable.

M. Armand Lombard (L). Après ces différentes présentations du projet qui nous est soumis, j'aimerais me montrer un peu moins craintif, un peu moins réticent, même si les réticences qui sont apparues ne sont pas fondamentales ni trop profondes. Sans commencer un acte de foi et un discours de propagande en faveur de la CUS, je dirai que je trouve dans ce projet trois éléments positifs.

Ce projet est d'abord une tentative de créer une politique universitaire nationale et coordonnée. Ceci me paraît extrêmement nécessaire aujourd'hui où nous ne pouvons plus travailler au niveau d'une uni ou d'une faculté et de quelques professeurs, mais où nous devons travailler sur de larges élans, sur de larges propositions qui permettent à un ensemble de professeurs de mettre leurs compétences à disposition d'une piste à suivre, en toute indépendance bien entendu et sans ordonnances, dont la Suisse n'est d'ailleurs pas tellement friande et qui ne marchent jamais parce que la presse sait les mettre en pièces s'il le faut. Je vois là un élan extrêmement nécessaire dans un système universitaire que certains ont pu trouver parfois un peu empâté, un peu lent au démarrage.

Ce projet est aussi un signe d'un fédéralisme coopératif qu'il faut tenter de temps en temps de mettre en action. On a trop peu l'habitude chez nous - et vos critiques sur les concordats en sont la meilleure expression - de définir ensemble des projets, de les conduire ensemble et de tâcher d'avoir une confiance suffisante dans les autres, de comprendre qu'ils ne sont pas forcément en train de tirer la couverture à eux, mais qu'ils sont également les promoteurs d'un projet.

Je crois que mon collègue Godinat craignait que l'innovation puisse être mise sous un chapeau, qu'il n'y ait plus d'innovation. Je crois au contraire que si les choses tournent bien, l'innovation sera stimulée. Le projet ne met pas, à mon avis, en concurrence, il crée une émulation, une envie de faire, de faire avec, et dans la discussion qu'on peut avoir, même avec un professeur zurichois, on peut trouver de nouvelles innovations.

Pour ma part, je vois donc dans ce système quelque chose de positif. Les autonomies seront différentes, certaines seront bien entendu un peu restreintes, parce que ce qui se décidera à un niveau coordonné national disparaîtra peut-être au centre d'une université. Par contre, on verra d'autres autonomies, des autonomies entre les recteurs - on crée un lieu officiel de réunion des recteurs - entre les départements de l'instruction publique, qui vont pouvoir parler véritablement entre eux, et puis au sein de cette CUS, qui est un lieu d'échange et un autre type de parlement que le nôtre ou que le parlement fédéral, mais qui est aussi un endroit où peut se faire la démocratie. Celle-ci ne passe pas uniquement par les politiques. La démocratie, c'est là où on parle, où on échange, où on crée quelque chose de neuf. Pour ma part, je vois dans cette loi fédérale sur les universités et dans ce concordat quelque chose qui porte, pas encore des fruits, mais de bonnes fleurs.

Quant aux peurs patriotiques, on ne va pas y revenir, c'est trop triste de revenir sur des choses aussi chagrines. Ce qui est proposé ici - cela est suffisamment dit dans tous les papiers qu'on peut lire - ce n'est pas l'université fédérale de je ne sais qui l'a souhaitée il y a cent cinquante ans, mais c'est un réseau d'universités. C'est différent. Si on change les mots, on change aussi la façon de voir : un réseau d'universités, c'est quelque chose de fort ; une université fédérale, cela fait peur.

S'agissant de la domination des écoles polytechniques, je dirai qu'il faut se hâter de mettre en place ce réseau universitaire, avant d'avoir encore plus peur des écoles polytechniques qui, c'est vrai, se développent avec une capacité d'innovation remarquable.

Quant à la pensée unique, pour reprendre l'expression de M. Rodrik, de ce côté-là on ne risque rien du moment qu'on parle d'invention, de diversité, la diversité des différentes universités, des différentes pensées. Par ailleurs, il ne faut quand même pas craindre la pensée unique à ce point-là : il suffit d'écouter pendant dix minutes les débats de ce parlement pour se rendre compte qu'il n'y a pas de pensée unique.

Enfin, je crois que les contrôles démocratiques - qui ne sont jamais parfaits - s'instaurent en l'occurrence à d'autres niveaux : le parlement fédéral, effectivement, devient plus important, les instances de la CUS deviennent plus importantes. Mais je ne pense pas qu'au niveau genevois il y ait des craintes à avoir : si on veut développer les démocraties au niveau genevois, il y a largement de quoi faire à l'intérieur de l'université. S'agissant des étudiants, je pense bien sûr qu'il y a un niveau démocratique genevois où les étudiants doivent pouvoir s'exprimer. Mais il faut savoir que les étudiants ont aussi un intérêt plus large qui est de savoir comment vivent les autres étudiants, comment coopérer avec des étudiants de Zurich, de Pittsburgh, d'Oslo ou d'où vous voulez. La démocratie n'est pas limitée simplement à la rue de Candolle.

Pour terminer, une petite note qui n'a peut-être pas une relation directe avec ce projet, mais qui concerne votre crainte souvent exprimée, votre peur des concordats. Il y a maintenant des exemples où on cherche à mieux travailler ces concordats, peut-être pas dans le cas de la CUS qui est un peu en retard de ce côté-là, mais les concordats maintenant se travaillent, par exemple au niveau de la commission interparlementaire romande, qui n'arrête pas de se réunir pour trouver une forme de concordat qui préserve un contrôle démocratique, un contrôle parlementaire. Dans celui-ci, on ne l'a pas tout à fait, mais la voie des concordats n'est pas pour autant une voie perdue. C'est une voie qu'il faut développer et qui se développe et, plutôt que de groumer sur ce qui est mal, on peut utiliser son temps à créer quelque chose de bien ! C'est bien pour cette raison que notre groupe soutiendra ce projet et l'amendement de M. Lescaze.

Mme Nelly Guichard (PDC). Nous non plus ne sommes pas très enthousiastes devant cette obligation de participer à ce concordat, à cette sorte d'organe faîtier des universités suisses, qui nous fait craindre aussi une perte de contrôle parlementaire, une perte, pour notre université, d'autonomie cantonale par rapport aux initiatives en matière de recherche. Nous éprouvons toutes les craintes qui ont été dites dans ce parlement, mais nous savons néanmoins que l'université de Genève ne peut pas se payer le luxe du repli sur elle-même. Il en va de son avenir. Faisons donc confiance à cette structure ! Dans un premier temps, nous faisons évidemment confiance à notre conseillère d'Etat pour nous représenter auprès de la CUS et nous espérons également que les universités prendront le relais pour se faire entendre.

Nous accepterons l'amendement présenté par M. Bernard Lescaze, tout en regrettant qu'il n'ait pas pris la peine d'être présent à la séance de commission où nous avons voté... (Exclamations.) ...pour présenter son amendement à ce moment-là. Cela nous aurait certainement épargné la situation quelque peu ridicule d'avoir, ce soir, un rapport de majorité et un rapport de minorité pour tous dire la même chose, d'une même voix !

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. J'avais espéré quitter cette table sur un consensus : apparemment, nous sommes maintenant en mode majeur et j'en suis très heureuse. Nous accepterons l'amendement de M. Lescaze qui, bien qu'il ait été présenté après la fin des travaux de la commission, a un côté positif, à savoir qu'il permettra une évaluation. Je rappellerai ici à Mme la présidente que la convention doit être dénoncée trois ans avant l'échéance. L'amendement demandant que notre adhésion au concordat cesse en 2007, cela veut dire qu'il faudra y réfléchir dès 2004.

Enfin, je vais terminer sur une note positive. Le groupe libéral, M. Lombard l'a bien dit, tient à ce que l'université et les huit cantons universitaires adhèrent à un but commun ; tant pis ou tant mieux si, pour l'atteindre, une petite partie de leurs compétences doit être déléguée à un organe commun.

Mme Martine Brunschwig Graf. Je vais essayer de faire dans la brièveté et dans la synthèse, avec peut-être un trait d'humour pour commencer : je n'ai pas compris, dans l'intervention de Mme Deuber Ziegler, si la déclaration qu'elle a faite était un appel à ce que je me représente l'an prochain, pour plus de sécurité dans la base concordataire !

Cela dit, je rappellerai ici un certain nombre d'éléments qui me paraissent importants. Pendant que nous débattons dans ce parlement se discute un article constitutionnel sur l'enseignement supérieur au niveau fédéral. De même, alors que nous abordions à peine ces questions, une loi sur l'aide aux universités, comme l'ont rappelé les deux rapporteurs, était déjà votée au parlement fédéral. Cela veut dire clairement qu'aujourd'hui le débat politique est de savoir si les cantons, ensemble, sont capables de développer une politique de coordination, ou si nous pensons opportun de laisser au parlement fédéral, à la population suisse, en définitive à des organes constitutionnels fédéraux, le soin de régler les problèmes que nous ne sommes pas capables de régler ensemble. C'est en ces termes que se pose le débat politique d'aujourd'hui.

Vous pourrez discuter éternellement sur le fait de savoir si un concordat vous plaît ou non, si la forme concordataire est adéquate ou non. Pour ma part, le fait est que je passe désormais la plupart de mon temps à Berne pour savoir de quelle manière le rôle des cantons peut être préservé. Sachez, Mesdames et Messieurs les députés, que, si des deuils ne m'avaient pas retenue ici aujourd'hui, j'aurais dû être à Berne, devant une commission du Conseil national, pour défendre les intérêts cantonaux face à un autre article constitutionnel qui, lui, a trait à l'école obligatoire. C'est dire qu'il est un peu dérisoire de savoir si la forme concordataire nous intéresse ou non, à l'heure où à Berne, avec les pouvoirs qui leur sont conférés, les élus - qui sont aussi nos élus - défendent des positions qui jusqu'à présent, dans le cas de l'école obligatoire, n'ont vu l'opposition que d'un seul libéral, présent par tolérance dans la commission.

Je tiens donc à souligner que la cohérence commande de soutenir ce concordat. Est-il bon ? est-il mauvais ? Pour ceux qui sont jaloux de leurs prérogatives, il n'y a jamais de bon concordat, dès lors que l'on doit céder un peu de ses prérogatives cantonales. Il n'y a jamais de concordat parfait, mais il y a des concordats où sont négociés et préservés les intérêts majeurs de ceux qui y adhèrent. Et si nous avons obtenu, grâce au soutien d'un juriste genevois et avec l'appui de mes collègues zurichois, bâlois et bernois, des voix qualifiées pour un certain nombre de décisions, c'est bien parce que nous souhaitions préserver les intérêts des grandes universités dans les problématiques qui leur sont propres, et leur permettre de garantir l'intégralité de l'offre universitaire. Par ailleurs, contrairement à l'interprétation que vous faites, il n'y a pas de menace sur les projets de recherche, puisque ceux-ci sont traités par le Fonds national de la recherche scientifique et par le Conseil de la science et de la technologie. Le budget de l'université de Genève, pour ne parler que de celui-là, est financé pour son cinquième, c'est-à-dire 100 millions, par des fonds de cette provenance, qui ne sont en rien touchés ni concernés par le débat qui nous occupe aujourd'hui.

Il n'est pas question non plus de supprimer des facultés ou des enseignements de sciences humaines. Je dirai même que le débat sur la place universitaire suisse donne davantage d'importance, dans la durée, aux sciences humaines. Il ne s'agit donc pas de peindre le diable sur la muraille et de prétendre que tout est menacé, cela n'est pas vrai.

Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'il y a, sur le plan fédéral, des tentations de pouvoir contre lesquelles il faut savoir lutter. Pour être capable de lutter, il n'y a pas trente-six solutions. Je le répète : ou bien nous arrivons à développer un fédéralisme coopératif, ou bien nous nous soumettons aux diktats des lois fédérales. Il n'y a pas de chemin entre les deux, Mesdames et Messieurs les députés, et vous qui êtes si soucieux du pouvoir du parlement, du pouvoir cantonal, aidez-nous, je vous en prie, dans ces modestes concordats en discussion à l'heure actuelle, sur le plan de la Suisse occidentale, qui touchent six cantons et pour lesquels l'effort de coordination entre les parlements doit encore être considérablement renforcé. Et ne me demandez pas de prévoir un contrôle interparlementaire avec vingt-six cantons ! Je passe déjà les trois quarts de mon temps à mener à bien les trois projets concernant la HES-SO, la HES-santé et social et le concordat des concordats.

Vous l'avez tous dit : vous avez en ma personne une avocate qui défend les intérêts de Genève, le contrôle parlementaire et le fédéralisme coopératif. Au-delà de cela, certaines auditions devraient quand même susciter chez vous un peu d'esprit critique. Des gens se sont laissés aller à certaines considérations, alors que, contrairement à ce que vous imaginez, pour certains ils n'ont participé à rien, à aucune des discussions, ou en tout cas ne s'y sont pas suffisamment intéressés pour y apporter, au moment décisif, des éléments déterminants. Ce sont des gens qui ont laissé parler leur coeur, non par rapport au concordat, mais par rapport aux craintes que j'évoquais plus haut à propos du pouvoir fédéral. Finalement, ils ont conclu, avec sagesse, qu'il était important d'adhérer au concordat, parce qu'ils savent bien qu'au-delà des griefs qu'ils ont développés, la seule façon de pouvoir garder nos prérogatives par rapport aux diktats fédéraux, c'est la voie concordataire.

Je vous demande de voter ce projet, non pas à contrecoeur, mais avec la vigilance qui vous caractérise, dans un esprit de dialogue bien compris avec le département. Je vous ai habitués depuis quelques années à vous informer sur ces problématiques et à vous dire très clairement quels étaient les enjeux. J'ai bien l'intention de poursuivre tant que je serai à la présidence du département. Mais je tiens à vous dire ce soir que j'ai besoin de votre mandat ferme, parce que le pire serait de me retrouver dans une assemblée où j'aurais une demi-voix, ou pas de voix du tout parce que nous n'y serions pas !

La voix de Genève est entendue, elle rencontre souvent l'appui des Zurichois, des Bernois et des Bâlois, il n'y a donc pas là de combat linguistique ou régional, ce n'est pas vrai. S'agissant de nos intérêts, y compris pour le financement des universités, nous avons noué des alliances qui nous ont permis, et vous le savez, d'obtenir plusieurs millions supplémentaires. Il n'y a pas, dans ce domaine, de fossé linguistique, il y a des intérêts à défendre, qui sont parfois mouvants, mais ceux-ci sont mieux défendus dans une alliance entre les cantons que dans les décisions prises par le seul parlement fédéral.

C'est la raison pour laquelle je vous engage à suivre la rapporteur de majorité et à voter l'amendement du rapporteur de minorité. L'un et l'autre ont défendu des valeurs qui vous sont chères et qui me sont chères également, sur lesquelles vous pouvez vous réunir pour trouver une solution qui nous permette de rester vigilants. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter ce projet avec l'amendement, en ayant la conviction qu'ensemble nous pourrons progresser dans le fédéralisme coopératif.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 1

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Lescaze, visant à ajouter un alinéa 2, ainsi libellé :

«2L'adhésion est valable jusqu'au 31 décembre 2007.»

L'alinéa unique actuel devient l'aliéna 1.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8267-I)

autorisant le Conseil d'Etat à adhérer au concordat intercantonal de coordination universitaire du 9 décembre 1999

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,

décrète ce qui suit :

Art. 1 Adhésion

1 Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, au concordat intercantonal de coordination universitaire, adopté par la conférence universitaire suisse, le 9 décembre 1999, dont le texte est annexé à la présente loi.

2 L'adhésion est valable jusqu'au 31 décembre 2007.

Art. 2 Exécution et autorisation

1 Le Conseil d'Etat ainsi que le département de l'instruction publique dans l'exercice des compétences que lui confèrent les lois et règlements sur l'université sont chargés de l'exécution du concordat.

2 Le Conseil d'Etat est autorisé à signer la convention de coopération mentionnée à l'article 4, alinéa 1 du concordat et à instituer avec la Confédération l'organe indépendant d'accréditation et d'assurance de la qualité mentionné à l'article 7, alinéa 2 du concordat.

ANNEXE 1

Concordat intercantonal de coordination universitaire C 1 33

Les cantons parties au présent concordat,

vu l'article 4 de l'Accord intercantonal universitaire, du 20 février 1997, en vue de renforcer la collaboration entre eux et avec la Confédération,

arrêtent:

Art. 2  Définitions

Art. 3 Collaboration entre les hautes écoles universitaires

Chapitre 2 : Organisation

Art. 4 Conférence universitaire suisse

a) de deux représentants de la Confédération ;

b) d'un représentant de chacun des cantons parties :

c) de deux représentants des cantons non universitaires.

 

Art. 5 Attributions

Art. 6 Décisions

Art. 7 Accréditation et assurance qualité

Art. 8 Coopération avec l'organe commun des directions des hautes écoles universitaires

Art. 9 Collaboration avec les instances nationales du domaine des hautes écoles spécialisées

Art. 10 Consultation

a) les instances dirigeantes des hautes écoles universitaires;

b) le corps professoral, le corps intermédiaire et les étudiants;

c) les organisations de l'économie.

Chapitre 3 : Dispositions finales

Art. 11 Adhésion au concordat

Art. 12 Nombre minimal de cantons signataires

Art. 13 Exécution

Art. 14 Résiliation

Le président: Macheret

Le secrétaire général: Ischi

ANNEXE 2

Convention à filmer, page 21

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